"Le rosé ce n'est pas un vin, et c'est pour cela qu'il se vend." Attachés au terroir et aux AOP, les Coteaux d'Aix - qui rassemblent 12 caves coopératives et 64 caves particulières - naviguent "dans un monde en train de s'effondrer, certes lentement, au rythme des décès des plus de 60 ans. Mais ayez en tête que, chaque fois que l'un de nous disparaît, il faut entre huit et dix trentenaires pour le remplacer", souligne le président du syndicat, Olivier Nasles, lors de l'assemblée générale qui s'est déroulée le 19 juillet dans les locaux flambant neufs du Domaine Bargemone, à Saint- Cannat.

Pourtant, les rosés séduisent les nouvelles générations, grâce à des codes différents : le plaisir, la simplicité. "Ils ne boivent pas du vin, ils boivent du rosé". Et pour illustrer ces propos, Olivier Nasles cite l'exemple du cognac qui a montré la voie : aujourd'hui, la consommation de cognac en digestif ne représente plus que 5 à 10 % du marché, l'essentiel du marché mondial reposant sur le cocktail. Dans cet entre-deux, les rosés doivent gérer le pas de temps de leur évolution. "Devons-nous nous émanciper de la planète vin pour voguer sur notre planète rosé ?", interroge Olivier Nasles. En cette fin du Tour de France, les résultats économiques 2023 sont "sur un faux plat descendant. Nous avions pris l'habitude de monter les cols à vive allure et, d'un coup, la route s'incline. Est-ce le prélude à la descente ou un temps de respiration avant une reprise de la montée ?"

Pourtant Olivier Nasles reste confiant : "Quand Moët Hennessy ou Pernod Ricard investissent des sommes qui donnent le vertige, ils ne le font pas au hasard". Après les châteaux d'Esclans et Galoupet, la division vins et spiritueux de LVMH s'est emparée, en février dernier, du château Minuty, avec une transaction estimée par nos confrères de La revue des vins de France entre 350 et 450 millions d'euros.

Mutualisation des services

L'appellation des Coteaux d'Aix-en-Provence devrait finir l'année avec 30 000 à 40 000 hectolitres de stock, "soit 15 à 20 % de notre production. C'est un signal d'alerte qu'il faut prendre au sérieux". Dans ces conditions, le conseil d'administration s'est interrogé sur la pertinence de baisser le rendement de 5 ou 10 hl, ou de créer une réserve interprofessionnelle. Le pari a été fait qu'il s'agit d'une année de transition avant la reprise. "Depuis trois ans, nous avons stabilisé le cœur de nos ventes entre 240 et 260 € l'hectolitre, il faut continuer." Et pour cela, il s'agit de miser sur la notoriété des vins de Provence, "notre clé d'entrée sur les marchés mondiaux. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à Éric Pastorino (président des Côtes de Provence, ndlr) et Éric Lambert (président des Coteaux varois en Provence, ndlr) de mutualiser nos ODG au sein d'une fédération".

Alors que la directrice des Coteaux d'Aix, Françoise Pietri - dont l'engagement durant 30 ans a été salué par le président - a décidé de faire valoir ses droits à la retraite, la question s'est posée de son remplacement. Il a finalement été choisi de se rapprocher des équipes des Côtes de Provence et de créer une fédération, afin de mutualiser les services des deux syndicats. Chacun reste maître de son cahier des charges. La fédération sera garante de la concertation pour le développement économique des appellations. "Depuis 20 ans, nous avons coordonné l'aval, à travers le CIVP, autour de notre marque commune. Il est temps maintenant de coordonner l'amont, à travers cette fédération." Entre royalistes et communistes, les appellations provençales sont nées après la Seconde Guerre mondiale, de la rivalité des hommes : "J'aimerais que nous soyons ceux qui gomment cette erreur historique dont nos consommateurs n'ont que faire". Amorçant une autre évolution, le président a proposé, en assemblée générale extraordinaire, de toiletter quelques points des statuts du syndicat, et notamment un point non anodin : celui d'acter le changement de nom de 'Syndicat général des coteaux d'Aix-en-Provence' en 'Syndicat des vins d'Aix-en-Provence'. Car rien n'interdit au syndicat de ne pas porter le même nom que l'appellation, en attendant que cette dernière opère une mue similaire.

