Multiplex, voilà le nom de la sous-espèce installée depuis septembre 2020 dans le département de l'Aude. Originaire d'Amérique et importée sur le continent européen depuis 2015, la bactérie Xylella fastidiosa peut contaminer une gamme de plus de 600 végétaux et peut provoquer la mort sur environ un tiers d'entre elles. "Le vecteur le plus important reste les insectes de type piqueurs suceurs comme la cicadelle ou encore le cercope des prés", précise Martin Strugarek, chef de l'Unité santé des végétaux à la Draaf Occitanie. La plantation des végétaux déjà contaminés ou encore les outils de taille sont également des vecteurs potentiels, mais restent, pour le moment, minoritaires.

Les arbres fruitiers à noyau, les oliviers, les agrumes, ou les chênes, les espèces ornementales représentent une grande partie des infections répertoriées. "Le faux genêt d'Espagne, les lavandes, les amandiers, les églantiers et la luzerne sont les principales espèces concernées", assure le chef de l'unité. Les symptômes, quant à eux, sont peu spécifiques. "Des brûlures foliaires et le dessèchement des rameaux peuvent être observés sur l'olivier ou l'amandier. Quant à la vigne, un défaut de lignification et la persistance des pétioles après la chute des feuilles sont les signes d'infection majeurs."

Même si aucun cas sur la vigne n'a été recensé dans l'Aude à ce jour, Martin Strugarek tient à rappeler "qu'il est important de mettre en place des stratégies de lutte pour limiter la propagation". À l'instar de l'éradication, impossible à mettre en œuvre sans dommages collatéraux, la mesure d'enrayement représente la voie choisie par l'Union européenne. "Cette stratégie est déjà utilisée en Corse et dans les Baléares où la bactérie, présente depuis longtemps, est considérée comme endémique", explique-t-il. Le principe est simple. "Par arrêté préfectoral, une zone est délimitée sur un rayon de 50 mètres où il sera effectué un recensement, une désinfection et un arrachage des végétaux atteints. Ensuite, on va établir une zone tampon de 2,5 km où la circulation des végétaux sera limitée, tout en maintenant une surveillance attentive."

Une phase de transition 

Le SRAL et la Fredon sont les organismes référents pour évaluer le risque de propagation via des prélèvements sur le terrain. "Des auto-contrôles peuvent également être mis en place par l'agriculteur qui pourra les transmettre directement à ces organismes", précise le chef de l'unité. En ce qui concerne les analyses génétiques, elles confirment bien qu'il est question uniquement de la sous-espèce Multiplex. Néanmoins, celle-ci est différente des souches que l'on trouve en Italie ou en Espagne (Pauca et Fastidiosa) qui, elles, causent des dégâts considérables sur les oliviers et les amandiers.

Afin de suivre l'évolution et la dispersion de cette bactérie, un premier arrêté préfectoral a été pris en septembre 2020. "En l'espace de deux ans, on est passé d'une région indemne à une présence très importante", justifie-t-il. Cette dissémination doit-elle alarmer ? Martin Strugarek préfère temporiser. "L'effort de surveillance de ces trois dernières années, ainsi que la connaissance de son fonctionnement, font que nous avons une meilleure compréhension dans son mode de propagation", ajoutant, "qu'il est logique que plus on la cherche, plus on la trouve".

Un nouvel arrêté en vue 

Comme durant l'année 2022, le nombre de détections a augmenté, et trois départements se sont ajoutés à la liste comprenant l'Ariège, la Haute-Garonne et le Tarn, agir s'impose. Parmi les 1 500 échantillons prélevés en Occitanie en 2022, 210 sont positifs. "La chance que nous avons, c'est que les insectes vecteurs endémiques de la région ne sont pas aussi efficaces dans la transmissibilité de la bactérie que les vecteurs américains", tient à rassurer Martin Strugarek.

La surveillance reste de mise dans un territoire où la bactérie se dissémine sur des végétaux assez abondants dans le milieu naturel. Malgré le fait que cette bactérie soit considérée comme transmissible uniquement sur les végétaux, les organismes de surveillance ont récemment fait la découverte d'un insecte vecteur contaminé par la bactérie. "On ne peut pas conclure que les insectes infectés jouent un rôle actif dans la transmission, mais c'est un signe sérieux d'infection locale au sein du milieu naturel", admet-il.

De plus, la surveillance des zones d'arrachage des années 2021 et 2022 révèle que certaines repousses de végétaux sont encore contaminées par la bactérie. "On peut donc en conclure que les mesures ne sont pas efficaces, et qu'il est nécessaire de faire évoluer la stratégie de lutte."

Confirmée par un audit de l'Union européenne, la stratégie de lutte pour la campagne 2023 va, de fait, devoir évoluer."Les zones concernées en Ariège et dans l'Aude passent en stratégie d'enrayement, et les zonages vont être redéfinis prochainement avec des zones tampons plus étendues passant de 2,5 km de rayon à 5 km, et dans lesquelles une surveillance intensive sera effectuée afin de freiner la propagation."

Dans les prochains mois, des discussions avec le Conseil régional d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CROPSAV) seront ouvertes afin de trouver une solution sur l'évolution de la réglementation au niveau européen pour qu'un nouvel arrêté préfectoral soit adopté en Occitanie.  

Aux États-Unis, la bactérie est connue comme l'agent de la maladie de Pierce, qui a fortement touché les vignobles californiens à la fin du XIX^e siècle. Elle est également responsable de la chlorose variéguée des agrumes au Brésil depuis la fin des années 1980. Depuis 2013, Xylella fastidiosa est responsable du complexe de dessèchement rapide de l'olivier (CoDiRO) en Italie (région des Pouilles). À ce jour, six sous-espèces de Xylella fastidiosa ont été identifiées dans le monde : Multiplex, Pauca, Fastidiosa, Sandyi, Morus et Tashke. Chacune de ces sous-espèces présente un spectre de souches et de plantes hôtes spécifiques.

La bactérie Xylella fastidiosa est présente en Occitanie. Elle a été découverte pour la première fois en septembre 2020, à Trèbes (Aude), dans un établissement de production et de revente de végétaux d'ornement aux particuliers. En Occitanie, les zones touchées par Xylella fastidiosa s'étendent, en mai 2022, sur 35 226 hectares dans l'Aude, et 2 064 ha dans le Gard. Concernant ces départements, l'arrêté signé le 3 mai 2022 par le préfet de la Région Occitanie définit une zone délimitée autour des végétaux infectés. Dans ces zones, des mesures spécifiques de lutte et de surveillance renforcée sont mises en place. Néanmoins, à ce jour, aucune menace de la bactérie Xylella n'a été signalée sur les vignobles de l'Aude, du Gard ou de l'Hérault, ni même sur l'ensemble du territoire national. De plus, il n'a actuellement pas encore été rapporté d'infection naturelle de la vigne par la sous-espèce Multiplex, seule sous-espèce présente en Occitanie. Il faut savoir que seule la sous-espèce Fastidiosa représente une menace pour la vigne.

En Occitanie, la sous-espèce Multiplex a été détectée principalement sur faux genêt d'Espagne, lavande, amandier, luzerne et coronille glauque.