Tout un symbole ! C'est, à Puyricard, au milieu de parcelles plantées de vignes que Jean-Claude Toucas, le créateur de la brasserie artisanale Bulles de Provence a choisi de s'installer en 2009. Un clin d'œil à la tradition viticole du village ? Plutôt le fruit du hasard : "Notre famille possédait un hectare de terrain inexploité ici" raconte le brasseur, qui après une vie professionnelle dans l'industrie a opté pour une reconversion radicale. "J'ai toujours vu mon père brasser, à la maison, pour son plaisir" note son fils Louis, qui travaille depuis le début à ses côtés. "Il avait l'envie de créer sa propre activité : il s'est logiquement orienté vers la production artisanale de bières". Ingénieur de formation et ancien directeur industriel dans l'automobile, le photovoltaïque et celui de l'énergie renouvelable, "Jicé" comme le surnomme malicieusement son fils a pris le temps de peaufiner son projet. "Plutôt que de démarrer avec de petits volumes et d'agrandir l'outil de production au fur et à mesure, il a choisi de voir grand dès le départ" précise Louis. Jean-Claude Toucas dessine donc le bâtiment de 400 m² et la salle de brassage, avec l'objectif d'optimiser l'ergonomie et la productivité. Il reprend également des études, à La Rochelle, pour acquérir le bagage théorique et pratique via un diplôme universitaire spécialisé dans ce domaine. Il embarque également toute la famille dans l'aventure, dont ses trois fils qui le rejoignent : Louis, précédemment directeur commercial à Lyon, dans le domaine du street-wear et des équipements sportifs intervient sur son cœur de métier, la production et le packaging ; Olivier, pharmacien, prend en charge le volet qualité ; Pierre, enfin, ingénieur travaille sur la partie technique et la validation des différentes étapes clés. Jusqu'à leur mère, Anne qui aide à la création des étiquettes et de la communication...

Une démarche environnementale poussée

Le positionnement en bio et l'approche environnementale sont également soignées, avec l'ambition de concevoir un bâtiment de production exemplaire : bardage bois, panneaux photovoltaïques sur le toit destiné à assurer une autonomie énergétique, bassin de retraitement des eaux usées, partenariat avec une association pour la consigne des bouteilles de 75 cl... Les drèches (résidus d'orge restant dans la cuve après la cuisson de la bière et le soutirage du moût) sont également données à un éleveur porcin de la région.

Le tout allié à des process industrielles d'automatisation permettant d'obtenir une homogénéisation des qualité organoleptiques des brassains produits. "Nous avons par exemple opté pour une embouteilleuse sous pression Gai. Elle permet à la bière de garder le CO₂ de sa propre fermentation et d'obtenir des bulles d'une grande finesse" explique Louis Toucas. Autant de petits détails qui permettent à Bulles de Provence de se démarquer, sur un marché de la brasserie artisanale, au départ confidentiel, mais qui s'accélère désormais de façon exponentielle : "Il en existait 300 en 2012. Nous sommes désormais plus 2 300 aujourd'hui. Et ce nombre augmente chaque mois !"

Une gamme en constant renouvellement 

Le souhait des créateurs de la brasserie Bulles de Provence de privilégier des circuits courts pour les matières premières de qualité, issues de l'agriculture biologique (malts, orges brassicoles, houblons...), se heurte pour l'heure à la faiblesse de la production locale, en bio comme en conventionnel. Et ce, même si des expériences de mises en culture de houblons et d'orges brassicoles sont conduites par l'association "La Bière de Provence" avec Agribio 04 et le Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab)¹. Pour l'heure, seules les céréales entrant dans la composition des bières (blé, avoine, orge, seigle...) ont l'obligation d'être issues de l'AB. Mais dès début 2023, le houblon devra l'être aussi. Ce qui devrait booster la demande et offrir des débouchés supplémentaires aux producteurs régionaux. Depuis leurs premiers brassains en 2017, qui ont donné naissance à 250 hl de bière blonde, père et fils ont élargi leur gamme (une vingtaine de références désormais) et augmenté leur volume de production qui s'élève désormais à 1 400 hl/an. "Notre gamme s'est structuré au fil des années, avec une partie bières traditionnelle" permanente (blonde, brune, ambrée, blanche, IPA, Stout, triple...) et d'autres éphémères et atypiques. "À partir des trois éléments de départs que sont le malt, le houblon et les levures, auxquels on peut ajouter des ingrédients supplémentaires (gingembre, piment, hibiscus, fruits...) il existe une infinité de possibilités de créations..." s'enthousiasme Louis Toucas. La brasserie s'est ainsi associée à la Chocolaterie de Puyricard ou La Maison Ferroni, à Aubagne, pour concevoir des bières vieillies en fût de Pommard, par exemple.

Une bière sans alcool en préparation

Concernant le volet commercialisation, Bulles de Provence distribue l'essentiel de sa production (420 000→bouteilles/an) via les grandes surfaces spécialisées en bio sur le territoire de la métropole Aix-Marseille, dans les épiceries fines, les restaurants et plus marginalement les bars. Un bar a été aménagé sur place et des soirées ont même été organisées mais les dirigeants de la brasserie ont dû faire marche arrière au vu du succès qui dépassait leurs espérances. "C'est un métier à part... qui venait s'ajouter à celui lié à la production : l'amplitude horaire que cela impliquait n'était pas tenable sur la durée" analyse avec le recul Louis Toucas. Celui-ci et son père ont donc préféré se recentrer sur leur cœur de métier : brasser. Ils préparent désormais le lancement, pour 2023, d'une bière blonde... sans alcool. Déjà produite de façon éphémère par le passé, celle-ci devrait rejoindre le catalogue des bières "permanentes", pour répondre à une demande forte des consommateurs, qui ne cesse de progresser, même si elle reste minoritaire.