Occitanie 10/03/2023
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Viticulture

Les variétés Bouquet bientôt déployées en Occitanie

Le 27 février dernier, au SIA, Inrae a signé une lettre d'intention avec les interprofessions du Languedoc et du Sud-Ouest, ainsi qu'avec l'IFV (Institut français de la vigne et du vin), pour le déploiement des variétés Bouquet dans les vignobles.

Signature de la lettre d'intention pour le déploiement des variétés Bouquet, au Salon international de l'agriculture, le 27 février dernier.

© Crédit photo : CIVL

Les professionnels du bassin viticole Languedoc-Roussillon, mais aussi du Sud-Ouest, l'attendaient comme le "messie" depuis des décennies. Le messie ? L'obtention du feu vert pour le déploiement des variétés Bouquet, issues des travaux de création variétale lancés par Alain Bouquet en 1974. C'est enfin acté depuis le 27 février dernier lorsque Inrae, sur son stand, au Salon international de l'agriculture (SIA), a signé une lettre d'intention avec la filière viticole occitane (CIVL, Inter Oc, IVSO) et l'IFV. Évoquant le travail du chercheur, le PDG d'Inrae, Philippe Mauguin, reconnaissait, ce jour-là, que "c'était une vision pionnière de M. Bouquet. Puis, il y a eu le travail collectif de Pech Rouge, Colmar et Bordeaux. Ce fut un long temps de la recherche, plus de 30 ans. Cela peut parfois décourager, et c'est parfois difficile à expliquer. Ils ont été visionnaires. Aujourd'hui est donc un jour important, et on va poursuivre le travail entrepris".

Concrètement, la lettre d'intention valide l'intégration de neuf variétés Bouquet dans la liste officielle française des cépages déployés dans le vignoble hexagonal pour la production de vin. "Jusqu'à aujourd'hui, ces variétés ne pouvaient pas être plantées librement, ni être destinées à la production de vin. Considérées comme du matériel végétal"jeune", il leur fallait franchir des étapes de validation avant un tel déploiement", rapporte la directrice technique du CIVL, Marie Corbel.

Dans cette même lettre, les interprofessions s'engagent, de leurs côtés, à continuer à observer les comportements de ces variétés sur des parcelles témoins, en co-gouvernance avec Inrae, et en droite ligne de ce qui avait déjà été réalisé dans le cadre du programme 'Oscar Oc' (lancé en 2017, ce programme autorisait la plantation à titre expérimental pour les vignerons de 7 variétés Bouquet, ndlr). Si tout se passe dans "les règles de l'art", ces variétés seront intégrées au classement national fin 2024 ou début 2025. "Nous serons également impliqués dans la dénomination de ces variétés et dans le choix de celles qui sont les plus appropriées", se réjouit le président du CIVL, Christophe Bousquet. L'étape suivante sera leur intégration dans les cahiers des charges des appellations.

Monogénique contre polygénique : faux débat ?

Un épilogue donc heureux, après que les interprofessions engagées dans la reconnaissance des variétés Bouquet aient déployé des trésors de patience et un travail collectif mené durant des décennies face aux réticences d'Inrae à déployer ces variétés, en raison de leur caractère monogénique, car dotées d'un seul gène de résistance au mildiou et à l'oïdium. Soit un caractère que l'institut juge insuffisant. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en 2013 Inrae avait abandonné le projet.

Mais, après un rapport parlementaire de 2017, dans lequel était reproché à l'institut de ne pas avoir commercialisé ces variétés pour continuer à atteindre les objectifs de baisse de 50 % du recours aux produits phytosanitaires en France, à horizon 2025, puis une demande de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de déclencher l'inscription et le classement au catalogue officiel des génotypes 'ResDur' et 'Bouquet', Inrae et l'IFV relançaient les expérimentations sur les variétés Bouquet au travers du programme 'Oscar Oc'.

Craignant toujours de potentiels contournements de résistance, Inrae, à travers sa lettre d'intention, conditionne donc le déploiement de ces variétés à la mise en place de mesures d'accompagnement. "Ce projet est un équilibre entre la volonté de déployer les variétés monogéniques avec le suivi et le contrôle, car on sait qu'il y a la possibilité du contournement des résistances. Il ne faut pas prendre le risque de tout perdre à la fin. La résistance est un patrimoine viticole français. Si elle est contournée, nous avons tout perdu", insistait encore Philippe Mauguin, le jour de la signature. Un risque auquel ne croient pas les interprofessions après 30 ans d'évaluation sur les 28 hectares plantés dans le Languedoc, avec aucun contournement constaté. Ce que confirme également Hernán Ojeda, ingénieur de recherche à Inrae.

