Sur les hauteurs de Mandagout, en direction de L'Espérou, les brebis de Marc Delpuech paissent depuis le 20 mai, avant la transhumance. Il pratique un pâturage fractionné chaque jour. © Ph. Douteau
Cette année, plus que jamais, la transhumance en Cévennes marquera "le coup d'envoi de l'été", annonce le maire de Val-d'Aigoual, Joël Gauthier. Après une édition annulée, le cœur des éleveurs, des élus et du public est à nouveau à la fête. "Une fête que l'on avait à cœur de renouveler", confirme Gilles Berthézène, sur les hauteurs de Mandagout, le 3 juin.
Alors que la situation sanitaire s'assouplit progressivement, le président de la Communauté de communes Causses Aigoual Cévennes se félicite de voir L'Espérou s'animer à nouveau. "Avec la Chambre d'agriculture du Gard et les élus, nous avons tenu à renouer avec cette édition." Si quelques aménagements sont prévus, l'esprit de la fête de la transhumance devrait être préservé. Sous le signe de la production et de l'artisanat locaux, de débats sur le changement climatique et, plus largement, de l'élevage gardois.
50 stands plus espacés
Dès samedi, à partir de 17 h, une visite d'estive est programmée, en compagnie d'un berger, avant un dîner animé par une conteuse, sans l'orchestre, et restreint à 120 personnes. Au menu, bien évidemment et entre autres réjouissances, le traditionnel agneau, décliné à la provençale avec du riz de Camargue, par le réseau 'Bienvenue à la ferme'.
Le dimanche, place à la fête de la transhumance, quelque peu réaménagée. Si le traditionnel passage du troupeau dans le centre de L'Espérou ne pourra pas battre le pavé sur le circuit habituel, il sera tout de même visible depuis la forêt, pour éviter l'attroupement du public aux abords des routes. Les quelque
1 000 brebis de Vincent et Pierrick Garmath, et celles de Dimitri Servière seront les vedettes de la descente.
Le marché sera bien maintenu, avec 50 stands étalés sur 800 m, pour laisser plus de latitude aux passants. "Il n'y a pas d'endroit plus propice pour s'étendre", justifie Patrick Viala, référant de l'événement pour la Chambre d'agriculture. La démonstration de tonte n'a pas été retenue, ni l'atelier maquillage, mais les vaches et les calèches seront de la partie.
Le climat au cœur des échanges
Moins de fête, mais plus de fond. C'est la conséquence de la pandémie qui veut ça, mais avec ou sans Covid-19, agriculteurs et éleveurs doivent bien composer avec les paramètres climatiques changeants au fil des décennies. Sans remonter bien loin, personne n'a oublié la vague de sécheresse dans le Gard, en juin 2019, et ses records de températures, mais aussi les incendies, ou les inondations du 19 septembre 2020 et ses dégâts importants sur les infrastructures et les exploitations cévenoles. Sans oublier le gel du 8 avril dernier, concomitant au classement en vigilance sécheresse du département.
Une table ronde est ainsi prévue, le dimanche après-midi, réunissant Gilles Berthézène, Magali Saumade, présidente de la Chambre d'agriculture, Guy Lachaud, animateur du comité scientifique du projet de réhabilitation de l'Observatoire du Mont-Aigoual, Marc Delpuech, président du syndicat ovin du Gard et Joël Gauthier, maire de Val-d'Aigoual. Ce dernier tient à rappeler le "rôle majeur" des troupeaux comme rempart contre les incendies. "Ils façonnent nos territoires." Et subissent aussi directement les modifications du climat quant à leurs ressources alimentaires. "Il fait trop froid la nuit, même s'il fait chaud en journée, ce qui impacte l'épiaison. Le pied n'est pas fourni et manque de densité", explique l'élu. Ce qui contraint les éleveurs à acheter du foin pour compenser les pénuries alimentaires.
Viande et espace naturel : le fragile équilibre
"Si on a pu faire une coupe et du regain cette année, c'est déjà bien", constate Marc Delpuech. "Quand il fait trop chaud dans la plaine, l'alimentation perd de sa valeur nutritive, contraignant les animaux à monter." L'éleveur, qui fait transhumer ses 320 brebis depuis sa bergerie de Sumène après l'estive du 20 mai au 10 juin, fait paître ses bêtes sur quatre sites dans un rayon de 18 km. "Fin juillet, l'herbe est moins nourrissante, alors que le troupeau est au sommet de sa forme mi-juillet." En cas de fortes pluies, l'herbe se gorge alors d'eau rapidement et "perd de sa valeur en sel et en minéraux." Les températures à la hausse, Marc Delpuech les vit et les subit comme son troupeau. "On constate un changement du climat depuis au moins 15 ans. Des fois, à la fin de l'été, il faudrait descendre huit jours plus tôt, mais les mères peuvent avoir du mal avec la lactation."
En pleine gestation, à 5 mois, les brebis de Marc, comme les autres, ont besoin de plus d'espace pour pâturer et accéder à l'herbe fraîche. De la plaine aux hauteurs, les étés sont presque devenus aussi chauds. L'inquiétude gagne donc les éleveurs. "Il faudrait deux fois plus de surfaces pour le même cheptel", ajoute Gilles Berthézène.
Sur les quelque 10 000 têtes parcourant les flancs du massif des Cévennes, celles de Marc Delpuech ont le luxe de pouvoir remonter pâturer en hiver, du 10 novembre à début janvier. "Même si je me gèle, et que cela prend du temps pour se déplacer, il y a de la bonne herbe." Entre l'obtention d'une viande de qualité et le pâturage à conquérir, les éleveurs cévenols sont aux premières loges des caprices du climat.
Philippe Douteau
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