Aude, Gard, Hérault 03/08/2021
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Agro, Paris, brebis

Formé à l'institut d'AgroParisTech, Dimitri Liorit a travaillé plus de six ans à la FNSafer avant de raccrocher les gants d'ingénieur pour revêtir le tablier d'éleveur de brebis, de poules, et de producteur de fromages à la ferme de Bagne Loup, à Brouzet-lès-Quissac. Non sans embûches, mais sans regrets.

Dimitri Liorit a travaillé plus de six ans à la FNSafer avant de raccrocher les gants d'ingénieur pour revêtir le tablier d'éleveur de brebis, de poules, et de producteur de fromages à la ferme de Bagne Loup, à Brouzet-lès-Quissac. © Ph. Douteau

En quittant son premier boulot d'ingénieur d'études à la Fédération nationale des Safer, Dimitri Liorit songeait déjà à un projet d'installation rurale, "mais c'était flou". Pour y voir plus clair, il a enfourché son vélo pour s'offrir un tour d'Amérique du Sud avec un ami, en 2016. Au retour de son périple, début 2017, un compagnon de promotion d'AgroParisTech, Vincent d'Hauteville, envisageait aussi une reprise de terres familiales du côté d'Anduze, qui n'aura pas abouti. Au bout de deux ans de recherches, de faux espoirs et de pistes abandonnées, les deux compères ont finalement trouvé leur repère, à l'abri des arbres. Installés en Gaec, les deux "ingé" ont fait le pari de l'agriculture, en donnant vie à la ferme agroforestière de Bagne Loup. 

La bergerie dans les bois 

Fort d'un cursus spécialisé dans le développement agricole, le diagnostic et la valorisation du territoire, Dimitri Liorit avait une affinité certaine avec la terre et le volet nourricier de l'activité agricole lorsqu'il travaillait encore à la FNSafer. Pour autant, sauter le pas fut une autre paire de manches. "C'est dur de s'installer", reconnaît l'éleveur. "Surtout pour un projet atypique comme le nôtre. Les maires ne comprenaient pas toujours nos besoins." Les aides à l'installation par la DJA (Dotation jeunes agriculteurs) ont été les bienvenues, mais trouver du foncier n'a pas été une mince affaire. "On avait d'abord pensé à faire des plantes aromatiques, de l'élevage de cochons en plein air, mais cela dépendait du foncier", raconte Dimitri, qui, dès le départ, misait sur les poules pondeuses et la vente d'œufs. "C'est technique, mais pas trop, et plus facile à entreprendre qu'un atelier de brebis et une fromagerie." C'est pourtant vers l'élevage d'ovins que le tandem s'est orienté, lorsque Dimitri et Vincent ont pu mettre la main sur un terrain propice en mars 2019. Alors qu'il avait effectué un stage au Pays basque durant ses études, Dimitri, amateur de fromages, a été convaincu par l'installation d'un copain éleveur de brebis dans les Deux-Sèvres, ce qui ne court pas les rues. 

Après le parcours professionnel personnalisé (PPP) de l'installation guidé par la Chambre d'agriculture, le stage '21 heures' complété par des formations techniques et en exploitations (fromagerie, poules), l'acquisition d'une ferme limitrophe entre le Gard et l'Hérault leur a donné des sueurs froides. "On a cherché dans tous les sens !" Passées quelques déconvenues, après un projet avorté du côté de Mèze, c'est sur Le Bon Coin qu'ils ont trouvé leur bout de forêt, soutenus par le maire de la commune. "Il n'y avait que la maison, le bois et un cabanon. On partait de zéro", se rappelle Dimitri. 

Éleveur en herbe 

Avec ses 3,5 hectares de terrain, la surface reste "correcte", mais insuffisante pour les 60 brebis de l'élevage. "C'est plus dur en été, même si l'on a eu de l'eau tard cette année." Alors les bêtes pâturent chez les voisins en journée, avant le retour au bercail à 19 h. Pour accueillir ce joli monde, le premier hiver fut consacré à la construction des trois bâtiments de stockage du foin, de la bergerie et de la fromagerie. Mais des galères d'approvisionnement en eau n'ont pas facilité la tâche des deux éleveurs. "Sans être raccordé à l'eau potable, c'était un pari. La démarche d'agrément du forage a été longue et incertaine, d'autant que sur un terrain comme celui-là, nous sommes plus vulnérables en cas de sécheresse." D'où l'installation d'une citerne intermédiaire pour stocker et pomper l'eau, et d'un forage pour "sécuriser l'accès" et la récupérer pour abreuver les brebis. 

Après les grands chantiers, Dimitri et son acolyte ont pris leurs marques. Entre la traite matinale, l'engraissement des agneaux mâles et de certaines femelles (entre 30 et 40 kg), le nourrissage au foin local et aux compléments bio des brebis et des trois béliers, il faut s'activer à la fromagerie au quotidien. "Ce matin, j'étais aux tommes, et cet après-midi sur les brousses." Si la transformation des fromages peut se reprendre en cas de ratage, "le plus dur reste l'élevage, notamment en raison de l'aspect sanitaire", confie Dimitri. Parasites, boiteries ou déséquilibre alimentaire, il faut être vigilant à tout instant. "Il faut avoir les bons réflexes quand une brebis ne va pas bien et procéder à des analyses rapides", explique l'éleveur. "On n'a pas l'œil du berger qui a fait ça toute sa vie." Mais ça ne saurait tarder. 

10 kg de fromages par jour

À la fromagerie, Dimitri prépare les pérails, les crottins lactiques, les tommes, les brousses, à base du petit lait des tommes, et les yaourts, ainsi que des faisselles et des caillés, "en plus petite quantité". Après avoir produit près de 7 000 litres de lait l'an dernier, la ferme tourne au rythme de 50 l par jour, soit 10 kg de fromages en moyenne. Écoulé dans le tank de stockage, le précieux lait part ensuite au soutirage ou en cuve, selon sa destination. Les tommes du matin sont alors retournées trois fois, "pour un pressage homogène et que le petit lait s'égoutte". Après une journée en moule, elles seront démoulées le lendemain, puis salées. Valorisé pour la brousse, le petit lait est porté jusqu'à 90 °C. 

Une fois terminés, les fromages partent au hâloir, en chambre d'affinage, conservés à 13 °C, puis retournés et frottés deux fois par semaine. Dans la chambre froide, les yaourts reposent et le petit lait est gardé pour nourrir les poules dans l'après-midi. Un menu dont les rousses raffolent, mélangé à du son. 

Quand la fabrication s'achève, il faut nourrir les béliers (deux lacaune et un suffolk), ramener les brebis à la maison, et préparer ces messieurs dames à la reproduction, dans moins d'un mois. Après un lancement des ventes en plein premier confinement, Dimitri et Vincent entrevoient l'avenir plus sereinement, entre les marchés et la commercialisation sur place et en boutiques. Quoi qu'il en soit, le répit n'existe pas. "En cas de creux, je prends le temps de gérer l'administratif, de poser des clôtures dans les bois, de soigner les bêtes, ramasser les œufs, empaqueter, s'attaquer aux chantiers à plusieurs... Il y a toujours à faire."

Philippe Douteau 

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