Agro-industrie
La mise en service de la plus grande ferme verticale au monde de production de protéines d'insectes, à Poulainville, dans la Somme, est imminente. Les premiers clients devraient être livrés d'ici quelques mois.
L'unité de production du groupe Ÿnsect, à Poulainville, au nord d'Amiens (80), a pour objectif de produire 200 000 tonnes d'ingrédients protéinés par an.
© Crédit photo : Ÿnsect
Dans un contexte de demande croissante en protéines, et face à une offre qui se raréfie, Antoine Hubert, ingénieur agronome, avec trois associés (Jean-Gabriel Levon, Fabrice Berro et Alexis Angot), décide, en 2011, d'apporter une réponse innovante et concrète à ce qui est l'un des principaux défis de l'humanité dans les années à venir. Comment ? En lançant une production de protéines à partir d'insectes pouvant répondre aux besoins des marchés de la nutrition animale et végétale. "Les insectes s'avèrent une solution alternative avantageuse tant sur le plan économique qu'écologique. Et cela permet, en outre, de leur redonner la place qui devrait être la leur dans la chaîne alimentaire", explique Antoine Hubert, président du groupe Ÿnsect.
L'idée lui est venue à la fin de ses études d'ingénieur agricole, alors qu'il réalisait un stage en Nouvelle-Zélande sur l'activité des vers de terre dans les sols. Deuxième déclic : le financement par la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, de petits élevages d'insectes d'Asie. L'élevage d'insectes séduit d'autant plus l'ingénieur agronome, car "ces derniers apportent une réponse innovante, naturelle et durable à l'un des principaux challenges de l'humanité, soit nourrir les animaux, qui nourrissent eux-même une population croissante d'individus. Par ailleurs, les insectes peuvent être élevés presque partout, avec un impact environnemental limité", détaille-t-il.
Après avoir développé en laboratoire de nouvelles technologies d'élevage, la jeune société, grâce à des levées de fonds et au soutien des pouvoirs publics, ouvre, fin 2016, une unité de démonstration industrielle à Dole, dans le Jura, puis une deuxième à Emelo, aux Pays-Bas, avant de se lancer dans la construction d'une troisième ferme verticale d'insectes à Poulainville, aux portes d'Amiens, dans les Hauts-de-France. Un site géographique stratégique en raison de ses ressources céréalières, notamment le blé, dont Ÿnsect utilise les co-produits pour l'alimentation des scarabées qu'elle élève, mais aussi par sa proximité avec les ports du nord de l'Europe et des capitales européennes qui rapproche la start-up de ses clients et offre des perspectives internationales.
Haute de 36 mètres pour 40 000 m2 de surface de bâti, et une capacité de production de 200 000 tonnes de protéines à base d'insectes par an, l'usine baptisée Ÿnfarm se présente comme "la plus grande ferme verticale au monde et la première à être 'carbone négatif', car nous produisons 1 kg de protéines d'insectes avec 95 % de terres en moins que n'importe quelle autre production agricole", affiche Antoine Hubert.
L'insecte retenu pour cette production est le scarabée Molitor, considéré comme le plus premium de tous en raison de sa forte teneur en protéines (plus de 72 %) de haute qualité, ainsi que d'autres nutriments essentiels à la santé humaine, animale et des plantes. De plus, "le Tenebrio Molitor est une espèce présente partout dans le monde, et qui est utilisée depuis des décennies, entre autres, comme appât de pêche. Enfin, c'est une espèce grégaire et nocturne, ce qui facilite son élevage", indique le président du groupe.
En matière d'élevage et de transformation, les insectes juvéniles sont nourris et grandissent pendant plusieurs semaines dans des conditions optimales (flux d'air continu pour aérer les différentes chambres, automatismes, capteurs, etc.). Lorsque les larves arrivent à maturité, 95 % sont étuvées, stérilisées, puis transformées en protéines et en huile premium, sans aucun ajout de composé chimique. Les 5 % restants deviennent adultes et se reproduisent pour assurer le renouvellement de la population juvénile.
