Bouches-du-Rhône, Gard, Hérault 14/09/2023
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Fédération des manadiers

"Les bious risquent de disparaître !"

Les mines sont graves en ce mercredi matin de septembre à Gallician. Peut-être en référence au chat hérissant le poil face au danger, des manadiers de l'Hérault, du Gard et des Bouches-du-Rhône se retrouvaient au café 'Chez le chat', tenu par un ancien raseteur et manadier (Manade Félix), pour porter le cri d'alarme de la bouvine.

Après des années Covid compliquées, la reprise l'an dernier avait été porteuse et l'élan s'est poursuivi cette année, avec des fêtes votives nombreuses et suivies. Mais aussi plus d'incivilités et d'accidents qui mettent aujourd'hui gravement en péril la bouvine et les manadiers.

© Crédit photo : CZ

Après une saison marquée par une recrudescence des comportements non respectueux de la charte1 sur les parcours des abrivados et bandidos, et par une prolifération d'obstacles en tout genre (bâches, fumigène, carton rubalises...) - pourtant interdits par arrêté municipal et condamnables -, la Fédération des manadiers lançait, ce 6 septembre, un appel solennel aux organisateurs de fêtes votives, participants, spectateurs et autres attrapaïres, "mais aussi à l'ensemble de nos adhérents" à enfin respecter les règles de sécurité nécessaires au bon déroulement des spectacles de tradition taurine.

"N'allez pas croire que seuls les manadiers faisant des abrivados sont en danger. C'est faux ! Toutes nos traditions camarguaises sont concernées, mais aussi la Camargue - façonnée par l'homme et qui risque de partir en friches - et les bious qui risquent de disparaître", lance Frédéric Lescot, président de l'Antique confrérie des gardians et manadiers à Saint-Martin-de-Crau. Sans parler d'une économie "qui pèse entre 300 000 et 400 000 eu- ros par an sur nos départements", complète Clotilde Manaud, trésorière de la Fédération des manadiers.

Un système déjà fragilisé

Après des années Covid compliquées, la reprise l'an dernier avait été porteuse et l'élan s'est poursuivi cette année, avec des fêtes votives nombreuses et suivies, "un vrai succès des courses de nuit", note Clotilde Manaud, et des spectacles de rue qui mobilisent un nouveau public plus jeune, "alors que celui des courses camarguaises est plutôt vieillissant", souligne Frédéric Lescot. Sauf que les incivilités régulières, la non-connaissance et/ou le non-respect des règles de protection et l'augmentation de comportements délictueux viennent encore plus enfoncer un système déjà fragilisé par l'épée de Damoclès assurantielle pesant sur les manadiers. En effet, aujourd'hui, les compagnies d'assurances se désengagent les unes après les autres, refusant d'assurer les abrivados, encierros et autres spectacles taurins, au regard des coûts des sinistres (1 € collecté pour 18 € reversés en moyenne), et surtout des accidents, nombreux, dont beaucoup de corporels. Pour rappel, l'origine de la problématique assurantielle repose sur le fait que "le Code civil rend responsable les propriétaires d'animaux en cas d'accident sur le parcours", rappelle Bérenger Aubanel, vice-président de la Fédération des manadiers. "Ce n'est plus tenable, et sans assurances, plus de courses, plus de fêtes dans les rues. Déjà, nombre d'assureurs ne veulent plus de club taurin, et ceux en portefeuille sont en train d'être passés au crible", résume Raymond Gros, retraité de Swiss Life, qui invite d'ailleurs tous les manadiers à ouvrir une assurance responsabilité civile professionnelle.

"Sevrer les gens de taureaux entre novembre et mars"

Après des mois et des mois d'alerte, pour les manadiers, il ne reste plus qu'une dernière cartouche à tirer : "Nous devons avoir un arrêté préfectoral départemental qui s'applique à tous et sur lequel les associations et les maires peuvent s'appuyer", explique Frédéric Lescot, qui complète ce premier levier d'un second : il faut trancher dans le lard, et "sevrer les gens de taureaux du 11 novembre au 1er mars, faire une vraie trêve, pour que le public réclame d'aller au taureau et laisser respirer les animaux". Hochant la tête, le sénateur gardois, Laurent Burgoa, confirme qu'il va sensibiliser le nouveau préfet du Gard, Jérôme Bonet, arrivé le 21 août dernier, et propose d'organiser une rencontre avec les élus et manadiers in situ. Dans les Bouches-du-Rhône, la rencontre se faisait le même jour, dans l'après-midi, et s'est avérée plutôt constructive. "La préfecture est consciente des enjeux de la bouvine et doit organiser une réunion avec les maires, pour interdire ces comportements dangereux, à laquelle je serai conviée", souligne Frédéric Lescot.

