France 16/12/2022
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HÉRAULT 

Vignerons indépendants, le temps de la résilience

Confrontée à une crise aux multiples visages, la filière mesure l'ampleur des défis à relever. Déconsommation, aléas climatiques, attractivité économique à renforcer, les Vignerons indépendants veulent jouer une carte offensive, pour assurer leur pérennité et sécuriser leur positionnement sur un marché fluctuant.

À Bessan, le 9 décembre, les Vignerons indépendants tenaient leur assemblée générale, en présence du président de la Fédération nationale, Jean-Marie Fabre, d'Anne Dubois de Montreynaud, présidente déléguée et trésorière, François-Régis Boussagol, président, et Laurent Brault, chargé de mission au développement des entreprises pour les VI France.

© Crédit photo : PhD

Après avoir subi la crise sanitaire, le gel, le conflit en Ukraine, suivis de la phase d'inflation et de la hausse des coûts de l'énergie et des matières premières, les entreprises viti-vinicoles ont été "percutées de plein fouet, à tous les niveaux de la chaîne, de la production à la commercialisation", a rappelé François-Régis Boussagol, s'il était encore besoin, lors de l'assemblée générale le 9 décembre. Alors que certains dispositifs consécutifs au gel d'avril 2021 ne sont pas encore totalement soldés, l'enchaînement des systèmes d'aides exceptionnels liés à l'actualité internationale, aux répercussions économiques du Covid autant qu'au plan gel, aux conditions d'indemnisation au titre des calamités agricoles ou de l'assurance récolte, laissent circonspects de plus en plus de vignerons, arrivés à un "seuil de saturation" administrative, prévient le président des Vignerons indépendants de l'Hérault. En présence du président de la Fédération nationale, Jean-Marie Fabre, la section héraultaise a égrainé les dossiers qui s'accumulent et soulevé les pistes à creuser pour simplifier les démarches visant à "assainir le marché" d'un produit noble qui, s'il se consomme moins en France, continue de progresser dans le monde. 

Des dispositifs à simplifier et à concrétiser 

La facture augmente au même titre que les inquiétudes. Pris dans une spirale de crises conjoncturelles, les Vignerons indépendants ne sont pas à court d'idées pour y répondre de manière structurelle. En subissant successivement les déconvenues climatiques et les répercussions du contexte international sur leurs trésoreries, le syndicat fait déjà face à "une accélération d'une modification des comportements", relève le président des VI de l'Hérault. Suite aux tensions liées au Covid et à l'épisode de gel d'avril 2021, le département est encore dans l'expectative. "Les agriculteurs n'en peuvent plus des dispositifs d'aide", certes "indispensables", mais François-Régis Boussagol en appelle à la réactivité de l'État pour raccourcir les délais d'instruction des dossiers et les échéances de paiement, lorsqu'elles sont recevables.

À ce titre, les victimes du gel assurées, qui n'ont pas pu valider leur demande de prise en charge complémentaire de 2,5 % de franchise, en raison de leur paiement d'assurance ayant atteint les 80 % "d'un dommage théorique", selon un mode de calcul de FranceAgriMer jugé "défavorable aux exploitations assurées lourdement sinistrées", restent encore sans réponse, pour 126 d'entre elles dans l'Hérault.

Règle des 'minimis' : un "non-sens"

Pour les vignerons qui ont bénéficié d'une indemnité au titre des calamités agricoles ou de l'assurance récolte (1 674 dossiers PEC), 398 d'entre eux ont atteint le plafond et "n'auront droit à aucune prise en charge des cotisations sociales", remarque le président des VI 34. Sur les 1 276 dossiers payés (4,72 M€), les règles des 'minimis' vont s'appliquer, soit le montant maximal autorisé pour les aides non incluses dans un dispositif européen. Prévues selon un plafond de 20 000 € sur trois ans, sans ajustement à la taille de l'exploitation, ces règles sont un "non-sens", selon François-Régis Boussagol. "Nous demandons que la règle soit précisée et non pas fluctuante d'une mesure à l'autre. Mais nous sommes sans réponse pour l'instant", déplore le président départemental.

Soulevant des disparités entre exploitations, Cédric Saur constate que "tout le monde n'a pas bénéficié des mêmes conditions", à l'occasion de la récolte 2022. Au national, l'enveloppe PEC (dispositif exceptionnel de prise en charge des cotisations sociales), s'élève à 74,6 M€.  Dans le cadre des calamités agricoles, 20 M€ ont été versés dans l'Hérault, incluant 304 dossiers de rachat de franchise et 126 rejetés, avant que 110 d'entre eux soient "repêchés via les aides des minimis", précise le président de la MSA du Languedoc.

Alors que les volumes s'inscrivent dans la moyenne haute du département (au-delà des 5 Mhl), "il est temps de faire attention au moral des agriculteurs", alerte Cédric Saur.  

