Du 28 au 30 novembre, Montpellier accueillera le salon biennal des filières de la vigne, du vin, de l'oléiculture et des fruits et légumes. S'il affiche complet côté exposants, comme toujours l'incertitude concerne le visitorat, que tous espèrent nombreux.
De l'attentisme et de l'espoir. Dans quelques jours, le monde des cultures spécialisées régional, national et international, est attendu au parc des expositions de Montpellier, du 28 au 30 novembre. Dans un con-texte économique difficile pour les viticulteurs de la région, et alors que les commandes de matériel ne sont pas au beau fixe, les exposants ont tout de même largement répondu présent et peaufinent les derniers réglages de leur présence au Sitevi. Avec 1 000 exposants, dont 240 nouveaux, il y aura de quoi voir et découvrir dans la dizaine de halls aménagés, avec une surface d'exposition similaire aux précédentes éditions.
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Spécial Sitevi PAYSAN DU MIDIAGROÉQUIPEMENT
Les années d'euphorie sont-elles définitivement passées ? La réponse reste en suspens bien évidemment, mais le moins que l'on puisse dire, c'est que l'année 2022 aura encore été atypique pour les professionnels de la filière des agroéquipements et de l'agroenvironnement.
En 2022, il s'est vendu 25 000 unités de tracteur standard en France, d'après Axema.
© Crédit photo : F. Pabst
L'année 2022 aura encore été des plus atypiques. La faute à l'inflation et au net renchérissement du coût des matières premières et des composants, essentiels à la fabrication des matériels. Mais aussi à la forte augmentation des coûts de production et des prix de vente, soulignait le Syndicat français des acteurs industriels de la filière des agroéquipements et de l'agroenvironnement, Axema, dans son rapport économique diffusé en mai dernier.
Le renchérissement et la pénurie de matières premières et de composants essentiels de production sont bien évidemment liés à la reprise économique post-Covid, et aux bouleversements géopolitiques mondiaux qui ont suivi, à commencer par la guerre en Ukraine et de la politique zéro Covid menée en Chine. "Alors que la demande est restée soutenue, les difficultés d'approvisionnement et de production se sont traduites par un allongement des délais de livraison, de 12 semaines en moyenne au plus fort de la crise. Aujourd'hui encore, ces difficultés n'ont pas été résorbées. Les délais de livraison dans le secteur sont le double de ceux qu'ils sont habituellement. Le retour à la normale se fait très progressivement", pointe Axema.
À cela s'ajoute l'augmentation des coûts de production et des prix de vente, qui semble ne pas vouloir s'arrêter malgré quelques paliers. Et la décision des membres du cartel Opep+ - dont font partie la Russie et l'Arabie Saoudite - de nouvelles réductions de production, confirmées début octobre jusqu'à la fin de l'année, pour soutenir les cours du brut. Sur un marché de l'énergie déjà bien fébrile, la situation au Moyen-Orient a encore jeté de l'huile sur le feu en octobre et ne laisse guère espérer de retour à une situation moins tendue.
Résultat, en 2022, en moyenne, les prix des agroéquipements neufs ont ainsi augmenté de + 12 %, et de + 17 % depuis le début de 2021. Les hausses de prix décidées en cours d'année 2022 continueront de s'exprimer, en année pleine, en 2023. À la fin février, l'acquis de croissance - c'est-à-dire la croissance des prix des matériels qui résulterait d'un statu quo jusqu'à la fin de l'année - était de 7 %. "Au total, nous estimons que les prix auront augmenté de 30 % sur trois ans. Un tel niveau d'inflation est inédit depuis les années 80. Les industriels s'interrogent sur l'acceptabilité de tels niveaux de prix. Et ils redoutent plus que jamais un retournement du marché", pointe Axema.
Dans le même temps, les ventes de matériel neuf ont atteint un nouveau niveau record à 8,3 milliards d'euros (+ 15 % par rapport à 2021), malgré les difficultés de production et le report de certaines d'entre elles sur 2023. Cette progression à deux chiffres a été portée davantage par les prix (+ 12 %) que par les volumes (+ 2,5 % seulement). Par ailleurs, la situation a été nettement meilleure dans le secteur agricole (+ 16,5 %) que dans celui des espaces verts (+ 3,5 %).
Sur le premier trimestre 2023, les tendances sont plus difficiles à établir, du fait "d'une profonde divergence entre, d'un côté, les niveaux de facturations, toujours en très forte augmentation ; et, de l'autre, les prises de commandes en chute libre par rapport à l'année précédente". Dans le détail, les prises de commandes affichent ainsi des baisses qui s'échelonnent de - 15 % à - 50 % selon les familles de produits. Simple trou d'air ou prémisses d'un retournement du marché ? Il est encore trop tôt pour le dire. Les industriels des agroéquipements constatent un certain attentisme du côté des acheteurs - distributeurs et agriculteurs notamment.
Même si les prises de commandes se raréfient en ce début d'année, il est presque acquis que le marché des agroéquipements sera en croissance en 2023, de l'ordre de + 5 % à 10 %. En effet, les carnets de commandes sont encore bien garnis - 5,5 mois de production en moyenne à la mi-mars - et couvrent quasiment l'année civile. "De plus, comme nous l'avons vu précédemment, l'effet-prix restera positif, apportant 7 à 10 points de croissance. Dans de telles conditions, le secteur s'oriente vers une nouvelle année record, mais nuancée sur le fond", conclut Axema.
Il est donc fort probable que 2023 marque la fin d'un cycle et le début du retournement du marché. En effet, comme le reconnaît Jean-Christophe Régnier, président de la commission économique d'Axema et directeur général de Lemken France, "les signaux passent progressivement à l'orange : les prises de commandes sont faibles en ce début d'année 2023 ; la probabilité d'un retournement de cycle, après cinq années de croissance, prend de l'épaisseur".
Machinisme
Outre les médaillés du Sitevi, plusieurs entreprises dévoileront, fin novembre, des nouveautés repérées pour vous. Détails.
Du 28 au 30 novembre prochains à Montpellier, de nombreuses innovations seront présentées.
© Crédit photo : FG
En deux ans, le contexte de la filière vitivinicole, des fruits et légumes, et globalement de l'agriculture, a été bien malmené. À ce titre, prendre de la hauteur et mettre le doigt sur des signaux faibles, ou au contraire valider des tendances qui transforment l'essai entre deux Sitevi permet, de tracer une voie dans une ambiance de marché qui se tend. Et à ce petit jeu-là, on peut tirer quatre enseignements : la robotique fait son nid en arboriculture ; le tracteur électrique se démocratise ; le smartphone ou la tablette sont aujourd'hui définitivement la boîte à outils de l'agriculteur ; et certaines entreprises développent des outils et machines low cost, en réponse à la crise économique actuelle.
“La robotique, on en parle beaucoup en maraîchage et en viticulture, moins en arbo. Mais c'est en train de changer“, s'enthousiasme Renaud Cavalier, chef de service agroéquipement à la Chambre d'agriculture du Gard. Pour preuve ? Les robots AG Xeed, disponibles en deux versions, pour l'arboriculture et la viticulture : ce robot autonome – doté de 3 roues – dispose d'une cuve de 2 000 litres et d'un relevage 3 points. Un moteur thermique entraîne le moteur électrique. “En clair, l'autonomie n'est plus un problème“, relève Pierre-Denis Cault, conseiller machinisme à la CA 30. “Il offre une puissance de moteur diesel avec 75 chevaux (ch) à la prise de force.“
Mieux, ces robots sont équipés d'un pulvérisateur PWH nouvelle génération verger fruits à pépins, doté d'un jet fréquencé : cela permet de changer le volume hectare, sans changer la taille de la goutte. Et cela permet surtout de s'adapter à n'importe quel verger, qu'importe le volume de végétation des arbres. “L'intérêt de ce système de jet fréquencé est de pouvoir traiter le bord des parcelles proches du voisinage avec des grosses gouttes, et de maintenir des gouttelettes fines à l'intérieur du verger, ce qui limite la dérive. Là, cela se fait automatiquement“, explique Renaud Cavalier. Ce type de jet fréquencé est développé en grandes cultures, qui ont en général un pas d'avance sur les cultures spécialisées. “Là, c'est déjà en arboriculture !“, relance Renaud Cavalier. Comptez 230 000 € pour le modèle tracteur + pulvérisateur tout équipé, commercialisé par Claas (hall B2 stand B 073).
Jusqu'à présent, quelques constructeurs proposaient un modèle de tracteur électrique. Désormais, tous sont engagés dans une course contre la montre pour développer un ou plusieurs modèles dans leur gamme, à l'image de Fendt (hall B3 stand A044) qui sortira au 2e semestre 2024, son tracteur électrique proposant une puissance de 68 ch en mode éco, 75 ch en mode classique et 90 ch en mode ‘full electric', proposant une autonomie comprise entre 4 et 7 heures selon le mode. “Il offre trois avantages : la réduction du bruit, l'argument énergie fossile et une maintenance simplifiée“, reprend Renaud Cavalier. “Le tracteur peut aussi travailler en milieu clos, comme une serre ou un abri un peu fermé. Pour les équipes, c'est plus confortable de travailler dans un tel environnement, sans gaz“, complète Pierre-Denis Cault. Associé à une toiture photovoltaïque pour la recharge, le tracteur électrique est ainsi une réponse à l'autonomie de l'exploitation. “La tendance est là, chacun propose sa nouveauté de tracteur électrique, comme on a pu le voir à Tech&Bio en septembre dernier, avec le tracteur Keestrack de l'italien Goldoni“, pointe Renaud Cavalier. Ce tracteur peut délivrer une puissance de 80 kW, dont 35 à 50 kW pour la traction, le reste étant dédié aux prises de force avant et arrière, à l'animation des outils et au relevage, d'une capacité de 1 500 kg, avec un PTAC de 2,3 tonnes qui avoisine les 4 300 kg. Les batteries de dernière génération sont réparties à l'avant et sur les côtés. Le constructeur annonce une autonomie de 4 à 6 h et une recharge rapide à 80 % en 2 h.
Du côté des nouveautés tracteurs classiques, on peut aussi pointer le nouveau Viroc, dédié aux pentes abruptes et en dévers. Le groupe JPB est importateur en France et il sera visible au Sitevi sur le stand de Chabas (hall B1 stand B037). Ce tracteur dispose d'une cabine pivotante avec poste réversible idéal pour les vignes étroites en forte pente. “Son centre de gravité est très bas, ce qui évite les renversements dans ces vignes très pentues. On peut passer dans des vignes comprises entre 1 et 2 mètres, et il a un rayon de braquage inférieur à 3 m²“, détaille Pierre-Denis Cault. Surtout, il est équipé d'un pivot qui permet d'absorber les mouvements liés aux cailloux, avec un poids de base de seulement 1 270 kg et une puissance maximale de 75 ch.
Enfin, pour être complet sur les tracteurs, il faut également noter la tendance à vouloir proposer des outils compétitifs au niveau prix, à l'image du Groupe Kubota, qui propose le tracteur low cost Farmtrac, visible sur le stand de Cellier Boisset (hall A4 stand A058) : ce 75 cv en 4 roues motrices, fabriqué en Inde, voit son prix avoisiner les 36 000 €, avec un équipement très correct.
Autre tendance remarquée ces derniers mois : la multiplication des applications “qui vont gérer directement les commandes d'outils agricoles“. L'intérêt ? “On n'aura plus de câbles ou de connexions physiques entre l'outil et le tracteur. Cela permet donc d'avoir des cabines plus étanches et surtout, de ne plus avoir à s'arrêter pour régler les outils, puis descendre du tracteur pour vérifier que les réglages sont bons, etc.“, apprécie Renaud Cavalier.
Impossible de lister toutes ces applications, mais on peut citer celle développée par Cellier Boisset avec son partenaire Fluitronic autour du concept de suivi de cordon sur sa machine de taille rase : à distance, cette application gratuite permet, via Bluetooth et une interface de connexion, de rentrer dans les paramètres de suivi de cordon, “afin de modifier le programme ou contrôler les éventuels problèmes. Il est également possible d'intervenir sur la machine Cellier Boisset, afin de modifier certains paramètres (hauteur de coupe, avancement de machine, détection plus rapide des piquets...) pour optimiser le travail“, détaille Audrey Luiselli, de la société.
Toujours sur les applications, à noter celle développée par le service ‘Agroéquipement' de la CA 30 pour le compte de Braun (hall A4 stand A054) pour ses outils interceps. “Le travail du sol se joue souvent à quelques centimètres près et un mauvais réglage se traduit par des ceps blessés, qu'il faut changer tous les ans. Sur la durée, cela peut vite faire des hectares. Interrogé par des vignerons, nous avons vite vu qu'on manquait d'application pour régler les interceps en vigne, que ce soit les palpeurs, la distance de sécurité, la profondeur de travail selon le type de sol...“, constate Renaud Cavalier qui, avec Pierre-Denis Cault, a fait le tour des constructeurs. La société Braun s'est montrée intéressée pour développer une application pour ses outils, pour tous types de vignes, étroites ou non. En partenariat avec Loïc Pasdois, (LP Conseils), les deux conseillers gardois ont donc mis au point une application très pratico-pratique, utilisable sur les chantiers, qui sera disponible en février 2024. “L'idée était d'être pragmatique et d'associer agronomie et réglage“, explique Pierre-Denis Cault. Pour aiguiller le vigneron dans ses réglages, plusieurs onglets accompagnés de vidéos sont proposés. Au préalable, le vigneron doit remplir quelques réponses concernant le sol, l'état de sa parcelle... “L'idée est d'amener les caractéristiques de la vigne, la nature du sol, l'humidité, le salissement, la présence ou non de cailloux... qui permet ensuite d'orienter vers le type de machine à utiliser, le type de réglage à faire sur les palpeurs ou les disques, le réglage aussi du débit hydraulique, et le travail du sol conseillé.“ Puis, le vigneron accède à un petit film de réglages “où l'on présente également les résultats attendus selon que l'on utilise un intercep, un disque crénelé ou un disque émotteurs“. Cette application est à découvrir sur le stand de Braun et de la Chambre d'agriculture du Gard (hall B1 stand D026).
