PACA, Occitanie 24/02/2023
Partage

robotique agricole

Le vignoble 100 % robotisé, ce n'est pas pour tout de suite

Avec le manque de main-d'œuvre et l'évolution des usages phytosanitaires, le robot pourrait s'imposer dans le paysage agricole. La technicité des matériels évolue dans le bon sens pour permettre aux professionnels de s'appuyer sur des solutions performantes. Mais de là à se substituer à la main de l'homme... Il y a encore du chemin !

Cette année, une centaine de robots viticoles s'active dans le vignoble français.

© Crédit photo : ED

La robotique agricole viendra-t-elle un jour complètement remplacer l'homme au champ ou dans les vignes ? "Ce n'est pas certain. Elle commence à compléter l'activité des viticulteurs, par exemple, sur une multitude de tâches, mais ne remplace pas encore l'intervention humaine. Et, dans l'avenir, pour que les robots se substituent aux viticulteurs, il y a encore du chemin à parcourir, pour les industriels comme pour la législation", assure Christophe Aubé, président de RobAgri.

La ferme France compte aujourd'hui environ 2 000 robots qui s'activent en extérieur. Une grosse partie d'entre eux sont dédiés à l'élevage et au maraîchage, et l'on compte environ 100 robots viticoles à l'heure actuelle en fonctionnement.

6 000 robots de plus d'ici 2026

Il est néanmoins probable qu'au vu des demandes des filières agricoles françaises, les exploitations devraient employer 6 000 robots de plus d'ici 2026. Le secteur est donc en pleine émergence, d'autant que nombreux sont les agriculteurs qui ont besoin de solutions se substituant aux herbicides notamment, pour pallier le manque de main-d'œuvre et d'outils efficaces.

"La robotique agricole consiste à proposer des moyens techniques autonomes, avec différents dispositifs de sécurité, mais avec aussi le moins d'interventions humaines sans quoi l'on reste dans de l'automatisation de tâches", rappelle Christophe Aubé. Ce dernier sait de quoi il parle : il dirige une entreprise française basée à Toulouse, la société Agreenculture, qui conçoit et fabrique des solutions d'automatisation pour les machines agricoles, destinées à l'entretien de parcelles de culture en totale autonomie.

Le développement de ces engins - destinés à rendre service à l'agriculteur - n'est, pour l'heure, pas limité sur le plan technique. "La technologie peut tout faire ou presque aujourd'hui dans un vignoble. Mais la priorité des industriels n'est pas de rendre 'robotisables' tous les vignobles. La possibilité pour un robot d'intervenir dans les vignobles, dont les surfaces sont hétérogènes ou avec de gros dévers ou fortes pentes, arrivera un jour. Aujourd'hui, l'objectif est déjà de répondre aux objectifs de l'agroécologie, en proposant des solutions aux surfaces plus ou moins standardisées, où la nécessité de prendre une décision n'est pas répétée tous les quelques mètres", explique l'expert.

Le frein sécuritaire

Le paramètre le plus contraignant aujourd'hui pour les roboticiens est lié aux questions de sécurité. En effet, les industriels doivent garantir un fonctionnement autonome de leurs solutions. Le risque de voir la machine sortir de sa zone de travail et de créer des dégâts matériels, voire humains, est important. S'il ne peut pas être géré par la capacité technologique de la machine, alors il faut qu'il le soit par l'homme. "Aujourd'hui, chez les 47 roboticiens agricoles français, différentes solutions sont proposées pour assurer la sécurité. Si les robots sont capables de réaliser toutes sortes de fonctions, l'assistance d'une personne en bout de champ reste indispensable. Tout n'est pas non plus autorisé, notamment l'ajout d'outils nécessitant des surcouches de sécurité lourdes. Et le cadre réglementaire de la robotique agricole est très précis : un tracteur n'est pas un robot, et un robot n'est pas un tracteur ", précise le président de RobAgri. Les deux réglementations qui encadrent l'usage et le fonctionnement des outils sont complètement différentes. Aujourd'hui, la réglementation européenne interdit de robotiser un tracteur. Seule la France autorise, dans un cadre extrêmement précis, de robotiser une solution. La robotique agricole n'est donc pas près de remplacer la technicité, du moins l'expertise de beaucoup de viticulteurs dans les vignes. Pour le moment.

