Le premier coup de semonce a eu lieu le 19 octobre dernier, à l'initiative de Syndicat des vignerons de l'Aude : ce jour-là, de nombreux viticulteurs se sont déplacés jusqu'à la frontière espagnole, au Boulou, dans le but d'empêcher toute citerne de vin étranger de rentrer sur le territoire français. Plus de 400 viticulteurs venus de l'Aude, de l'Hérault, des Pyrénées-Orientales et du Gard ont fait front dans un seul but : faire réagir le gouvernement et les interprofessions. Quelques heures ont suffi aux militants pour vider une citerne de rosé, mais également une cargaison complète de Cava, le vin effervescent espagnol. Une première opération qui en annonçait d'autres, expliquait alors le président du syndicat audois, Frédéric Rouanet. Deuxième round : le lundi 6 novembre, à l'initiative de Guilhem Vigroux, son président, la commission viticole FRSEA Occitanie a rassemblé à Lattes les représentants de tous les bassins de production du Sud, du Roussillon jusqu'à la Provence, en passant par la Vallée du Rhône, afin de s'entendre sur les revendications à porter au gouvernement. Une entrevue sans précédent, où la solidarité a pris le pas sur le chacun pour soi et où il a été décidé de tenir une grande mobilisation samedi 25 novembre, au départ de l'hôtel de ville de Narbonne, à partir de 14 h 30, relayée par les FDSEA et les Jeunes agriculteurs du Sud de la France. Frédéric Rouanet l'assure : "Le 25 novembre sera la première grande manifestation rassemblant tous les acteurs de l'arc méditerranéen, et si jamais nous ne sommes pas entendus, nous en ferons une autre".

Cette action régionale s'inscrit dans le cadre de l'appel de la FNSEA et les JA, qui mobilisent leur réseau du 20 au 25 novembre.

"Comment produire ?", interroge Romain Blanchard

Pour le président de la FDSEA 13, Romain Blanchard : "Il s'agit de mobiliser l'ensemble du réseau dans tous les territoires et sur toutes les filières, pour exprimer le ras-le-bol général du monde agricole. Plusieurs initiatives possibles sont envisagées pour que nous puissions communiquer dans notre département, où personne n'est épargné, puisque les charges qui s'accumulent et celles qui s'annoncent impactent toutes les exploitations. On peut évoquer par exemple le grand dossier 'Eau', avec les hausses prévues sachant que d'après les premiers calculs on attendrait 240 % d'augmentation sur les redevances prélevées par l'Agence de l'eau sur le bassin Rhône Méditerranée Corse. Et cela en plus de la nouvelle hausse de la redevance pour pollution diffuse de 37 millions d'euros supplémentaires pour la ferme France. Parlons aussi de la hausse de la taxe sur le foncier non bâti, que personne n'a vu venir, des normes environnementales qui s'empilent, ou du Plan national Loup qui ne satisfait en rien les éleveurs, puisque les quelques mesures qui pourraient être intéressantes ne sont pas budgétisées", énumère le président bucco-rhodanien, qui ne sait plus par quel bout prendre le problème. "Comment produire et assurer dans ces conditions la souveraineté alimentaire ?", questionne Romain Blanchard. C'est tout ce ras-le-bol qui devrait donc s'exprimer à Narbonne le 25 novembre. "Cette opération est à l'initiative des vignerons de l'Aude, mais tous les producteurs du Grand Sud sont aussi attendus. Dans cette grande région, à part quelques appellations spécifiques, tout le monde est dans le dur. Les revendications des vignerons font l'unanimité y compris dans les Bouches-du-Rhône, dont une délégation devrait se rendre dans l'Aude en bus spécialement affrété. Aujourd'hui, les agriculteurs veulent une pause normative et réglementaire. On ne demande pas spécialement de revenir en arrière, mais on dit simplement stop, on s'arrête ! Il est temps de réfléchir à un projet pour l'agriculture française. Quand on pense que près de 50 % de l'alimentation consommée en France n'est pas produite sur notre territoire, comment le ministère de l'Agriculture peut-il encore parler de souveraineté alimentaire ?", complète Romain Blanchard.

Des revendications se dessinent

Déjà, le 6 novembre, Guilhem Vigroux rappelait l'urgence de "garder le cap sur une ligne directrice qui nous unisse et qui donne une certaine lueur d'espoir pour maintenir nos structures et pérenniser l'installation des jeunes". Car il est vital désormais de trouver des pistes pour sortir le monde viticole de l'impasse, face à des récoltes hétérogènes, une déconsommation massive, un export en baisse, des hausses de charges et autres impasses techniques.

Une délégation des Bouches-du-Rhône devrait se rendre dans l'Aude en bus spécialement affrété

L'heure est donc à la synthèse. À court terme, les aides directes bancaires, comme l'instauration d'une année blanche, semblent être une piste fortement privilégiée.

Si cette mesure était acceptée, elle amènerait l'État ou les collectivités à prendre en charge les intérêts de l'année en cours, pour ramener de la souplesse financière aux exploitations. L'arrachage temporaire, demande phare, permettrait de faire sortir des surfaces du marché de façon provisoire.

Enfin, la question du glyphosate, la création d'une zone test écologique, une ICHN végétale, les aides AB pour les jeunes, ou encore la lutte contre la stigmatisation de la consommation de vin restent des sujets de taille, qui nécessitent encore des discussions pour trouver un accord commun. D'ici la semaine prochaine, une synthèse claire va être envoyée aux différentes préfectures départementales, pour défendre les revendications du syndicat.