Au-delà des constructeurs médaillés par le Sitevi, d'autres méritent également une petite visite lors du salon, à l'image de Dagnaud (hall B1 stand A006) et de son nouveau porte-outils multifonction (tarière, pince arrache pieux ou vigne, enfonce pieu) qui permet un attelage rapide automatique pour chacun des outils, plus de sécurité et d'autonomie – une seule personne pour l'attelage ou le dételage –, et plus de confort avec un ensemble commandé depuis la cabine et une rotation droite-gauche de l'ensemble pour faire deux rangs simultanément.
À voir également, Roll'N'Sem et sa nouvelle gamme de rouleaux hacheurs pour l'arboriculture, disponible pour la saison 2024, avec des roues indépendantes et une vitesse de travail élevée (extérieur B3 stand 007).
Chez Kuhn (hall B3 stand B071) la gamme de distributeurs d'engrais centrifuges MDS.2 s'élargit et intègre désormais les MDS W équipés de la pesée intégrée. Fini donc le test de débit avant de démarrer le chantier grâce au cadre peseur qui permet de réguler la dose automatiquement, avec un ajustement toutes les deux secondes. Les deux pesons mesurent la quantité restante en trémie à une fréquence de 100 Hz et affichent l'information sur le Quantron A. Le facteur d'écoulement est alors réajusté automatiquement en cas de déviation. Grâce aux réglages rapides, il suffit de charger la trémie, de programmer la dose souhaitée et de démarrer. Associée à un terminal GPS externe, la gestion de la largeur de travail et de la modalité de dose se font alors automatiquement.
Chez Calvet (hall B1 stand B020) place à une nouvelle gamme d'aéroconvecteurs vigne et arbo revisités de divers équipements : ajout de déflecteurs (supérieurs, internes et inférieurs) sur le modèle TAIS pour une meilleure répartition de l'air entre les zones haut-bas ; amélioration du flux d'air sur la turbine linéaire de l'aéroconvecteur porté ; pompe à haute pression sur le modèle TAIS ; et modification du modèle TDTS pour le rendre plus compact et limiter le porte-à-faux à l'arrière. À noter également les nouvelles descentes de la rampe Bliss adaptées pour les outils Calvet qui améliorent nettement la qualité de la pulvérisation et limite la dérive.
Côté pulvérisation toujours, à noter l'arrivée de deux nouveaux pulvérisateurs tangentiels chez Chabas et Carraro Spray.
Enfin, passez faire un tour sur le stand de Braun pour découvrir le nouveau châssis intercep arbo conçu par GBI (Saint-Rémy-de-Provence), avec un châssis sur mesure pour les vergers arboricoles pour des largeurs d'intervention comprises entre 4,50 et 6 m.
Pépinière viticole
La pépinière viticole française a un bel avenir. Mais pour s'adapter au changement climatique et faire face aux perturbations de marchés, la filière plaide pour un partenariat renforcé avec la viticulture.
2024 devrait être l'année d'une demande de cépages blancs très forte.
© Crédit photo : GE
L'année 2023 s'est correctement déroulée pour les producteurs de plants viticoles, premier maillon de la filière. Le secteur rentre maintenant dans une incertitude de marchés, puisque la crise que traversent certains vignobles est de nature à engendrer des turbulences chez les pépiniéristes. Dans les secteurs en difficultés économiques, la demande en plants sera en baisse.
"Quand la viticulture est enrhumée, la pépinière à la grippe. Mais il y a aura toujours besoin de plants de vignes, quelles que soient les superficies. Et aujourd'hui, la pépinière - qui produit le matériel végétal - se trouve au carrefour des défis viticoles" estime David Amblevert président de la Fédération française de la pépinière viticole (FFPV). Le défi climatique, le défi phytosanitaire, celui de l'eau... c'est à l'amont en effet de "produire des porte-greffes plus vigoureux, du matériel aux racines plus plongeantes, des variétés résistantes aussi". Bon nombre de solutions passent par le matériel végétal. Heureusement, le secteur qui travaille avec les sélectionneurs est prêt à relever tous ces défis.
Dans les travaux qu'elle mène, elle doit maintenir et accentuer la traçabilité notamment. "C'est l'élément phare de notre implication professionnelle. La qualité sanitaire également, nous n'avons pas le droit de reculer sur ces fondamentaux", insiste le président de la FFPV.
D'ailleurs, la fédération française de la pépinière viticole - qui a tenu son congrès annuel du 17 au 19 octobre à Reims - a eu l'occasion de le réaffirmer sa volonté de "valoriser la production française". Au travers de la marque Vitipep's - qui prouve toutes les démarches de professionnalisation entreprises sur la traçabilité renforcée, la qualité sanitaire des bois et plants et le service apporté à la viticulture -, les pépiniéristes sont plus que jamais engagés. Mais face à la crise actuelle et pour répondre à la demande viticole, il leur sera aussi indispensable de s'adapter.
Dans ce sens, "le partenariat avec la filière viticole (les principaux responsables viticoles étaient présents lors du rendez-vous professionnel des pépiniéristes à Reims, ndlr) doit s'intensifier pour nous permettre de relever les challenges qui nous attendent", complète David Amblevert. Répondre à la demande de ses clients est la priorité pour la pépinière viticole, mais cela passe par ce renforcement du dialogue avec la viticulture. Au niveau national ces derniers mois, les pépiniéristes constatent une réorientation sur la demande de certains cépages, avec une tendance à la plantation de cépages blancs. "On peut affirmer que 2024 sera l'année d'une demande de cépages blancs très forte. Il faut un an et demi pour produire un plan. Les pépiniéristes pourront répondre à cette demande, mais comme nous l'avons réaffirmé aux représentants viticoles cette année durant le congrès, il faut que la viticulture anticipe plus que jamais ses besoins. Si chacun tient son tableau de bord, nous pourrons travailler plus sereinement, sans fragiliser nos structures." Comme le rappelle le président de la FFPV, la plupart des greffages sont réalisés à l'heure, sans prise de commande préalable. Un point à améliorer. C'est pourquoi le secteur travaille sur une estimation de la demande, en fonction des cépages et assemblage.
Cette année, les reprises en pépinières ont été moyennes. "Nous ne sommes pas sur un taux de reprise optimal, mais nous avons une bonne production de vignes mères, avec beaucoup moins d'accidents climatiques que l'année dernière, excepté en Savoie avec des professionnels assurés fort heureusement", complète David Amblevert. Concernant les aléas climatiques justement, le président de la filière des pépiniéristes salue l'avancée majeure actée en en 2023, avec l'aboutissement d'un contrat multirisque climatique. "Pour cette première année nous avons un taux de couverture de 17 %. Nous travaillons pour poursuivre les améliorations nécessaires, afin de transformer l'essai dès 2024. Et comme le dénonce aussi la viticulture, la moyenne olympique n'est pas du tout appropriée à la pépinière viticole", argumente le président.
Les 20 ans de la FFPV, l'âge de la force collective et des projets, étaient l'autre temps fort du congrès. Une trentaine de jeunes - qui veulent rester pépiniéristes et qui s'impliquaient depuis plusieurs mois sur différents dossiers au sein de leur fédération - vont s'atteler avec leurs projets au sein d'une nouvelle 'Commission jeunes'. Une bonne nouvelle car le secteur constate une érosion du nombre de professionnels, et cette commission, totalement autonome, redonne beaucoup d'espoir au métier. "Elle pourra partager, communiquer, échanger avec le conseil d'administration. Pour la fédération, ces jeunes avec leurs idées représentent la FFPV de demain", assure son président.
La pépinière viticole française a bel et bien de l'avenir. Son savoir-faire est reconnu mondialement, mais il est encore possible de progresser, d'aller vers une pépinière toujours plus performante et durable. Le congrès a d'ailleurs souligné la nécessité de l'évolution de la marque Entav-Inrae, portée par Inrae et l'Institut français de la vigne et du vin. "Une dimension nouvelle doit être apportée à cette marque, née en 1995. Le moment est venu de la rajeunir, tout en réaffirmant ses valeurs. Sa notoriété à l'international est évidente, mais c'est beaucoup plus nuancé sur le territoire national." 2024 verra donc s'ouvrir un nouveau chapitre et une nouvelle phase pour la marque, et la pépinière doit y apporter toute sa contribution. "La France détient une richesse unique avec 180 conservatoires et plus de 20 000 souches sur différents cépages. Il faut que l'on y puise toutes les ressources pour multiplier la diversité au vignoble. C'est ce que souhaite la viticulture", insiste le président de la FFPV.
Sécateurs
Toujours plus légers, plus fiables et plus rapides, les nouveaux sécateurs sont aussi de plus en plus connectés.
Mage-Application développe ce premier sécateur avec bracelet de sécurité.
© Crédit photo : Mage
Diminuer le poids, augmenter la vitesse, la puissance et l'ergonomie, tout en renforçant la sécurité et l'autonomie... Les nouveaux sécateurs électriques jouent dans la même cour, avec toujours cet objectif commun : faciliter le travail de la taille pour le viticulteur, lui éviter des troubles musculo-squelettiques liés à cet exercice répétitif, et le protéger des mutilations pouvant être occasionnées. Sur ce dernier point Mage-Application - un petit nouveau dans le secteur historiquement occupé par Infaco, Pellenc ou Felco - est en train de finaliser la mise au point d'un nouveau système de sécurité : sans gant, ni courant électrique.
Historiquement positionné sur la fourniture de matériel électroportatif à destination des professionnels travaillant sur les lignes des réseaux électriques, Mage-Application - une entreprise basée en Isère - commence à investir le secteur agricole. En concurrence avec Pellenc depuis dix ans avec l'attacheur LEA30S, l'entreprise va bientôt mettre sur le marché un sécateur doté d'un nouveau système de protection contre les coupures.
"C'est à l'occasion d'une visite à la MSA de Saintes que ce gros problème des risques de mutilation persistants dans les opérations de taille a été à nouveau évoqué", explique Marcel Lorini, gérant de la société Mage-Application. La MSA constate en effet que les accidents de mutilation persistent, malgré les systèmes de protection en place, que ce soient les gants métalliques ou les circuits de courants conducteurs. Afin de répondre à cette problématique, Mage-Application a investi du temps de recherche et développement pour réfléchir à une nouvelle solution de protection. D'abord en étudiant de près l'existant : "Concernant l'utilisation de la conduction, un courant électrique de faible intensité va transiter par le corps de l'ouvrier, et permettre d'arrêter l'outil lorsque la main opposée touche la lame. Mais ce système s'avère peu fiable, car il varie en fonction de la taille ou du poids de la personne et au cours de la journée, s'il fait plus chaud à certains moments. Du côté des gants de sécurité, ils sont parfois faits de tubes en métal qui s'écrasent et broient les doigts. Ou bien, même si les gants sont efficaces, ils s'usent et doivent être changés toutes les trois à six semaines, ce qui a un coût !"
Après plusieurs mois d'étude, le prototype créé par Mage-Applications, en phase de design final, a été nominé au Sitevi Innovation Awards. Leur système de sécurité est basé sur un bracelet communicant que le tailleur va positionner sur le poignet gauche. La distance entre le bracelet et l'outil est calculée en permanence. Et l'outil va s'arrêter en fonction de la vitesse de déplacement de la main. En laboratoire, la distance de sécurité a été réglée à 25 cm, mais elle peut être modifiée en direct grâce à une application sur smartphone. "Évidemment, en cas de réglage de distance trop courte, le travailleur engage sa responsabilité." Ce bracelet, d'une autonomie de 36 heures, est couplé à un sécateur électrique qui communique par bluetooth avec le smartphone, pour enregistrer en direct tous les paramètres de la coupe, l'usure de la lame, etc. Avec un feedback en continu vers le service après-vente de Mage-Application pour engranger des données collectives, nécessaires aux améliorations incrémentales du produit.
Habitués aux gros outils de coupes de câbles EDF avec des poussées pouvant aller jusque 200 tonnes, la société Mage-Application s'est basée sur les recommandations de la MSA, avec un objectif de conception d'un sécateur portatif de 700 g au plus en main. "Nous devons encore réaliser l'étude de design, pour avoir les bonnes formes ergonomiques et un touché soft de la prise en main du sécateur. L'industrialisation se fera dans la foulée, pour une mise sur le marché en mai-juin 2024", explique Marcel Lorini.
L'autre champ d'innovation, et non des moindres, est de rendre les sécateurs de plus en plus connectés. Sur cette dimension s'ouvre toute une palette de possibles : entre le simple positionnement GPS, pour déterminer le degré d'avancement dans le rang ou dans la parcelle, jusqu'à l'enregistrement de données capables de décrire l'état de santé d'un pied en vigne, en fonction du nombre, du diamètre et de la résistance des bois coupés. Nouveau cette année chez Infaco, une application sur mobile pour traiter analytiquement les données de l'activité de taille. Un calcul qui permettra au viticulteur d'obtenir son prix de revient à la parcelle. À cela s'ajoute un boîtier connecté à trois boutons, qui permet de signaler, au moment de la taille, un pied cassé, de la flavescence, ou une souche morte. Plus besoin d'installer un drapeau en bout de rang pour signaler un incident. Quelques boutons de commandes sur un boîtier connecté permettent au tailleur de s'économiser des kilomètres de marche, en pointant les coordonnées GPS du pied concerné. Sans vouloir en dire davantage, Infaco annonce avoir finalisé et breveté quelques innovations inédites sur le marché de la taille, qu'elle présentera au Sitevi. Il sera notamment possible de tester leur dernier sécateur connecté assorti d'un accessoire pour le F3020, que la société avance comme "révolutionnaire pour la viticulture de demain".
