Pour Julien Mongis, créer une retenue d’eau ne consistait pas seulement à installer une cuve, mais à recréer de la vie. (© E. Delarue)
Lévolution de la technique dans l’irrigation et le développement des infrastructures hydrauliques ont permis d’améliorer grandement l’efficience de l’eau en agriculture. Faire avec moins d’eau et toujours plus de chaleur, l’équation ne sera pas facile à résoudre, mais pas impossible. Il est certain que les agriculteurs devront continuer de s’adapter.
La contrainte hydrique, qui ne devrait pas baisser dans le futur, conduit les professionnels à envisager dès aujourd’hui de nouvelles solutions. Pour continuer d’économiser la ressource, sans compromettre les performances économiques des productions, le stockage de l’eau est une piste d’avenir que l’État français envisage désormais plus sérieusement. Nos voisins, eux, n’ont pas attendu pour l’exploiter. En France, seulement 2,5 % de l’eau qui tombe est utilisée en agriculture, alors qu’en Espagne ce chiffre atteint 55 ou 60 %. À Mouriès, dans les Alpilles, Julien Mongis, fraîchement installé comme exploitant agricole, s’est lancé le défi de créer une retenue d’irrigation en aquaponie, la première dans le département, pour le projet qu’il est en train de réaliser. Il a repris l’année dernière le Domaine du Temps perdu, une propriété oléicole du XIXe siècle laissée à l’abandon depuis le gel de 1956. Avec le soutien du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, il a commencé par défricher la propriété agricole. Un travail titanesque qui a duré 6 mois avant de pouvoir planter ce qui sera le cœur du projet : 2 000 oliviers, 1 000 amandiers et 400 fruitiers. Les travaux de restructuration des 12 hectares sont presque terminés. Son objectif est de “pratiquer une agriculture autosuffisante et de parvenir à ne plus avoir d’impact sur l’environnement“.
3 000 mètres cube
Dans la lutte contre les nuisibles, la biodiversité est présente partout dans l’exploitation. Des couverts végétaux ont été semés sur les inter-rangs d’amandiers et d’oliviers. Ils serviront aussi à l’accueil d’une faune d’auxiliaires. Et pour renforcer et stimuler les cultures, toutes les plantations ont été mycorhizées. Les 8 hectares de forêts se chargeront de produire la matière organique pour nourrir les plantations. Car l’idée de la ferme autosuffisante du Domaine du Temps perdu est bien là, “investir au départ, mais par la suite utiliser uniquement ce que l’on aura à portée de main“, résume Julien Mongis.
Dans le cycle écosytémique qu’il a mis en place, “tout part de l’eau“. La retenue de 3 000 m3 créée sur l’exploitation doit lui permettre d’atteindre cette autonomie pour irriguer et amender ses cultures.
Pour lui, “le choix d’un système en aquaponie était une évidence. C’est la vie dans la retenue d’eau qui fournira les nutriments pour nourrir les cultures“, explique t-il. En effet, les poissons, qui doivent bientôt intégrer le bassin, produiront cette eau amendée naturellement en nitrates. Elle sera ensuite filtrée, puis injectée dans les circuits d’arrosage. “Aucun autre engrais ne sera employé. Il faudra seulement nourrir les poissons !“, ajoute l’agriculteur.
Tous les abords du bassin ont été aussi végétalisés pour éviter l’évaporation de l’eau, la purifier et pour stabiliser les berges.
La topographie de la propriété a été étudiée et les parcelles réaménagées, afin que les eaux de ruissellement soient canalisées vers la retenue. “L’objectif est de pouvoir récupérer 2 000 m3 d’eau/an grâce aux eaux de pluies et de ruissellement“, précise Julien Mongis.
Pour reconstituer cet écosystème, c’est le volet administratif qui a été finalement le plus fastidieux. “Entre le dépôt de dossier et l’obtention de l’autorisation il s’est écoulé 8 mois. Nous avons pourtant monté un dossier très pointu avec la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône avant de déposer notre demande d’autorisation en préfecture“, rapporte l’exploitant.
Irriguer avec des oyas
La mise en eau a été effectuée le mois dernier et Julien a depuis, déjà récupéré quelque 400 m3. Tout le réseau d’irrigation des cultures est aussi en place. L’eau collectée dans la retenue sera acheminée jusqu’à des oyas déjà enterrés aux pieds des arbres. Ces pots d’argile de 40 cm sont censés diviser par 5 la consommation en eau des cultures. “C’est un système d’arrosage qui amène les systèmes racinaires à descendre en profondeur. Les oyas vont aussi créer des colonnes d’eau autour des arbres. L’humidité sera permanente, constante même en période de sécheresse“, explique l’agriculteur.
Un grand potager en permaculture, en cours d’installation, s’appuiera aussi sur ce principe pour son alimentation hydraulique.
Julien s’est également donné les moyens de prouver que ses choix fonctionnent bien. Pour s’appuyer sur des preuves tangibles, des sondes ont été installées un peu partout, de façon à collecter des données pour établir des statistiques sur les niveaux d’humidité du sol, le niveau d’eau dans les oyas, les quantités d’eau apportées, mais aussi l’impact des oyas couplés à l’aquaponie sur la production.
Le projet de Julien Mongis, déterminé à travailler avec la nature, est résolument ambitieux. L’objectif est aussi, et surtout, pédagogique. La ferme sera donc ouverte et le rendez-vous est pris pour venir d’ici quelques années découvrir les vergers qui auront commencé à produire.
Emmanuel Delarue
Hérault
Châteaurenard
Hyères
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