Crise viticole
Deux grands rendez-vous attendent les viticulteurs en cette fin de mois. Première échéance avec la mobilisation qui s'annonce d'envergure, le samedi 25 novembre, à Narbonne. Puis dans un climat plus apaisé, avec le salon Sitevi du 28 au 30 novembre.
Guilhem Vigroux et Jérôme Despey, présidents des commissions viticoles de la FRSEA et de FranceAgriMer rappellent qu'il faut bien distinguer les objectifs des deux rendez-vous : la mobilisation unitaire de Narbonne, et le Sitevi.
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Distiller, arracher... À l'entrée de l'hiver, la viticulture fait ses comptes, et les comptes ne sont pas bons. Une mobilisation générale pour obtenir des mesures à la hauteur et éviter les drames, telles sont les attentes de la profession.
"Pour manifester et s'exprimer, le grand rassemblement où il faut être présent, c'est à Narbonne le 25 novembre", rappelle le président de la commission viticole de la FRSEA, Guilhem Vigroux. "Ensuite, le Sitevi, c'est une vitrine régionale, nationale et même internationale. Il est important que notre image ne soit pas entachée, alors que de nombreux élus seront présents." Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, est attendu le 28 novembre. Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, devrait également répondre présent. "Et nous attendons des réponses !", assure le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, Jérôme Despey. "Au-delà des mesures conjoncturelles, ce sont de véritables mesures de fonds dont la viticulture a besoin, comme l'arrachage temporaire et différé." Distinct de l'arrachage sanitaire accordé aux Bordelais, définitif, c'est une mesure de réduction temporaire du potentiel qu'appelle de ses vœux, Jérôme Despey, souhaitant une mise en place rapide, dès 2024.
Concernant le fonds d'urgence de 20 millions d'euros adopté le 8 novembre par les députés, à l'origine en faveur des viticulteurs touchés par le mildiou, puis élargi à tous les vignerons faisant face à des diffi- cultés de trésorerie : "Je veillerai à ce que les critères permettent une mise en œuvre pour l'ensemble des aléas climatiques", appuie Jérôme Despey.
La profession demande aussi des mesures de préretraite, "pour les agriculteurs qui n'y arrivent plus et qui leur permettraient de passer la main à un jeune", souligne Guilhem Vigroux. Le président de la MSA du Languedoc, Cédric Saur, propose ainsi d'expérimenter sur l'Hérault "une retraite progressive, qui apporte un revenu aux agriculteurs en fin de carrière, pour faciliter la transmission à une jeune, qu'il pourra accompagner sans qu'il faille sortir deux salaires sur l'exploitation".
Au-delà de la Taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB), de la prise en charge des cotisations, les viticulteurs requièrent une année blanche pour les prêts bancaires, avec le report de l'annuité en fin de tableau ; les collectivités territoriales pouvant apporter leur soutien en prenant en charge les intérêts.
Lors du Sitevi, la FDSEA et les JA34 seront présents en association avec le Gard, l'Aude et les Pyrénées-Orientales. "Les équipes seront là pour échanger, apaiser les viticulteurs et proposeront des permanences juridique, fiscale, sociale et comptable, pour apporter des réponses", rappelle Guilhem Vigroux.
Mais en attendant, c'est le rassemblement du 25 novembre qui s'annonce historique et mobilise l'attention. "Voilà bien des années que l'on n'a pas vu un rassemblement unitaire de l'ensemble du bassin, du Roussillon jusqu'à la Provence, en passant par la Vallée du Rhône", rappelle le président de la commission viticole de la FRSEA. "C'est une unité qui a été trouvée, aux côtés de Frédéric Rouanet, plus que jamais nécessaire en ce temps qui est à l'unité professionnelle", complète Jérôme Despey. En effet, "les crises sont successives et nous nous enlisons jour après jour, sans aucune perspective d'amélioration", assène la présidente de la FDSEA 34, Sophie Noguès. "Malgré l'oreille attentive du préfet de l'Hérault, rencontré lundi, et son souhait de faire avancer les choses, il est plus que nécessaire de faire entendre notre voix."
"La faible récolte va amplifier la spirale", estime Fabien Castelbou, président des Vignerons coopérateurs de l'Hérault. Le système d'amortisseur de l'outil coopératif arrive au bout. "Le marché du vin se tend et les coûts explosent : augmentation du Smic, du GNR, et d'autres qui se profilent, comme la RPD (ndlr : redevance pour pollutions diffuses)," souligne-t-il. "La consommation de ce produit plaisir qu'est le vin se détériore dans un contexte d'inflation. Nous attendons une aide au stockage, pour passer ce cap difficile." Et "il faut arrêter la stigmatisation de ce produit du terroir, non délocalisable et bon pour la santé, s'il est consommé avec discernement." Il appelle également des "aides à l'aval, pour tempérer la hausse des charges et des coûts".