Si cela avait échappé aux plus jeunes, nés avec un sécateur électrique en main, rappelons que l'entreprise occitane Infaco est la mère du tout premier sécateur électrique, créé par son fondateur, l'inventeur Daniel Delmas, en 1984. Le dernier-né des sécateurs électriques professionnels d'Infaco, le F3020, est commercialisé depuis wla saison 2022-2023. Il présente de nombreuses évolutions par rapport à son prédécesseur : 20 % plus puissant, 15 % plus compact, 15 % plus rapide et 12 % plus léger. "Après une première année d'utilisation réussie, le F3020 a été largement adopté par la profession. Mais les ingénieurs réfléchissent déjà à la génération suivante", confirme la société. Le service de R&D d'Infaco compte maintenant entre 12 et 15 personnes ressources.
Pellenc, de son côté, ne présentera pas d'innovation particulière cette année sur les sécateurs : leurs modèles C35 et C45 sont commercialisés avec succès depuis un an seulement, avec une puissance et une autonomie éprouvées et reconnues. Cependant, l'entreprise fête cette année ses 50 ans dans le paysage de la viti-viniculture, arboriculture fruitière, espaces verts et urbains. Avec ses 1 300 brevets, l'entreprise, très portée sur l'innovation, investit 6 % de son chiffre d'affaires dans la recherche et développement, avec cet objectif permanent de faciliter le travail humain et d'optimiser la qualité des productions.
L'innovation en outillage agricole continue donc son chemin. Sur le volet allègement, de prochaines avancées pour l'utilisation des exosquelettes sont attendues. Sur la question de la portabilité, fini les ceintures de batteries, désormais ces dernières s'intègrent dans le manche du sécateur. Tel est le cas du nouveau venu sur le marché, le Wildhorn 32 de la nouvelle marque Alpen Swiss Tools. Propriétaire de Felco, le groupe suisse Flisch a lancé cette nouvelle marque qui vise à proposer des outils fiables et durables, à des tarifs moins élitistes. Produit dans les usines Felco, le Wildhorn 32 hérite du savoir--faire de l'Helvète, avec notamment une tête de coupe incluant une lame en acier HSS (High Speed Steel) Blade. Alpen propose 3 batteries dans son coffret, et annonce une autonomie de 12 heures au total.
Ensuite, bien sûr, l'intelligence artificielle s'invite aux côtés des tailleurs de vigne, pour proposer bientôt des lunettes de réalité augmentée, permettant de guider le geste sur le choix des bois à tailler. Ce type de nouveau produit innovant, à coupler avec un sécateur, est en développement au sein de la start-up suisse 3D2Cut, présente elle aussi au Sitevi pour nouer des partenariats.
Taille
Face aux aléas du climat et aux phénomènes de dépérissement au vignoble, les vignerons sont de plus en plus nombreux à remettre leurs pratiques de taille en question. Pour Carole Dumont, experte de Simonit & Sirch, tout un système de pensée est à revoir.
En générant du bois mort, les pratiques de taille mutilante impactent la structure du pied de vigne.
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Gel tardif, sécheresse, maladies, ravageurs, matériel végétal, pratiques culturales... les facteurs de dépérissement au vignoble sont multiples et interrogent, entre autres, les pratiques de taille. C'est justement pour éclairer la réflexion sur ce sujet que le Syndicat de l'AOC Côtes de Provence consacrait sa journée technique du 5 octobre dernier à la taille non-mutilante.
"De plus en plus, on considère comme normal qu'une vigne de 20 ans soit vieille et ne produise plus, alors que l'on trouve de nombreux exemples contraires à travers le monde", introduit Carole Dumont, consultante chez Simonit & Sirch. Voilà plus de 30 ans que l'entreprise italienne, aujourd'hui présente à l'international, développe une méthode de taille dite de ramification, qui vise à respecter au mieux la physiologie de la plante.
"Le fond du problème, c'est que pour faciliter le passage du tracteur, on est passé sur un système de culture en deux dimensions, qui implique un espace restreint pour la plante. Et, pour s'adapter à cette contrainte, les vignerons ont développé des pratiques de taille mutilante pour l'y maintenir. Et il existe du coup tout un système de croyances, qui pose de faux problèmes et nous pousse à des pratiques contre-intuitives, pour empêcher le tronc de monter ou pour avoir des baguettes bien alignées sur le fil", explique Carole Dumont.
Avant de développer : "Quand on coupe, on crée une plaie et, en réaction, la plante n'alimente plus cette partie du pied, qui sèche en formant un cône de dessèchement à l'intérieur. Or, l'eau et les nutriments ne circulent pas dans le bois mort, qui favorise en revanche le développement de champignons et de maladies du bois. L'Esca vit notamment entre bois vivant et bois mort. S'il n'y a pas de bois sec, la maladie peut être présente, mais ne peut pas se développer, car les champignons n'ont pas de quoi se nourrir".
Ainsi la taille, dans la durée, réduit la quantité de bois vivant et augmente celle de bois mort. Cela entrave donc le flux de sève et impacte la structure du pied, la capacité de mise en réserve de la vigne, mais aussi sa sensibilité aux pathogènes et aux stress. Dans le pire des cas, ce processus peut aller jusqu'à la mort de la plante.
Ceci posé, il apparaît essentiel pour Carole Dumont de distinguer système de conduite et type de taille de la vigne. Le second étant un composant parmi d'autres du premier. Et avant tout, une affaire de choix (individuel ou collectif), qui se raisonne à l'aune de l'âge de la vigne, de sa vigueur, de son environnement, des contraintes et des objectifs de production.
La méthode Simonit & Sirch propose, quels que soient le cépage ou le mode de conduite, de travailler avec la plante, plutôt que de la contraindre en la mutilant. Par ailleurs, elle repose sur quatre grands principes : la ramification ; le respect du flux de sève ; la pratique de petites coupes sur bois jeune ; et l'utilisation de chicots (ou bois de réserve).
"Pour que la vigne - qui est une liane - vieillisse, il faut qu'elle ramifie. On parle bien sûr d'une ramification contrôlée. L'idée, c'est de créer du bois vivant chaque année", expose Carole Dumont. Le flux de sève doit évidemment être respecté, et les coupes sont prioritairement réalisées sur du bois jeune, de sorte à limiter la dimension des plaies, et donc des cônes de dessèchement. Enfin, la technique du chicot doit permettre de maintenir le phénomène de dessèchement à l'écart du flux de sève principal. Avec des effets différents observés selon l'âge de la vigne. "Une vigne jeune va avoir tendance à fabriquer des vaisseaux de plus gros diamètre, plus sensibles aux ruptures. Les vieilles vignes vont fabriquer des vaisseaux moins gros, mais plus nombreux", souligne Carole Dumont.
"Si on veut du raisin, il faut tailler sur du beau bois, du bois à fruit. Et quand on a des vignes avec du bois vivant, on a de beaux sarments, des raisins, la plante les alimente et ça mûrit", résume-t-elle.
Les travaux menés par Simonit & Sirch - en Italie, en France et ailleurs dans le monde - tendent par ailleurs à montrer divers intérêts, par rapport au gel, "avec une meilleure reprise sur pieds ramifiés", ou encore sur l'irrigation, "un pied sec et mangé par une maladie du bois réclamant plus d'eau pour vivre", énonce la spécialiste.
Elle attire aussi l'attention sur l'homogénéité des parcelles. "Quand après plantation, parce que le sol a été mal préparé ou autre, on doit remplacer 20 % des pieds chaque année pendant trois ans, on se retrouve avec beaucoup d'hétérogénéité. On peut aussi être face à une situation compliquée, à cause du manque d'eau ou d'une attaque de mildiou. Dans ces cas-là, on gagnera toujours à redescendre la parcelle une deuxième année à deux yeux, pour retrouver vigueur et homogénéité. Si l'on n'a pas 80 % des pieds qui ont suffisamment de vigueur pour monter au fil de pliage, mieux vaut redescendre", préconise-t-elle. Et de justifier : "Avoir des vignes homogènes est appréciable pour les opérations de taille. Cela facilite les consignes et le travail de taille, en évitant de multiplier les modes et les gestes de coupe sur une même parcelle".
Pour nombre de viticulteurs, la méthode de la taille ramifiée de Simonit & Sirch pose la question de la hauteur du tronc. "Un tronc va prendre entre un demi et un centimètre par an. Cela est tout à fait gérable. Et on n'a pas forcément besoin de rabaisser le tronc. Si nécessaire, il existe toutefois des techniques qui évitent de couper du bois vieux. On peut partir de plus bas, ou envisager de faire évoluer le palissage", répond Carole Dumont.
Le palissage est d'ailleurs pour elle un autre faux problème. "Tout est dynamique. Le fait est qu'aujourd'hui on a très peu de vignes de 40 ans qui produisent, et avec les évolutions du climat, d'ici 40 ans, on n'aura peut-être plus de palissage. On verra à ce moment-là. Commençons par arrêter de faire du sec dans les pieds et par produire du raisin. Le premier pas à faire, c'est de décider de changer ses habitudes", estime-t-elle.
TEMOIGNAGES
Ils partagent du matériel en Cuma, ils appartiennent à un groupe de progrès, un groupe d'échanges et de commercialisation, ils se retrouvent entre vigneronnes ou entre convaincus du vin au naturel. D'autres ont intégré un magasin de producteurs, ou souhaitent accompagner un porteur de projet. Mais tous croient aux vertus du collectif.
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Jeune viticultrice de 22 ans, Marie-Emma Laget exploite dix hectares de vignes sur la commune d'Auriol. C'est à la cave coopérative des Vignerons du Garlaban qu'elle apporte ses raisins. Elle s'est installée en 2019, et elle est depuis adhérente à la Cuma du Loriot, tournée vers la viticulture sur sa commune. Elle vient d'ailleurs d'en prendre la présidence l'an dernier. En tant que coopératrice, rejoindre une Cuma était pour elle une évidence. La Cuma est par définition “une solution naturelle dans l'esprit coopératif, pour mutualiser les coûts d'achats de matériels indispensables, d'autant plus quand on s'installe”, témoigne la jeune vigneronne. À la Cuma du Loriot, la machine à vendanger avait déjà été renouvelée il y a quelques années. Mais l'an dernier, le collectif a fait l'acquisition d'une nouvelle remorque.
Si l'adhésion à une Cuma favorise les investissements, elle développe aussi l'entraide. “Dans la Cuma qui regroupe dix exploitants agricoles, les solutions se trouvent en groupe. Et cela se traduit par de l'entente dans notre organisation et le travail quotidien, au moment des vendanges notamment.” C'est aussi important quand une situation difficile se présente. “C'était par exemple le cas juste après mon installation, quand la pandémie du Covid est arrivée”, explique la jeune femme, qui a pu compter sur le soutien des autres adhérents de sa Cuma. Son engagement au sein de sa Cuma, elle le doit aussi à l'ancien président, Jean-Louis Roubaud, qui lui a transmis le goût pour le collectif. Et pour Marie-Emma, c'est une valeur qui s'exprime à d'autres titres.
Une cuvée à deux
Avec Manon Cazalic – une autre jeune vigneronne coopératrice et adhérente, comme elle, de la Cuma du Loriot – elles ont décidé de produire une cuvée ensemble ! Cette cuvée – baptisée ‘Génération'elles' – est un clin d'œil au côté féminin de leur vin qu'elles produisent toutes les deux, mais pas seulement. “La transmission du savoir et de l'expérience est indispensable, et c'est bien d'avoir des anciens pour conseiller les plus jeunes qui se lancent. Mais le mélange des deux est aussi très positif”, retient Marie-Emma.
Le fruit de ce travail collectif est désormais un vin à part entière au sein de la gamme proposée aujourd'hui par les Vignerons du Garlaban. La cuvée 2022 en blanc – également proposée en rouge et rosé – a déjà fait parler d'elle en obtenant, l'an dernier, la médaille d'or au Concours général agricole dans la catégorie des vins IGP. Marie-Emma est déjà en bio, tandis que Manon est en conversion. Bientôt, elles pourront revendiquer leur cuvée commune sous label AB.
En 2015, une dizaine de vignerons de la cave coopérative du Plan-de-La-Tour se réunissaient au sein d'un Groupement d'intérêt économique et environnemental (GIEE) pour faire évoluer leurs pratiques. Convaincus par cette dynamique collective, ils poursuivent depuis l'an dernier, dans le cadre d'un Groupe 30 000, issu du Plan Ecophyto. Pour Bernard Coulomb, président de la cave, les intérêts sont multiples.
“Au départ, on avait créé un GIEE avec la Chambre d'agriculture, à l'initiative de madame la maire de notre commune, qui était aussi viticultrice, pour travailler sur l'érosion des sols et plus largement sur nos pratiques. On a fait beaucoup d'essais et de stages sur la pulvérisation, la fertilisation, la taille, l'enherbement... Aujourd'hui, on se concentre plus sur la partie phyto. Sur la coopérative, on est déjà pas mal à être en Haute valeur environnementale de niveau 3, et il est important de continuer dans cette voie. Le GIEE d'abord, puis le Groupe
30 000, nous ont permis d'avoir quelques moyens pour financer un accompagnement. On est suivi et conseillé par un technicien de la Chambre, qui passe toutes les semaines sur les parcelles pendant le cycle végétatif. C'est la période la plus importante d'avril jusqu'aux vendanges. Et l'hiver, on fait un bilan pour voir si on a bien fait ou pas et surtout si on peut faire mieux. C'est très important de pouvoir être accompagné plutôt que de faire chacun à son idée dans son coin. D'autant qu'aujourd'hui, avec les produits qui sont autorisés un jour et interdits le lendemain, on a aussi l'information dont on a besoin pour pouvoir anticiper, grâce à ce suivi.”
