JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES
Fondatrice et présidente de l'association Vox Demeter, Anne Dumonnet-Leca veut faire entendre les femmes du monde agricole et faire progresser la mixité en agriculture, pour qu'elles puissent pleinement s'y épanouir. C'est aussi l'esprit de la note co-rédigée avec Gabrielle Dufour, du Think tank Agridées, pour favoriser la dynamique entrepreneuriale des femmes dans un secteur qui reste très masculin.
Pourquoi avoir créé l'association Vox Demeter ?
Anne Dumonnet-Leca : "Linguiste de formation, je travaille depuis longtemps dans les médias professionnels agricoles. Au gré de mon expérience de communicante, je me suis aperçue que les femmes étaient très souvent absentes (ou très discrètes) dans les journaux, les colloques comme dans les gouvernances de nombreuses instances. Malgré leur rôle essentiel dans les fermes depuis plusieurs siècles, les femmes sont longtemps restées invisibles. En faisant référence à la "voix" en latin et à la figure féminine de la mythologie grecque, Déméter - déesse des laboureurs et de la terre, déterminée à mobiliser des solutions pour retrouver sa fille, Perséphone, enlevée par le dieu des enfers -, l'association Vox Demeter veut faire mieux entendre la voix des femmes du monde agricole ; et faire bouger les lignes de la mixité. Nous proposons un espace apolitique d'inspiration, de réflexion, de connexion et d'action entre les actrices et les acteurs du monde agricole, pour répondre aux enjeux de renouvellement des générations et de transitions protéiformes que notre société doit appréhender."
Comment évoluent aujourd'hui la proportion et la place des femmes dans le milieu agricole ?
A.D.-L. : "La part de femmes installées comme cheffes d'exploitation agricole stagne, voire régresse depuis le recensement agricole de 2010. Pour autant, les femmes choisissent de plus en plus le salariat agricole pour des raisons souvent statutaires, mais aussi pratiques et financières. Elles représentent ainsi plus d'un tiers des effectifs salariés, pour seulement 26 % de cheffes d'exploitation et de co-exploitantes. Côté représentativité féminine dans de nombreuses instances décisionnelles agricoles, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre des assemblées mixtes, ne serait-ce qu'au quart ! On compte par exemple seulement 10 % d'administratrices dans les coopératives agricoles. Malgré les impulsions données, c'est encore très peu."
Comment expliquez-vous cette sous-représentativité ?
A.D.-L. : "Il existe plusieurs facteurs concomitants. Les femmes à responsabilités dans les instances agricoles sont d'abord des agricultrices ! Il est donc essentiel d'abord que plus de femmes puissent s'installer en agriculture. Ensuite, leur engagement doit être facilité, pour ne pas pénaliser le travail dans la ferme ni l'organisation familiale. Enfin, si certaines sont tombées dans l'engagement toute petite, d'autres agricultrices n'osent pas, bien souvent encore, postuler dans des collectifs de gouvernance, très masculins, par sentiment d'illégitimité ; d'autres ne souhaitent pas accentuer leur charge mentale, ce que l'on peut comprendre aisément... Toutefois, force est de constater que certaines organisations professionnelles ont du mal à faire évoluer les mentalités et/ou leurs statuts pour accueillir plus de diversité, plus de femmes ! Pour autant, co-construire l'agriculture et la société que nous voulons toutes et tous n'attend pas. En outre, les études sur la féminisation des gouvernances des sociétés du Cac 40 et des grandes sociétés le démontrent : le gain de performance et de résilience est non seulement important, mais durable."
Les femmes sont-elles des cheffes d'exploitation comme les autres ?
A.D.-L. : "Bien sûr, ce sont des cheffes d'entreprise comme les autres, dans la mesure où elles prennent les décisions et gèrent tout de A à Z. Leur valeur ajoutée et leur valeur tout simplement, elles la démontrent de diverses manières. Elles sont plus diplômées que leurs homologues masculins et développent bien souvent des activités innovantes, tout en créant du lien avec l'environnement immédiat : voisinage, écoles, touristes et sur les réseaux sociaux. On peut noter également l'ouverture d'ateliers de diversification, des pratiques agronomiques originales pour s'adapter aux changements climatiques - elles sont plus nombreuses à choisir la conversion en agriculture biologique - ou des bonnes pratiques de management, pour mieux accompagner le travail des salariés. Par ailleurs, les femmes entrent en agriculture plus tardivement que les autres chefs d'exploitation, après avoir eu des expériences professionnelles variées dans d'autres secteurs que l'agriculture et dans d'autres pays également."
Le féminisme est-il mal perçu en agriculture ?
A.D.-L. : "À quelques heures du 8 mars, il est bon de rappeler que les droits des femmes et des hommes sont les mêmes. J'ai choisi comme valeur centrale de notre association la mixité car, pour moi, sans mixité, il est impensable d'attirer de nouvelles générations, et encore moins de trouver les bonnes solutions !"
Êtes-vous favorable aux quotas pour imposer la parité ?
A.D.-L. : "Sans les lois Copé-Zimmerman et Rixain, ni l'Assemblée nationale ni les sociétés privées ne compteraient autant de femmes dans leur rang ! Dans le secteur agricole, seules les Chambres d'agriculture font valoir un quota de 30 % féminin depuis 2013. Cependant, la désignation à des postes clés se fait encore lentement. Alors, quota ou pas quota ? Je suis de nature optimiste. Les décideurs agricoles commencent à prendre conscience des enjeux de féminisation, pas comme un sujet femme, mais comme une clé de compréhension de la société, et surtout, comme une solution pour s'adapter aux changements auxquels nous devons faire face."
Dans une note rédigée par Vox Demeter et le Think-tank Agridées, vous faites des propositions. Pouvez-vous nous éclairer ?
A.D.-L. : "Nous avons en effet rédigé une note qui vise à libérer les potentiels de l'entrepreneuriat au féminin en agriculture. Nous y faisons 44 propositions pour accompagner la dynamique entrepreneuriale des femmes en agriculture.
Parmi ces recommandations, il y en a une qui me tient particulièrement à cœur : il s'agit de la mise en place d'un index égalité dans les collectifs de gouvernance, afin de mesurer les progrès en termes de féminisation. Et puis, libérer les potentiels des cheffes d'entreprise en agriculture, cela passe par la formation initiale et continue en agriculture, mais aussi par la sensibilisation aux stéréotypes de genre dès les petites classes. Il n'est pas acceptable d'entendre encore de nos jours qu'une jeune fille ne trouve pas de stage, car elle est une fille !"
Les femmes sont-elles l'avenir de l'agriculture ?
A.D-L. : "Pour moi, c'est une évidence. J'en suis convaincue. Elles ont d'ailleurs toujours été là, mais elles sont restées trop longtemps dans l'ombre d'un père, d'un mari ou d'un frère. Aujourd'hui, elles existent par elles-mêmes et disent : "Je suis Laura, Élise ou Émilie. Je suis agricultrice, je suis cheffe d'entreprise agricole ou je suis paysanne." Elles sont des parties prenantes incontournables du monde agricole pour répondre aux enjeux complexes de l'agriculture."
LE SAVIEZ-VOUS ?-
Source : 'Entrepreneuriat féminin en agriculture : libérer les potentiels !', par Gabrielle Dufour et Anne Dumonnet- Leca.
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