Entre Covid, feu de forêt et sécheresse, les trois dernières années n'ont pas été simples pour l'ASL Suberaie varoise. Pourtant, l'activité de l'association ne faiblit pas et l'équipe répond présente sur le terrain, au service des propriétaires et de la filière liège. En témoignent les rapports présentés lors de l'assemblée générale qui a rassemblé adhérents et partenaires le 12 mai, au Luc.

Feu de forêt : protéger et restaurer

Les travaux de restauration de terrains incendiés en 2021 ont notamment mobilisé les forces vives de l'ASL. L'an dernier, en parallèle d'opérations de régénération, 19 chantiers de fascinage ont été conduits chez 18 propriétaires sur une surface totale de 50 hectares, sur les communes de Cogolin, La Môle, La Garde-Freinet et le Cannet-des-Maures, avec l'appui financier de la Région Sud, du fonds régional 'Respir' - pour la préservation des espaces forestiers - et du Département du Var.

Le fonds 'Respir' - qui mobilise des financements privés au bénéfice de la forêt en Provence-Alpes-Côte d'Azur - a aussi permis de prendre en charge des travaux préparatoires aux coupes de bois brûlés, programmés cette année. Des couloirs d'exploitation ont par ailleurs été aménagés chez quatre propriétaires, de sorte à préserver les cours d'eau temporaires et à rendre les pistes impropres à l'hibernation de la tortue d'Hermann. Une vigilance particulière est en effet observée sur l'espèce, protégée. Et l'intervention d'un écologue et d'un maître-chien ont d'ores et déjà permis de mettre à l'abri 26 individus.

En prévention, l'ASL conduit également régulièrement des travaux de Défense des forêts contre les incendies (DFCI). Sur l'année 2022, deux chantiers de débroussaillement de pistes DFCI ont ainsi été réalisés sur neuf hectares, à La Môle.

De nombreuses problématiques climatiques et phytosanitaires

Si, globalement, les chênes-lièges se sont bien régénérés au niveau des houppiers, l'ASL observe que le charbon de la mère (champignon qui apparaît dans les fissures du liège) a accentué les mortalités sur les sujets les plus affaiblis par le feu, mais aussi par le sec. Canicule et sécheresse inédites de 2022 n'ont pas engendré de dépérissement massif dans le Var, mais le département de la santé des forêts relève "sur plusieurs essences, même celles réputées adaptées à de tels phénomènes climatiques, un affaiblissement pouvant conduire à des mortalités, encore diffuses mais accélérées par les insectes ou pathogènes opportunistes". Le chêne-liège fait l'objet d'un suivi spécifique à l'échelle nationale, et les données collectées montrent une augmentation du déficit foliaire moyen dans la région, où l'état de santé de l'essence se dégrade depuis 2018.

La situation complique l'action de l'ASL, très attentive à l'état des peuplements du département. L'association participe d'ailleurs au réseau national d'observation de la santé des forêts, en assurant une veille sanitaire permanente sur chêne-liège, pin d'Alep et pin maritime.

Sur chêne-liège, l'association assure, entre autres, un suivi post-levée du Platypus cylindrus (scolyte du chêne) qui a révélé, l'an dernier, une augmentation des dégâts un an après intervention. Le champignon Diplodia corticola est aussi sous surveillance, à la suite de l'observation d'une mortalité importante sur un versant de Bormes-les-Mimosas.

La régénération entre diversification et labellisation

C'est dans ces conditions difficiles que l'ASL œuvre sans relâche à la régénération de la suberaie varoise. Sur 2022, au global, divers travaux forestiers ont été réalisés chez 72 de ses adhérents, à travers 24 communes, sur un total de 140 ha, pour un coût (hors taxe) de plus de 610 000 €, financés à 28 % par les propriétaires, à 17 % par des subventions publiques et à 55 % par des fonds privés.

Parmi les différentes actions menées, des opérations de réhabilitation, en vue d'une remise en production, ont concerné 19 ha chez 10  adhérents de l'ASL, répartis sur 9 communes. Huit hectares de chênes-lièges ont notamment été plantés, à La Londe, Bormes et Roquebrune-sur-Argens. Deux de ces projets de reboisement - Château Galoupet à La Londe, et Château Brégançon à Bormes - ont été distingués par le label bas carbone. Une grande première pour le chêne-liège ! Et une grande fierté pour l'ASL, accompagnée par AgroParisTech et le Centre national de la propriété forestière (CNPF) Paca dans cette démarche de labellisation : cette dernière s'est appuyée sur la méthode de quantification de séquestration de carbone de la suberaie varoise, développée au sein de l'association, en 2018.

Suivies de près, ces plantations ont pour objectifs de rajeunir les peuplements subéricoles, de mettre en place des itinéraires sylvicoles compatibles avec le changement climatique, et d'assurer un approvisionnement en liège local. En associant le chêne-liège à d'autres espèces forestières, ces plantations permettent également à l'association de s'intéresser à d'autres essences adaptées au climat méditerranéen, telles que le caroubier ou le chêne à feuilles rondes, et de favoriser la diversité forestière, dans la droite ligne du nouveau schéma régional de gestion sylvicole préconisant l'enrichissement de la biodiversité et le mélange d'essences.

Des projets d'avenir pour la filière

Bien sûr, l'ASL continue de travailler à la valorisation des produits forestiers issus de la suberaie. En 2022, 105 tonnes de bois de paillage, 30 t de bois énergie et 30 stères de bois de chauffage ont pu être commercialisés pour le compte de trois propriétaires. Et si la récolte de liège a été limitée, notamment en raison des difficultés liées au stress hydrique, 85 t de liège femelle ont pu être levées chez 13 adhérents de l'association, afin d'approvisionner l'entreprise Diam Bouchage, pour la fabrication de bouchons en liège de Provence.

Huit tonnes de liège mâle prélevées chez cinq adhérents ont par ailleurs été vendues à la société Vidal Acier, nouveau partenaire de l'ASL Suberaie varoise, qui développe des panneaux isolants biosourcés pour la construction. En parallèle, l'association a démarré - sous l'égide de l'Institut méditerranéen du liège - une étude sur la caractérisation du liège non bouchonnable (mâle ou brûlé) dans le bâtiment. Une piste d'avenir "qui aidera la remise en production de liège de qualité dans nos suberaies", souligne Claude Audibert, président de l'ASL.

Partie prenante du plan de relance de la filière porté par le Syndicat mixte du massif des Maures, l'association se tourne aussi vers l'international. Changement climatique, incendie, ravageurs et maladies, mais aussi main-d'œuvre - enjeu clé pour la filière - sont autant de problématiques partagées avec les Italiens, les Espagnols et les Portugais, dans le cadre du projet européen Interreg 'MED chêne-liège. "Il y a encore beaucoup de travail à faire et beaucoup de pistes à explorer. Et nous continuons d'y travailler avec l'ensemble de nos partenaires", soutient le président de l'ASL. 

Forte de son expertise et de sa connaissance du terrain, l'ASL Suberaie varoise planche actuellement sur le développement de projets innovants en agro-sylviculture. Dans l'idée de diversifier les peuplements en forêt en même temps que les sources de revenus des propriétaires, l'association explore plusieurs perspectives. Par exemple, une étude est en cours sur la production de caroube, une autre s'intéresse à la production d'arbouse. L'association accompagne aussi ses adhérents sur la culture du pistachier vrai (Pistacia vera) connu également sous le nom de pistachier commun. Les premières expérimentations de plantations agroforestières ont été lancées en 2022.