Faire moins d'erreurs
Trois fois par an, tous se retrouvent aussi pour échanger sur différentes questions. “La dernière fois, c'était sur la fertilisation. On se demande si, par rapport au changement climatique, il ne faut pas fertiliser plus tôt. C'est très intéressant de pouvoir discuter et réfléchir ensemble à l'avenir. Échanger nous permet de faire moins d'erreurs. Aujourd'hui tout change tellement vite que c'est de plus en plus compliqué. Et puis on est une petite cave d'une quarantaine de sociétaires, dont seulement une dizaine de gros apporteurs. Alors il faut vraiment qu'on avance ensemble pour travailler le plus proprement possible tout en faisant du raisin de qualité dans des conditions qui ne sont pas simples. Même commercialement ça se complique. Mais les meilleurs se vendent toujours, donc il est essentiel de faire toujours plus qualitatif et pour ça, il faut toujours s'améliorer et progresser ensemble. Au plus on se retrouve, au plus on avance tous dans le bon sens. Le climat, on n'y peut rien, mais le groupe peut nous aider à nous adapter. Notre Groupe 30 000 a été labellisé pour trois ans. Après on verra, si on a toujours droit à une aide. Mais je pense que de toute façon, on continuera à travailler ensemble, sous une forme ou sous une autre.”
Les Vinifilles, ce sont 20 femmes vigneronnes installées entre Nîmes et Perpignan. Françoise Frissant Le Calvez – propriétaire du Château Coupe-Roses, situé à La Caunette –, fait partie de ce collectif depuis désormais 13 ans. Un collectif qu'elle définit en trois mots : solidarité, amitié et compétence. Pour l'intégrer, il faut être cooptée par chacune des membres et qu'il n'y ait pas de concurrence avec une vigneronne.
Les Vinifilles s'entraident afin d'avoir plus de force. “Nous mettons nos fichiers clients en commun, donc nous touchons plus de monde. Quand une personne a un problème, qu'elle a une question ou qu'elle cherche un fournisseur, elle envoie un message sur notre groupe. Il y a une avalanche de 20 mails qui arrivent dans les cinq minutes qui suivent !”, se réjouit la vigneronne, avant de donner un exemple personnel. “Quand nous sommes passés en bio, j'avais plein de problèmes sur les carignans qui attrapaient de l'oïdium et je ne savais pas comment faire. J'ai une copine Vinifilles qui m'a dit d'essayer de mettre de la bouillie nantaise, stade trois feuilles étalées. Ce que nous avons fait, et l'année d'après j'ai sauvé la récolte. C'est une aide directe et efficace.”
Une valorisation collective
Partage de techniques, de savoir-faire, les vigneronnes organisent également des opérations commerciales en commun, sources de motivation. “Nous faisons par exemple un salon de présentation de nos vins avant Millésime Bio, à Montpellier. Lorsque nous sommes en groupe, la dynamique fait que nous faisons plus de choses, nous mettons plus d'énergie dans le projet. C'est également plus facile à supporter, car nous partageons les efforts en termes d'énergie et de financement. C'est beaucoup plus agréable.”
Dans leurs opérations communes, l'entraide est là encore le maître-mot. “Nous sommes en train de monter l'événement ‘Un dîner pour donner'. Nous demandons à des chefs étoilés de préparer un repas et chacune d'entre nous amène des vins. À l'issue, nous récolterons une partie de la somme payée par les participants, que nous reverserons afin d'aider une jeune femme qui a des projets autour du vin.”
Le collectif appartient à l'association nationale ‘Femmes de vin', qui regroupe des associations de femmes de chaque département. “Nous participons à une assemblée générale chaque année, qui est toujours un vrai bonheur, car nous apprenons énormément de choses. Nous sommes très sérieuses, nous travaillons beaucoup. Ensuite, nous nous retrouvons, nous aimons bien goûter plein de vins et passer de bons moments ensemble. Et cela fait du bien !”
En 2017 naît, en Ventoux et Luberon, un collectif. Ils sont une petite dizaine de vignerons à produire des vins naturels, comprenez des vins bio, dont les raisins sont ramassés à la main et vinifiés le plus simplement possible, pour faciliter l'expression du terroir. Alexandre Dalet est de ceux-là. À cette époque, ce vigneron à Ansouis dans le sud du Luberon – il est dorénavant installé à Lauris – cultive des raisins destinés au vin naturel, un choix fait dès son installation en 2016.
“Nous nous sommes aperçus que nos clients se situaient plutôt dans les grandes villes et que finalement, les gens de la région ne connaissaient pas les vins naturels”, se souvient-il. Ils se regroupent alors dans la perspective de faire leur promotion, notamment au travers les rencontres des vins naturels du Luberon. “Mais pas que”, parce que si aujourd'hui le collectif de huit vignerons s'est restreint au Luberon, les invitations aux rencontres vont bon train, permettant à des vignerons d'autres départements, voire d'autres pays, de proposer des vins à la dégustation. Ils sont au final une vingtaine le jour J.
“Au départ, nous avons reçu l'appui de la mairie des Beaumettes, qui nous a largement soutenus et financés. Puis lorsqu'on a dû voler de nos propres ailes, on s'est dit qu'on aimerait le faire ailleurs”, raconte Alexandre Dalet qui, en tant qu'ancien président de ‘‘Qui l'eût cru ?', a bien vu évoluer le collectif. À cette période, ce dernier cherche effectivement un lieu plus au frais l'été pour accueillir la manifestation dans le Sud Luberon, où la majorité des membres du collectif ont leurs exploitations. Les platanes de l'église de Vaugines étaient ainsi tout trouvés.
Un noyau fidèle
Si l'aventure part d'un jeu de séduction d'un nouveau public de consommateurs, le pari semble tenu. “On a fidélisé un noyau dur de gens qui viennent parfois de la Drôme, d'Aix-Marseille. Mais j'ai aussi l'impression que nous sommes parvenus à attirer les locaux. Ils viennent déguster les vins en journée et/ou viennent au concert gratuit le soir”, liste Alexandre.
Alors que 400 à 500 entrées pour les dégustations se sont vendues à chaque édition ces dernières années – et qu'encore plus de personnes se présentent le soir pour le concert –, il faut maintenant poursuivre dans la stabilité. “Nous essayons de continuer tant que nous avons l'énergie. Pour que ces rendez-vous restent viables, nous devons pouvoir nous investir et rester le plus possible à l'équilibre financièrement parlant, pour proposer de la proximité et payer correctement les artistes du soir”, prône le vigneron des ‘Champs délicieux'.
Une question de cohérence qui pousse le collectif à ne pas trop prendre d'ampleur dans ses activités. Pour toujours être au plus près des clients curieux, mais aussi des uns et des autres. “Nous ne sommes pas des spécialistes de l'événementiel. Ce collectif est aussi une manière de créer du lien entre nous, de partager notre savoir-faire, nos galères… Dans le Luberon, on est vite géographiquement éloignés les uns des autres, alors c'est une façon de nous retrouver”, conclut Alexandre Dalet.
Le Mas des agriculteurs à Nîmes, créé à l'initiative de la Chambre d'agriculture du Gard, a été inauguré en juin 2019. Les actionnaires de cette SAS (société à actions simplifiée) sont des agriculteurs du département. Aurore Baniol, vigneronne propriétaire du Domaine ‘Bos de Canna' situé sur la commune de Vic-le-Fesq, est l'une d'entre eux. Ce magasin de près de 1 000 m2, situé en face de la Chambre d'agriculture, regroupe des vignerons, mais également des maraîchers, des oléiculteurs et des éleveurs. L'objectif est de permettre une vente de produits locaux sans intermédiaire.
Même si elle réalise la majeure partie de son chiffre d'affaires en vente directe à son caveau, c'est la philosophie du lieu qui a séduit et poussé la vigneronne à s'investir dans le projet. “Je trouvais l'idée très intéressante, j'avais envie de la soutenir en y participant. Je suis en total accord avec le fait de créer un lieu où nous pouvons retrouver un concentré de produits agricoles gardois.”
“Une politique tarifaire intéressante”
Le Mas des agriculteurs lui permet d'avoir une vitrine à Nîmes, avec une clientèle qui peut à la fois acheter ses vins, et compléter avec d'autres denrées locales. En plus de
donner une visibilité aux produits fabriqués dans le département, ce regroupement d'agriculteurs est avantageux d'un point de vue financier.
“Dès le début, ils ont fait le choix d'une politique tarifaire intéressante. On nous achète nos produits au juste prix, sans non plus “assassiner” les clients puisqu'ils sont revendus au prix caveau. Donc tout le monde s'y retrouve, que ce soit le vigneron, comme le consommateur”, se réjouit-elle. “Au Mas des agriculteurs, mes bouteilles me sont achetées à un tarif plus cher que chez un caviste traditionnel, il y a un vrai effort de rémunération.”
Comme dans un supermarché classique, les clients peuvent aussi commander leurs courses en ligne ou par téléphone, puis venir les récupérer au drive du magasin, ou se les faire livrer.
Mais pour ceux qui en ont la possibilité, se déplacer au Mas des agriculteurs permet de pouvoir rencontrer, chaque semaine, des producteurs qui viennent présenter et faire déguster leurs produits. “C'est une belle réussite”, conclut Aurore Baniol.
L'installation collective, c'est peut-être une part de la solution face au déclin agricole. Karine et Nicolas Mirouze se sont penchés sur la question, une question pas si simple... Quand le couple a décidé de reprendre le domaine, une surface de 50 hectares de vignes leur tendait les bras. “C'était trop pour ce que nous voulions faire”, se remémore Karine. Des parcelles ont donc été maintenues pour la viticulture, d'autres ont été vendues et enfin, la dernière – environ 14 ha dont un bâtiment de 800 m² – reste à l'heure d'aujourd'hui ouverte aux projets. Les idées sont nombreuses : atelier de volaille, maraîchage, brasserie, fabrication de fromage ou espace pour les métiers d'art et de l'artisanat…
En discutant autour d'eux, le couple constate la difficulté que rencontrent les nouveaux porteurs de projets pour s'installer, notamment en ce qui concerne l'accessibilité au foncier et son coût parfois élevé. “Il y a deux possibilités : soit l'installation collective, de manière pérenne, au travers d'une Société coopérative d'intérêt collective (SCIC) ; soit via la création d'une pépinière agricole, le temps de se tester avant de trouver un endroit où s'installer définitivement”, explique-t-elle. En amont, la grande difficulté est de trouver une forme juridique qui puisse répondre aux besoins des nouveaux porteurs de projet.
La souplesse du collectif
Illustrant le projet collectif de la ‘Ferme des Volonteux', dans la Drôme, le couple comprend qu'un besoin d'équilibre doit se construire sur deux axes : un fort engagement de départ et des contraintes minimes, pour qu'un départ éventuel puisse être réalisé facilement. “De notre côté, nous aimerions installer quelqu'un de façon permanente, afin de pouvoir construire quelque chose sur le long terme et, pourquoi pas, trouver un emboîtement mutuel dans les différents types de production.”
Mettant à disposition son fort ancrage sur le territoire, le couple peut également servir de relais et de soutien moral ou technique entre le nouveau porteur de projet et les multiples structures agricoles, afin d'avoir un meilleur accès à du matériel ou même pour intégrer des groupes de développement, car “l'agriculture reste un endroit où on peut rapidement s'endetter”, prévient-elle. Là encore, l'atout du collectif est non négligeable : partager du matériel pour une plus grande souplesse financière. Il en est de même pour les diverses tâches qui gravitent autour du métier d'agriculteur. Dans une vision collective, les tâches peuvent être partagées en fonction des spécificités et des compétences de chacun. “Cela permet de se sentir moins seul sur des questions que l'on ne maîtrise pas toujours.”
Sur toutes ces questions, l'association ‘ATag' – basée dans le Tarn et spécialisée dans l'installation en collectif – intervient sur toute la région de l'Occitanie, pour accompagner ce type de projet et trouver les solutions les plus adaptées. “Chaque projet doit être dimensionné en fonction de ses propres particularités, mais ce qui est certain, c'est que le collectif permet d'encourager et d'accompagner de nouvelles installations”, conclut Karine.
traitement phytosanitaire
De nouvelles modalités pour l'application des produits phytosanitaires s'appliquent depuis le 1er janvier 2020. Leur objectif ? Tenir compte de la contiguïté des cultures en proximité des zones occupées par le public. Tout agriculteur se doit de respecter des Distances de sécurité vis-à-vis des personnes présentes et des riverains, les fameuses DSPPR. Sauf que les produits ne mentionnent pas toujours cette distance sur leurs étiquettes. Point sur le dossier.
Actuellement, 90 % des produits sont soumis à Autorisation de mise sur le marché, délivrée par l'Anses. Mais très peu ont cette Distance de sécurité vis-à-vis des personnes présentes et des riverains fixée (DSPPR).
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En France, les incohérences réglementaires, avec des lois votées et des décrets pas toujours signés, sont nombreuses. D'autant qu'en matière de pulvérisation, le législateur a souvent la main lourde et chaque année, ou presque, une nouvelle loi, arrêté et autre décret vient encore renforcer l'attirail juridique sur ce qu'ont le droit ou non de faire les agriculteurs en termes de traitements de protection sanitaires de leurs cultures.
En face, les filières agricoles s'adaptent et tentent de suivre ce rythme législatif effréné : charte d'engagements départementale de l'application des produits phytosanitaires, banc d'essai pour vérifier que le travail sera bien fait, formation sur la qualité de la pulvérisation, buses antidérive plus performantes, panneaux récupérateurs, classement qualitatif des outils, à l'image de Performance Pulvé®, la nouvelle marque déposée par l'Institut français de la vigne et du vin (IFV), qui garantit de manière indépendante les performances de pulvérisateurs, par des notations sur leur qualité d'application et leur potentiel, en termes de réduction des intrants phytosanitaires.
Sauf que le sentiment de courir toujours après la mise en application d'une nouvelle loi est souvent de mise. Ces derniers mois, quelques couloirs d'instituts techniques et de filières frémissent plus que d'autres, suite à l'application de l'arrêté du 25 janvier 2022 et de son décret d'application (n° 2022-62 du 25 janvier 2022) sur les mesures à mettre en œuvre lors des traitements de produits phytosanitaires réalisés en proximité des zones occupées par le public, les fameuses Distances de sécurité vis-à-vis des personnes présentes et des riverains (DSPPR).
