GROUPE ICV
Comment "ré-enchanter le vin" ? L'accroche peut prêter à sourire, mais vu l'épée de Damoclès qui pèse sur les entreprises viticoles, pas question de baisser les bras, ni d'ignorer les demandes, changeantes, du marché du vin pour s'adapter aux nouvelles tendances de consommation. L'ICV n'est pas fataliste.
"Quel est l'intérêt d'un produit pas connu sur le marché ? Aucun." Si le chardonnay ou le sauvignon parlent au consommateur lambda, c'est parce que les cépages "sont l'antithèse de la complexité", explique Olivier Dauvers, qui recommande aux producteurs de se focaliser sur "les occasions de consommation".
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Désenchantés les viticulteurs ? Sans s'aventurer, on pourrait laconiquement glisser que "oui, assurément". Mais le marché n'est pas une fatalité, bien que les constats semblent sans appel pour certaines entreprises viticoles ces deniers mois, et depuis maintenant quelques années. À en croire le tribun invité par le groupe ICV (Institut coopératif du vin) lors de son assemblée générale, le 13 avril, à Maurin (34), il faut bien se rendre à l'évidence : le marasme n'est pas général, et des possibilités de s'en sortir existent. Sans concessions, Olivier Dauvers, journaliste spécialisé dans le commerce et la consommation, chroniqueur et fin observateur des tendances et des actes d'achat, notamment en grandes surfaces, a choisi de ne pas caresser l'audience dans le sens du poil. Après une campagne 2021 marquée par les baisses en tout genre, de la récolte générale au chiffre d'affaires du groupe (- 5,94 %), le retour des volumes sur le millésime 2022 n'est que partiellement rassurant. En cause ? La commercialisation et la consommation qui marquent le pas, sur certains segments, font craindre aux coopératives comme aux domaines quant à leur capacité commerciale dans un marché perturbé.
"Quelle évolution de la consommation" face à ce "censeur qu'est le marché" ? La question a le mérite d'être posée, estime le président de l'ICV, Denis Verdier, dans une période d'incertitude pour la filière. Après un exercice 2021 "difficile" en raison de la faible récolte due au gel d'avril, en baisse de 20 %, l'ICV ne veut pas se résigner malgré l'impact de la campagne sur les activités du groupe, qui a vu ralentir les ventes de produits œnologiques, de marchandises, comme sa partie conseil et analyses sur l'exercice 2021-2022. Si le groupe a pu maîtriser ses amortissements, notamment grâce à ses fonds propres, sa mission première reste "le développement", souligne Denis Verdier.
Déjà, les perspectives pour la campagne 2022-2023 s'éclaircissent un peu, compte tenu des volumes revenus presque à la normale. Cette "fausse croissance" de récolte engage déjà une légère reprise des services, dont + 3 % pour les analyses et + 5 % pour l'activité conseil, annonce Joël Reynaud, secrétaire.
Si le résultat d'exploitation est "équilibré" pour 2022, l'heure n'est pourtant pas à l'enchantement du côté des rayons. C'est pourquoi l'expert ès consommation était convié, pour interroger les faiseurs de vins quant à leur rapport à leur produit, "en voie de marginalisation", alors que les tendances changent du côté des acheteurs. L'offre vin devra s'adapter à ces attentes, au risque d'être ringardisée par d'autres alcools et délaissée par un public jeune.
Avant d'attaquer par les chiffres, sans appel, Olivier Dauvers entame la conférence sans y mettre les formes. Il enjoint les producteurs à accepter que le vin "est un produit comme un autre". Volontairement poil à gratter, il rappelle que leur produit n'est "pas indispensable", comme peut l'être l'alimentation. Une donnée essentielle, selon l'observateur, pour "comprendre les ressorts de la consommation". Et cette dernière ne fait pas de cadeau aux vins tranquilles vendus en grande distribution (GD). De 1,05 million d'hectolitres (Mhl) en 2015, le marché ne représentait que 0,87 Mhl en 2022. Si pendant longtemps, cette baisse a été compensée par le chiffre d'affaires (plus de 4 Mds€ en 2015), l'idée selon laquelle vendre "moins mais mieux" est révolue. C'est même "un poison intellectuel", affirme Olivier Dauvers. "Ce qui vous fait travailler, ce ne sont pas que les prix, mais les volumes que vous vendez."