Emmanuel Delarue •
Europe 24/02/2023
Partage

VITICULTURE

Trektor : le tracteur hybride  réglable à la demande 

Pour la première présentation au Fira de son tracteur autonome et rechargeable aux champs, la PME Sitia a proposé une démonstration de Trektor, qui fait son entrée en bonne et due forme sur le marché. 

Trektor, le tracteur autonome de Sitia, est composé d'un moteur électrique qui se recharge par une génératrice diesel (sur 24 heures) et en autonomie électrique de 6 à 7 heures par jour.

© Crédit photo : PhD

Perturbée par la crise sanitaire, en 2020, la sortie commerciale de Trektor n'a vraiment commencé que l'an dernier. Présenté pour la première fois au Fira cette année, Trektor est fabriqué dans les ateliers de Sitia, à Nantes, et vendu comme une alternative à la pénurie de main-d'œuvre, en favorisant "l'optimisation de la productivité et la réduction de l'impact carbone au sein des exploitations agricoles", annonce la société. 

"Totalement automatisé", Trektor est triplement autonome, comme l'explique Fabien Arignon, directeur général de Sitia. En travail, en énergie et en sécurité. 

Pilotage automatique 

En format viticole, pour vignes larges ou étroites, le tracteur autonome, ici de 1,50 mètre de hauteur d'enjambement, et de 1,08 à 1,61 m de largeur, sera bientôt disponible dans une version de 1,80 m de haut. Dans ces dimensions adaptées aux vignobles et au maraîchage du Sud de la France, pour un écartement de vignes de 2,5 m, le robot (plus de 700 kg) est pourvu du même niveau de puissance, quelle que soit la taille. "C'est juste le châssis et les réglages qui changent", indique Fabien Arignon. 

Sur la parcelle, l'utilisateur n'a qu'à demander au Trektor d'élargir les voies variables, "tout en avançant, en marche avant ou arrière", le réglage se faisant automatiquement, sur quelques dizaines de centimètres. "Trektor sauvegarde les données, en fonction de la parcelle et de l'itinéraire technique", ajoute le directeur général de Sitia. 

Travail continu

Au travail sans chauffeur, le robot navigue à l'aide de capteurs en soutien à la navigation, à la localisation et à la maintenance. Sécurité oblige, "il s'arrête si quelqu'un se trouve au bout du rang". 

D'une vitesse maximale de 10 km/h, le tracteur autonome peut "travailler continuellement tout en étant au champ", assure Fabien Arignon. Grâce à son moteur en double mode, électrique, permettant une capacité de travail de 6 à 7 heures par jour, couplé à un réservoir diesel embarqué, l'appareil peut tenir 24 h, "en réduisant sa consommation jusqu'à 60 %". 

à noter que la PME Sitia est à la recherche de partenaires industriels solides et intéressés, afin d'accélérer la capacité de production du tracteur hybride. 

Adaptable aussi en maraîchage ou en arboriculture, Trektor bénéficie d'un réseau de distribution partout en France, et via les concessionnaires Chabas et T3M en régions Occitanie et Paca. 

Ph.D. •
PACA, Occitanie 24/02/2023
Partage

FIRA 2023

Les nouveaux robots vus au salon

Le salon international de la robotique agricole a fermé ses portes le 9 février. Les 2 000 visiteurs, venus de 75 pays, qui ont arpenté les allées et les parcelles de démonstration, ont pu découvrir les dernières innovations en matière de robotique agricole pour, entre autres, les filières viticulture, maraîchage et arboriculture.

Pendant deux journées complètes, les robots et solutions autonomes ont tourné dans les champs et montré leurs capacités sur légumes, vignes, grandes cultures et arboriculture.

© Crédit photo : Fira

Traxx Concept H2 d'Exxact Robotics

Un enjambeur viticole autonome à hydrogène ? C'est en tout cas dans l'air du temps, a bien compris la start-up française Exxact Robotics. Lancé l'an dernier, l'enjambeur Traxx fonctionnait jusqu'ici avec un bloc essence de 37 chevaux. Pour proposer une alternative aux combustibles fossiles, la start-up a présenté, cette année, un prototype à moteur électrique, alimenté par une pile à hydrogène, le Traxx Concept H2. L'autonomie visée est de 8 à 10 heures. Le plein se fait en 10 minutes.

Pesant 2 tonnes, il emjambe les mêmes palissages que ses prédécesseurs, soit 1,5 mètre sous le tunnel et 1,2 m de voie. L'étape suivante ? Ce premier prototype partira en test pour trois mois de travail du sol dans les prochaines semaines.

