18/11/2022
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Egalim

La sanctuarisation des coûts industriels est "possible"

Une loi Égalim 3 telle que proposée par l'Adepale (produits élaborés), avec une non-négociabilité et une répercussion automatique des coûts industriels, serait "possible" au regard du droit de la concurrence, expliquent Olivier-Henri Delattre et Sophie Pasquesoone, respectivement avocat spécialiste du droit agricole et agroalimentaire et avocate spécialiste du droit de la concurrence et de la distribution, au cabinet Racine.

Olivier-Henri Delattre, avocat spécialiste du droit agricole et agroalimentaire, et Sophie Pasquesoone, avocate spécialiste du droit de la concurrence et de la distribution.

© Crédit photo : Racine

Certains industriels demandent une loi Égalim 3 comprenant la non-négociabilité des coûts des emballages, de l'énergie et du transport et la répercussion automatique des variations de ces coûts, comme c'est déjà le cas pour la matière première agricole. Est-ce possible au regard du droit de la concurrence ?

Olivier-Henri Delattre : "D'un point de vue juridique oui, c'est possible, le législateur l'a déjà fait concernant les matières premières agricoles. Concernant les matières premières industrielles que vous citez, cela pourrait être fait dans des circonstances exceptionnelles et un but louable : aider, voire sauver les industriels, qui sont coincés entre l'amont qui a fini par être aidé et la grande distribution qui est plus forte qu'eux. Certes, la marge de négociation entre les industriels et la grande distribution serait encore réduite, mais elle existerait néanmoins sur d'autres coûts, comme la main-d'œuvre, et sur la marge. Cependant, le système serait complexe à mettre en place. La clause de révision automatique ne poserait pas de gros problèmes : elle existe déjà pour la matière première agricole. On peut donc imaginer qu'il"suffirait"d'inclure les intrants industriels dans le dispositif. De plus, la variation de ces intrants est déjà prise en compte aujourd'hui dans la clause de renégociation. La sanctuarisation semble plus difficile. Les opérateurs ont parfois déjà du mal à définir ce qui relève de la matière première agricole dans le prix... On imagine que l'exercice serait encore plus périlleux pour définir ce qui relève de l'énergie, des emballages ou du transport. Cela ajouterait une couche de complexité dans ce qui ressemble déjà à une 'usine à gaz'."

Dispose-t-on aujourd'hui de tous les indicateurs nécessaires sur les coûts industriels pour mettre en place les clauses de renégociation et/ou de révision automatique du prix et dans quelle limite peut-on les publier ?

O.-H.D. : "Nous n'avons pas toujours d'indicateurs concernant toutes les matières premières agricoles, certaines interprofessions n'ayant pas réussi à se mettre d'accord. Les mêmes difficultés risquent de se présenter si des indicateurs pertinents concernant les coûts industriels devaient être diffusés. De manière générale, la publication d'indicateurs est autorisée dans la mesure où il s'agit de données agrégées et anonymisées, et qu'elles ne permettent pas d'identifier le comportement commercial d'un concurrent. La loi laisse les parties libres de déterminer dans le contrat la manière dont elles souhaitent prendre en compte les indicateurs, ce qui est conforme au droit de la concurrence. Il en serait autrement si des entreprises se mettaient d'accord sur la manière de prendre en compte les indicateurs et/ou pratiquaient le même prix. Ce serait un dévoiement de l'utilisation de l'indicateur."

"Le seul intérêt serait d'inverser le rapport de forces et de mettre la pression sur les distributeurs, mais il n'y aurait aucun rationnel économique derrière."

Sophie Pasquesoone : "La façon dont les textes sont rédigés donne en effet une grande marge de liberté aux opérateurs. Il faut prendre en compte les indicateurs, mais on ne dit pas dans quelle mesure, dans quelle proportion ni comment. C'est la limite de l'exercice." 

Peut-on imaginer une indexation des prix de l'énergie et des emballages comme dans le secteur du transport avec l'indexation du gazole ?

S.P. : "Le dispositif gazole fonctionne bien dans le secteur du transport : soit les parties définissent dans le contrat quelle est la part du gazole dans la prestation de transport et font référence à des indices, pris en compte pour réviser le prix de la prestation en cas d'évolution du prix du gazole ; soit le contrat est muet sur ce sujet et la loi prévoit de se référer aux référentiels du CNR (Comité national routier) qui définit, selon les types de transport, la part des charges de carburant dans le prix du transport et l'indice à prendre en compte. Pour mettre en place un tel mécanisme, il faut donc déterminer la part de l'intrant en question, ici le gazole, dans le coût, et l'indice que l'on va prendre en compte pour réviser le prix du transport initialement convenu. Dans l'hypothèse d'intrants tels que l'énergie ou les emballages, si les deux parties ne se mettent pas d'accord sur ce qu'ils représentent dans le prix, il paraît difficile de trouver un référentiel de pondération que l'on pourrait appliquer à toutes les situations. Se pose également la question de l'indice : pour l'énergie, on peut en trouver facilement, pour les emballages, c'est plus complexe. Un mécanisme similaire à celui du transport pourrait donc fonctionner si les deux parties se mettent d'accord. Cela semble difficile en revanche de l'imposer en l'absence de règles et d'indices clairs."

Les industriels mettent souvent en avant un déséquilibre dans le rapport de forces avec leurs clients. Pourquoi les distributeurs ont-ils la possibilité de se regrouper dans des centrales d'achat et pas les industriels dans des centrales de vente ?

S.P. : "La logique entre l'achat et la vente est très différente. Les distributeurs se regroupent dans des centrales d'achat pour massifier leurs achats et bénéficier de remises liées aux volumes d'achats considérés. Un regroupement des industriels à la vente n'aurait pas la même logique économique : on ne voit pas comment des entreprises différentes, qui vendent des produits différents et qui ont leurs propres tarifs, pourraient se regrouper. Le seul intérêt serait d'inverser le rapport de forces et de"mettre la pression"sur les distributeurs, mais il n'y aurait aucun rationnel économique derrière.

"Nous n'avons pas toujours d'indicateurs concernant toutes les matières premières agricoles, certaines interprofessions n'ayant pas réussi à se mettre d'accord."

En outre, à l'aval, cela pourrait avoir comme conséquence une augmentation des prix de vente aux consommateurs, ce qui n'est pas un objectif d'intérêt commun. De manière tout à fait prospective, on pourrait envisager que les fournisseurs se regroupent vis-à-vis des distributeurs dans une logique d'optimisation de leurs propres achats. Les fournisseurs- qui achètent souvent des services aux distributeurs- pourraient demander à ces"prestataires"des barèmes de prix pour leurs services, voire des réductions de prix de ces prestations le cas échéant, ce qui ne serait pas nécessairement conforme à l'esprit des négociations commerciales tel que voulu par le législateur." 

Propos recueillis par Juliette Guérit, Agra •

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