Hérault 07/08/2024
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Céréales

Touzelle et saissette refont surface 

Demi-journée technique, fin juin, au lycée privé agricole de Gignac (34) sur la thématique des céréales anciennes. Historiquement présentes, ces variétés pourraient aujourd'hui retrouver leur place dans les champs et les assiettes.

Une convention entre le lycée privé agricole de Gignac et la Chambre d'agriculture de l'Hérault permet d'installer la culture avec l'aide de Damien Savelli, professeur d'agroéquipement du lycée, et un suivi technique réalisé par Rémy Kulagowski.

© Crédit photo : AL

La touzelle de Nîmes, la saissette de Provence, cela ne vous dit rien ? Peut-être que cela évoquera un brin de nostalgie pour les anciens, et une voix prometteuse pour les plus jeunes. De nombreuses questions se soulèvent actuellement autour de ces céréales anciennes, pour développer une filière céréale et pain, en Pays cœur d'Hérault. Au travers du Projet alimentaire territorial (PAT), Julie Pessard, chargée de mission foncier agricole au Sydel du Pays cœur d'Hérault, tente de répondre à ces interrogations en mutualisant les efforts avec la Chambre d'agriculture, le Conseil de développement Pays cœur d'Hérault (Codev) et le lycée privé agricole de Gignac, afin d'étudier les potentialités agronomiques et commerciales de ces variétés paysannes. 

L'aegilops comme point de départ 

Avant d'obtenir le blé que l'on connaît aujourd'hui, il a fallu passer par des siècles de sélection. L'aegilops, vieux de plus de 10 000 ans, a donné, au travers de croisements successifs, dont le premier avec l'amidonnier sauvage, la lignée des blés modernes actuellement sur le marché, mais pas que. "Avant 1950, tout le pourtour méditerranéen était cultivé avec la saissette de Provence et la touzelle", explique Rémy Kulagowski, conseiller grandes cultures à la Chambre d'agriculture de l'Hérault. Pour la recherche et l'acquisition de données, une collection variétale a été mise en place grâce au concours de la Chambre d'agriculture et de l'association 'Moulin des garrigues'.

"Avant 1950, tout le pourtour méditerranéen était cultivé avec la saissette et la touzelle"

Son objectif ? "Maintenir la génétique des différentes variétés d'une année sur l'autre, pour pouvoir les partager avec les agriculteurs intéressés, afin qu'ils puissent les tester sur de petites surfaces avant de se lancer dans cette culture historiquement bien implantée", explique le conseiller.

Pour mieux comprendre la dynamique autour de ces variétés d'antan, il est peut-être bon de rappeler de quoi on parle. Par définition, les individus issus de variétés populations sont tous différents et, dans le cas du blé, autogame à plus de 95 %, l'autofécondation est la règle majoritaire. "La pollinisation, qui se fait de manière libre, permet d'avoir une grande diversité et ainsi de s'adapter plus facilement aux aléas climatiques, car ces variétés sont très liées au territoire où elles évo- luent".

C'est le cas de la touzelle de Nîmes, mélange qu'Henri Ferté a relancé au sein de sa ferme à Nîmes, depuis les années 2000. "C'est un mélange de quatre variétés de touzelle : la blanche de Provence, la rouge, l'anone et la barbue". Adopté principalement dans le secteur du Languedoc, ce blé panifiable est relativement précoce, avec un grain allongé et souple, produisant une farine qualitative, très fine et soyeuse, avec un gluten facilement assimilable et un goût agréable. Cette dernière, à première vue, possède toutes les qualités recherchées pour la panification, mais elle n'est pas la seule.

Pleins feux sur la saissette de Provence 

De l'autre côté de la Méditerranée, la Provence a préféré adopter la saissette, aux caractéristiques similaires à la touzelle, hormis le fait que la teneur en protéines est beaucoup plus élevée. "À l'époque, c'était une variété qui se valorisait tout aussi bien voire mieux que la touzelle". Comme le schématise bien le conseiller, "la saissette, c'est une touzelle, mais avec des barbes sur les épis". D'après les retours de terrain, cette caractéristique permet d'amortir les entrechoquements des épis lors des coups de mistral bien connus dans la région. Grain plutôt allongé, précoce, ses caractéristiques organoleptiques et nutritionnelles sont également très recherchées par les paysans meuniers. Mais alors, avec tant d'avantages, pourquoi ces variétés ont-elles disparu de nos comptoirs ?