Farmdroid FD20

La société danoise propose le robot de semis et de désherbage FD20, totalement autonome à l'aide de ses quatre panneaux solaires, qui lui permettent un fonctionnement 24 h/24. Il est doté d'une grande précision, grâce au guidage RTK, qui permet de géolocaliser et cartographier chaque graine pour un semis précis et un binage au plus près de la culture. Il peut semer dans un écartement compris de 22,5 à 80 cm, avec un choix libre sur le nombre de rang à mettre en place. Adapté à de nombreuses cultures, des essais ont été récemment réalisés sur la coriandre et l'aneth. La société a développé un élément ‘grosse graine' pour la culture de maïs. Son prix avoisine les 100 000 € en fonction des équipements choisis.

Jo de Naïo Technologies

La start-up toulousaine, Naïo Technologies, ouvre la voie à son 5e robot agricole, Jo, un chenillard autonome pour les vignes étroites et les pépinières. Son point fort, c'est de pouvoir travailler seul avec son système de navigation guidé et paramétré par GPS RTK, qui lui permet une cartographie précise et fiable. 100 % électrique, sa conception compacte en fait un robot très facile à déplacer. De plus, il peut également embarquer différents types d'outils permettant un désherbage sur les rangs et entre le rang. La présence d'une sortie électrique permet d'animer des outils. Enfin, un bumper mécanique et un module de barrière virtuelle lui confèrent une utilisation en toute sécurité.

Arboto d'Exobotic Technologies  

La start-up belge spécialisée dans la mécatronique (mécanique, électronique et informatique) et les logiciels de navigation, a mis au point un robot arboricole et horticole pour mesurer la croissance et l'évolution du diamètre des arbres en pépinières. Plutôt que de les compter un à un, et de mobiliser deux personnes pendant un mois, soit “une perte de temps en septembre avant la vente des arbres”, Arboto enregistre une vision “de la parcelle de toute l'exploitation”, présente Gabriel Urbain, ingénieur de recherche. Sur 

4 roues indépendantes, en suspension, le robot navigue grâce à deux GPS reliés à une caméra qui capte les pics des arbres. Commercialisée dès cet été, la prestation de service revient à 350 €/ha. La solution est à dupliquer en verger, et sur vignes dans un futur proche.

Slopehelper de PeK Automotive

Tout autonome et électrique, le Slopehelper de la société slovène PeK Automotive a été conçu pour satisfaire les besoins sur tout l'agro-cycle, à la vigne et au verger. Cette plateforme de base robotique convient à l'attelage d'outils variés (broyeur, herse rotative, coupeur horizontal et vertical, pulvérisateur…), et combine une solution contrôlée par intelligence artificielle, via l'application mobile TeroAIR. De la taille aux étagères de récolte mobiles, en passant par le désherbage, le Slopehelper reste stable dans les pentes. “Révolutionnaire”, selon le constructeur, l'engin réduit l'intervention humaine de 90 %, tout en aidant à diminuer les doses de fongicides et les émissions de carbone, s'arrêtant une fois la tâche accomplie, ou lorsque les batteries sont à 20 %.

Philippe Douteau et Anthony Loehr •
Europe 24/02/2023
Partage

MARAÎCHAGE 

Toujours plus d'autonomie 

L'entreprise française Naïo Technologies, basée à Toulouse, poursuit le développement de ses robots de désherbage. Si on ne présente plus Oz, le premier et plus petit robot de la gamme, le nouvel enjambeur Orio est conçu pour le maraîchage de plein champ et les grandes cultures. 

Le dernier né de Naïo Technologies, Orio, est la version améliorée de Dino, pour le maraîchage de plein champ et les grandes cultures.

© Crédit photo : PhD

Plus polyvalent, plus autonome et plus efficace en travail du sol, d'après le constructeur, Orio a été conçu pour couvrir plus de cultures que Dino, telles que les légumes en planches, les cultures arables (betteraves sucrières, pommes de terre) ou les productions de semences. 100 % électrique, comme le reste de la gamme développée par Naïo Technologies, le robot autonome est commercialisé en Europe depuis fin 2022, et disponible en prestation de service en Californie. 

