Maintenir une filière élevage locale était l'enjeu. Les éleveurs - qui ont relevé le défi en s'investissant collectivement pour sauver l'abattoir de Tarascon - sont aujourd'hui soulagés, satisfaits du travail accompli depuis deux ans et des résultats. "Ce projet de reprise est une véritable réussite qui a fédéré l'ensemble des corporations de l'élevage. Ce départ signe le renouveau de l'élevage dans le département", indique Pierre-Henri Callet, coprésident de la Sica, lors de l'assemblée générale de la structure, à Arles, le 30 mars dernier.

La première année de fonctionnement de la coopérative est en effet très encourageante. Un an seulement après la prise de contrôle par les éleveurs au travers d'une Société d'intérêt collectif agricole (Sica), l'augmentation de l'activité sur le site permet d'envisager une nouvelle stratégie de développement.

De nombreux éleveurs sont déjà venus renforcer le groupe d'adhérents, pour arriver à ce jour à plus de 380. Le tonnage abattu sur le site dépasse toutes les prévisions. L'outil - dimensionné pour traiter un volume de 2 500 tonnes - a atteint 2 200 t en 2022. De ce fait, pour consolider cet élan de dynamisme, de nombreux projets sont en cours, sur le plan de la valorisation et de l'organisation de la production.

À commencer par la mise en place de l'Organisation de producteurs 'Bovine'. "Cela fait un moment que l'on en parle, et tout est prêt aujourd'hui", estime Sébastien Attias, responsable financier de la Sica. La structuration des exploitations en OP permettrait notamment de renforcer la promotion et la communication autour de l'AOP Taureau de Camargue ; et de développer le volume d'abattage sur les bovins, qui se situe actuellement aux alentours de 320 t.

Sur la filière ovine, les éleveurs du département souhaitent aussi relancer une démarche entreprise il y a quelques années, autour d'une AOP ovine. La finalisation d'une marque commerciale ovine serait une première étape. Par ailleurs, il y a aussi le projet d'extension de l'abattoir, entrepris pour augmenter les capacités d'abattage des ovins. L'ensemble de ces projets doit permettre de produire une plus-value supplémentaire pour les élevages du département et, en cascade, de consolider le tissu d'exploitations.

Les efforts consentis ont payé

La coopérative veut maintenant s'atteler à convaincre un maximum d'éleveurs de venir intégrer la structure professionnelle dans son fonctionnement. "Il y a encore beaucoup de chantiers à mener avant de parvenir à une situation stabilisée, mais nous sommes sur le bon chemin !", résume avec beaucoup de satisfaction Pierre-Henri Callet. "Plus nous ferons de volumes, plus la structure sera rentable, et plus les tarifs d'abattage pourront être réduits", ajoutait celui qui compte sur tous les adhérents pour prendre leur part d'engagement, mais surtout pour être aussi des ambassadeurs de la Sica.

Si cette dernière, coopérative de services, n'a pas vocation à faire des bénéfices, il s'agit avant tout de pérenniser l'outil d'abattage. Dès la création de la Sica, un effort particulier avait, par exemple, été demandé aux éleveurs sur le paiement des prestations à dix jours. Avec une situation financière aujourd'hui positive, et comme le souhaitait une bonne partie des éleveurs, les délais de paiements des prestations viennent de passer à 20 jours. "Ces efforts consentis par les éleveurs ont permis de constituer un fond de trésorerie important et nécessaire pour le bon fonctionnement de la structure. Et aujourd'hui, les feux sont au vert !", ajoute Pierre-Henri Callet.

Durant l'année écoulée, les tarifs d'abattage ovins ont aussi été évoqués. Le conseil d'administration a, de ce fait, statué sur une diminution du tarif d'abattage pour les éleveurs adhérents. Il est passé de 16,50 euros pour un agneau de moins de 22 kilos à 14,25 € pour un agneau de moins de 15 kg. Soit 0,95 € au lieu de 1,10 €/kg. "Nous avons beaucoup œuvré pour la reprise de cette activité et nous ne souhaitons pas échouer. Mais cela se fera avec la mobilisation de tous", insiste le coprésident de la Sica.

Continuer d'améliorer l'outil

Pour 2023, des demandes de financements auprès du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône ont été faites pour poursuivre l'amélioration de l'outil. Mais, déjà, plusieurs investissements ont pu être réalisés, avec la création d'une nouvelle chaîne d'abattage, plus importante et répondant à toutes les exigences du bien-être animal. Pour la suite, une feuille de route sur la modernisation du site est aussi lancée, avec une perspective d'investissements étalée dans le temps. L'ambition est de rénover l'ensemble du parc de matériels sous cinq ans.

"Les mouvements végan ou anti- viande souhaitent nous déstabiliser mais, maintenant que nous tenons notre destin en mains, nous allons montrer à la population locale qu'élever du bétail dans des terres aussi belles que la Crau, la Camargue ou les Alpilles, permet une production de qualité, respectueuse de l'environnement et en totale adéquation avec les attentes sociétales", conclut Pierre-Henri Callet. La filière élevage du département a de beaux jours devant elle. 

Avec ses 220 000 ovins, la filière ovine des Bouches-du-Rhône est l'une des plus importantes de l'Hexagone. Reste que, pour l'abattage, la majorité des éleveurs est tournée vers le site de Sisteron. La relance de l'outil de Tarascon a donc l'ambition de créer de nouvelles conditions de marché pour ses adhérents. En développant une marque commerciale ovine, la Fédération départementale ovine des Bouches-du-Rhône est entrée dans une démarche qualitative. L'objectif de l'initiative est de fédérer un maximum d'éleveurs et de producteurs autour de la Sica, et les inciter à se réunir autour d'un produit local et d'une marque. Le projet de marque veut aussi fédérer les chevillards, les metteurs en marché, les bouchers, les distributeurs locaux et les consommateurs.

Cette marque - dont le nom, 'L'agneau des bergers de Provence', et son logo sont en cours de finalisation - devrait amorcer un travail de valorisation qui doit aller plus loin. Vers une AOP probablement.

"Ce projet de reprise est une véritable réussite qui a fédéré l'ensemble des corporations de l'élevage. Ce départ signe le renouveau de l'élevage dans le département."