La submersion des vignes pose des problèmes quantitatifs d’apports en eau. “Quand le sel est installé, c’est trop tard et trop long pour drainer”, déplore Gilles Bardon, viticulteur à Aigues-Mortes. © J. Sefraoui
Le phénomène est bien connu en zone des vins des Sables, mais cette année, les remontées de sel ont causé des dégâts sur vignes bien plus marqués. Si la salinité est une donnée historiquement connue et acceptée dans le secteur, le manque d’eau douce se fait cruellement sentir, dans des proportions qui s’aggravent et alarment la profession.
Entre l’évaporation de l’eau douce, la remontée de la mer et les besoins en irrigation à contenir, les handicaps se cumulent pour les vignerons des Sables désemparés face à des sols de plus en plus chargés en sel qui attaquent les végétaux et rendent impropres la récolte.
Un phénomène qui s’intensifie
Entre mer, étangs et salins, les vins des Sables avaient connu des réaménagements après-guerre, pour rehausser les zones basses et constituer un réseau de canaux. Malgré la capacité de la texture sableuse des sols qui permit de lutter contre le phylloxéra grâce au maintien du niveau de la nappe, la présence du sel est aujourd’hui une constante de plus en plus visible, dont les retombées économiques et sanitaires sont prises au sérieux.
Pour Gilles Bardon, viticulteur à Aigues-Mortes, l’année 2021 a été “fatale” sur ses parcelles. Si, jusque-là, la teneur en sel était “encore acceptable”, les prémices observées en fin d’été 2020 annonçaient un phénomène “démultiplié” cette année. “Je me suis dit qu’il allait pleuvoir en automne.” Mais il n’en fut rien, alors que les 250 mm de précipitations n’ont pas fait le poids face aux 600 mm nécessaires. En raison du manque de pluies et de l’évaporation d’eau douce, le sel remonte. Il a constaté les premiers symptômes dès le début d’été. Ainsi, près de 50 % de ses 12 hectares de vignes sont touchés en plus ou moins grande proportion. “Je vais d’abord arracher 3 ha, et peut-être 4 ou 5 ha après les vendanges”, prévoit le coopérateur. Quel que soit le cépage (merlot, grenache), le problème est général. “J’ai tenté de changer de porte-greffe, mais le sel ne fait pas de cadeau.” Entre le gel d’avril et la salinité, les rendements 2021 seraient tronqués de 70 %.
Sans feuilles, la vigne fortement touchée ne produit plus que des raisins qui ne mûrissent pas, quand il en reste, et impossibles à vinifier, si ce n’est du vin salé.
Rouvrir les écluses et réguler le niveau d’eau
“Cela concerne tout le monde, sur toute la zone.” Le président du Syndicat des Vins Sable de Camargue constate aussi que “c’est la première année où il y en a autant”. Face à ce problème récurrent, le conseil d’administration du syndicat a ouvert une commission “pour trouver une solution”, indique Patrick Guiraud. La remontée de sel “est un problème lié aux Voies navigables de France (VNF), qui ne veulent pas ouvrir les écluses”, estime le président. Vu le contexte hydrique actuel, le syndicat entend “trouver un terrain d’entente” avec l’établissement public. Pour Patrick Guiraud, l’une des causes remonterait aux travaux de déviation du canal du Rhône à Sète, creusé trop profond et qui aurait eu pour conséquence de “mélanger la nappe de surface et celle de profondeur”.
D’après les estimations, 500 à 600 ha seraient concernés, sur les 3 000 ha de l’actuelle IGP Sable de Camargue. Pour maintenir les niveaux d’eau suffisants, l’eau douce doit couvrir sur 20 cm au-dessus de l’eau saumâtre (entre 80 cm et 1 m). Or, le système de canaux ne permet plus de réguler ces niveaux. “Avant, on disposait d’eau douce jusqu’à Aigues-Mortes, mais aujourd’hui, l’eau salée court jusqu’à Saint-Gilles.”
Le problème est autant écologique qu’économique, selon Patrick Guiraud. “Un terrain aride, et même nuisible, impacterait le tourisme chez nous.”
Besoins d’eau douce
Afin que les terres soient nivelées correctement, il conviendrait de “submerger d’eau douce en abondance”, avance Gilles Bardon. “En sables purs, il y a rarement de remontée de sel, mais plus le sol est argileux, plus le sel, absorbé par capillarité, s’agglomère avec l’humidité.” L’avenir de ces terres agricoles pourrait être condamné, à terme, au risque d’assister à “une désertification programmée”, craint Anne Sandré, responsable du pôle ‘viticulture’ à la Chambre d’agriculture. Les symptômes relevés plus précocement cette année s’avèrent “très préoccupants”.
La submersion des parcelles est une option, mais “ce n’est pas à la mode”, concède Philippe Cavalier, élu à la Chambre en charge du dossier ‘eau’. “Sans immersion en hiver, je ne vois pas comment faire”, s’interroge-t-il, alors que le “combat entre eau douce et eau salée” s’inscrit dans un contexte climatique et foncier qui peine à trouver le juste équilibre. Entre la montée du niveau de la mer et la faiblesse de débit en période d’étiage, “le bâti a modifié les courants” en bord de mer. La question de l’aménagement du territoire dans les années à venir se pose, d’autant que les zones urbanisées seront-elles protégées au détriment de la vigne et des autres cultures ? “Il faudrait une bulle d’eau en surface, pour faire du hors-sol”, ironise Gilles Bardon qui s’interroge sur des alternatives, tout aussi fragiles. “À coup de 20 000 €/ha, comment amortir ?
Je pourrais faire une rizière, mais même le riz est touché !” Les taux inquiétants de salinité en période de bas étiage pourraient sonner le glas de la vigne, de certaines essences d’arbres ou même des asperges sur la zone des Sables. Sans agriculture, quid de l’avenir du terroir et du maintien de toute la biosphère locale ? “On ne peut pas travailler seul sur ces dossiers”, déclare Philippe Cavalier. Aussi un rapprochement avec l’union des ASA de Camargue est engagé.
Philippe Douteau
Gasconne des Pyrénées
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