Aucun produit chimique n'intervient au cours de l'élevage, ni dans la fabrication des produits finis. Et pour cause. Les scarabées sont nourris avec du son de blé, un co-produit céréalier, et leur transformation en produits finis sous forme de poudre et d'huile est entièrement mécanique, ne nécessitant donc, une fois encore, aucune utilisation d'intrants chimiques. Ces produits finis, riches en protéines, seront valorisés dans l'alimentation des animaux de compagnie et des poissons d'élevage. Quant aux déjections des insectes, elles seront utilisées sous forme d'engrais organiques pour les végétaux.
Selon des études réalisées pour Ÿnsect, l'utilisation de ces nouveaux produits permettrait d'augmenter la productivité des élevages piscicoles et de réduire l'empreinte carbone, en consommant moins de terre et de ressources, en réduisant l'apport de fertilisants chimiques, "sans déforester ni vider les océans", ajoute Antoine Hubert. Last but not least, ces insectes ne présentent aucun risque pour l'écosystème de la région, car, d'une part, ils ne sont pas en contact avec le milieu naturel et, d'autre part, comme ils font partie de l'écosystème naturel de la région, les populations d'insectes endémiques ne courent aucun risque.
Dès la mise en route de la ferme verticale amiénoise, celle-ci espère produire 100 000 tonnes de produits par an, répartis entre engrais organiques (2/3) et protéines pour l'alimentation animale (1/3), avant de monter en puissance. Selon les propos d'Antoine Hubert, rapportés par nos confrères de L'Action agricole picarde, 105 millions de dollars de contrats étaient déjà signés en octobre 2020 avec des clients d'horizons divers, que ce soit pour la fourniture d'engrais ou de protéines pour l'élevage de poissons.
S'en s'arrêter à l'alimentation animale et des plantes ? Niet. Après avoir transformé les insectes en aliments pour les animaux et les plantes, la start-up souhaite aussi produire de l'alimentation humaine avec le Molitor et le scarabée Buffalo.
Avec avoir obtenu le feu vert de l'autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) pour l'utilisation du Molitor dans l'alimentation humaine en janvier 2021, le groupe Ÿnsect annonçait, le 4 juillet dernier, l'avoir également décroché pour le scarabée Buffalo (Alphitobius diaperinus). Mais avant la commercialisation du produit, il faudra toutefois avoir la confirmation de la Commission européenne pour la mise en marché dans l'espace communautaire. L'avis favorable de l'Efsa ne porte que sur l'insecte entier, ce qui inclut la farine séchée qui en est issue. Or, Ÿnsect aimerait concentrer ses développements sur la production de farines déshuilées pour lesquelles d'autres avis sont attendus.
Une fois tous les feux au vert, la start-up envisage de proposer ces aliments à base d'insectes dans les domaines du sport et de la nutrition santé. La branche d'activités Ÿnsect Human Nutrition & Health commercialise déjà des ingrédients utilisant
le scarabée Buffalo (sous la marque AdalbaPro), notamment en Autriche, mais aussi en France (barres et granolas Jiminis). Quand la mise en marché sera autorisée pour l'Union européenne, les ventes pourront changer d'échelle.
Mais parce que le groupe Ÿnsect ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, d'autres fermes devraient être construites dans plusieurs autres pays, dixit ses dirigeants. Et le groupe d'avoir pour ambition de déployer un réseau de plus de 100 fer- mes verticales dans le monde pour apporter une réponse locale à la demande de ses clients internationaux.
ZOOM sur...-
Si la consommation d'insectes reste anecdotique en France, six Français sur dix se disent prêts à en manger, selon une étude menée par l'Institut CSA, réalisée en ligne, du 18 au 20 janvier 2022, auprès d'un échantillon représentatif de 1 006 Français âgés de 18 ans et plus, constitué d'après la méthode des quotas.
61 % des répondants s'estiment non réfractaires à la consommation d'insectes, séchés, grillés ou encore transformés sous forme de farine, par exemple. 24 % déclarent en avoir déjà consommé, mais seule la moitié est prête à se laisser tenter de nouveau. Mais pour 39 % des Français, les barrières psychologiques, sociales, sanitaires et culturelles sont trop fortes. Et ceux-ci de déclarer ne jamais vouloir en consommer, les jugeant "dégoûtants !".
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