Pour ne rien arranger, le fondateur de Rayon Boissons confirme un nouveau rapport de force entre les vins et les autres alcools, en dix ans. Ainsi, de 42 %, la part du vin est passée à 32 %, alors que la bière a fait le chemin inverse (de 32 à 52 %), "probablement car le consommateur y trouve plus d'intérêt", tranche Olivier Dauvers.
Cette nouvelle donne s'explique notamment par la tendance à la baisse des ventes de rouge en GD (- 10 points en 7 ans), là où le blanc gagne 4 points et le rosé "challenge" le rouge. "C'est un produit d'usage, cela doit vous faire réfléchir." L'autre tendance émergente est à suivre du côté des vins IG (Indication géographique) et de cépages, dont les parts de marché sont passées, en 12 ans, de 12 à 22 %. Les IG classiques restent stables, alors que les AOP ont "fortement régressé". L'explication tient à une simple raison, selon lui. "Il est plus facile de comprendre un cépage qu'une appellation." Et d'enfoncer le clou : "Quel est l'intérêt d'un produit pas connu sur le marché ? Aucun." Si le chardonnay ou le sauvignon parlent au consommateur lambda, c'est parce que les cépages "sont l'antithèse de la complexité", explique Olivier Dauvers, qui recommande aux producteurs de se focaliser sur "les occasions de consommation". Enfin, le BIB est passé de 18 à 42 % des volumes entre 2010 et 2022, prouvant, d'après le journaliste, que "tout ce théâtre autour du vin, les consommateurs n'en ont rien à faire".
Pour Olivier Dauvers, il convient aux entreprises viticoles de "comprendre le bénéfice d'usage, car oui, le vin est un marché comme un autre". Si l'heure n'est pas aux réjouissances en termes de vente, les habitudes de consommation ont bel et bien changé. En grandes et moyennes surfaces, 21,8 millions de Français ont acheté du vin en 2022. Ce n'est pas moins qu'en 2019, sauf que ce sont les quantités achetées qui ont diminué.
Les profils des acheteurs, aussi, ont évolué. En 2019, la consommation des moins de 50 ans a baissé de 11 %, et celle des plus de 50 ans de 3 %. Quant aux jeunes, on ne peut que constater que le vin n'est pas vraiment leur tasse de thé, selon des proportions de 10 l/an pour les moins de 35 ans, de 16 l pour les 35/49 ans, et de 43 l pour les plus de 65 ans. Loin de devoir défendre "une appellation, une France judéo-chrétienne viticole intouchable", la filière doit s'inspirer des recettes "éprouvées ailleurs", conseille Olivier Dauvers, à l'instar de la bière perçue comme un produit "léger", ou encore le format canette pour le vin, "pourquoi pas".
Fustigeant un certain élitisme qui colle à l'image de la bouteille de vin "à la française", le spécialiste de modes de consommation salue tout de même les efforts de certaines enseignes (Leclerc, Casino) qui croient au vin comme un produit "traditionnel, de beauté" offrant une expérience d'achat valorisée, loin des produits de première consommation. Malgré cela, le vin reste "victime des arbitrages de la consommation". Alors, entre l'offre pléthorique et élitiste, il recommande de diviser par deux ces "murs de vins excluants" ou encore de "sortir de l'étiquette à la française" pour attirer le regard des jeunes, au travers de noms ou de marques accrocheurs. En somme, "ré-inventer les clés d'entrée du rayon".
IL a dit-
Au vu de la situation nationale, alors qu'un plan contrat de filière "se met en marche", le président de l'ICV partage le point de vue d'Olivier Dauvers : "Il faut renverser la table !" La viticulture est en train de "vivre une mutation", après celle des arrachages, et des replantations, estime Denis Verdier. "On est à la veille d'une véritable difficulté", déclare-t-il, alors que les professionnels ont rempli leur contrat, comme pour le bio, s'interrogeant sur la pertinence des investissements réalisés.
En renforçant sa présence en Vallée du Rhône, dans le Bordelais et le Beaujolais ("et peut-être ailleurs demain"), l'ICV assoit son développement "pour progresser collectivement", suffisamment soutenu par les volumes et les clients. Car "seule, la région du Sud ne peut être suffisante pour maintenir ce niveau quantitatif et qualitatif", augure Denis Verdier, confiant dans la technique, la matière grise et la prospective comme vecteurs de valeur ajoutée.
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