À l'heure où la plupart des vignerons commencent à envisager la mise en bouteilles, les craintes d'éventuels reports commencent à se faire sentir. "Les vignerons doivent être encore plus habiles qu'à l'habitude", souligne Éric Pastorino, président du Conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP). L'approvisionnement en matière sèche s'opère effectivement dans un climat anxiogène, mais "bon an, mal an, il se fait".

S'il reconnaît une certaine morosité ambiante, il observe cependant d'un bon œil l'attitude des consommateurs : "Les gens ont envie de vivre, de profiter, de partir en vacances". Alors si le marché accuse un léger retard, notamment sur l'achat vrac, il reste optimiste.

Rosé de terroir et de qualité

Déjà en tant que président du Syndicat des Côtes de Provence, il a pour objectif d'affiner la qualité des rosés. À la tête de l'interprofession, son ambition n'a pas changé. "Ce que je souhaite, c'est la premiumisation de nos vins, et en particulier de nos rosés", affiche-t-il.

Alors que les ventes de rosés se maintiennent en France et que la croissance devrait se poursuivre dans le monde, il reste toutefois nécessaire de consolider les avancées, "la mise en avant de la couleur restant somme toute récente". Le rosé de Provence, star des stands sur le salon, est largement mis en avant. Assez logiquement, puisque la couleur représente toujours 91 % des volumes. "Le vignoble des Vins de Provence est le premier vignoble de vins rosés au monde", rappelle Éric Pastorino. Mais il ne s'agit pas que d'une couleur, avant tout, il y a une typicité. "Certains, en Italie notamment, ont voulu aller vers quelque chose de ressemblant et ce n'est pas allé bien loin. Aujourd'hui, le style Provence est très copié. Mais c'est une stratégie qui n'a pas d'avenir : c'est avant tout le terroir de chacun qu'il faut savoir valoriser", poursuit le vigneron varois.

Faire partie de la famille des Vins de Provence, c'est aussi revendiquer cette fierté d'être producteur de rosé. Le CIVP a ainsi lancé officiellement sur le salon sa nouvelle campagne de publicité avec "trois visuels montrant une femme et deux hommes issus de la nouvelle génération de bartenders, photographiés dans des bars et restaurants de Provence". Chic, moderne et rayonnante de fierté, elle sera ensuite déployée en France et à l'export durant le printemps et l'été.

"Au premier coup d'œil, elle peut interloquer, car on est sur quelque chose de plutôt suggestif. Il n'y a pas un pied de vigne, mais c'est une campagne forte dans laquelle la consommation du rosé ramène automatiquement à la Provence, et implicitement à ses vignerons", commentent Julien et Audrey Vial, vignerons à Brignoles. Dans le hall 4 du parc des expositions de la porte de Versailles, elle est d'ailleurs la seule campagne publicitaire trônant au-dessus des stands, comme pour rappeler l'expérience proposée.

Faire l'expérience des vins de Provence

Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Expérimenter la Provence à travers ses vins emblématiques. Déjà, sur Wine Paris, c'est le challenge que se sont fixé les vignerons présents, prêts à conquérir le cœur des acheteurs professionnels et prescripteurs. Pour Pierre Sevilla, directeur commercial du Domaine Commanderie de La Bargemone à Saint-Cannat, la présence sur le salon est une évidence : "Il y a beaucoup de rendez-vous, de visites, ça ne désemplit pas. On voit qu'il y a une réelle montée en puissance du salon, car il y a pas mal de visiteurs internationaux".

Si La Bargemone présente principalement ses rosés, les Vial mettent également leurs autres couleurs à l'honneur. Ils auront aussi l'occasion de le faire les 27 et 28 février prochains, au Pharo à Marseille, avec un nouveau salon : le 'Vins de Provence expériences' : 200 vignerons et négociants couvrant les trois appellations des Vins de Provence - l'AOP Côtes de Provence, l'AOP Coteaux d'Aix-en-Provence et l'AOP Coteaux Varois en Provence - seront présents pour les près de 800 visiteurs attendus. "Nous allons transformer le palais pour donner une image moderne de la Provence et sortir du cadre traditionnel. Nous voulons faire découvrir l'art de vivre à la provençale, la gastronomie avec le chef Alexandre Mazzia, la beauté des paysages et, bien sûr, nos vins. Ce sera immanquablement une belle occasion pour faire découvrir nos deux autres couleurs", s'enthousiasme Éric Pastorino.

Faire face au changement climatique

Dans les sujets provençaux, il y a aussi le changement climatique et les nécessaires adaptations du vignoble. Pour cela, les vins de Provence s'apprêtent à passer en "mode opérationnel" quant à leur bilan carbone et la réduction qui peut être faite. L'AOC Côtes de Provence a également embauché un ingénieur agronome en charge du développement durable de l'appellation. "Aujourd'hui, un vigneron peut faire plusieurs choses pour tenter de s'adapter, et nombreux sont ceux intéressés par la vie du sol et le sujet de l'eau. Ils ont toutefois besoin d'un soutien scientifique", développe le président du CIVP.

Il a notamment en tête la question de la ressource en eau : "C'est parce qu'il n'est pas seulement question d'irrigation que nous ouvrons ce chantier. Quand je parle d'eau, il y aussi les expérimentations pour les cépages, ou encore comment mieux retenir l'eau dans le sol".

Dans les démarches environnementales comme dans l'identité des vins - en particulier les rosés -, le maître mot reste 'Liberté'. L'air de famille reste identifiable, tout en laissant chacun marquer sa patte. "Nous avons beaucoup de projets, mais c'est ainsi que nous devons avancer pour laisser une chance à nos vignerons de s'exprimer, tout en ayant des revenus décents", conclut Éric Pastorino. 

Situation difficile dans les vignobles français, mais pas question de se laisser aller en Vallée du Rhône. Philippe Pellaton, président d'Inter Rhône, reconnaît que la disparition des négociants-vraqueurs a obligé à une restructuration de la filière. Toujours est-il qu'il y voit également une occasion de se réinventer, en cohérence avec la demande du marché : "Dans un moment où toutes les attentions se focalisent sur le caillou dans la chaussure, à nous de donner des perspectives aux entreprises". Distillation à court terme de quelques volumes de rouges, oui. Mais surtout et avant tout, une avancée sur les futurs profils des vins du vignoble, et une accentuation sur la commercialisation à l'export. Sur le salon, l'interprofession affichait officiellement le nouveau logo du vignoble, afin de matérialiser les nombreuses et ambitieuses actions menées d'ici 2035.

3 387 exposants : +20 % de surface et +25 % d'exposants internationaux (vs. 2022), en provenance de 42 pays producteurs

36 334 visiteurs : +41 % de visitorat (vs. 2022), dont 38 % d'internationaux venant de 149 pays, avec une croissance de visiteurs internationaux de 85 %

Top 5 des pays visiteurs après la France : la Belgique, les États-Unis, l'Italie, le Royaume-Uni et l'Allemagne