Orio : alliance de la puissance et de la précision 

Robustesse et flexibilité, Orio franchit "une nouvelle étape après Dino", commente Christian Melendez, directeur commercial Amérique du Nord pour Naïo Technologies. D'un poids de 1 450 kg (pack standard, sans outils), totalement électrique et automatique, avec des batteries interchangeables (48 volts - 105 ampères heures - lithium, fer, phosphate), il permet une autonomie de travail de 6 à 12 heures. Doté d'un système de guidage et de paramétrage des tâches GNSS (Géolocalisation et navigation par un système de satellites) RTK (précision en temps réel à 1 cm), incluant le système de travail autonome Naïo Core, combiné à des caméras, l'enjambeur porte-outils avance sur quatre roues motrices directionnelles. Selon une vitesse de 5 à 7 km/h, Orio comporte quatre moteurs électriques (3 000 W - 48 V). Avec une détection d'angle de braquage de 180°, le robot "détecte les rangées tout seul" et ajuste la position des outils, offrant un zonage et un désherbage encore plus précis. De 417 cm de long, et d'une largeur (centre axe) de 150 à 220 cm, il peut être attelé de bineuses, semoirs et tout autre outil, grâce à son dégagement ventral important.

Sa capacité de relevage, plus conséquente que sur Dino, permet 600 kg sur la partie centrale, et 200 kg à l'arrière. 

Outre sa fonction autonome, Orio est équipé d'éléments de sécurité, tels que quatre pare-chocs, des capteurs Lidar, qui détectent et estiment la distance par la lumière par un capteur laser, et d'un module de barrière virtuelle ("geofencing", soit le géorepérage). 

En options sont prévus des batteries additionnelles, un système de guidage par caméra et des outils électriques inter-plants (Tillet & Hague), ainsi qu'un porte-outils arrière. 

Oz : petit mais maniable 

Premier né de chez Naïo, Oz continue son bonhomme de chemin sur petites parcelles. Le plus petit robot agricole de la gamme, l'assistant agricole multitâches, "100 % électrique et sans essence", comporte quatre moteurs électriques et deux batteries. Parmi les 200 robots de désherbage de Naïo Technologies en circulation dans le monde, le compact et maniable Oz (130 cm de long sur 47 cm de large, 150 kg) peut rouler en autonomie jusqu'à 8 h, grâce au système de guidage GPS RTK. De par son format et sa facilité d'utilisation (moins d'une semaine pour se familiariser avec l'engin, dixit le constructeur), le robot a été conçu pour faire gagner du temps aux parcelles, et ainsi réduire d'éventuelles pertes de production. L'intervention humaine est alors nécessaire au préalable pour faire enregistrer la cartographie à l'appareil, afin qu'il répertorie le trajet dans les rangées. "Pour les semis ou les plantations, il n'est pas besoin d'établir une nouvelle cartographie", indique Christian Melendez. 

Au binage, au désherbage, au tracé de sillons ou aux plantations, et plus adapté aux petites surfaces, Oz peut descendre pour travailler à 2 cm du sol, équipé de herses étrilles, de brosses, de doigts Kress ou de socs de binage. Autonome ne voulant pas dire en roue libre, le robot est équipé d'un jumper (pare-choc) avant, pour stopper sa course en cas d'obstacle. 

Philippe Douteau •
Monde 24/02/2023
Partage

TÉMOIGNAGES 

Robots à tout prix ?

Complément des pratiques sur les exploitations, le robot commence à prendre place, des élevages et plaines céréalières françaises aux fermes nord-américaines et californiennes. Bras droit automatique indispensable ou adjuvant technologique hors de prix, la robotique agricole augure une nouvelle ère aux champs.

Qu'ils soient anciens éleveurs, céréaliers, en Cuma, fournisseurs de technologies agricoles, des deux côtés de l'Atlantique, les utilisateurs sont globalement raccord sur les gains de la robotique agricole, mais aussi sur certaines limites encore non identifiées.

© Crédit photo : PhD

Entre les "robot-convaincus" et les réfractaires à l'idée qu'une machine ne vienne les dessaisir de leurs missions, les agriculteurs n'en sont pas encore au même stade d'acceptation et d'intégration. En clôture de la deuxième journée du Fira, le 8 février, une discussion entre utilisateurs et concepteurs de robotique était menée par Pierre Compère (Agri Sud-Ouest Innovation) pour mettre à jour le degré d'intégration (tant psychologique que matérielle) de l'automatisation dans les exploitations, en France comme en Amérique du Nord. 