Ces documents viennent compléter certaines dispositions réglementaires en vigueur jusque-là (arrêté du 27 décembre 2019 et arrêté du 4 mai 2017). Désormais, un dispositif complet vise à encadrer le traitement des cultures avec les produits phytosanitaires à proximité des habitations, des zones d'activité et des lieux accueillant des personnes vulnérables, avec souvent la mise en place de distances de protection, variables en fonction des cultures et de la dangerosité des produits. Le législateur a toutefois prévu la possibilité de réduire ces distances en montrant patte blanche et sous réserve du respect de conditions définies à l'annexe 3 de l'arrêté du 4 mai 2017, notamment la mise en œuvre d'outils de réduction de la dérive des pulvérisations.
Ces DSPPR doivent être évaluées de manière spécifique dans les Autorisations de mise sur le marché (AMM), et reportées sur les étiquettes des produits sous AMM. Or, à ce jour, seul un petit nombre de spécialités récemment évaluées présente ces informations sur leurs étiquettes. Mais à terme, toutes seront concernées par la mise à jour de ces dispositions, au gré des renouvellements d'AMM.
En attendant que toutes ces spécialités soient passées à la moulinette, de cette présence ou non de mention de la DSPPR découle alors un arbre de décision (voir schéma).
Première question à se poser : le produit est-il soumis à AMM ? S'il n'est pas soumis à AMM, alors il est exempté de la règle des DSPPR (cas des substances de base et de certains produits de biocontrôle). S'il est soumis à AMM, deux options sont possibles :
- soit le produit utilisé est un produit exempté (produits de biocontrôle non soumis à AMM, substance de base). Dans ce cas, aucune limite de traitement n'est posée ;
- soit c'est un autre produit : dans ce cas, le législateur conditionne la distance sans traitement en fonction du type de culture et de la phrase de risque du produit utilisé avec, par défaut, a minima une distance de 10 mètres de zone tampon.
Selon le type de culture : pour la viticulture et l'arboriculture, cette distance est de 10 m, non négociable et non réductible, sauf à utiliser des techniques de réduction de la dérive, essentiellement pulvérisateur et buses antidérive. Et ces techniques doivent être spécifiées dans la charte d'engagements départementale portant sur l'application des produits phytosanitaires validée, c'est-à-dire signée par le préfet. Pour s'affranchir de cette distance de 10 m, l'agriculteur peut décider d'utiliser un produit lui permettant d'être exempté (produits de biocontrôle non soumis à AMM, substance de base), mais aussi de ne pas traiter ou... d'arracher ;
Selon la phrase de risque : pour les produits hors CMR, la distance de 10 m s'applique avec possibilité de réduction selon les mêmes conditions que précédemment. Pour les produits CMR 2, si le produit est en cours d'évaluation, la règle des 10 m avec possibilité de réduction s'applique également. S'il n'est pas en cours de révision, la distance de 10 m est incompressible sans possibilité de réduction. Enfin, pour les produits CMR 1, la distance de non-traitement à respecter est de 20 m incompressible.
Actuellement, 90 % des produits sont soumis à AMM, délivrées par l'Anses, et très peu ont cette DSPPR fixée. Mais tous devront à un moment donné repasser en révision. C'est donc à ce moment-là que la DSPPR sera précisée. Ce schéma de fixation des AMM est français, mais la notion de DSPPR est bien portée par l'Union européenne. Tous les pays sont donc en train de traduire cette demande européenne à leur échelle. Et là, la France a sans doute un pas d'avance, puisqu'elle a lancé le projet 'Capriv', pour Concilier application des produits phytosanitaires et la protection des riverains, en 2020, suite à la demande du ministère de l'Agriculture. L'État a en effet demandé aux instituts techniques des filières viticoles, fruits et légumes et grandes cultures, de lister l'ensemble des moyens limitant les transferts de produits et d'identifier les voies d'avenir et les verrous à lever. Ce projet, qui a pris fin en mars 2023, vise à identifier s'il est possible de réduire les zones de non-traitement à proximité des riverains en proportion des moyens antidérive mis en œuvre lors des pulvérisations de produits phytopharmaceutiques.
"Pour les trois filières concernées, le protocole harmonisé défini collaborativement a permis d'évaluer et classer les différentes techniques testées selon leur capacité de réduction de la dérive sédimentaire et aérienne", explique Florence Verpont, du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes. Les résultats ont mis en évidence l'intérêt de combiner des leviers pour réduire très fortement la dérive. "Pour le cas de l'arboriculture, la combinaison de leviers liés à l'équipement (typologie pulvérisateur ou buses) et à l'aménagement parcellaire (filets Alt'dérive) permet d'atteindre des taux de réduction de la dérive de plus de 90 %." La méthodologie pour mesurer l'exposition des riverains permet, elle aussi, de classer les leviers testés selon différents niveaux de performance. Elle reste cependant à être consolidée.
Ces résultats expérimentaux interfilières alimentent une base de données de mesures de dérives (dérive aérienne, dérive sédimentaire, exposition riverain) qui permet de renforcer l'expertise collective. L'ensemble de ces éléments a été transmis à l'Anses qui gère les dossiers d'évaluation des substances commerciales françaises et, plus globalement, pour la zone Sud (France, Italie, Espagne).
Irrigation
Il y a 20 ans, les Chambres d'agriculture avaient des réponses à apporter aux viticulteurs en matière d'irrigation. Mais, depuis les années 2000, le climat n'a eu de cesse de se transformer, ne laissant d'autre choix que de s'adapter. Les expérimentations vont bon train pour développer de nouvelles solutions.
La Chambre d'agriculture du Vaucluse teste l'impact d'une irrigation précoce en pré-floraison, au moment de la multiplication cellulaire afin d'observer l'impact potentiel sur le poids final des baies.
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Irriguer la vigne autrement, mission pas si impossible ? C'est ce que souhaite prouver le réseau des Chambres d'agriculture. Qu'importe le département, toutes mènent des essais à la recherche de nouvelles techniques.
Si certains viticulteurs se sont déjà laissés tenter par quelques perspectives innovantes, nombreux sont encore ceux qui s'interrogent. "Il y a effectivement beaucoup de questions de la part des producteurs, et nos réponses ne sont plus vraiment d'actualité compte tenu du changement de climat qui s'est considérablement accentué", note Silvère Devèze, conseiller viticulture et œnologie de la Chambre vauclusienne.
Cette dernière a donc mis en place des essais chez des agriculteurs et sur son domaine expérimental situé à Piolenc (84). "L'objectif était de faire un apport au moment de la multiplication cellulaire avant la floraison, là où il n'y a normalement pas de tension sur le niveau hydrique des sols. Si on ne peut pas vraiment agir sur les fortes températures, on voulait au moins voir ce qui se passait en irriguant à ce stade", explique-t-il. En 2022, une première tentative est faite : "On savait que quelque chose se passait au niveau de la multiplication cellulaire en pré-floraison. Alors nous avons décidé d'envoyer de l'eau sur un rang de grenache", retrace le conseiller. Il ressort que, si cette eau apportée ne vient pas réduire le déficit hydrique en saison, le poids des baies est tout de même en augmentation.
L'expérimentation est toutefois véritablement installée cette année sur trois rangs d'une centaine de mètres en syrah. "Nous avons mis en place un système pour créer des zones irriguées différemment", ajoute-t-il. Une irrigation est ainsi mise en place uniquement en pré-floraison, une en saison uniquement, le tout à comparer avec un témoin sec. Si les résultats de la première année sur syrah donnent des résultats similaires au pré-test sur grenache de 2022, Silvère Devèze réclame de la prudence sur l'interprétation des résultats. "Le poids de 100 baies est effectivement plus important quand on irrigue avant la floraison plutôt que pendant la saison. Certes, le sol n'est pas plus humide et cela n'aura pas d'impact à terme sur le stress hydrique, mais il y a quand même ce facteur poids qui fait que les grappes sont plus grosses et de meilleure qualité", développe le conseiller. Pour vérifier ce dernier point, une micro-vinification est réalisée par le laboratoire de l'Institut Rhodanien, un vin qui sera ensuite dégusté par plusieurs techniciens.
L'expérimentation sera à reconduite sur plusieurs millésimes, afin de voir un peu mieux les potentiels impacts des conditions climatiques de l'année. Mai et juin 2023 avaient en effet été relativement pluvieux, avant de laisser place à un été sec et à quelques périodes de très fortes chaleurs.
Les interrogations des producteurs ne se limitent pas à l'apport d'eau en amont du développement de la vigne, mais bien jusqu'à l'été. Cette année, un décret a été pris par le ministre de l'Agriculture, afin de décaler d'un mois la date limite pour irriguer, soit, jusqu'au 15 septembre. "Mais que se passe-t-il sur la vigne quand on irrigue si près de la récolte ? Comment amener de l'eau à une irrigation tardive à la vigne, et quel en sera l'impact sur la qualité des vins ? Voilà le type de questions auxquelles nous sommes confrontés", énumère Silvère Devèze.
Alors que la reconduction de l'expérimentation a été actée pour au moins 2024, notamment grâce aux financements de la Région Sud, la modalité d'irrigation tardive devrait être ajoutée aux essais.
"Nous devons techniquement savoir comment apporter l'eau et comment la gérer ensuite, que ce soit au sujet de la quantité ou de la meilleure période", ajoute-t-il. Il espère notamment voir se préciser la période optimale de l'apport, selon la phase de croissance dans laquelle se trouvent les baies.
Autre test mené par la Chambre d'agriculture du Vaucluse : l'irrigation enterrée. "L'objectif était de voir si nous n'avions pas des technologies plus efficientes en irrigation qui pourraient limiter l'évapotranspiration", rappelle Silvère Devèze. Si cela se fait déjà en culture de maïs ou dans les oliveraies, en viticulture, le goutte-à-goutte est traditionnellement aérien.
Pour cela, la Chambre d'agriculture du Vaucluse s'est rapprochée du Château d'Aigueville, dans le massif d'Uchaux (84), qui utilise déjà cette pratique sur ses derniers plantiers. "Nous avons 5,50 hectares de plantiers équipés en irrigation enterrée. Ces vignes sont aujourd'hui en troisième feuille", explique Romain Damiano, directeur général et chef de culture du vignoble. Si le coût d'installation est sensiblement plus élevé qu'un goutte-à-goutte aérien, c'est que l'installation dispose de quelques spécificités. Avec un peigne et un contre-peigne pour l'entretien, les buses disposent en plus d'une protection, pour éviter à la terre et aux racines de s'y engouffrer.
Le système - enfoui entre 40 et 50 cen- timètres de profondeur, et décalé d'une vingtaine d'autres par rapport au rang - se trouve relativement préservé. Pour Romain Damiano, il y a plus de positif que de négatif dans cette installation : "On limite l'évapotranspiration puisqu'on va directement aux racines. Chez nous, on fait des simulations d'orages, donc au lieu d'arroser pendant une journée et demie en hors-sol, on va arroser pendant 24 heures en plus, près des racines, le bulbe va alors se créer plus vite. Le coût de l'installation est déjà amorti par l'économie en eau." De plus, les incidents sont moins nombreux, même si le système réclame un entretien différent. "Sur nos 95 hectares de vignes, 70 ont un goutte-à-goutte hors sol accroché par des suspentes en plastique, fragilisées par le soleil et le vent, et qui cassent en s'accrochant dans la machine à vendanger. J'ai deux personnes dédiées à la réparation pendant un mois à un mois et demi par an. Avec le système enterré, les incidents arrivent beaucoup plus rarement avec la charrue. C'est plus compliqué à réparer, mais c'est tellement plus rare !", témoigne-t-il.
Globalement, le viticulteur en est très satisfait, lui qui utilise l'irrigation enterrée depuis 2021. Il voit assez peu de concurrence avec l'enherbement, semé chaque année : "Il s'agit juste de détruire le couvert au bon moment, pour éviter que cela ait un impact", ce que confirme le conseiller de la Chambre vauclusienne. Le système est installé effectivement suffisamment en profondeur pour atteindre les racines de la vigne plutôt que l'herbe.
La Chambre d'agriculture du Vaucluse teste donc actuellement cette technique de l'irrigation enterrée au Château d'Aigueville, non pas sur un plantier, mais sur des vignes déjà en place. "Nous n'avons pas mis un process spécifique en place pour l'irrigation, nous avons juste suivi nos habitudes. Mais on voit déjà des résultats un peu plus probants avec les données collectées grâce à la chambre à pression", note Romain Damiano. L'essai se poursuit.
Ce système a également été implanté sur le plantier de la parcelle agroécologique du domaine expérimental de Piolenc, cette fois enterré à 80 cm de profondeur, pour des vignes qui seront hautes et non taillées. La Chambre d'agriculture du Vaucluse pourra là encore s'appuyer sur ce qui est fait au château uchalien, puisqu'une parcelle de cinq hectares en agroforesterie vignes-arbres est elle-même irriguée ainsi.
Silvère Devèze offre a minima une conclusion sur l'irrigation enterrée en vigne : "Elle ne peut pas être comparée à ce qui est fait en arboriculture sur fruitiers, puisqu'il ne leur faut pas de stress hydrique. En vigne c'est possible, et parfois même souhaité par les viticulteurs." Une bonne raison de continuer à tester pour évaluer les différentes possibilités donc !
Autoconstruction
Dans un monde où le matériel et les pratiques viticoles évoluent sans cesse, certains vignerons développent eux-mêmes des outils adaptés à leurs besoins. Au travers d'ateliers collectifs, la coopérative de 'L'atelier paysan' démocratise l'autoconstruction d'outils, pour que les agriculteurs retrouvent de l'autonomie et le savoir-faire d'antan.