Maîtriser la R&D autour du rosé

Autre dossier important mis sur la table de l'assemblée générale, celui du Centre du rosé. L'installation du centre d'expérimentation dans de nouveaux bâtiments plus adaptés est un serpent de mer, qui a notamment dû faire face à la présence de tortues protégées sur le site identifié, et qui peine à se concrétiser. En matière de montage financier, les syndicats viticoles souhaitent prendre une part majoritaire. Ainsi, les vins d'Aix-en-Provence deviendront actionnaires de la SCI qui possèdera le Centre du rosé, à hauteur de 7 % (70 000 €). Recherche, innovation et transfert vers le vignoble sont les maîtres mots de ce projet, qui représente un investissement de 6,5 millions d'euros, avec des subventions de la Région, du Département du Var. "Il s'agit bien d'expérimentations et non de recherche fondamentale", clarifie Olivier Nasles. Un emprunt de 2,62 M€ sera réalisé pour compléter les subventions et les apports de la Chambre d'agriculture, de l'IFV, du CIVP, des trois AOP et des IGP du Var. Clairement, l'interprofession et les syndicats vignerons affirment leur volonté de piloter le centre d'expérimentation, aujourd'hui majoritairement sous tutelle IFV. Et, pour cela, ils veulent être son financeur majoritaire. "Le CIVP et les trois syndicats ont 51 % des parts de la SCI, c'est un point qui me semblait essentiel. Voilà comment nous avons construit l'outil", conclut le président. 

"Pour la première année, nous avons fait plus de blanc que de rouge", souligne le président du syndicat, Olivier Nasles. Durant la campagne 2022, 239 767 hectolitres ont été produits, dont 86 % de rosé, 7 % de blanc (17 545 hl) et 7 % de rouge (16 871 hl). Si le rendement moyen est à 54 hl/ha, les superficies sont en progression (4 444 ha, + 278 ha en 5 ans).

Côté commercialisation, les sorties de chais de rosé Coteaux d'Aix affichent - 6 % (- 8 % sur le vrac, qui représente 65 % des ventes). La grande distribution (22 % des ventes) est en perte de vitesse : - 10 %. "Le début de saison avril-mai a été très mauvais pour le rosé et pour la Provence", rappelle Brice Eymard, directeur du CIVP. Inflation, seuils de prix, chute de consommation mondiale du vin et du rosé, autant de facteurs qui, "avec nos prix élevés, nous exposent plus sur ce produit, en outre météo sensible", résume Brice Eymard. Il y a un point de vigilance à avoir, notamment par rapport aux stocks. Après le Covid, les stocks ont été reconstitués, ce qui est plutôt une bonne chose, mais "avec deux belles récoltes, il y a 12,5 % de disponible en plus à commercialiser".

Là où les bières ont su réinventer, "avec les bières d'abbaye, en surfant sur les codes du vin et de la production locale avec les microbrasseries...", le rosé doit trouver sa voie. "Les jeunes consommateurs occasionnels ne deviennent pas, avec l'âge, des consommateurs réguliers, mais plutôt des très exceptionnels." Plus que jamais le positionnement entrée et moyenne gamme souffre, car il entre en concurrence avec les IGP. La Provence n'est plus le gros faiseur de rosé pour la GD à moins de 5 € : désormais, les rosés de Provence s'affichent comme les leaders du rosé premium dans le monde. "Il y a un levier de croissance pour le rosé à l'international. Si l'on compare la part de rosé consommé en France par rapport à l'étranger : le rosé sec aux USA, c'est 5 % de la consommation de vin. Il y a du potentiel de développement également en Asie, Corée, Japon, Singapour, Chine..." L'export des Coteaux d'Aix-en-Provence (42 % des ventes) se tient d'ailleurs bien : + 3 %.

12 caves coopératives, 64 ca- ves particulières

4 444 hectares

239 767 hectolitres produits en 2022

86 % rosé, 7 % rouge, 7 % blanc

Commercialisation : 65 % vrac, 35 % en conditionné

Grande distribution : 22 %

Export : 42 %

Autres (CHR, vente directe, cavistes...) : 36 %