Si l'eau est "à utiliser avec parcimonie", comme le rappelait Denis Verdier à mesure que le réseau hydro-agricole approchait de sa finalisation, l'heure n'était pas à la sobriété ce mardi 23 mai, à l'occasion de la mise en service du nouveau réseau des Collines des Costières. Après sept ans de concertation, d'engagements de vignerons et d'élus locaux, et de travaux d'aménagement, la cave coopérative de Générac VPA (Vignerons Propriétés Associés) accueillait les acteurs mobilisés depuis le lancement du projet d'irrigation. 

La Région Occitanie, présidée par Carole Delga, le concessionnaire du réseau hydraulique régional (RHR), BRL et ses représentants, le Département du Gard, les collectivités et élus locaux, ainsi que la Chambre d'agriculture et les OPA gardoises n'ont pas manqué le rendez-vous donné par Denis Verdier.

Cette extension du RHR bénéficiera à 67 agriculteurs, majoritairement viticulteurs, sur 630 ha de vignes et quelques vergers des Costières. En guise de "réponse pertinente à la crise que nous connaissons", espère Carole Delga, bien que le réseau régional ne soit pas extensible à l'infini, ni le Rhône une corne d'abondance hydraulique inépuisable. 

Concertation, ambition, irrigation 

La filière viticole est, certes, confrontée à des difficultés économiques et climatiques indéniables, mais "aujourd'hui, c'est la fête !", a lancé Denis Verdier lors de l'inauguration du nouveau réseau d'irrigation dans les Costières, à Générac. "Après sept ans d'efforts, avoir monté ce beau projet" va permettre aux viticulteurs du secteur "d'apporter la goutte d'eau au moment du stress hydrique". Né d'un engagement collectif territorial, le réseau hydro-agricole Collines des Costières a bénéficié des aides des Maisons de la Région, pour conduire les études préalables, et des crédits européens et régionaux (40 % du financement), mais aussi départemental, pour plus de 10 %. Ce projet, "ambitieux" et coûteux (5,2 M€ d'investissement), se voulait une clé de la politique territoriale, pour faire face "au défi des 10, 20, 30 prochaines années", tel que présenté par Denis Bouad, sénateur, et précédent président du Département. 

Avec la concertation comme échafaudage, BRL a misé sur "l'intelligence collective", afin de mener à bien le projet, de sa conception à la réalisation, salue Fabrice Verdier, président du conseil d'administration de l'opérateur du RHR d'Occitanie. Alors que "54 milliards de m³ de l'eau du Rhône sont déversés dans la mer", l'utilisation de la ressource devra s'accommoder des restrictions et d'une gestion agricole économe, en accord avec le Plan 'eau' de la Région, présenté ce mois-ci. Attentive à la préservation de la biodiversité du territoire, BRL se veut "une entreprise respectueuse du Pacte vert", ajoute Fabrice Verdier. 

Juste une goutte, mais la bonne 

Si, on le sait, BRL ne sera pas "une solution miracle pour tout le monde", comme le rappelle Denis Bouad, prenant pour exemple la culture d'oignons doux des Cévennes, qui ne peut uniquement se satisfaire des disponibilités du fleuve. Intrinsèquement liés, agriculture et tourisme ne pourront se passer d'eau, mais devront en faire la nécessaire économie. À condition de l'apporter en "bonne quantité et au bon moment de croissance de la plante", qui plus est à la vigne, sait Carole Delga. 

Pour suivre la tendance d'un "nouveau modèle de production", devant répondre au triptyque "agroenvironnemental, économique et social", la viticulture s'attache à répondre aux demandes réduisant l'utilisation des intrants, des phytosanitaires et autres désherbants, plaide Freddy Chabrol, vice-président de la cave VPA. Mais pour mener à bien ces pratiques aux parcelles, comme l'enherbement, l'eau ne peut être écartée. "Selon les segments de vins, on arrose différemment", explique Freddy Chabrol, lors de la mise en eau symbolique de la pompe sur parcelle. "On arrose un peu plus en IGP et un peu moins en AOP", résume-t-il. "Car, sans rendement, la sanction économique est immédiate." 