L'articulation entre le porte-outil et l'étoile permet à l'étoile de boudibinage de toujours suivre le sol, même dans des conditions difficiles.
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De la ferraille, des coups de marteaux, une odeur d'étain... Pas de doute, 'L'atelier paysan' a du pain sur la planche, mais aussi de l'or dans les mains. Paysans, coopérateurs, citoyens et associations se retrouvent pour innover et retrouver une forme d'indépendance. "Nous ne sommes pas contre les outils, bien au contraire. Mais la technologie de l'outil demande beaucoup d'investissement et représente le principal poste de dépendance sur les cultures mécanisées comme la vigne", introduit Nicolas Mirouze, vigneron et sociétaire de 'L'atelier paysan'. En amont de cette aventure aujourd'hui devenue nationale, c'est au travers des maraîchers, dont les besoins étant bien spécifiques, que naît l'idée de l'autoconstruction. Au fil du temps et des pratiques, le besoin se fait également ressentir pour la culture de la vigne. L'idée prend forme au moment où les couverts végétaux commençent à s'imposer dans les pratiques viticoles. "Bien que le choix industriel soit vaste, les prix étaient conséquents et les outils pas forcément toujours adaptés aux besoins du terrain", reconnaît le vigneron, ajoutant que "cette dépendance freine le développement de techniques alternatives, et notamment les conversions en agriculture biologique, où des outils particuliers sont nécessaires". Ce constat pousse donc la coopérative à créer les premiers semoirs. Après une phase d'apprentissage sur les bases élémentaires et le travail du métal, l'outil est réalisé et testé sur le terrain. "Certains outils sont autoconstruits en seulement une semaine au sein des ateliers collectifs, et la première saison est généralement expérimentale. Il y a parfois besoin de faire des petites retouches pour la saison suivante. Après ça, les agriculteurs sont autonomes et possèdent leurs propres outils, qu'ils peuvent utiliser dans leurs propres conditions".
Les étoiles de boudibinage représentent, par exemple, un outil essentiel pour l'entretien du rang, et leur fonctionnement est d'une grande simplicité. Elles sont composées de deux éléments : un parallélogramme et une étoile. L'étoile bine la terre par avancement du tracteur ; et le double parallélogramme, l'articulation entre le porte-outil et l'étoile. Et c'est là que réside sa spécificité. Ainsi, l'étoile suit le sol, même dans des conditions difficiles. De plus, un escamotage mécanique permet de travailler toujours en tension, ce qui favorise un effacement à chaque souche. "Grâce à cela, le travail est plus dynamique qu'avec des étoiles seules", affirme Nicolas Mirouze. Cependant, l'outil - comme bon nombre d'entre eux - fonctionne sur des terrains préalablement décompactés. "Dans tous les cas, l'outil miracle n'existe pas. Ce sont les itinéraires pratiques qui sont compliqués et demandent une précision forte". Au sens strict du terme, l'outil n'a pas connu d'évolution majeure depuis sa création, mais plutôt des adaptations en fonction des besoins. En revanche,'L'atelier paysan' travaille sur l'adaptation du porte-outil au cadre, systématiquement recommandé avec la mise en place d'étoiles. Aujourd'hui, la structure compte 30 salariés et deux antennes : la première en Bretagne et la deuxième à Félines-Minervois, dans l'Aude. Des fourgons mobiles ont également été mis en place dans le but de se déplacer dans toute la France, afin de proposer des ateliers là où il y a de la demande. Une fois l'outil réa- lisé, des plans en libre accès sont mis à disposition, parmi une liste de plus de 1 000 outils.
Chimie du sol
En agriculture, un paramètre souvent méconnu joue un rôle essentiel dans la santé des plantes : le potentiel redox du sol. Avec lui, l'idée n'est pas de tout contrôler, mais plutôt de maintenir la plante dans un état d'équilibre, légèrement acide et réduit, défavorable au développement des bioagresseurs.
Via l'étude du potentiel redox, la clé réside dans le maintien de l'équilibre naturel entre tous les composants du sol et de la plante, dans leur environnement.
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Considérons les feuilles d'une plante comme des panneaux solaires, le sol comme la batterie, le carbone comme la capacité de la batterie, et la rhizosphère comme un tube digestif. C'est de cette façon imagée qu'Olivier Husson, agronome, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), plante le décor pour expliquer l'intérêt du potentiel redox. Pour lui, une meilleure compréhension des dynamiques d'oxydoréduction pourrait permettre un bond en avant pour la santé des plantes et la réduction des produits phytosanitaires.
Le carbone actif d'un sol représente le niveau de charge de la batterie, que l'on va pouvoir mesurer, via le potentiel redox. Un sol à potentiel redox élevé est révélateur d'une oxydation qui entraîne une diminution de l'énergie : la batterie se vide. Si le potentiel est bas, cela indique une réduction, donc une abondance d'énergie. Mais dans des conditions où l'oxygène ne circule pas bien, cette énergie est impossible à utiliser. Il faut donc trouver un équilibre.
Un sol vide, sans minéraux, a un potentiel faible, car sa conductivité électrique est très faible. Cependant, un sol qui a une conductivité électrique trop élevée peut être très productif, mais il épuise rapidement sa 'batterie'. Un sol non rechargé par des panneaux solaires, ici les plantes, vide sa 'batterie' rapidement, entraînant une diminution du niveau d'activité biologique.
Jusqu'à présent, l'utilisation d'engrais chimiques a réussi à compenser le déclin de la matière organique des sols, augmentant la conductivité électrique et donc la production. Cependant, cet avantage a un coût. Si la conductivité électrique est trop élevée, la batterie se vide plus rapidement. Sans sources d'énergie alternatives, comme les panneaux solaires (plantes) pour la recharger, il s'épuise facilement.
Pour que tout cet ensemble fonctionne, une bonne structure du sol est essentielle, car elle permet de maintenir des niveaux variés de charge électrique, ce qui est important pour le potentiel redox. En outre, les agrégats présentent des gradients différents, permettant la présence de différentes populations de micro-organismes. "Les macro-agrégats par exemple, stabilisés par les mycorhizes, les vers de terre et les chevelus racinaires, vont pouvoir stocker de l'eau et permettre la circulation de l'air, ce qui est fondamental", prévient Olivier Husson. Lorsque le sol est fortement oxydé, il libère du CO2, alors qu'un sol réduit émet du CH4 (méthane). En bref, lorsqu'un sol est mal structuré, on passe de sols trop oxydés quand il fait sec, à des sols trop réduits quand il pleut. Des conditions peu favorables pour la plante. En revanche, un sol riche en matière organique et à activité biologique intense, avec une bonne structure, présentera un bon équilibre pour avoir une diversité de niches pH/redox dans l'espace, qui favorisent les cycles biogéochimiques, et donc la nutrition. Alors que l'absorption de nitrates entraîne pour la plante une réaction d'oxydation, et l'absorption d'ammonium une réaction d'acidification au niveau des racines, "l'idéal est une nutrition aminée, que l'on obtient en évitant le travail du sol, et en ramenant de la matière organique par les couverts végétaux", estime l'agronome.
Quel est le lien avec les pathogènes ? Le niveau pH/redox influence la nutrition et donc la croissance des plantes. À leur tour, les plantes influencent le niveau pH/redox dans le sol qui, en retour, influence la présence d'insectes et maladies. "Le moteur de tout cela ce sont les feuilles des plantes, c'est là le capteur d'énergie. Plus la plante doit compenser le milieu, moins elle fait de surface foliaire, et moins elle fonctionne correctement, et plus elle est malade. C'est un vrai cercle vicieux", explique Olivier Husson.
L'agriculture conventionnelle repose en grande partie sur des pratiques oxydantes : labour et produits phytosanitaires en tête. Les conditions de sol aérobie, riches en matière organique et bien structurées, favorisent un équilibre sain, tandis que les sols compactés, sujets à l'inondation, stimulent les pathogènes, en particulier sur les jeunes plantes actives. De plus, une baisse de la photosynthèse due au climat, aux carences, ou à d'autres facteurs stressants, peut déplacer la plante vers un environnement propice aux maladies. La connaissance des processus biologiques permet de comprendre les interactions entre les divers pathogènes et la plante (voir encadré), mais aussi comment ils sont affectés par l'environnement.
L'objectif d'un fongicide, par exemple, est notamment d'aider la plante à éliminer les pathogènes, qui prolifèrent par suroxydation. Ces pesticides stimulent la libération d'eau oxygénée par la plante, pour combattre les pathogènes, et ce par manque d'énergie pour les contrôler par réduction. De nombreuses pratiques conventionnelles s'efforcent de contrer les pathogènes et les insectes, en poussant la plante vers l'oxydation. La photosynthèse entraîne pourtant une réaction diamétralement opposée, à savoir l'acidification et la réduction. Dans le cadre d'une protection agroécologique des cultures, l'approche diffère : il faut soutenir les plantes pour qu'elles disposent de suffisamment d'énergie, afin d'éviter que les pathogènes puissent proliférer. Reste à déterminer, selon l'intensité de l'attaque, à quel moment une intervention de l'agriculteur devient nécessaire. En tous cas, le potentiel redox ouvre des voies pour réduire l'emploi de produits phytosanitaires.
Trucs et astuces
Ingénieux et bricoleur, Mikael Bouscari, vigneron à Servian, au nord de Béziers, fabrique en impression 3D des pièces de rechange pour ses machines, ou bien il invente celles dont il a besoin.
Concevoir la première pièce a pris 17 heures à Mikael Bouscari, viticulteur à Servian, au nord de Béziers.
© Crédit photo : VH
Mikael Bouscari est né au milieu des vignes et y travaille depuis 20 ans, d'abord en activité secondaire, puis à plein temps, depuis 2017. Mais en plus de ses journées bien chargées, il passe quelques heures de ses soirées à dessiner des pièces de rechange, qu'il fabrique ensuite avec une imprimante 3D : mains de pulvérisateurs, joints d'irrigation, caches prises, etc. Il a commencé cela il y a quelques mois seulement. Riche de son ancien BTS CPI (Conception de produits industriels), il s'est dit que cela ne serait pas si compliqué de concevoir le code de commande pour fabriquer des mains de sulfateuse en impression 3D. "Ces pièces de plastique coûtent 120 euros hors taxe, et je peux les fabriquer pour 5 euros ! En plus, quand on a de la casse en plein traitement, c'est plus facile d'avoir une pièce avec soi, plutôt que de devoir partir en acheter une", explique ce passionné. En coût total, ce n'est pas beaucoup plus cher, puisqu'il a réussi à avoir accès à des logiciels de conception gratuits. L'imprimante de son côté a coûté 350 €HT et le fil de plastique PETg (polyester glycolisé) vendu en bobine coûte 20 € le kg, sachant que la pièce pèse 247 g ! Et bien sûr, il ne compte pas les heures passées à concevoir les modèles : 17 heures quand même pour la première pièce ; il le reconnaît : "Après 20 ans sans toucher au logiciel, il fallait que je me remette dedans !" Il a de fait rapidement ressaisi le fonctionnement, grâce aussi à quelques vidéos sur YouTube. Et c'était reparti : seulement quelques heures pour concevoir les pièces suivantes : des embouts ou des joints coudés, etc.
Il faut dire que, dans la famille, il y a toute une filiation de 'Géo Trouvetou - bricoleurs'. Son père était dessinateur de bateau en plus d'être vigneron, et son grand-père, électricien à son compte et passionné de nouvelles technologies. Ainsi, à la sortie du collège, Mikael Bouscari se tourne vers des études de tourneur-fraiseur. Il commence par un bac 'Sciences et techniques industrielles' où il apprend le dessin technique, l'usinage et l'automatisme, puis enchaîne avec un BTS CPI. Son diplôme en poche, il réalise qu'il n'a pas envie d'être assis devant un écran à dessiner des pièces toute la journée. Alors, sur la base de son bac, il se fait embaucher par Cameron, multinationale américaine du secteur pétrolier, et passe 12 ans à usiner des pièces : des grosses vannes de 18 tonnes seront utilisées comme éléments de sécurité sur les puits de pétrole en haute mer. Bien trop loin de la vigne ! Si bien que 12 ans plus tard, il profite d'un plan social pour quitter ce travail industriel et convertit son chèque en matériel et quelques hectares de vignes. Sur le Domaine de Cabrerolles, il a maintenant 20 ha et livre tout son raisin à la cave coopérative l'Occitane à Servian (34), la plus grosse cave de la région, avec jusqu'à 220 000 hectolitres par an. "On travaille à deux avec mon père, chacun sur son exploitation." Mais ensemble, ils partagent aussi un gros atelier. "On n'achète pas du neuf, on répare. On préfère avoir plusieurs tracteurs et ne pas dételer."
"Tu n'as pas le droit de copier des pièces !", disent certains. En fait si. Brevet ou pas, tant qu'il ne commercialise pas ses réalisations, il peut très bien en fabriquer pour son usage personnel. À ceux qui le critiquent, il réplique : "Je ne connais pas un agriculteur qui n'ait pas un jour fabriqué ou rafistolé des pièces avec un poste à souder ! Ce que je fais est à peu près pareil, sauf que ce sont des pièces en plastique, et qu'il faut maîtriser le logiciel informatique pour commander l'imprimante 3D." Grâce au BTS de sa jeunesse, il s'est réapproprié les logiciels de dessin en 3D pour modéliser les pièces. Il prend les mesures tout simplement avec un pied à coulisse, calcule les angles et intègre le tout dans un fichier qui alimente le logiciel de l'imprimante. Il suffit de brancher la nuit et, le lendemain matin, la pièce est faite. "Pour le challenge et le défi, je me suis aussi amusé à fabriquer un patin de guidage pour les paniers à vendanges. Mais ce n'est pas rentable et la matière est spécifique."