Outils de main-d'œuvre

"Nous, les agriculteurs, aspirons à avoir le cœur de notre exploitation dans le creux de la main, avec l'impression de bien la maîtriser, pour que la graine soit bien plantée, à la profondeur précise." Conscient de la main-d'œuvre à mobiliser au bon endroit et au bon moment, et pas toujours évidente à recruter le temps venu, Jean-Luc Picourlat, agriculteur et concepteur de gammes de systèmes en agriculture de précision, compte sur l'assistance des robots. "La main-d'œuvre, ça fatigue, et du travail, il y en a. En allant à la parcelle pour observer, détecter les maladies, je sais que le robot sera là et fera bien le travail", estime le céréalier (maïs en production sèche) de la région béarnaise de Pau.  

À des milliers de kilomètres du Sud-Ouest, après avoir constaté la présence de deux personnes pour faire tourner un séchoir de maïs, Haggerty Creek Ltd., entreprise canadienne fournisseur de céréales et d'intrants, a permis aux salariés de ne plus travailler de nuit, tout en contrôlant mieux le taux d'humidité du maïs, jusqu'à sa réception dans les réservoirs. "Un message est envoyé en cas de problème, et la masse de travail diminue", note Chuck Baresich, président de la branche Haggerty AgRobotics, alors que "le gros de notre travail est saisonnier, et qu'il est difficile d'embaucher sur des créneaux horaires non réguliers". Constatant les compromis que l'agriculteur est parfois prêt à faire dans sa pratique, "par manque de temps", Chuck Baresich envisage le robot pour "remplir ces vides". 

Travail requalifié 

Pensés comme des auxiliaires mécanisés pour la plantation, l'arrosage ou les récoltes, les robots permettent "de réduire les coûts et de gérer au mieux la main-d'œuvre", avance Walt Duflock, vice-président de la branche 'Innovation' chez Western Growers (Californie). Sachant que "certains robots sont efficaces, de 30 à 80 %", d'après Chuck Baresich, l'intervention humaine joue toujours un rôle dans leur degré de performance. "Qui s'adapte à qui ?", interroge Walt Duflock. "Les deux", tranche-t-il. "Même s'il s'agit de petits robots, il faut bien qu'ils passent de champ en champ."

Pour Jean-Luc Picourlat, plutôt qu'un "remplaçant de main-d'œuvre", le robot est surtout un outil, conçu technologiquement pour des tâches précises. Mais si cette technologie de robotique agricole "avance à grands pas", la filière se situe encore "dans un domaine un peu balbutiant, où le travail est requalifié", nuance Florent Georges, producteur en grandes cultures et cultures légumières de plein champ en bio et animateur 'agroéquipement' à la Fédération des Cuma du Gers. Il estime d'ailleurs les gains difficiles à évaluer, en raison d'un outil supplémentaire dans la "boîte à outils de l'agriculteur", influant sur le débit de chantier et les rendements. En fonction du type de robot, de l'approche et de la culture, les gains économiques sont variables. Le réseau en Cuma permet ainsi de "jalonner l'utilisation" par la mutualisation. 

Des coûts à intégrer 

S'il n'est pas évident de "mesurer la comparaison entre main-d'œuvre et robot", d'après Chuck Baresich, comment évaluer alors le coût d'intégration de la robotique dans les entreprises agricoles ? "Cela dépend", répond-il. "Le robot n'est pas un ajout dans l'exploitation. Il n'est pas là pour faire joli. Il faut compter sur lui, car ce n'est pas un équipement traditionnel. Il faut l'intégrer." Ainsi, un robot de désherbage, par exemple, impliquera des coûts, ne serait-ce que pour le charger à destination des parcelles, comme il faudra prendre en compte le passage du tracteur pour nettoyer les bordures de champ, sans parler d'éventuels problèmes de connectivité.

Plus généralement, la logistique de l'usage d'un robot en extérieur restreint la capacité, qui ne peut atteindre les 100 % car, "dans un environnement naturel, on est dépendant des limites du robot, ce qui est aussi un coût caché". 

Des prérequis sont également à envisager : la prise en main du robot, la cartographie préalable de l'exploitation, la situation géographique des terres, selon que l'on se trouve en zone blanche ou en haute montagne. "Tout ne va pas se passer tout seul 24 heures sur 24. Ces coûts sont encore difficilement palpables", prévient Florent Georges. 

Visions d'avenir 

Agriculteur, producteur laitier jusqu'en 2012, Jean-Luc Picourlat a ajouté une corde à son arc, en développant le Softi Rover (E-K 18), au sein de sa société Softivert, créée en 2003. Spécialisée en agriculture de précision, la marque du designer robotique féru de technique et de technologie depuis son "plus jeune âge", collabore avec de grandes entreprises du secteur pour équiper les machines. Guidage, tracteurs, semoirs... La société a présenté son prototype, "pensé pour le commercialiser dans le futur", lors du Fira. Conçu pour tout type de tâches en plein champ, sur un châssis articulé, le robot (1,5 tonne) s'adapte aux terrains pentus et dispose d'un système de guidage RTK. Un semoir monograine électrique y a été installé. 