La trésorerie des jeunes installés est exsangue. "Depuis les vendanges, une dizaine d'adhérents nous a appelés pour rendre leur DJA", se désole le président des JA 34, Benjamin Boillat-Rami. "Ils veulent jeter l'éponge. Des moyens doivent être mis en place pour les sauver. Ce n'est pas possible, après tous ces efforts ! "Il sent de la résignation chez certains."On a pourtant une bonne dynamique de l'installation sur le département, il ne faut pas que cela s'arrête", poursuit-il. "Ces dernières années, la moyenne olympique devient si basse qu'elle ne représente plus du tout la réalité. " Il demande aussi une accélération des paiements des PCAE : "Lorsqu'on fait un investissement, il faut attendre 18 mois pour toucher l'aide."
Plus globalement, les soutiens attendus devront être bien tracés. "Il est important que les critères puissent être départementalisés, pour cibler les exploitations les plus en difficulté", analyse Cédric Saur. "Sans cela, certaines situations risquent de passer à côté des aides. Il y a une grosse hétérogénéité sur le terrain. Sur une même commune, certains ont perdu 20 %, alors que, de l'autre côté du chemin, le voisin a eu une récolte catastrophique."
Lors de la rencontre du Caf 34, Conseil d'agriculture français, avec le nouveau préfet de l'Hérault, François-Xavier Lauch, il n'a pas seulement été question de viticulture. "Chez les éleveurs, nous voyons un épuisement moral et physique. La crise viticole se rajoute à l'ensemble, d'autant qu'elle est en crise depuis 2019", recadre Cédric Saur. "Nous avons plusieurs niveaux d'alerte à la MSA. En termes volumétriques, d'encaissement des cotisations, si ce n'est des dossiers multisinistrés, cela va encore, mais ça va arriver en début d'année 2024. "Se cachent en effet derrière ces chiffres des situations dramatiques, et les appels vers Agri'écoute explosent. Déjà que le département se trouve dans le Top 5 français des appels vers la plateforme. "On voit une paupérisation des salariés et non-salariés, avec la situation agricole, l'inflation, nos affiliés ont du mal à payer le chauffage." Si la manifestation est à l'origine viticole, le mal-être est agricole : distorsion, inflation, répartition des marges... On parle de la souveraineté alimentaire, mais #onmarchesurlatête.
Gard
Le 14 novembre, les représentants de la FDSEA et des JA du Gard ont été reçus par le préfet, Jérôme Bonet, à qui ils ont fait part de leurs revendications.
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Plus d'une centaine d'agriculteurs gardois se sont réunis, mardi 14 novembre, devant la préfecture de Nîmes, pour une manifestation qui se voulait pacifiste.
Les représentants de la FDSEA et des JA du Gard ont été reçus par le préfet, Jérôme Bonet, à qui ils ont fait part de leurs revendications. Pendant ce temps, les agriculteurs ont mené une action de communication auprès de la population, en distribuant 400 tickets permettant d'aller récupérer une bouteille de vin au Mas des agriculteurs. "Nous n'avons pas perdu notre courage, mais je pense qu'il fallait aussi qu'on montre que nous pouvons faire une manifestation constructive", a lancé David Sève, président de la FDSEA 30. "C'est un regroupement calme, mais ferme. Nous n'accepterons plus des augmentations de gasoil, des augmentations sur les produits phytosanitaires ou sur l'eau. Nous n'y arrivons déjà plus, donc cela suffit !", a-t-il précisé.
Les JA du Gard ont débuté leur action plus tôt dans la nuit, en commençant à retourner les panneaux des villages, "pour montrer que nous marchons sur la tête", a expliqué Ludivine Verlaguet, la présidente. "On prône la souveraineté alimentaire, le renouvellement des générations, la compétitivité. Sauf qu'aujourd'hui l'État met en place des lois qui nous empêchent de produire correctement."
Après avoir échangé avec les représentants du monde agricole, le préfet est venu à la rencontre des agriculteurs, afin de leur dire qu'il avait entendu leurs revendications. "J'ai écouté ce qu'il m'a été dit. Cela nous a permis d'évoquer un certain nombre de sujets, de voir ce que localement nous pouvons initier, et puis, ce qu'il faut relayer au niveau national", a-t-il indiqué.
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