En plus des mains de pulvérisateur, il fabrique des raccords pour l'arrosage avec un angle de 45° qui n'existent pas chez les fournisseurs, et aussi des supports à smartphone, ou bien des clips pour boucher les trous prévus pour les commandes électriques dans les tracteurs : "Il y a souvent dix trous, mais seulement trois ou quatre seulement sont utilisés, alors il y a des fils qui dépassent". Maintenant qu'il a l'imprimante, il peut fabriquer tout un assortiment de petites pièces en plastique. Plusieurs viticulteurs l'ont contacté pour qu'il vende son fichier, ou même le produit fini. Mais il ne le souhaite pas, car il connaît les règles de la propriété intellectuelle et sait que la vente l'exposerait à des questions de liberté d'exploitation.
En attendant, il est très satisfait du résultat : il vient de passer la dernière saison avec ses mains de pulvérisateur imprimées. Et pour l'instant, aucune casse n'est à déplorer.
protection phytosanitaire
Face au changement climatique, l'entreprise DM Agri propose un générateur de brouillard. La solution se veut propre, efficace et économe en eau.
Fabrice Meacci et son fils, Matteo, dans leur atelier à Puyvert posent aux côtés de la machine Nebbia.
© Crédit photo : ED
Fabrice Meacci fabrique des brouillards, mais pas n'importe lesquels. Cet autodidacte - qui dirige sa propre entreprise, DM Agri aujourd'hui - a conçu un process il y a quatre ans, pour les serres d'abord. Une machine qui peut être employée pour le traitement phytosanitaire des cultures par brumisation. Son principe ? "Il s'agit d'une turbine tournant à 900 mètres cubes par heure et qui génère de l'air à une vitesse constante dans une buse."
Fabrice Meacci n'en dira pas plus sur son dispositif breveté, sauf qu'il permet de "générer des gouttelettes d'une densité de 20 microns", avec une nébulisation qui apporte beaucoup moins d'eau sur le végétal. Un atomiseur classique utilisé pour traiter dans les vignes développe, à titre de comparaison, un brouillard formé avec des gouttelettes de 100 à 200 microns. Le procédé d'aspersion que propose DM Agri est donc 100 fois plus dense qu'une pulvérisation classique. Le générateur d'aérosol nébulise les produits phytosanitaires en haute concentration, ce qui le rend beaucoup plus économe en eau. Il est aussi facile à manier et à déplacer : il aspire le liquide d'une façon continue depuis une cuve externe, et les quantités de liquide à nébuliser peuvent être ajustées.
Dans ses créations, Fabrice Meacci collabore avec Laurent Strelow, directeur de la société 'L'herbier phylae', spécialisé quant à lui dans les plantes médicinales. Basé en Ardèche, il propose des solutions alternatives aux molécules et produits de synthèse, et travaille sur une soixantaine de plantes différentes. Il réalise la majorité de son chiffre d'affaires sur le secteur vinicole. Tous ses produits sont utilisables en agriculture biologique. Et pour lui, pas de doute, disposer d'un brouillard aussi fin pour appliquer ses propres solutions est intéressant : "Les techniques d'application sont très importantes, et la nébulisation est de ce fait particulièrement intéressante. Avec ce type de brouillard, on agit directement sur les stomates. Le végétal - qui se retrouve nappé par ce brouillard très fin qui pénètre au cœur de la plante - réagit totalement différemment. Les cultures deviennent plus résistantes aux attaques d'insectes et de maladies. Mieux : avec des froids tardifs et les épisodes de sécheresse, problématiques majeures désormais en vigne, la brumisation agit comme régulateur de température". Les deux entrepreneurs collaborent sur les évolutions d'accompagnement des cultures. Ils seront d'ailleurs tous les deux présents sur un stand commun au prochain Sitevi.
La machine, Unipro 40 T, conçue par Fabrice Meacci et commercialisée sous la marque allemande Igeba - également utilisable dans les serres - est parfaitement fonctionnelle. Elle développe une portée de 150 mètres de long sur 30 m de large. "Avec ce dispositif, on ne traite pas la plante directement, mais tout l'environnement confiné de la serre. L'avantage est que l'on peut intervenir au bon moment et quand on le souhaite. L'appareil dispose d'une cuve de 100 voire 200 litres. On peut planifier ses traitements, en positionnant la machine à l'entrée de la serre et en programmant l'heure de propagation pour distribuer tout type de produit. Avec le gain d'efficacité, et l'économie en eau, l'intérêt est aussi le gain de main-d'œuvre", avance son concepteur.
Environ 400 générateurs de ce type fonctionnent en France aujourd'hui. Mais pas seulement dans les serres. La machine a aussi obtenu une homologation pour la conservation des pommes de terre. Sur la base de l'Unipro 40 T, quelques modifications ont été apportées pour intervenir sur l'atmosphère d'une chambre froide et diffuser de l'huile essentielle, d'orange amère ou de menthe par exemple.
Pour générer un brouillard artificiel en extérieur cette fois, un appareil équivalent et attelable à un tracteur vient de boucler sa phase de développement. Il s'agit du générateur Nebbia. Il est aujourd'hui proposé sur le marché, pour limiter l'impact des chutes de températures et aider les plantes à résister aux stress. Le prototype est validé et la liste des précommandes commence à s'allonger. "Dans les vignes ou en verger, il ne s'agit pas de traiter un volume comme dans le milieu fermé d'une serre, mais bien de passer dans les rangs. Tous les deux ou trois rangs, selon les végétations des cultures. Mais le principe est le même", explique Fabrice Meacci.
La machine permet de diffuser 30 litres de solution par hectare à une vitesse de 5 km/h. La nébulisation est dispensée par 6 buses de projection. Mais elle n'est pas la seule à avoir évolué pour être efficace en extérieur. Là encore, Fabrice Meacci a fait appel à son compère, Laurent Strelow, pour mettre au point un produit cinq fois plus dense que l'eau.
Vente en vrac
La France doit-elle se positionner sur le marché de l'huile d'olive vendue en vrac assisté ? La question se pose, d'où l'étude financée par FranceAgriMer, et destinée à évaluer l'opportunité de ce segment pour la filière oléicole.
L'enquête de FranceAgriMer montre que la réglementation actuelle de la vente assistée obligatoire est perçue comme un frein commercial et économique supplémentaire.
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"Le contexte du vrac ces dernières années a beaucoup évolué, avec une dynamique de la vente en vrac des produits alimentaires qui s'est fortement amplifiée depuis dix ans", rapporte Marine Gratecap, du cabinet Ceresco. Ce dernier s'est vu confier par FranceAgriMer une étude stratégique sur l'intérêt de soutenir le développement de la vente en vrac sur un produit emblématique comme l'huile d'olive.
Actuellement, la France bénéficie d'une mesure exceptionnelle, à savoir la vente en vrac assistée d'huile d'olive, alors que la réglementation européenne l'interdit à tous les pays de l'Union européenne. Cette exception a été négociée par les producteurs français auprès de la DGCCRF, mais cette vente en vrac assistée requiert le respect de plusieurs conditions, rappelle Marine Gratecap. Ainsi, "l'opérateur doit faire une demande d'agrément auprès de FranceAgriMer ; l'opération de remplissage est effectuée par un opérateur en présence du consommateur ; le contenant doit être inférieur à cinq litres et être muni d'un système de fermeture inviolable. Enfin, l'étiquetage doit comprendre le numéro d'agrément conditionneur".
Pour autant, les choses pourraient évoluer à l'avenir sur la vente en vrac de tous les produits alimentaires, huile d'olive comprise, car une nouvelle obligation majeure va venir s'imposer aux grandes et moyennes surfaces (GMS), dans le cadre de la loi 'Climat et résilience'. Cette dernière leur imposera, en effet, au 1er janvier 2030, d'avoir au moins 20 % de leurs surfaces dédiées à la vente en vrac. De fait, le vrac liquide en général, et donc de l'huile d'olive en particulier, pourraient être concernés.
Comme le souligne la spécialiste, l'huile française est un produit de niche à haute valeur ajoutée, avec un marché très segmenté entre les huiles d'olive françaises et importées. En volume, actuellement 96 % de l'huile consommée en France proviennent de pays de l'UE et de pays tiers. L'huile d'olive bio représente 20 % de l'huile d'olive vendue en GMS. En termes de valeur, le prix de l'huile d'olive française est 3 à 3,5 fois plus élevé que celui des autres huiles importées. En termes de distribution, 80 % de l'huile d'olive consommée en France est vendue via les GMS et la distribution spécialisée, et seulement 4 % en vente directe.
D'après les chiffres des circuits de distribution (hors vente directe), l'huile d'olive en vente vrac assistée ne représente que de très faibles volumes aujourd'hui, environ 0,3 % de la consommation totale en France, et 6 % de la production française. Notons que 56 % de ces huiles sont certifiées bio.
Par ailleurs, 20 % des volumes vendus en vrac assisté le sont en GMS, et 80 % en épiceries et magasins spécialisés.
Les formes de vente en vrac assistée diffèrent en fonction des circuits de distribution. Les épiceries, les magasins spécialisés et la vente directe ont leur propres outils, comme des meubles de distribution vrac liquide, des cuves tampons de gros volume, etc.
Le cabinet Ceresco a aussi travaillé sur ce marché de l'huile d'olive, et les enseignements d'une étude de marché réalisée auprès d'un panel de 3 000 acheteurs bio (Biotopia). Sur le sujet, Bertrand Oudin, le PDG du cabinet Ceresco, indique que la part du vrac en valeur des huiles d'olive bio est très limitée, "puisqu'elle ne représente que 5 % du marché des huiles bio".
L'étude est aussi très révélatrice concernant la perception du vrac par les distributeurs et les attentes des acheteurs pour la vente en vrac d'huile d'olive. Ainsi, très peu de GMS interrogées croient à l'existence d'un tel marché dans leurs magasins. Les tests effectués par certains n'ont, en général, pas été concluants. Dans les circuits spécialisés (bio ou vrac), les points de vue sont également souvent très sceptiques, et seule Biocoop a déployé le concept à plus grande échelle.
Pour les distributeurs, le potentiel commercial de la vente en vrac d'huile d'olive est loin d'être évident. L'équation économique semble, pour le moment, complexe pour développer l'huile d'olive en vrac, du fait notamment de l'obligation de vente assistée qui génère des surcoûts pour les distributeurs, et participe ainsi aux faibles volumes vendus en vrac à ce jour. Seules des niches semblent exploitables, comme c'est le cas en vente directe ou dans des points de vente spécialisés, avec une forte dimension de service au point de vente.
Ainsi, les freins sont multiples, le premier d'entre eux étant sans doute le niveau réglementaire : l'enquête montre que la réglementation actuelle de la vente assistée obligatoire est perçue comme un frein commercial et économique supplémentaire. Ces contraintes et ces coûts supplémentaires découragent ainsi bon nombre de magasins à la mettre en place.
L'enquête a également voulu recenser les points de vue des consommateurs. Et là aussi, l'incompréhension domine, ces derniers semblant dans leur majorité réticents à ce mode d'achat. Les consommateurs mettent en avant plusieurs arguments : tout d'abord, l'huile d'olive apparaît comme un produit fragile qui peut s'oxyder. Ensuite, dans le cas des huiles premium, la dimension de terroir prend aussi une part importante que le vrac tendrait à gommer. De plus, les notions d'hygiène, de condition de conservation et l'absence de garantie sur le produit vrac interpellent globalement les consommateurs. Ainsi, les panels interrogés identifient des freins importants pour la vente en vrac de l'huile d'olive, y compris pour la clientèle déjà convaincue par ce monde de vente. Car pour tout, l'huile d'olive n'est clairement pas un produit comme les autres.
En conclusion, pour les consommateurs, l'attractivité de l'huile d'olive en vrac semble donc à ce jour faible, du fait des nombreux freins relevés, a fortiori pour des huiles premium. "Pour autant, la vente en vrac pourrait s'imposer comme une solution présentant un équilibre économique et environnemental pertinent, dans l'hypothèse d'évolutions qui pénaliseraient la chaîne de valeur de la bouteille à usage unique : coûts lo- gistiques liés au poids, taxation liée aux gaz à effet de serre, prise en compte des externalités négatives (voir étude ACV)...", argumente Marine Gratecap.
Le'réemploi' par le professionnel- à l'étude aujourd'hui pour le vin, mais aussi pour l'huile d'olive- semble un axe de travail intéressant pour répondre aux nouvelles attentes sociétales, avec un modèle économique à étudier et surtout, à consolider avec les professionnels du secteur.
Économie
À l'image de la bière sans alcool en plein essor - elle représente 10 % du marché de la bière -, le vin désalcoolisé est de plus en plus recherché, et développé en France.
Entre 10 et 15 %. C'est la croissance attendue sur le marché des vins sans alcool ces prochaines années.
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Le jeune marché des boissons sans alcool se développe, le secteur prévoyant une croissance de 10 à 15 %. La France est le pays qui compte le plus grand nombre de nouveaux consommateurs de boissons sans alcool, avec une augmentation de 25 % sur l'année 2022. Frédéric Chouquet-Stringer fait partie de ceux qui ont eu le flair, il y a quelques années.
Fondateur de la boutique en ligne de vin : sans-alcool-du-vigneron.fr, il accompagne au sein de 'Zenotheque' les vignerons dans la désalcoolisation de leur vin, via des technologies de pointe et douces, adaptées aux tailles de production et aux exigences de qualité. "Je me suis lancé il y a un peu plus de deux ans, en constatant avec ma femme - qui est allemande -, que le business était déjà en train de se développer en Allemagne. Qualitativement, il n'y avait pas grand-chose de bien, mais tout de même deux ou trois vins qui donnaient beaucoup d'espoir. Donc j'ai eu envie d'aider la branche à faire de bons produits."
Si, en France, le marché du vin sans alcool représente à ce jour seulement 1 % du marché, l'agenda de ce spécialiste se remplit de plus en plus du côté français. Bordeaux, Alsace, Cahors, Languedoc... la France représente désormais 60 % de sa clientèle.
L'osmose inverse, la distillation sous vide et la spinning cone column (SCC) sont les trois procédés de désalcoolisation du vin à ce jour.