D'expérience, le producteur n'a pas été convaincu par la robotique de traite. "La technique est arrivée trop vite, ou alors nous n'étions pas adaptés à la machine", raconte Jean-Luc Picourlat. En élevage d'ailleurs, la cohabitation du vivant et des robots est un paramètre à ne pas négliger. "Les animaux ont leur façon de les appréhender." Et même au champ, "on s'attend à des problématiques inconnues. Je suis certain qu'on a oublié beaucoup de choses", affirme l'agriculteur concepteur. 

Dans 50 ans, robots et producteurs se seront-ils définitivement adoptés ? Pour Walt Duflock, le monde agricole "sera plus automatisé, il y aura plus de financements. Ce sera important pour les récoltes", prévoyant de gros progrès en grandes cultures. "Tout sera nouveau, à nouveau", envisage Chuck Baresich, qui n'exclut pas toutefois un risque de perdre le contact direct avec la terre ou les clients. Florent Georges, lui, compte sur l'automatisation du matériel comme allié de l'agroécologie, dans le pilotage de la fertilisation ou des semis. "On va continuer dans ce sens."

En clin d'œil à ChatGPT, le nouveau générateur de texte par intelligence artificielle, laissant toutefois craindre pour l'avenir des compétences et de l'intelligence humaines, Jean-Luc Picourlat a glissé la réponse transmise par l'outil : "Dans 50 ans, l'agriculture et la nature seront toujours liées dans l'exploitation".

Philippe Douteau •
Monde 24/02/2023
Partage

Du high tech au low cost

Des solutions robotiques agricoles efficientes à bas coût 

Salah Sukkarieh, professeur en robotique et système intelligent à l'université de Sydney, a présenté les nouvelles connaissances en matière de robotique, et ses enjeux dans les pays en voie de développement. 

Le colloque scientifique a mis en avant les derniers projets de recherche, en pointant les dernières avancées de la robotique agricole.

© Crédit photo : AL

Introduire la robotique au sein des petites fermes est un sacré défi. Dans les pays développés ou non, la main-d'œuvre est en voie de disparition, et "la problématique est la même partout", assure le professeur australien en robotique, Salah Sukkarieh. Reste qu'une telle technologie pose de nombreuses questions, tout d'abord celle du coût, mais aussi le devenir de la main-d'œuvre locale, une fois les robots à l'œuvre dans les champs. Pour favoriser l'introduction des robots dans les petites exploitations, l'universitaire a développé un projet de petit robot dans des régions rurales, où le changement climatique et la désertification ont poussé les jeunes à abandonner les campagnes pour rejoindre les grandes villes. Des expériences ont ainsi été menées en Indonésie et aux Fidji.

Le robot en question est le modèle Di Wheel pour le maraîchage, "qui pèse à peine 50 kg, et peut être transporté très facilement. Dans ces régions, les solutions low cost et modulaires représentent un bel avenir et une belle opportunité économique", assure Salah Sukkarieh. "Mais il ne faut pas oublier de prendre en compte la disponibilité des pièces détachées, afin de pouvoir réparer ce qui existe sans être dépendant d'entreprises lointaines", insiste le professeur. En revanche, avant de se lancer dans ces pays, "il faut comprendre le contexte culturel, économique et climatique dans lequel ces robots s'insèrent, pour mieux appréhender les besoins et l'acceptabilité de ces technologies. Il faut aussi que soit assuré un équilibre entre le prix d'achat et les possibilités offertes par ces technologies, surtout dans les pays en voie de développement", met-il en garde.

Des standards à développer

Au niveau de la recherche, la numérisation des différentes tâches et des usages du robot a été complexe. "Au départ, l'enjeu était de taille, car il nous fallait trouver de nouveaux algorithmes en construisant des capteurs miniatures pour les robots agricoles, tout en ayant aucune entreprise pour acheter ce que l'on faisait", plaisante-t-il. Depuis 2004, un gros travail d'observation est donc entrepris, afin de collecter un maximum d'informations sur la flore des parcelles agricoles. Mais c'est au niveau de l'arboriculture que les choses se sont corsées.   

