Après cent ans d’existence, la cave de la SCV Castelamaure reste la colonne vertébrale du village. Les festivités la mettront à l’honneur. (© SCV Castelmaure)
Son fronton l’indique fièrement : cela fait cent ans que le bâtiment de la cave coopérative des Vignerons de Castelmaure trône au centre du village d’Embres et Castelmaure, au cœur des Corbières. “Nous nous sommes rendus compte que la construction a démarré vers 1918, mais elle a bien été achevée et mise en service en 1921“, invite d’emblée Patrick de Marien, le président de la cave depuis 1985. Avec ses 35 ans aux manettes, il représente une part majeure de l’histoire de la cave, “et vu que mon prédécesseur, Adrien Peyre, était déjà resté en place pendant 29 ans, nous cumulons à nous deux presque deux tiers de ces cent ans d’existence“, sourit-il encore.
Comme la plupart des caves coopératives viticoles de la région, celle qui trône au centre du village d’Embres et Castelmaure a été construite pour répondre aux crises successives rencontrées par la population rurale vigneronne. “Les caves coopératives sont les filles de la misère, scandaient les viticulteurs de l’époque. Ces caves sont donc le fruit du regroupement de tous ces individus, paysans, mais aussi bourgeois ou ouvriers qui avaient des vignes, qui ont décidé de s’associer pour s’émanciper de l’aristocratie qui avait la mainmise jusque-là. Le phylloxera, les méventes et autres crises viticoles ont abouti à toutes ces caves dans presque chaque village“, poursuit le président, qui en connaît plus d’un rayon sur l’histoire de sa cave.
Il place d’ailleurs assez rapidement que ce type d’emplacement pour une cave coopérative, au centre du village, est suffisamment inhabituel pour être souligné. “C’est devenu la place principale du village, le lieu de vie où les gens se retrouvent et les enfants viennent jouer“, rappelle-t-il.
Le tournant des années 70-80
Les crises continueront pourtant de rythmer la vie de ces caves, et lors de la 2e guerre mondiale, ce sont les femmes d’Embres et Castelmaure qui vont prendre le relais des hommes partis défendre la France sur le front. “Elles ont pris en main et assumé la taille, les vendanges et tous les travaux relatifs à la vigne, en plus de leurs charges habituelles. Il n’y a eu aucune coupure de la production, ni fermeture de la cave pendant cette période“, ajoute Patrick de Marien.
Productrice de Corbières depuis la naissance du VDQS en 1951, la SCV Castelmaure a très tôt pris le parti de la production en bouteilles, avec une première mise en 1967, suite à la première grande vague d’investissement depuis la construction de la cave. Pressoir, cuverie béton et système de transport des marcs ont ainsi été renouvelés en 1966.
Les années 70 et 80 verront ensuite se succéder les autres éléments fondateurs de ce qui constitue l’identité de la cave aujourd’hui. La cave se dote d’un système de réfrigération en 1973 et entame sa collaboration avec Marc Dubernet l’année suivante. Celui qui opère encore aujourd’hui comme consultant pour la cave encourage la volonté de la cave d’investir dans l’installation d’une chaîne d’approvisionnement spécifique pour la vinification en macération carbonique des carignans. “Les années 70 ont été une période charnière pour la cave, et pour le secteur viticole en général. Il y a eu les évènements de Montredon et une grande mutation du monde vigneron, avec l’arrêt des importations des vins d’Afrique du nord. Grâce à la macération carbonique, la cave a pris ce tournant qualitatif qui lui a permis de conserver tous ces vieux carignans, aujourd’hui centenaires, qui font la marque de fabrique de ses vins, qui expriment le fruit, la rondeur et la souplesse. Cette méthode est restée la même jusqu’à aujourd’hui avec 100 % du vignoble qui reste vendangé à la main“, poursuit le président, installé dans la commune depuis 1979. Originaire du Lauragais, où l’exploitation familiale était axée sur l’élevage et les céréales, Patrick de Marien se qualifie lui-même de “pièce rapportée“, arrivé à Embres et Castelmaure pour y rejoindre son épouse.
Nouveaux challenges
Il travaille les vignes de sa belle-famille en se formant sur le tas, avant de devenir président de la société coopérative en 1985.
Entre temps, la fameuse cuvée La Pompadour est née en 1978 avec une généralisation de la pratique de la macération carbonique dans la cave, avec l’idée de faire encore sortir du lot les vins produits. “Grâce à ces choix, nous avons pu conserver cette identité si particulière avec la moitié de notre vignoble constitué de carignans. Sans être adhérents, nous collaborions avec le Val d’Orbieu en leur fournissant des types de vins qu’ils n’avaient pas ailleurs. Ce soutien d’Yves Barsalou nous a permis de maintenir cette identité“, valide encore Patrick de Marien.
Lorsqu’il prend la présidence, la rencontre avec la famille Jeanjean va définitivement enraciner la cave dans sa vocation à produire des bouteilles qualitatives. “Ça a été déterminant. Nous avons entamé une collaboration qui ne s’est pas démentie en 35 ans, en élaborant ensemble ces cuvées spécifiques que l’on retrouve en grande distribution française et dans le monde entier“, situe le président.
Alors que cette collaboration a permis à ses débuts de mettre en marché 80 % des bouteilles produites, la tendance s’est largement inversée aujourd’hui avec le développement de la vente directe, du CHR et de l’export, “si bien que ce sont moins de 40 % des bouteilles que nous produisons qui sont à présent commercialisées par le biais de ce partenariat“, situe Patrick de Marien.
S’il estime avoir eu le nez creux en installant cette collaboration, le président, qui passera la main après les vendanges, s’enthousiasme encore plus quant au choix des architectes sélectionnés pour construire en 2007 le nouveau bâtiment attenant à la cave historique. “Lacaton et Vassal viennent d’obtenir cette année le prix Pritzker, l’équivalent du Nobel pour l’architecture, ce qui fait de notre cave une référence et un point d’intérêt incontournable de ce secteur“, se félicite-t-il alors que ce choix avait été controversé à l’époque.
En se préparant à une nouvelle présidence, la SCV Castelmaure entame également une transition vers le bio avec 25 % de sa production qui seront certifiés en 2023. L’investissement dans une nouvelle extension de stockage permettra de poursuivre le cheminement vers la montée en gamme. Charge au directeur Antoine Robert, qui a succédé en 2018 à l’historique Bernard Pueyo et ses 35 ans de direction de la cave, de mener à bien ces nouveaux challenges.
Olivier Bazalge
Un conservatoire de variétés exceptionnel
De 2011 à 2018, sept étés ont été nécessaires à Didier Viguier et Jean-Michel Boursiquot pour arpenter l’ensemble des vieilles vignes de l’aire de la SCV Castelmaure et mettre au jour l’ensemble des variétés anciennes qui s’y rencontrent. 300 000 souches ont été inspectées pour isoler 53 variétés remarquables.
La SCV Castelmaure a sélectionné un lieu de plantation vierge de culture de vigne dans son historique, divisé en deux parties de 50 ares. Sur l’une d’elles ont été plantés 79 cépages : les 53 de Castelmaure et 26 issus du Minervois. “Ont été plantés deux cépages noirs inconnus, des cépages français, algériens, marocains, espagnols et des porte-greffes très rares, et même des curiosités comme le nehelescol, raisin de la Bible ou le rivairenc bicolore gris et blanc“, détaille Didier Viguier. Sur l’autre partie de la parcelle, ce sont 29 formes différentes de Carignan qui ont pu être sauvegardées.
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