Compenser les aléas climatiques 

Prélevée à 40 km de cette parcelle, l'eau du Rhône est acheminée via 25 km de canalisations, dont 18 km sur le secteur de Beauvoisin, Générac, et 7 km sur la zone de Vauvert, au gré de 46 bornes d'irrigation installées bénéficiant à 94 % aux vignes. Selon des débits de 300 à 400 m³/ha, jusqu'à 1 000 m³/ha, en cas de sécheresse, "la vigne consomme environ 20 % de ce que consomme un pêcher", note Jean-François Blanchet, pour rappeler que c'est en goutte-à-goutte que l'eau est ici conduite aux pieds des vignes. Ainsi, "on compense un aléa climatique", avance le directeur général du Groupe BRL. Estimés entre 20 000 et 30 000 ha, les besoins globaux dans le Gard ne pourront pas tous être satisfaits, ne serait-ce que par les superficies possiblement raccordables au réseau. Mais sur les 630 ha couverts par l'extension du réseau, l'eau, filtrée et amenée par les canalisations enterrées, sera comptée pour "vérifier que la bonne dose est apportée". 

Retenues collinaires adaptées 

S'inscrivant dans une politique "visionnaire", le réseau hydraulique régional ne pourra pas, seul, répondre à la sécheresse. Car le maillage des réseaux est possible, même "dans certaines vallées", indique la présidente de Région, après une visite dans les Pyrénées-Orientales. De même que le captage, "pour éviter le ruissellement de l'eau" en zones humides, a son intérêt "vu les épisodes climatiques de plus en plus violents", de même que les projets de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) sont à appuyer. "Nous avons une technologie d'épuration remarquable", indique Carole Delga, qui incite à plus d'offensivité, là où la réglementation espagnole est plus souple en la matière. "On doit pouvoir réutiliser ces eaux pour l'agriculture, pour les usines." 

Enfin, les retenues collinaires, "de territoire", sans verser dans les méga-bassines de Sainte-Soline, seront présentées dans le Plan 'eau' de la Région, adaptées aux conditions géographiques, aux disponibilités et à l'état des nappes. 

Défense et promotion des vins régionaux 

Afin de continuer à produire "des vins de qualité" et de les vendre à l'export, Carole Delga compte sur ce nouvel outil pour assurer "de la valeur ajoutée et des revenus dignes". Un volet dédié à la promotion internationale sera prévu dans le contrat de filière entre la Région et les interprofessions, tel que réclamé par la Coopération agricole et les Vignerons indépendants, après une première mise en place au plus fort de la crise sanitaire. 

La rencontre prévue avec le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, le 31 mai, devait, notamment, permettre à la présidente d'Occitanie d'aborder l'épineux dossier de la marque Sud de France sur les étiquettes de vins français. Refusant de se résoudre aux méthodes de "la technocratie au détriment de la vie des gens", Carole Delga entend défendre la viticulture comme une "pratique culturelle" créatrice d'emplois.

Pour apporter le goutte-à-goutte aux vignes, le réseau hydro-agricole des Collines des Costières est constitué de rouleaux de 400 mètres, à raison d'un goutteur à chaque mètre, soit 4 000 goutteurs par hectare. Sur le secteur de Beauvoisin/Générac, chaque goutteur alimente les parcelles selon un débit de 1,6 l/h/ha, pour une mise en pression de 13 bars, soit "6 500 l/h/ha", explique Stéphane Rouvin, vigneron adhérent en Costières (15 ha). "Chacun a une application pour programmer les électrovannes." 

La participation au réseau s'élève à 1 000 € la borne par hectare, par viticulteur adhérent, pour un coût global de 3 000 €/ha. "L'installation est à notre charge, plus la consommation en eau de 12 cts €/m³."