Contrairement à la fable de Jean de La Fontaine, la cigale n'a pas chanté tout l'été. Bien au contraire ! Elle s'est même considérablement activée pour répondre à la forte demande des consommateurs, aidée en cela par un été caniculaire qui lui aura été profitable. Un peu plus d'un an après l'inauguration du site de production, implanté dans la zone des Playes, à la Seyne-sur-Mer, cette première saison estivale a permis aux deux fondateurs de La Cig' - Rodolphe Apparu et Alexandre Chodek - de poursuivre la montée en pression entamée depuis la mise en service du site et de l'outil de production, en mai dernier. Et ce en conditions réelles, puisque les tous premiers brassins avaient été réalisés chez des confrères de la région bordelaise. "Les premières bières blondes estampillées La Cig' sont sorties de leurs chaînes d'embouteillage en mai 2021." En attendant la fin des travaux du site, à la Seyne-sur-Mer, c'était "la seule solution pour être référencé par les distributeurs", se souvient Rodolphe Apparu, en charge des volets financier et commercial de la brasserie.

"Nos confrères disposent de la même salle à brasser que nous. Ils sont eux aussi en 100 % bio et travaillent à façon. Cela nous a permis de tester la fabrication en conditions réelles, avant de la poursuivre dans nos propres locaux." La recette de cette première blonde a, quant à elle, été élaborée par Alexandre Chodek, ami d'enfance de Rodolphe. "Nous nous connaissons depuis l'âge de quatre ans. Nos parents étaient voisins."

Maître brasseur, ce dernier a de la bouteille en matière de bières, après 25 ans passés au sein de Kronenbourg, en Moselle (dont ils sont tous les deux originaires) et en Alsace, puis une activité de conseil auprès de créateurs de brasseries artisanales. Une approche sous l'angle industriel, mais qui lui a permis de faire ses gammes et de développer un savoir-faire, très utile pour se démarquer de ses concurrents, sur un marché de la micro-brasserie désormais mature, au niveau local et régional, "même s'il est encore loin de la saturation", juge Rodolphe Apparu. À la première recette de blonde s'en sont ajoutées d'autres : blanche, rousse, IPA et triple. De quoi constituer une première gamme que Rodolphe Apparu s'est empressé de faire goûter, dès mai 2021, aux acheteurs de magasins spécialisés bio du département : La Vie Claire, Biocoop et Marcel & Fils, d'une part ; aux cavistes et aux épiceries fines, d'autre part.

Une précédente vie professionnelle dans la finance

Le réseau de distribution s'est musclé mois après mois : La Cig' est désormais distribuée dans 150 points de vente selon Rodolphe Apparu. Un long travail de référencement et de commercialisation, qui s'est déroulé en parallèle de la présence de la brasserie artisanale seynoise dans des foires de producteurs locaux, des marchés, des showrooms et des événements dédiés... afin d'y présenter leur gamme naissante. Une activité aux antipodes de la première vie professionnelle de Rodolphe Apparu. Après un doctorat en finances, ce dernier a réalisé l'essentiel de sa carrière dans les salles de marché d'une grande banque française : d'abord au sein de son siège parisien, à Londres, puis en Afrique de l'Ouest, avant de devenir responsable Europe de l'activité "Couverture Risques". Une activité professionnelle enrichissante à plus d'un titre, mais qui s'est heurtée à l'envie de créer son entreprise avant la cinquantaine. Un souhait partagé avec son épouse, originaire de Sanary, de revenir dans le Var..."Si possible avant le moment de la retraite !" Puis, l'idée de créer une brasserie artisanale, avec son ami d'enfance, s'est imposée progressivement, au détriment de celle de reprendre une PME, dans le secteur de l'industrie et/ou de l'agroalimentaire. "La naissance de La Cig' résulte de la somme de nos compétences, très complémentaires" résument les deux associés. "Le marché de la brasserie artisanale se développe, avec l'arrivée chaque année de nombreux nouveaux entrants. Mais il s'agit d'un segment infime, qui ne représente que 5 % du marché global français, dominé par de grands groupes industriels" relativise Rodolphe Apparu. Celui-ci a en revanche choisi de viser grand, dès le départ, tant en termes de taille du site de production (650 m^², dont 500 m² au sol) que d'équipements (cuverie, chaîne d'embouteillage...) : "Nous sommes actuellement en surcapacité. Mais l'objectif est de monter en puissance dans les années à venir". Une ambition que la brassée de médailles (deux d'argent et autant de bronze) remportées au World Beer Awards pour leur première participation, pourrait concrétiser.

Un chauvinisme assumé

"Nous y avons participé avec l'objectif de développer la notoriété de la marque et de confronter nos productions à un jury international de professionnels. C'est évidemment une grande satisfaction de constater que leurs avis rejoignent celui de nos clients", savourent Rodolphe Apparu et Alexandre Chodek. Sur le plan marketing, les deux associés ont choisi un positionnement de niche - bières bio et qualitatives - et un chauvinisme assumé. "Nos bières revendiquent leur ancrage local : elles sont brassées à la Seyne, dans le Var" (comme le confirme l'étiquette qui affiche en gros "83" et des visuels de paysages varois). Autre choix de départ, celui de privilégier l'approvisionnement régional ou provençal, autant que possible : "L'eau vient pour partie du Verdon, notre fournisseur d'orge est implanté dans le Haut-Var, la malterie est située près de Valence, dans la Drôme...". Pour les autres ingrédients comme les houblons, l'ambition des créateurs de La Cig' s'est heurtée à une offre encore insuffisante en Paca : "Nous avions identifié un producteur des Alpilles, mais ses prix de vente n'étaient économiquement pas tenables", regrette Rodolphe Apparu. En attendant, la touche locale, très présente sur l'étiquette, se retrouve aussi dans la bouteille, avec une bière aromatisée au romarin ou une autre aux citrons de Menton, conçue en collaboration avec O' Boulodrome, un bar toulonnais.