Enjeux alimentaires
La Coopération agricole a organisé un tour de France pour ouvrir le débat avec la jeune génération sur les sujets importants que sont l'avenir de l'agriculture et l'enjeu alimentaire. Le 8 mars dernier, elle a fait étape à Narbonne. Revue de détail des échanges.
Dominique Chargé (au centre) : "Par ce travail d'échanges avec les jeunes, nous souhaitons capter les perceptions et les at-tentes qui feront le monde de demain."
© Crédit photo : AL
C'est une démarche d'ampleur nationale et son format est inédit. La Coopération agricole a décidé d'ouvrir des débats citoyens partout en France auprès des parties prenantes des filières alimentaires, mais également des citoyens de plus en plus sensibles aux enjeux alimentaires et environnementaux de l'agriculture. "Nous sommes au cœur de changements majeurs, entre souveraineté alimentaire et décarbonation des systèmes agricoles. Sur tout cela, nous voulons vous entendre et nous nourrir de vos réflexions pour faire évoluer nos entreprises", assure Dominique Chargé, président de La Coopération agricole, le 8 mars dernier, au musée Narbo Via, à Narbonne.
L'ouverture du débat a laissé la parole aux jeunes, qui ont pu librement répondre à la question d'ouverture : "Comment percevez-vous l'agriculture ?". Les réactions ne se sont pas fait attendre. "Le modèle industriel s'effondre", avec "ses fermes immaculées remplies de robots" et son "alimentation toxique". Pour Aude Montegu, étudiante en BTS Agronomie et productions végétales au lycée Charlemagne de Carcassonne, cette vision est le reflet, en partie, d'une méconnaissance du monde agricole. "Aujourd'hui, tous les agriculteurs ont une prise de conscience sur l'impact environnemental de leurs pratiques. Ils ont envie de réduire leurs coûts et de transmettre une ferme viable", partage-t-elle. "Les impacts de la pétrochimie sont indiscutables, et nous devons trouver des solutions. Mais si on prend l'exemple de l'érosion des sols, particulièrement marquée dans le Sud de la France, je pense qu'il est préférable de faire un traitement plutôt que de passer par des engins gourmands en énergies fossiles et défavorables à la structure du sol", ajoute-t-elle.
Pour répondre à cette méconnaissance, de nombreux viticulteurs soulignent le défi de l'agriculture à engager une "communication positive auprès des consommateurs". "Souvent, je me lève à 4 heures du matin pour aller traiter, non pas parce que j'aime me lever tôt, mais simplement pour trouver le meilleur moment qui me permette de traiter de façon optimale sans ennuyer les gens", raconte une viticultrice. Pour ce faire, l'idée "d'immersion" est souvent mentionnée par les étudiants, "afin de mieux comprendre ce milieu et ses enjeux", rappelle l'un d'entre eux. Autre grande préoccupation des citoyens, la souveraineté alimentaire, actuellement effritée par le conflit en Ukraine, qui demeure un vrai sujet d'inquiétude, posant la question de la nécessaire relocalisation de la production.
"Il faut que le système agricole industriel laisse la place aux circuits courts", lance une étudiante, avant qu'une autre rebondisse et encourage "des échanges entre départements et régions pour développer, à l'échelle du pays, une véritable indépendance alimentaire". Pour certains, l'industrie agroalimentaire est en partie responsable. "J'ai vécu en Nouvelle-Calédonie et l'offre est beaucoup moins importante qu'en métropole", remarque une citoyenne. "On mange ce qui est produit localement." En France, nous importons en masse des produits, "dont nous n'avons pas vraiment besoin", mettant l'adage à l'honneur, "consommer moins, mais mieux". L'idée de relocalisation semble faire l'unanimité dans la salle.
En revanche, l'intervention d'un restaurateur va plus loin dans la réflexion et considère que la filière dans son ensemble doit être repensée. "Ce n'est pas normal de trouver des asperges du Pérou ou du Chili, équeutées et emballées moins chères que l'asperge de Puichéric", jetant la responsabilité sur "des marges distributeurs et un écart de prix au sein des centrales d'achat beaucoup trop importants".
Les agriculteurs, qui sont aux premières loges, font le constat unanime qu'un lien doit être retrouvé entre agriculteurs et consommateurs. Pour cela, Thomas Ronne, jeune maraîcher à Fanjeaux, prône les magasins de producteurs où on recrée "du lien et des prix plus équitables", en donnant l'exemple de Biocoop Castelnaudary qui privilégie les produits locaux en appliquant une marge extrêmement basse sur ces produits.
D'autres souhaitent voir se développer "des formes plus collectives comme les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC), où l'agriculteur a le pouvoir de décision sur les prix, sur la politique de la coopérative et sur le choix commercial de ses productions". Mais, comme le rappellent certains d'entre eux, "nous ne pouvons pas être sur tous les fronts, car la commercialisation et la transformation de nos produits demandent beaucoup de temps et de savoir-faire".
C'est à la croisée des chemins, entre transformation des produits et relocalisation de la production que se place le secteur de l'agroalimentaire. "Le milieu agricole en France retrouve peu à peu une belle image, car notre génération évite de plus en plus les produits industriels en faveur des produits frais et de saison", estime une citoyenne. Néanmoins, pour pouvoir développer les circuits courts à grande échelle, il faut une bonne capacité de transformation des produits agricoles de la région. Dans cette optique, la ville de Narbonne planche sur un projet alimentaire territorial (PAT). "Notre territoire manque actuellement de sites de transformation", remarque Alain Vico, adjoint au maire de Narbonne délégué à l'écologie, à la transition écologique et à la politique municipale durable, en ajoutant que "les caves coopératives qui ne sont plus en activité pourraient être modifiées en atelier de transformation pour démocratiser les circuits courts".
Dès lors, de nombreuses voix s'élèvent et notent qu'au-delà de l'absence des structures, ce sont aussi les normes administratives qui font défaut. "Celles-ci font obstruction et découragent toute démarche de transformation." Cela étant, pour pouvoir transformer, il faut déjà produire, et donc des agriculteurs. "Cette année encore, le lycée agricole de Carcassonne enregistre une baisse des inscriptions, surtout dans les spécialités agronomiques", déclare une enseignante. Alors, comment faire ? "Nous avons des enseignements à tirer de ces échanges", reconnaît Jean-Pierre Arcoutel, président de La Coopération agricole d'Occitanie, qui se réjouit de voir "une jeunesse impliquée dans ce désir de changement". Considérant que "manger est un acte citoyen", Dominique Chargé, "prend acte de ces remarques" pour, d'ici la fin d'année, "mener les réflexions sur la transformation de notre modèle".
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