Innovation
Passer d'une économie pétrosourcée à une économie circulaire de la biomasse est au cœur des recherches de l'Inrae, et même une de ses priorités stratégiques dans son document d'orientation. Zoom sur ses différents travaux présentés lors d'un webinaire.
Les 2 à 2,5 millions de tonnes d'olives produites par an dans le pourtour méditerranéen génèrent près de 22 millions de tonnes de résidus (feuilles, branches, résidus de pulpes, déchets liquides, eaux usées et noyaux d'olives).
© Crédit photo : FG
Vous ne regarderez plus la peau des tomates, les fibres de lin, les champignons filamenteux ou encore les noyaux d'olive de la même façon. Parce que chacun de ces résidus agricoles recèle des ressources permettant de remplacer les polymères pétrosourcés. Ainsi, du caoutchouc en peau de tomate, de l'éthanol à partir de champignons filamenteux, des voiles de bateaux et des garnitures de toit de voiture à base de fibres de lin, ou des terrains de foot recouverts de noyaux d'olives ne relèvent pas de la science-fiction. Bienvenue dans le monde de la bioéconomie.
"La bioéconomie, c'est l'économie du vivant, soit une économie fondée sur les ressources d'origine biologique. Si le mot est récent, le concept est ancien. La bioéconomie comprend l'alimentation, la culture de molécules, les matériaux et l'énergie. Aujourd'hui, la bioéconomie permet de passer du carbone fossile au carbone renouvelable. Tel est le grand enjeu, soit contribuer à atteindre zéro émission nette carbone de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. Enfin, la bioéconomie, c'est aussi une logique circulaire", rappelait Monique Axelos, directrice scientifique alimentation et bioéconomie à l'Inrae, lors du webinaire organisé par l'institut, le 20 septembre, sur le thème 'De la biomasse aux molécules et matériaux innovants'. Toute la biomasse des coproduits est en effet valorisée. Autrement dit, rien ne se perd, tout se transforme. Preuves à l'appui.
Avec près de 22 millions de tonnes (Mt) de résidus générés par une production oléicole annuelle autour de 2 à 2,5 Mt sur le pourtour méditerranéen, il y a matière à transformer et valoriser. Or, ces ressources (feuilles, branches, grignons et margines) sont peu exploitées et la filière peu organisée. Si l'Espagne et l'Italie s'y sont mis, en raison des volumes gigantesques dont ces pays disposent et de la grande taille des entreprises du secteur, tel n'est pas le cas de la France. En cause : une activité pas toujours rentable et des coûts d'exploitation souvent élevés.
Néanmoins, des initiatives fleurissent et s'attachent à employer ces résidus pour des applications à forte valeur ajoutée. À l'image de l'entreprise marocaine Aveo, qui transforme la biomasse locale en énergie pour alimenter des hôtels de luxe ; ou de l'entreprise espagnole, Elayo Group, qui produit des aliments et des cosmétiques haut-de-gamme à base de graines d'olives ; ou encore de la société française Méditerranée environnement, qui répand des noyaux concassés sur les pelouses artificielles des stades de foot, en remplacement des billes de caoutchouc.
Si toutes ces initiatives sont plébiscitées par les consommateurs - qui incluent de plus en plus les critères environnementaux et le cycle de vie des produits dans leur acte d'achat -, "la majorité des entreprises communique peu sur la valorisation de ces sous-produits", regrette Mechthild Donner, directrice de recherche à l'Inrae de Montpellier. Les autres difficultés auxquelles sont confrontées ces entreprises sont les coûts de production et de la logistique pour récupérer tous ces coproduits. "La réussite de la structuration de cette filière suppose aussi de s'associer avec des acteurs locaux spécialisés dans les différentes étapes du processus, afin de mutualiser les coûts, et de rechercher des partenaires publics et privés susceptibles d'accompagner et soutenir financièrement ces initiatives", ajoute la chercheuse. Une problématique récurrente à l'ensemble des coproduits agricoles.
Si l'agroindustrie est grande consommatrice de fruits et légumes qu'elle transforme en de nombreux aliments, depuis les compotes jusqu'aux sauces, en passant par les jus, les drêches (peaux et pépins), elles, sont peu ou pas valorisées aujourd'hui. Or, "la peau des tomates est un organe remarquable, car, bien qu'extrêmement fine, elle ne laisse pas passer l'eau, est insoluble, mais aussi très élastique", indique Bénédicte Bakan, directrice de recherche à l'Inrae de Nantes. Avant de rappeler que depuis des décennies, les chercheurs de l'institut travaillent sur la structure et la fonction de la peau de tomate, aussi appelée cuticule.
Ils ont ainsi élaboré un procédé permettant de déconstruire la cuticule et de libérer ses constituants, dont des acides gras hydroxylés. Ces molécules ont été ensuite rassemblées pour construire un nouveau polymère. Ainsi, ils ont créé un 'caoutchouc' 100 % naturel et biodégradable, dont les propriétés peuvent être modifiées sur mesure pour répondre aux différents usages. Si demain, toutes les voitures ne seront pas équipées de pneus à base de caoutchouc en peau de tomate, cet écomatériau peut subvenir aux besoins d'autres marchés ou à la fabrication de matériaux composites.
Plus globalement, la bioéconomie - qui repose sur des filières décarbonnées - suffira-t-elle pour sauver la planète ? Si ce nouveau modèle économique - qui permet de remplacer les composés d'origine pétrochimique par des coproduits, et privilégie les circuits courts et la proximité entre les centres de production et de transformation de la biomasse - apporte, à l'évidence, des réponses en matière d'émissions de gaz à effet de serre, les impacts environnementaux et sociaux ne sont pas absents pour autant. "Pour faire ces écomatériaux, il faut de l'eau et de l'énergie. Il faut donc faire attention à l'ensemble du système, et bien estimer les impacts liés à l'exploitation des ressources. Il faut aussi penser à laisser du carbone dans les champs pour les sols et ne pas perdre de vue que l'on a besoin de la biomasse pour l'alimentation", conclut Monique Axelos.
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