France 04/11/2022
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PULVÉRISATION

Drone ou pulvé à dos : quel est le plus risqué pour la santé ? 

Les traitements phytosanitaires présentant des risques d'exposition chimiques et physiques pour les opérateurs, les pouvoirs publics ont autorisé, durant trois ans, l'expérimentation de drones pour la pulvérisation. Celle-ci a été complétée par une étude sur l'ensemble des risques professionnels liés à cette pratique. Résultats.

L'expérimentation a porté sur l'usage des drones pour la pulvérisation des produits phytosanitaires utilisables en agriculture biologique dans des vignes avec une pente supérieure à 30 %.

© Crédit photo : MSA Ardèche Drôme Loire

Qui du drone ou du pulvérisateur à dos présente le moins de risques pour la santé des opérateurs ? C'est à cette question qu'a tenté de répondre une expérimentation lancée en 2021 en Ardèche, suite à une dérogation des pouvoirs publics, en date du 19 août 2019, autorisant une expérimentation pour trois ans. Rappel du contexte : en 2009, une directive européenne signe la fin de l'épandage de produits phytosanitaires par voie aérienne, pourtant bien utile pour les vignes en forte pente. La déclinaison française de la directive tombe, elle, pour la vigne et les rizières en décembre 2015. Près de 2 600 ha sont alors traités en France par hélicoptère. Pour ces zones à fort devers (plus de 30 %), ne reste plus que le traitement avec pulvérisateur à dos ou canon oscillant.

"Dans notre région, beaucoup de traitements sont faits avec un pulvérisateur à dos de 15 à 20 litres - et pouvant atteindre 30 à 35 kg une fois rempli, avec la bouillie et le carburant -, car les vignes sont dans des zones très escarpées. Cette pratique nécessite une débauche d'énergie pour les opérateurs et engendre beaucoup de fatigue. S'ils veulent la faire correctement et en toute sécurité, cela nécessite le port d'équipements de protection individuels. Et même s'ils ont beau pulvérisé tôt le matin, les opérateurs ont très chaud dans ces équipements, sans compter que ces derniers ne sont pas toujours très bien portés. Enfin, les opérateurs se retrouvent parfois à aller d'une parcelle à l'autre dans des véhicules. Il peut alors y avoir des souillures avec les combinaisons, les masques, etc. L'activité reste donc très problématique en termes de risques professionnels", rappelle Laurent Lampin, conseiller prévention à la MSA Ardèche Drôme Loire.

Les objectifs de l'expérimentation

L'information étant remontée aux pouvoirs publics, ces derniers accordent une dérogation pour 3 ans, permettant de mettre en place une expérimentation sur l'usage des drones pour la pulvérisation des produits phytosanitaires utilisables en agriculture biologique dans des vignes avec une pente supérieure à 30 %, des règles de distance précises, etc. L'objectif de l'expérimentation : évaluer la qualité de la pulvérisation et l'efficacité biologique ; caractériser la dérive des produits dans le milieu naturel ; estimer les risques d'accident de travail, ainsi que l'exposition aux produits des opérateurs pendant les différentes phases de traitement avec le drone.

Sollicitée par la Chambre d'agriculture de l'Ardèche, qui a lancé l'initiative, le service Santé sécurité au travail de la MSA Ardèche Drôme Loire s'est associée à l'expérimentation pour venir faire des observations (parfois couplées à de la météorologie, ndlr), avec deux risques principaux sur lesquelles elle souhaitait aller plus loin : la charge physique et l'exposition des opérateurs aux produits phytosanitaires suivant que l'on utilise un drone ou un pulvérisateur à dos. L'expérimentation s'est déroulée sur trois exploitations agricoles, deux à Cornas et une à Saint-Jean-de-Muzols. L'expérimentation s'est déroulée lors de traitements réels sur les trois exploitations entre le 6 mai et le 10 juillet 2021.

Une charge physique intense avec le pulvé à dos

Pour mesurer la fréquence cardiaque suscitée par l'utilisation du drone ou du pulvérisateur à dos, les opérateurs qui ont participé à l'expérimentation ont été équipés pendant 24 heures (la nuit précédant la journée de travail et tout au long de cette journée, ndlr) d'une montre spécifique destinée à mesurer le rythme cardiaque en temps réel, ce qui permet de calculer, pour chacun, son coût cardiaque de référence et de le comparer à des valeurs seuils et des grilles de pénibilité. L'expérimentation a été menée avec 7 opérateurs différents, "afin de savoir notamment s'il y avait des moments différents en fonction de la période où les traitements étaient réalisés, si la température jouait, si le facteur humain, tel que l'âge, le poids en encore une activité physique régulière ou pas, pouvait avoir une interférence...", détaille Laurent Lampin. Seul écueil : difficile de mesurer, pour le pilote de drone, le stress et la charge mentale générés par le pilotage de l'appareil, et leur impact sur la fréquence cardiaque sur des parcelles à fort devers.

Sur la majorité des 14 mesures réalisées permettant de définir la charge physique des opérateurs, les relevés pour des traitements avec un pulvérisateur à dos sont montés ponctuellement au-delà de 80 % de la charge physique maximale des opérateurs pendant plusieurs minutes alors que le seuil de référence ne doit pas être au-delà de 33 % des capacités maximales sur une journée de 8 heures. Ainsi, par rapport aux grilles de pénibilité définies, l'activité a été qualifiée d'intense avec le pulvérisateur à dos quand la capacité physique mesurée a dépassé les 33 % sur 8 heures de travail, les 50 % sur plus d'une heure, les 65 % pendant plus de 20 minutes et plus de 85 % pendant plus de 5 minutes, voire excessive dans certaines phases de travail. "En moyenne, avec le pulvérisateur à dos, les opérateurs étaient à plus de 35 % de leur capacité physique maximale pendant la phase de traitement", commente le conseiller prévention.