Des variétés qui cochent toutes les cases

Outre leur tolérance aux maladies cryptogamiques permettant de réduire substantiellement l'usage des produits phytosanitaires, et leurs capacités d'adaptation aux terroirs méditerranéens, les variétés Bouquet se distinguent aussi par leurs qualités organoleptiques. "L'objectif est de créer des variétés résistantes aux maladies et non aux consommateurs, avait coutume de dire Alain Bouquet. Cela en dit long. Et, force est de constater que le point fort de ces variétés est que leur niveau qualitatif se rapproche de ce que l'on connaît des cépages Vitis vinifera. Grâce aux croisements qu'il a réalisés avec des cépages méditerranéens, on retrouve le goût des vins du Languedoc et du Roussillon. Les variétés Bouquet ont une véritable signature méridionale", souligne Nicolas Dutour, œnologue aux Laboratoires Dubernet.

Autres atouts, et pas des moindres, leur productivité - un élément fondamental dans le contexte actuel - ainsi qu'une diversité de styles de vins, "qui nous offre une nouvelle palette avec des profils de terroir et de vin à produire. Nous allons aussi avoir quelques formes de nouveautés, sans équivalences par rapport aux cépages connus, ce qui va nous permettre d'avoir accès à des débouchés différents", s'enthousiasme déjà l'œnologue. De quoi augmenter la compétitivité des vins du Languedoc sur les marchés.

Mais pour que ces cépages soient connus demain, outre la nécessité de faire les bons choix dans leur nom de baptême, "il faudra qu'ils soient reconnus et remportent des médailles. Entre les aléas climatiques et les problèmes d'environnement, on ne peut pas imaginer s'en passer. Et d'autant que, de surcroît, toutes les dégustations faites autour de ces cépages ont confirmé leurs qualités organoleptiques. La qualité est bien là, alors que ce n'était pas évident avec les autres cépages résistants, particulièrement sur les rouges", complète José Tastavy, qui siège à la commission technique du CIVL pour le collège négoce.

Le vigneron ne s'attend pas pour autant à un raz-de-marée de plantation de ces cépages dans le vignoble languedocien, dès leur classement. D'une part, parce que la disponibilité des bois ne sera pas immédiate, et, d'autre part, parce que le négoce voit encore cela de façon "marginale, même s'il y a une appétence pour ces variétés". Même prudence du côté d'Inter Oc. "Cela fait longtemps que l'on sait que ces variétés sont efficaces et ont de réelles qualités organoleptiques. Ce que l'on attend à présent, c'est qu'on nous les mette au catalogue, après on verra", indique son vice-président, Jacques Gravegeal.

Dans tous les cas, "ces variétés apportent la promesse de grands vins languedociens, en produisant des vins qui nous ressemblent. La singularité des variétés Bouquet est d'être une innovation ancrée dans la tradition. Et ce, à deux titres : par la méthode d'obtention utilisée et par leur parenté avec nos cépages régionaux. Ces obtentions variétales n'ont aujourd'hui pas d'équivalent sur le marché", conclut Jean-Benoît Cavalier, président de la commission technique du CIVL et de l'appellation Languedoc. L'ère du questionnement est désormais révolue. 

Florence Guilhem •

POUR ÊTRE précis

Dans les croisements qu'il opère, Alain Bouquet souhaite que ses variétés, au-delà de leur tolérance au mildiou et à l'oïdium, s'adaptent également aux climats méditerranéens et répondent à une qualité organoleptique. Pour ce faire, le chercheur privilégie des premiers croisements avec une souche apparentée au genre Vitis vinifera, Muscadinia rotundifolia, puis une succession de rétrocroisements avec des cépages régionaux (grenache, cabernet sauvignon, marselan...), aboutissant ainsi à une élimination progressive du génome de Muscadinia au profit de celui de Vitis vinefera.

Après 35 ans de rétrocroisements successifs, son travail de recherche a abouti à une série de génotypes, appelés 'Bouquet', dont une partie a été croisée avec de l'ugni blanc, en 2003, par la station viticole du BNIC (Bureau national de l'interprofession du cognac) et Inrae. Et depuis 2006, Inrae de Pech Rouge procède, lui, à l'évaluation de 32 génotypes. 

Florence Guilhem •

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