Devenu le plus médiatique des manadiers, depuis son passage dans L'Amour est dans le pré, sur M6, Mathieu Ceschin a mis en lumière une tradition taurine souvent méconnue. © PhD
S'imposer comme néo-agriculteur n'est pas chose aisée, confie Mathieu, d'emblée. Venu du monde de la restauration, montpelliérain, grenoblois de racine, qui plus est, devenir manadier, ça ne s'improvise pas. "Être nouveau, c'est compliqué", assure l'ancien chef d'entreprise. D'autant plus quand on est "homo dans la bouvine". De ses années de patron de cinq établissements et deux salons de coiffure dans le Clapas, il n'en a gardé que de douloureux souvenirs de Prud'hommes et d'incertitudes, et une panoplie de tatouages dont on devine les ramifications sur ses avant-bras jusqu'aux phalanges, camarguaises, forcément. Elle n'est peut-être pas son berceau, mais il a fait de la Camargue son nouveau credo. Quitte à vouloir la bousculer un peu.
Passage de rênes
"J'adorais la bouvine, déjà comme spectateur. J'allais aux courses", raconte Mathieu, lorsqu'il vivait du côté d'Aigues-Mortes, bien que la monte Camargue soit d'un "autre niveau" que l'équitation classique. Comme pour s'accoutumer à certaines traditions nouvelles, le manadier a mis du temps à trouver ses marques dans un milieu réputé fermé.
Il n'a pourtant jamais eu peur de mouiller la chemise, jusqu'à l'usure. "J'ai des capacités de businessman, mais pas le cœur", confie-t-il, en souvenir de ses activités pas si lointaines. Entre les conflits avec les salariés et l'incendie d'un de ses restaurants à Montpellier, Mathieu a connu quelques années "très compliquées", après avoir tout vendu en 2017. Malgré la perte de sa grand-mère, puis le décès de son meilleur ami, le burn out n'aura pas eu raison de lui. La rencontre avec le manadier Jordan Carreton l'a fait changer de vie.
À Sernhac, Mathieu se refait une santé, et s'initie à un nouveau type d'entreprise. Passé d'un statut "de gros commerçant, à ne pas avoir 20 € en poche", il a découvert un autre monde. "Mais j'étais heureux", assure-t-il. Partant avec quelques chevaux et une quinzaine de taureaux, race di Biou, il a apporté ses compétences et son sens des affaires. "La bouvine, ce n'est pas que les courses camarguaises. On ne peut pas vivre avec." Alors, le nouvel associé a développé la partie événementielle de la manade depuis deux ans. Après une année blanche, stoppée par le Covid-19, il a fallu vite rebondir. Sur les 50 hectares appartenant à la mairie de Sernhac, Mathieu et son associé gèrent désormais 90 taureaux et quelques chevaux, qu'il a bien fallu nourrir pendant les mois de confinement. "Jordan a fait les foins, et grâce à la reprise de septembre, on a réussi à se glisser dans un trou de souris", pour rebondir. L'émission de M6, diffusée en 2020, a aussi donné un coup de projecteur sur cette activité méconnue du grand public.
Réinventer le tourisme camarguais
Tournée en 2019 (et diffusée l'année suivante), la 15e saison de L'Amour est dans le pré a bien "boosté" la manade, reconnaît Mathieu. La concordance des événements a aussi permis de changer un peu les regards sur ce citadin venu en Camargue. "T'es pas manadier, t'es pas gardian..." Les critiques, il en a essuyées quelques-unes. Pas du sérail, pas du milieu, il a dû se faire une place dans un domaine où les manades se transmettent entre générations. "En créer une avec un novice, ça ne passait pas. C'était lourd, mais ça s'est calmé après l'émission." Le programme phare a non seulement permis à Mathieu de trouver sa moitié, mais a mis en lumière la Camargue, au-delà de la manade Carreton, alors que "80 % des gens confondent la corrida avec les courses camarguaises". Inquiet de voir certaines de ces traditions disparaître, Mathieu compte bien "réveiller tout ça !" en remettant l'esprit 'manade' au goût du jour. La fête, les taureaux, les cavaliers, "c'est une des plus belles traditions françaises", estime-t-il.
Aussi, l'exploitation se prépare à sa prochaine saison. Entre les 55 ha à Sernhac et 50 autres hectares en location à Saint-Gilles, Mathieu verrait bien les surfaces doubler. "Il faudrait de nouvelles terres, pour y mettre jusqu'à 150 bêtes. L'élevage extensif n'est pas rentable en termes de viande." Alors pour parvenir à une vitesse de croisière convenable, le manadier joue la carte du tourisme de proximité. Après une saison de mariages (dont le sien), un week-end test de quatre jours lors de l'Ascension est en préparation. Des bus seront affrétés depuis Nîmes, les hôtels réservés, visite des taureaux en tracteur dans le pré, jeux gardians et fiesta, forcément ! "Selon le succès, on remettra ça en juillet, et pourquoi pas camper dans les arènes de la manade sous des tentes, près d'un feu de camp ?"
Mathieu envisage de relancer l'image de la Camargue comme lors de son apogée dans les années 70, tout en évitant le "piège à touristes". En bon cuisinier, il se charge des repas, non content de préparer des terrines à base de viande de taureau à toutes les sauces : camembert, tomate confite, gardianne, citron ou figues.
Karine, la bonne copine
Rencontré lors de l'émission présentée par Karine Lemarchand, Alexandre, son mari, est gardois et cavalier, qui plus est. Il n'en fallait peut-être pas plus à Mathieu pour craquer lors de l'étape des speed dating. Des millions de téléspectateurs ont suivi leur rencontre et leur coup de cœur, qui fut loin d'un coup d'épée dans l'eau, puisqu'en juillet 2021, le couple s'est marié en la mairie de Sernhac, avec cavalcades et tenues traditionnelles de rigueur. Devenue une proche, l'animatrice était même conviée en tant que marraine des jeunes mariés.
C'est une autre mission que la présentatrice a récemment acceptée, en endossant le rôle d'ambassadrice pour l'agriculture et l'éco responsabilité pour la Région Sud, auprès du président Renaud Muselier. En charge du bien-être animal dans le groupe de travail, Mathieu soumet l'idée d'un abattoir mobile, à l'instar du 'Bœuf éthique', à Dijon. "Quatre abattoirs mobiles peuvent générer 70 emplois", assure le manadier, soulignant l'avantage d'un tel dispositif sur les exploitations. "L'animal n'est pas transporté pendant des kilomètres, n'est pas stressé, et ça favorise le circuit court." Parmi les autres pistes à l'étude, "une sorte de label régional", assurant une traçabilité "de l'embryon à l'assiette". Un projet tout trouvé pour cet amateur de bonne chère et de traditions.
Philippe Douteau
André Bernard, président dela Chambre régionale d'agriculture
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