À l'aide d'outils mécatroniques (technologie alliant mécanique, électronique et informatique), les robots sont aujourd'hui capables d'identifier les formes et de différencier les plantes des mauvaises herbes jusqu'à pouvoir effectuer le comptage et l'estimation du rendement. Pour les traitements en arboriculture, "nous avons installé un pistolet, avec un stabilisateur capable de traiter les pommes individuellement. Néanmoins, sur la mouche du fruit, il fallait que nous trouvions une solution pour traiter le feuillage sans toucher la pomme. Ce qui s'est révélé très compliqué".

Outre l'aspect purement robotique, il fallait aussi que ces robots s'adaptent physiquement aux différents terrains. Pour ce faire, "nous avons doté le robot de suspensions solides et d'un algorithme de traçage spécifique, pour qu'il puisse se repérer spatialement de façon autonome", conclut-il. 

A.L. •
Europe 24/02/2023
Partage

Réglementation

Sécurité et sûreté de la robotique agricole

Les récentes applications à mettre en œuvre sur la robotique agricole demandent de nouvelles réglementations en matière d'intégration et de sécurité, et ce, au niveau de l'État et de l'Union européenne. Explications.

Même si les tracteurs autonomes se déplacent de mieux en mieux, force est de constater qu'aux abords des routes, il y a du travail, surtout concernant les traversées pour aller d'une parcelle à l'autre.

© Crédit photo : FIRA

Aujourd'hui, les robots agricoles gagnent du terrain dans les champs, mais la réglementation doit, elle, encore trouver son chemin. "Il y a un vrai manque de maturité au niveau de la réglementation", reconnaît Christophe Tessier, conseiller technique à l'association Cema (European agricultural machinery industry association), dédiée à la machinerie agricole européenne.

Même si les tracteurs autonomes se déplacent de mieux en mieux, force est de constater qu'aux abords des routes, il y a du travail, surtout concernant les traversées pour aller d'une parcelle à l'autre. "Sur ce point, nous devons ouvrir le débat avec les autorités locales et l'État français car, pour l'heure, la loi interdit aux robots de circuler sur la voie publique et oblige une présence humaine à moins de 250 mètres", rappelle-t-il. 

Si cela concerne l'aspect technique, "nous devons également inclure dans ces réglementations l'intelligence artificielle, les interfaces et les données". C'est au sein de la législation européenne, 'Directive machine', que sont réglementées la conception et la fabrication de produits de l'industrie mécanique, afin de garantir leur utilisation en toute sécurité sur les lieux de travail. Cette réglementation est sur le point d'évoluer.

Évolutions réglementaires

La directive européenne 2026-2027, publiée au Journal officiel en ce début d'année, mais qui ne sera applicable qu'après un délai de transition de 42 mois à partir de sa publication, permet l'évolution réglementaire de trois aspects : l'automatisation, l'intelligence artificielle et les IoT cybersécurité (IoT ou Internet of things, soit l'Internet des objets). Pour ce faire, un travail conséquent a été réalisé en amont.

Tout d'abord, concernant l'automatisation, il faut examiner le type d'accident récurrent, la fréquence et le degré de sévérité, pour comprendre comment l'éviter. "Il faut tenir compte de tous les risques et déplacements de son robot", conseille le technicien. Un cadre encore plus particulier entoure l'utilisation de l'intelligence artificielle. "Sur ce point, le plus délicat reste la corruption externe, qui pourrait générer des utilisations dangereuses, mais aussi l'utilisation frauduleuse des données intégrées à ces robots", prévient-il.

Enfin l'IoT, qui concerne l'ensemble des objets physiques connectés générant des données, "doit également faire face aux diverses attaques éventuelles pour plus de sécurité, mais aussi pour permettre une meilleure productivité".

La protection et l'adoption du numérique

Pour faire face à ces problématiques, la loi de cyber résilience Act (CRA), élaborée sur la base de la stratégie de l'Union européenne en 2020, a pour objectif de protéger les fabricants et les développeurs de produits comportant des éléments numériques, que ce soit du matériel ou des logiciels embarqués au sein des robots agricoles. Ces menaces de cyber-attaques, qui représentent chaque année plusieurs milliards d'euros de pertes, sont un sujet pris à bras-le-corps par l'Union européenne. "Nous espérons une application de cette loi pour 2026, même si, malheureusement, 2030 semble plus réaliste." En attendant, une révision devra être effectuée dans l'année 2023 concernant la norme ISO 18497:2018.