L'osmose inverse est un système de filtration qui s'appuie sur une membrane semi-perméable permettant à l'alcool présent dans le vin de passer dans l'eau, de l'autre côté de la membrane. "Grâce au filtrage, l'alcool va passer du vin à l'eau. Ce procédé fonctionne plutôt bien, mais il coûte cher et ne permet pas de faire de gros volumes."
La distillation sous vide consiste à mettre le vin sous vide et à relancer la distillation de l'alcool entre 28°C et 32°C. "Le but du jeu est de descendre la température le plus bas possible, pour que les arômes restent dans le vin et ne s'échappent pas avec l'alcool," poursuit Frédéric Chouquet-Stringer.
Enfin, la SCC suit le principe de l'évaporation sous vide, ou distillation à froid. Cette technologie permet de séparer l'alcool et les arômes du vin. Sous l'effet de la rotation des cônes, le liquide va se déposer en couche mince permettant une meilleure évaporation. "L'inconvénient, c'est qu'il faut passer le vin deux fois dans la machine, donc il y a plus de pertes. Et elle travaille de 35°C à 40°C, au lieu de 38°C à 32°C. Autre souci, il n'y a pas de machine que des tiers pourraient utiliser en Europe", rapporte Frédéric Chouquet-Stringer.
Ce dernier s'appuie majoritairement sur la distillation sous vide, ou l'osmose inverse en fonction des volumes. "Il faut adapter la technologie et l'offre par rapport à la récupération des arômes. Lorsqu'un vigneron me contacte, nous goûtons le vin qu'il souhaite désalcooliser et réalisons ensuite des tests sur de petits volumes, en général 10 litres. Puis, nous goûtons le résultat, sachant qu'après la désalcoolisation, il faut souvent retravailler le vin en le sucrant avec du moût concentré rectifié (MCR). En fonction des qualités, certains peuvent ajouter des arômes naturels. Dans mon cas, nous désalcoolisons en général de bons vins avec la bonne technologie, donc il n'y a pas besoin de réaromatiser", explique Frédéric Chouquet-Stringer qui, une fois la recette en poche, désalcoolise de plus gros volumes.
"Cependant sur du 0,0°, nous ne pourrons pas utiliser de technologie de récupération des arômes. Donc en général ces produits-là sont réaromatisés. Avec un vin à 0,5°, nous parviendrons à faire quelque chose de bien, en réutilisant les arômes endogènes pour donner un bon goût." Et le spécialiste de préciser : "Un bon vin désalcoolisé provient d'une bonne technologie et d'un bon vin à la base. Il y a des gens qui souhaiteraient qu'on fasse des miracles et qu'un mauvais vin puisse devenir un bon vin désalcoolisé, cela est impossible."
Retour d'expérience
Cela fait plus de 20 ans que Vincent Pugibet travaille la réduction d'alcool, au Domaine de la Colombette à Béziers (34).
© Crédit photo : Domaine de la Colombette
Au Domaine de la Colombette à Béziers (34), chez Vincent Pugibet, cela fait plus de 20 ans qu'on travaille la réduction d'alcool. Le domaine produit 3,5 millions de bouteilles par an, la majorité corrigée en alcool. Ce vigneron a repris l'exploitation de son père en 1997, qui comptait alors 17 hectares en vin de pays sur une surface totale de 21 ha. Aujourd'hui, le domaine compte 260 ha de vignes et de champs, sur 450 ha au global. "Cela montre que les choix qu'on a faits fonctionnent", sourit-il. Le domaine est "le seul en France à pouvoir maîtriser sa réduction d'alcool du début à la fin, sans appel à prestataire," avec une technique qui lui est propre : la combinaison de l'osmose et de la distillation sous vide. "Dans les années 2000, je trouvais qu'on allait vers des vins très concentrés et trop forts en alcool, qui posaient un problème de consommation. Ils brillaient par la puissance, mais pas forcément par l'élégance et la finesse. J'ai voulu travailler ces points, faire des vins entre 11° et 12°. Mais c'était avant-gardiste et très à contre-courant de ce qui se faisait. L'idée n'était pas de faire des vins sans alcool en pensant à la santé ou à l'hygiène. C'était au contraire de faire des vins moins alcoolisés pour pouvoir en boire plus."
Revenir à des niveaux d'alcool "raisonnables", c'est ce qui a motivé ce Biterrois, fer de lance des cépages résistants, à tenter plusieurs techniques avant de trouver la sienne : réduire l'alcool au moment de la mise en bouteille avec des techniques douces. "À l'époque, les gens cherchaient à enlever complètement l'alcool, avec des techniques assez brutales. Il y avait des chauffages, des pertes aromatiques qui altéraient les produits finaux. En se lançant dans la réduction d'alcool, on s'est fait pas mal insulter et on s'est même fâché avec beaucoup de monde", confesse le vigneron qui s'est vu encouragé par sa clientèle. "Aujourd'hui, la consommation de 'sans alcool' en France est spectaculaire. Des fois, il me faut une chaise pour m'asseoir quand je reçois certaines commandes. Si le low-alcool est un marché qui peine à décoller, le changement de consommation sur les 'sans alcool' m'impressionne. Il y a là une vraie demande." Vincent Pugibet vend sa production essentiellement à l'export aux États-Unis, en Hollande, Allemagne, Angleterre et en France (10 % de ses ventes). 55 % de ses ventes sont des vins à 11,5°, 30 % de 'low-alcool' (9°) et 15 % de 'no-alcool', essentiellement des effervescents.
QUESTIONS à
Quelle est la différence entre un vin désalcoolisé et un jus de raisin ?
Frédéric Chouquet-Stringer : "Le vin a eu une fermentation qui a développé des arômes secondaires et tertiaires que nous n'aurons pas sur un jus de fruit. Un bon vin désalcoolisé n'a absolument pas le goût du jus de raisin. J'étais dernièrement à l'Académie Internationale des vins en Alsace, et j'ai fait déguster cinq vins blancs à l'aveugle à des professeurs. Ils ont reconnu tous les cépages des vins, donc tous les marqueurs étaient là. Autre remarque : 1 kg de raisin contient environ 170 grammes de sucre, donc l'apport calorique n'est pas le même."
Peut-on désalcooliser tous les vins ?
F.C.-S. : "Nous pouvons en soit tout désalcooliser. Mais la règle européenne n'autorise pas la désalcoolisation totale des vins chaptalisés ou d'utiliser le labe 'bio'. La Commission européenne est en train de travailler sur les règles."
Tout le monde peut désalcooliser ?
F.C.-S. : "Aujourd'hui, il n'y a pas de possibilité de faire cela chez soi, dans sa cave. Nous pourrions trouver des solutions en osmose inverse mais, en général, nous n'allons pas avoir de très belles qualités, sans parler de la problématique de la mise en bouteille. Comme l'alcool a été enlevé, toute la protection hygiénique du vin est partie, et il faut travailler dans des milieux stériles pour la mise en bouteille. Il existe quelques désalcoolisateurs en France, mais le marché français n'est pas encore très développé."
Quel est le coût pour un vigneron ?
F.C.-S. : "Le coût de la désalcoolisation va varier de 20 à 130 € l'hectolitre, suivant les volumes et la qualité souhaités, ainsi que la technologie utilisée. C'est pour cette raison qu'analyser et proposer plusieurs solutions d'un point de vue qualitatif et économique sont des parties importantes. Sachant qu'avec 1 litre de vin, on produit 85 cl de vin sans alcool. Sur un litre, on va enlever 13 % d'alcool. Et entre les transports et les pompages, il y a toujours un petit peu de pertes, donc il reste entre 85 et 87 cl de vin sans alcool. D'où l'importance de bien valoriser le produit."
Bouchon Sübr
La société Vinventions propose des solutions de bouchage pour les producteurs de vin du monde entier. Elle met actuellement en avant son nouveau bouchon micro naturel Sübr, dernier-né de la gamme, qui navigue entre écologie et respect du vin.
L'extrusion permet d'une part, un mélange optimal entre le liège et le liant d'origine végétal et d'autre part, il facilite une production industrielle des bouchons Sübr.
© Crédit photo : AL
Née en 1999 sous le nom de Nomacorc, la société - rebaptisée Vinventions depuis 2015 - n'a de cesse d'innover pour trouver des solutions face au goût de bouchon des vins, mais aussi pour se passer de matière synthétique comme le polyuréthane qui, jusqu'à présent, était indispensable dans la fabrication de bouchon en liège. À l'instar des bouchons Nomacorc où une peau est plaquée sur la mousse (co-extrusion) et les bouchons micro-agglomérés réalisés par moulage, le bouchon Sübr est élaboré par extrusion, qui permet un mélange optimal du liège et d'un liant. Après des années de recherche et développement, la société a réussi ce mélange improbable grâce à l'introduction d'un liant, produit à base de matière végétale, recyclable et biodégradable, qui permet de se passer de colle polyuréthane.
En effet, la démarche de la société depuis les années 1990 est de répondre à une "neutralité sensorielle" face à deux grands axes : la problématique du goût de bouchon, via la présence de TCA ; et la réaction entre polyphénol et oxygène. Ces réactions peuvent donner des résultats mitigés sur la qualité des vins. "Sur ce sujet, le bouchon Sübr laisse circuler un apport d'oxygène constant, avec une grande homogénéité entre chaque bouteille, permettant ainsi un meilleur vieillissement en cave", assure Stéphane Vidal, directeur innovation chez Vinventions. D'autre part, en ce qui concerne les Trichloroanisoles ou TCA, ces derniers sont synthétisés à partir des chlorophénols sous l'action de moisissures formées à partir du chlore, qui peut provenir des écorces d'arbres pollués par des insecticides, de l'air ou de produits chlorés utilisés dans les chais. Un nettoyage de ces TCA est réalisé par l'entreprise Diam, grâce à un traitement spécifique appelé 'CO2 supercritique'. "Tout ce que l'on achète est analysé et si le liège n'est pas au niveau de TCA souhaité, on ne le réceptionne pas", assure-t-il. Les normes actuelles sont déjà exigeantes : moins de 1 ng/l et une limite de quantification maximale de 0,5 ng/l. Mais la lutte contre les TCA ne s'arrête pas là. Durant le processus de fabrication, le séchage et l'étape d'extrusion, via la chaleur qu'ils génèrent, permettent également de diminuer la présence de TCA. Cette étape d'extrusion est également un élément central pour permettre un débit élevé dans des conditions industrielles. "Elle permet aussi de nous défaire du polyuréthane et garantit une longue vie au produit, ainsi que le maintien de profils aromatiques de grandes qualités".
Avec des consommateurs qui manquent et ceux que la filière du vin doit convaincre, il est aujourd'hui primordial d'avoir des vins qui ne tournent pas. "Si on arrive à gérer ces deux axes, on arrive à maîtriser l'évolution des vins. Le bouchon, c'est le dernier acte d'œnologie, car lui seul, une fois embouteillé, peut jouer sur le développement du vin", insiste-t-il. Trois brevets ont été déposés pour Sübr, dont un sur l'extrusion, qui doit être officialisé en fin d'année, et un autre brevet sur les décorations, avec les lenticelles et les lignes de croissance reproduites de façon numérique directement sur le bouchon, permettant un rendu de qualité.
Pour rendre ces ambitions réalisables, la société Vinventions s'est dotée d'une nouvelle ligne de production d'un montant de 1,4 million d'euros, avec un financement régional à hauteur de 400 000 euros, au titre des investissements liés à l'innovation, qui permettrait à l'entreprise de passer de 15 millions de bouchons à plus de 200 millions d'ici 3 ans. Si la société a décidé d'investir dans une nouvelle ligne de production à Rivesaltes (66), c'est également pour des raisons techniques. "L'approvisionnement du liège provient du Portugal. Donc s'implanter là nous donne une meilleure accessibilité à notre matière première", explique Stéphane Vidal. En revanche, les conditions climatiques impactent également la production de liège qui, en raison du risque d'incendie, n'a pas été levé cette année. "La sécurisation des approvisionnements est cruciale, mais également la qualité". Certains pays d'Afrique de Nord sont producteurs de liège, mais la qualité n'est pas la même qu'au Portugal. C'est pour ces raisons que la société réfléchit d'ores et déjà à des matières premières alternatives... Pas si simple.
Bien que la société Vinventions réponde à une demande importante du secteur viticole, elle n'en fait pas moins pour la cause sociale et environnementale, notamment en ce qui concerne la gamme Nomacorc. Depuis 2012, la société s'est investie auprès des associations contre le cancer, en rachetant les bouchons pour les recycler. "À ce jour, nous collectons environ 80 tonnes par an, ce qui représente moins de 1 % de la production. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est une première étape qui a du sens", partage Caroline Thomas, responsable marketing chez Vinventions. Depuis, les normes environnementales s'enchaînent : en 2013, la société développe la gamme 'Green line' via l'utilisation de polyéthylène issu de la canne à sucre et en 2022, la gamme 'Blue line' obtient la certification 'net zero plastic to nature' du cahier des charges de South Pole, ce qui signifie que pour chaque tonne de plastique utilisée par la gamme 'Nomacorc Blue line', une quantité équivalente est définitivement retirée de l'environnement. Enfin, la 'dernière innovation' en date, appelée Nomacorc Ocean, permet la fabrication de bouchon à partir d'Ocean Bound Plastic (OBP), matière première issue de déchets collectés dans les zones côtières, afin de lutter contre la pollution maritime. "Cette gamme a été un véritable succès en Italie", affirme le directeur. Après plus de deux ans d'utilisation, le constat est sans appel : aucun retour en ce qui concerne David Bleuze, œnologue chez les Vignerons de Trémoine. "Pour moi, le bouchon c'est le dernier rempart à l'oxygénation et cette étape, où l'on pourrait basculer entre la bonne et la mauvaise qualité du vin, est cruciale. Nous devons préparer nos vins à cela", estime l'œnologue.
Trucs et astuces
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