Pour le pilote de drone, le rythme cardiaque n'est pas non plus négligeable en raison des multiples déplacements qu'il doit effectuer sur les parcelles à fort devers, la manutention de l'appareil, de même que la charge mentale ou le stress lié au pilotage, même si ces deux derniers critères sont difficilement mesurables, comme précisé précédemment. "En moyenne, le pilote de drone était à 21,5 % de sa capacité physique maximale en période de traitement, donc sans équivalence avec l'utilisation du pulvérisateur à dos, mais cela correspond tout de même à un travail lourd", souligne Laurent Lampin.

Une exposition aux produits 300 fois plus forte

Les différences sont encore plus marquées au sujet de l'exposition aux produits phytosanitaires, que ce soit lors de la préparation, du remplissage, de la pulvérisation et du nettoyage de l'appareil. Les observations recueillies l'ont été, le 17 juin 2021, sur une même parcelle de 2 500 m2, à Cornas, présentant une pente de 41 %. Le produit utilisé était une même bouillie mère pour le drone et le pulvérisateur à dos, à savoir un colorant alimentaire, la tartrazine, afin d'éviter les biais. Seul l'opérateur était différent, le pilote de drone d'un côté, l'agriculteur avec son pulvérisateur à dos de l'autre. Les mesures d'exposition ont été faites à partir des combinaisons de protection individuelles, qui ont été découpées après chaque phase de travail, en différents petits morceaux (avant-bras, bras, cuisses, mollets, torse avant, torse arrière et capuche) pour pouvoir analyser chaque partie du corps contaminée par le produit, ainsi que la quantité de ce dernier. Des prélèvements ont également été réalisés sur les mains et le visage des opérateurs.

Ainsi, pour la phase de préparation de la bouillie comme pour le nettoyage de l'appareil, drone comme pulvérisateur à dos, il n'y a pas de différences significatives. Dans un cas, comme dans l'autre, la contamination par le produit s'est révélée plutôt faible, essentiellement sur les mains et les avant-bras. En revanche, des différences apparaissent entre l'utilisation de l'un ou l'autre matériel, lors de la phase de remplissage. La contamination est plus conséquente avec le pulvérisateur à dos, l'exposition au produit étant 6 fois plus importante qu'avec le drone, "et ce sur l'ensemble du corps, de la capuche aux jambes, et bien sûr, les mains. Toutefois, l'usage d'un pistolet de distribution de la bouillie, couplé à une cuve amovible sur le drone, a permis de limiter les opérations de transvasement, d'utilisation d'accessoires, et donc d'éventuels contacts avec la bouillie", souligne-t-il.

Mais les différences les plus significatives ont été relevées lors de la phase du traitement, avec une exposition 300 fois plus importante de l'opérateur utilisant un pulvérisateur à dos, et ce pour la même surface traitée. "L'ensemble du corps a reçu du produit, ce qui est logique puisqu'il est très proche de son nuage de traitement, alors que le pilote du drone en avait un peu sur les mains avec le changement de sa batterie et sur les cuisses. En fait, quand ils contaminaient leurs gants, ils s'essuyaient machinalement sur leurs cuisses. D'où la présence du produit", détaille-t-il.

L'ensemble des conclusions ont été envoyées à l'Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire nationale (Anses) en octobre 2021. D'une manière générale, si l'utilisation du drone pour la pulvérisation présente de nombreux avantages et des résultats intéressants et une réduction sensible des risques d'accident du travail et des maladies professionnelles pour les opérateurs, "il y a encore des réflexions à mener et la pratique doit être encadrée, d'autant que c'est une pratique qui peut être controversée", conclut Laurent Lampin.

Mi-octobre 2022, l'Anses a rendu son verdict sur l'utilisation des drones pour traiter les vignes en pente. Elle considère que l'exposition des opérateurs est très inférieure lorsqu'ils utilisent un drone plutôt qu'un pulvérisateur à dos, en particulier lors de la phase d'application, "ce qui correspond à ce que nous avions trouvé dans nos expérimentations", commente Laurent Lampin. L'Anses indique que "si l'utilisation du drone pourrait permettre une moindre exposition des opérateurs, cela nécessite cependant d'être confirmé par des essais additionnels, car le nombre d'essais et celui des opérateurs impliqués sont assez limités". Dans ses conclusions, l'Anses aborde aussi la question de l'exposition des travailleurs lors de leur entrée dans les parcelles traitées, un paramètre qui n'a pas été évalué dans les expérimentations conduites par la Chambre d'agriculture de l'Ardèche et la MSA Ardèche Drôme Loire. Les essais sur la qualité de pulvérisation avec un drone ayant montré qu'il y avait une répartition moins homogène avec le drone, l'Anses s'interroge sur son impact sur les travailleurs dans les vignes. "Avec ces conclusions, des essais complémentaires devraient être mis en place, mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils autorisent dans la foulée l'usage des drones. Cette décision appartiendra aux pouvoirs publics", rappelle le conseiller prévention à la MSA Ardèche Drôme Loire. Dans tous les cas, l'idée n'est pas de généraliser cette pratique à tout le monde, mais de l'autoriser pour certaines situations telles des vignes en forte pente, très peu accessibles, pas mécanisables ou sur des sols instables. "Dans ces cas spécifiques, il est évident que c'est une piste à explorer", conclut-il. 

Florence Guilhem •

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