Jusqu'à aujourd'hui, ce document précise les exigences de sécurité, les moyens de vérification et les informations à fournir, afin d'assurer un niveau de sécurité approprié pour les tracteurs et les robots autonomes agricoles équipés de fonctions permettant des opérations hautement automatisées. Il recense également les situations dangereuses applicables à ces engins que le fabricant peut prévoir pendant son utilisation. "Il fournit des lignes directrices sur le type d'informations et sur les pratiques d'utilisation sûres, mais doit être révisé pour être en accord avec les évolutions du secteur de la robotique agricole."  L'Union européenne a financé le projet 'Agrobofood', qui vise à construire un véritable écosystème européen pour booster l'adoption des technologies robotiques dans le secteur agricole et agroalimentaire, en le rendant plus efficace et compétitif. Ces expériences d'innovations mettent en relation toutes les parties prenantes, telles que les Digital Innovation Hubs avec des PME et ETI (Entreprises de taille intermédiaire), afin que les premiers accompagnent les seconds dans le processus de digitalisation et d'adoption de la robotique. "Un catalogue du projet 'Agrobofood' a été élaboré, avec plus de 123 robots au niveau européen", indique Christophe Tessier.

Enfin, pour présenter les avantages de la robotique et sensibiliser le public, le projet'Agrobofood' a déployé sept expériences d'innovation, qui démontrent tout leur intérêt et leurs capacités à être répliquées. L'objectif, derrière cela ? Leur adoption à travers toute l'Europe. 

Anthony Loehr •

ICI
Votre encart
publicitaire !

Au sommaire du dossier

FIRA 2023

Les nouveaux robots vus au salon

24/02/2023

MARAÎCHAGE 

Toujours plus d'autonomie 

24/02/2023

TÉMOIGNAGES 

Robots à tout prix ?

24/02/2023

Sur le même thème

11/01/2024

Fourgonnette

Que choisir pour un budget...

L'inflation touche de plein fouet le secteur automobile. Trouver un petit utilitaire pas cher est désormais mission impossible, avec un ticket d'entrée à 20 000 €...
PACA, Occitanie 31/03/2023

Optimiser la pulvérisation

Il reste une marge de progr...

Avec l'évolution des formulations des produits, les viticulteurs ont moins de marge de manœuvre pour bien protéger leur vignoble : il faut être précis. Cela étant...

Annonces légales

Publiez facilement vos annonces légales dans toute la France.

Grâce à notre réseau de journaux partenaires.

Attestation immédiate, service 24h/24, 7 jours/7

Derniers tweets

10/05/2023
@EPVarois fait le point sur les tendances et enjeux du marché foncier agricole varois avec le nouveau directeur départemental de la #SAFER Paca et le président du comité technique. https://t.co/qAljvKlzlO
https://t.co/qAljvKlzlO
28/04/2023
[A LA #UNE 📰]@AgriProv👇La Coopération Agricole Sud acte sa fusion avec les caves coopératives du 13 et du 83 ! 🍷, #eau 💧Appel à la sobriété, Groupama Méditerranée maintien le cap, un dossier #travaildusol et en📸 cap sur la grenade avec le projet de Frédéric Chabert sur Arles https://t.co/Vf3e5Z07t0
https://t.co/Vf3e5Z07t0
06/06/2023
🗞️Tradition, consommation et vigilance @VigneronsCoop 🍷-💧Extension du réseau hydraulique 'Colline des Costières' @BRLGroupe @Occitanie - 🐴Le festival Prom'Aude - Fusion @_Ctifl et La Tapy #expé - 🌡️Aléas #climat : solutions et prospectives - 📸Guillaume Chirat, maître #pâtes https://t.co/9XDBtwaWsl
https://t.co/9XDBtwaWsl

Abonnez-vous à nos hebdos

Chaque semaine, retrouvez toute l'actualité de votre département, des infos techniques et pratiques pour vous accompagner au quotidien...

Découvrez toutes nos formules

Dernières actualités

Newsletters

Inscrivez-vous GRATUITEMENT à nos newsletters pour ne rien rater de notre actualité !

S'abonner

Gardons le contact

Twitter : suivez toute l'actualité agricole utile du moment, réagissez
Facebook : partagez encore plus de posts sur l'actualité agricole de votre territoire
Instagram : suivez nos bons plans et partagez nos galeries de photos
Linkedin : élargissez votre réseau professionnel
Youtube : vidéos, interviews, DIY...