Pour André Brundu, président de la communauté de communes Petite Camargue, il faut aller plus loin et modifier l'article du Code civil "en précisant bien que ceux qui se mettent volontairement en danger devant les taureaux - ou qui les mettent en danger par leurs actions - doivent assumer leurs risques". Mais, reconnaît-il, "notre difficulté est que nous n'arrivons pas à ce que le ministre de l'Économie soit sensibilisé à ce problème assurantiel. Il faut modifier cet article du Code civil, sans quoi les assureurs ne reviendront pas dans la danse. Et travailler ensemble sur ce point, avec tous les élus des territoires concernés. Le manadier est le premier écologiste de la Camargue, avec une race spécifique, sur un territoire que l'homme a façonné. Sans taureaux, il reprendra sa 'sauvagerie'. L'urgence, c'est de sensibiliser les préfets de nos départements à prendre cet arrêté préfectoral qui s'appliquera à tous. Sans quoi, ce sera la fin de nos traditions, de notre environnement, de notre culture et des retombées sociales et économiques générées par les plus de 1 000 jours de fête par exemple dans le Gard", résume André Brundu.

Sans oublier la pédagogie et la jeunesse

En parallèle de ces deux actions, d'autres axes doivent être menés de front, selon le sénateur gardois : la pédagogie d'abord, en "sensibilisant la jeunesse" et en "travaillant intelligemment avec les directeurs d'académie pour sensibiliser plus largement à nos traditions dans les écoles", à l'image de ce qui peut être fait avec la journée des enfants lors de la feria de Nîmes. Les courses de village sont un vrai lien social, génèrent des retombées économiques, font vivre nos associations, poursuit l'édile. "Nous voyons cette année les premières retombées de la proposition de loi de l'an passé. En sécurisant les courses, nous sécurisons les manadiers, les maires, et trouvons ainsi une solution aux problèmes d'assurance, afin que les manadiers ne soient pas responsables lorsqu'un animal s'échappe et génère des dégâts." Mieux, l'arrêté préfectoral consoliderait ainsi le cadre juridique, afin aussi que "les dossiers potentiels ne soient pas appréciés différemment selon les juges", relance un manadier. "Il faut que l'arrêté préfectoral reprenne les éléments de la charte que nous avons élaborée en collaboration avec Groupama Méditerranée. Nous avons une association des villes camarguaises. Elle doit sensibiliser les élus, que chaque conseil municipal vote cette charte, qu'à chaque fête votive, le maire édicte un arrêté. Là, ça vaut valeur juridique", renforce André Brundu.

"Sentiment d'être la dernière roue du carrosse"

Ce n'est pourtant pas faute d'avoir sensibilisé : "Les bâches, les voitures, les quads, c'est interdit !" martèle Frédéric Lescot. "On a tout fait, des courriers, des manifs, mais ça n'avance pas. Aujourd'hui, mes assureurs nous disent qu'ils vont nous lâcher. Il faut professionnaliser les courses, avoir un cadre réglementaire solide sur la bandido et faire cette coupure de novembre à mars. Plus de taureaux dans les arènes. Sans cela, on donne encore du grain à moudre à tous ces anti-tout."

Et le manadier de poursuivre sur le ménage interne à mener : "Il faut aussi commencer à faire du nettoyage chez nous. Des abrivados à quatre ou sept taureaux, oui. Mais pas à dix ! Et avec des manadiers qui savent mener leurs chevaux, et plus ceux qui ont un cheval et le sortent une ou deux fois l'an", lance-t-il, tandis que ses pairs présents à la table acquiescent. "Nous devons sensibiliser les citoyens sur le fait que lorsqu'ils mettent des obstacles sur la route, ils sont responsables de tout accident qui pourrait intervenir à la suite. Et plus globalement sur la bouvine. Certains n'en ont pas conscience. Mais les manadiers sont des gens responsables", assène Clotilde Manaud.

"Nous sommes, nous manadiers, la matière première de la Camargue. Pourtant, on a le sentiment d'être la dernière roue du carrosse. On nous sert à toutes les sauces au moment des élections, pour notre contribution à l'environnement, au bien-être animal, au lien social, à l'économie générée. Et après, plus rien. Nous demandons aux politiques de passer le cap, pour mettre en place la réglementation qui nous permet de nous assurer", conclut André Brundu. 

Céline Zambujo •

IL a dit-

Frédéric Lescot, président de l'Antique confrérie des gardians et manadier à Saint-Martin-de-Crau

© Crédit photo : CZ

"Nous devons avoir un arrêté préfectoral départemental qui s'applique à tous et sur lequel les associations et les maires peuvent s'appuyer. Et sevrer les gens de taureaux du 11 novembre au 1er mars, faire une vraie trêve, pour que le public réclame d'aller au taureau et laisser respirer les animaux."

Céline Zambujo •

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