Malgré leurs promesses agronomiques, elles ont été peu à peu mises à l'écart en faveur des blés modernes, et ce, pour plusieurs raisons, à commencer par leur sensibilité à la verse. "Les sélections successives ont cherché à réduire la hauteur des pailles, afin de limiter la verse. Mais le prix à payer est que l'on a perdu l'intérêt qualitatif et nutritionnel". Malgré le fait que sa culture ne demande ni intrants ni produits phytosanitaires, et que ces variétés se tiennent plutôt bien face au risque sanitaire d'oïdium, de septoriose et de rouille, les rendements frôlent à peine les 15 q/ha. "On vise la qualité avant la quantité", défend le conseiller. Qualitativement supérieure, mais avec des rendements moindres, des coûts de production plus élevés et une technicité plus grande à la fabrication, la valorisation reste donc primordiale.

Le sujet épineux de la valorisation 

De son point de vue, Julie Pessard estime que "l'aspect post-récolte, le tri et la valorisation restent un frein". En effet, faire du pain avec ces variétés anciennes est loin d'être le même travail qu'avec des variétés modernes. "Au sein du PAT, nous travaillons avec les établissements de restaurations collectives pour potentiellement faire produire du pain issu de ces variétés anciennes au sein des cantines, car nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur quelques boulangers qui travaillent avec ces variétés et en connaissent le processus de fabrication." 

"L'aspect post-récolte, le tri et la valorisation restent un frein"

L'ambition du PAT va prochainement se traduire par l'organisation de journées découvertes entre des paysans meuniers et des écoles, afin de faire connaître tout le circuit de la filière et ce, du champ à l'assiette. "Nous avons besoin de sensibiliser les gens, car cela n'a rien à voir avec le pain industriel que l'on retrouve en grande surface".

Autre butte à surmonter : le coût, car oui, qui dit coût de production élevé et rendement faible dit aussi prix d'achat élevé... Alors, pour arriver à trouver le résultat de cette équation, Julie Pessard évoque l'exemple de la commune de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, qui en limitant les quantités et en diminuant de 80 % le gaspillage alimentaire, a vu augmenter le budget de sa commune de 40 %, ce qui leur a permis de passer à une alimentation 100 % bio sans surcoût supplémentaire. "Même si ce n'est pas toujours simple à mettre en place, cela reste un bel exemple et une vraie réussite". 

Anthony Loehr •

LE SAVIEZ-VOUS ?

Des ressources genetiques en cours d'étude 

D'autres variétés anciennes sont également en cours d'étude. Connus dans leurs appellations d'origine, le blé population de Gua (Italie) et le blé population d'Aragon (Espagne) restent dans le champ de la recherche et les données doivent être compilées, afin d'avoir des retours sur leurs caractéristiques au champ et à la panification. "Ces variétés ouvrent les possibilités, mais il faut d'abord mieux les connaître, les utiliser, les valoriser et ensuite faire des choix", estime Rémy Kulagowski. 

Anthony Loehr •

Le seigle, une culture pleine de ressources

Historiquement synonyme de pénurie et de vache maigre, le seigle est également une culture intéressante. Allogame par nature, il est donc nécessaire de mélanger deux variétés, afin de maintenir les traits génétiques d'une année sur l'autre. Adapté aux régions de montagnes, très froides et sur des sols siliceux et acides, le seigle s'adapte étonnamment bien dans nos régions. Variété précoce à paille haute, avec beaucoup de tallage, ces deux variétés offrent des grains allongés, bleutés, très caractéristique du seigle. "Il faut être très attentif à l'ergot du seigle qui est une maladie très toxique, tant pour l'homme que pour les animaux", prévient Rémy Kulagowski. "C'est souvent le cas, lors de répétition prolongée au sein de la rotation". En revanche, même si cela reste théorique, des remontées de terrain démontrent que cette culture libère des composés allélopathiques, qui limitent le développement des adventices, notamment la folle avoine, l'amarante et le pourpier, ce qui fait de cette plante un très bon précédent.

Anthony Loehr •

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