Les limites de la contractualisation annuelle 

En dépit d'une récolte plus encourageante que celle de l'an dernier, plane l'inquiétude quant au prix et aux sorties de chai et le risque d'une commercialisation perturbée. Pointant du doigt certains négoces reprochant aux vignerons de ne "pas savoir produire à coûts compétitifs", François-Régis Boussagol questionne leur capacité à vendre. "Plus on baisse la production, moins ils savent vendre." Or, le vin est tout sauf un "produit standard", avance le président. Présents sur "tous les segments", les Vignerons indépendants peuvent compter sur des marchés dynamiques, "souvent portés sur l'export", mais rencontrent plus de difficultés sur le vrac, notamment en rouge, alors que le bio perd du terrain et que la HVE n'est pas rémunérée par les acheteurs à la hauteur des investissements consentis.

Dans le cadre du conseil de bassin viticole en Languedoc-Roussillon, déployé par le préfet de Région, le sujet de la contractualisation, peu répandue chez les VI, et jugée peu efficace sur les prix "remis en question chaque année", n'a toujours pas abouti à un contrat annuel socle. 

Parmi les points noirs réglementaires au tableau, le groupe de travail IGP soulève l'alinéa 2 de l'article L. 665-3 du Code rural prévoyant, pour un accord interprofessionnel, de déroger à l'obligation de verser un acompte de 15 % dans les dix jours suivants la conclusion de la vente. Une proposition de loi a été déposée pour supprimer cette dérogation. Elle permettrait d'inciter les opérateurs à s'engager dans la contractualisation annuelle, estime les Vignerons indépendants. 

Se préparer aux performances futures

À la question "Comment assainir le marché, sans hypothéquer l'avenir ?", le syndicat concentre ses efforts sur la résilience climatique et économique, afin de consolider ses entreprises en prise aux difficultés conjoncturelles et structurelles. Pour y faire face, une "boîte à outil fiscale et assurantielle" devrait permettre de "s'auto-assurer volumiquement", annonce le président national, Jean-Marie Fabre. 

Concernant la fiscalité, la déduction pour l'épargne de précaution reste encore "trop limitante", et un coup de pouce supplémentaire à l'exonération des impôts de production est souhaité pour renforcer la compétitivité. L'assurance récolte, "outil central", à laquelle souscrivent 53 % des VI, dont le nouveau régime sera applicable début 2023, n'est pour l'heure toujours pas clarifiée au sujet de la révision de la moyenne olympique. Il a ainsi été demandé au ministre de l'Agriculture de s'engager auprès de l'OMC "pour rouvrir les règles" et lever ce frein à la souscription. "Sans sa révision, tout cela ne servira à rien", insiste Jean-Marie Fabre. 

En revanche, les critères européens seront applicables en France, prévoyant un taux de subvention de 65 à 70 %, et un seuil de déclenchement et de franchise à 20 %. 

Après trois années marquées par les aléas en cascade, les vignerons ont "besoin d'oxygène", alors que les coûts d'approvisionnement ont bondi de 40 %. Le syndicat, plus que jamais, appuie sa demande de décalage de remboursement du PGE (Prêt garanti par l'État) "pour décongestionner les entreprises qui investissent". 80 % des structures agricoles concernées sont des entreprises viticoles qui ont entièrement consommé le prêt pour 70 % d'entre elles. "Malgré le bouclier tarifaire, les hausses nous impactent", observe le président de la Fédération nationale. 

Arrachage temporaire 

D'autres outils, comme la distillation de crise, le stockage privé et l'arrachage temporaire, sont autant de pistes pour maintenir la filière française à sa place de "leader", en pleine mutation des modes de consommation, et prendre conscience de la premiumisation ou du boom des vins de cépages. Au pic de la crise sanitaire, la possibilité de l'arrachage temporaire avait été rétoquée par la Commission européenne, mais au vu de la crise conjoncturelle actuelle, la demande permettrait "d'alléger momentanément le marché en mettant en sommeil une partie du vignoble", d'après les Vignerons indépendants. 

"Notre filière n'est pas monolithique", assure Jean-Marie Fabre, qui ne saurait que recommander d'être "offensifs là où les parts de marché s'ouvrent".  

Philippe Douteau •

LES CHIFFRES-clés 

30 % de la surface du vignoble, et 30 % de la production réalisée par les Vignerons indépendants dans l'Hérault

Plus de 600 domaines adhérents, dont 22 nouveaux en 2022

Production moyenne par domaine : 1 200 hl/an

38 % des domaines produisent moins de 500 hl/an et 10 % plus de 3 000 hl

Plus de 15 millions de capsules distribuées (+ 8 % en volume)

Près de 40 % des Vignerons indépendants sont certifiés dans une démarche environnementale (AB, HVE) ou engagés dans une démarche d'agriculture raisonnée (Qualenvi, Terra Vitis)

3,2 ETP (Équivalent temps plein) par exploitation

Philippe Douteau •

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