Christophe Callegari, viticulteur sinistré de Boujan-sur-Libron, Jean-Pascal Pelagatti, secrétaire général de la FDSEA 34, Robert Gély, vice-président en charge de l’agriculture à l’Agglo de Béziers, et Jérôme Despey, président de la CA 34. (© FG)
C'est ce que l’on appelle une sacrée guigne. À quelques semaines à peine des vendanges, après une année de labeur intense où l’heure approche enfin de récolter les fruits de leur travail, les orages de grêle qui se sont abattus au nord de Béziers ont ruiné les espérances de la dizaine de viticulteurs répartis sur le secteur. L’année, déjà perturbée par les dommages collatéraux du Covid-19, a toutes les apparences d’un cauchemar. Aussi les orages de grêle sont-ils une double peine pour ces viticulteurs sinistrés, notamment pour ceux de Boujan-sur-Libron, qui ont perdu entre 50 et 80 % de leur récolte sur plusieurs parcelles. Or, un orage en juin dernier avait déjà fragilisé les raisins.
Si, collectivement, les plus touchés serrent les dents et essaient de faire bonne figure, certains, comme Guy Fournier, du Domaine Haute Condamine, qui a passé la main à sa fille, Céline, avoue avoir refusé d’aller voir comment se portent les vignes depuis le passage de l’orage. "Cela me fait trop mal au ventre. J’ai dit à ma fille de prendre une semaine de vacances pour qu’elle retrouve le moral. Moi, je suis resté, mais je ne veux pas aller dans les vignes pour le moment", dit le viticulteur, une semaine après les faits. "La grêle, ce n’est pas seulement un événement épisodique, c’est aussi des hommes qui souffrent", rappelle Gérard Bernadac, médecin du travail à la MSA Languedoc.
80 % de la récolte perdue
Au Domaine Callegari, à Boujan-sur-Libron, si tout le domaine a été impacté par les "assauts" des grêlons, ce sont cependant une dizaine d’hectares sur une soixantaine qui ont été salement amochés. "Sur ces parcelles, je vais perdre 80 % de la récolte", estime Christophe Callegari, qui est officiellement à la tête de l’exploitation familiale depuis 2015. De mémoire de paysan, un tel événement ne s’était pas produit depuis au moins 30 ans. Les chardonnays, sauvignons, cinsaults et muscats ont particulièrement souffert. Non seulement les raisins ont éclaté sous la pression des grêlons, mais les bois sont désormais mâchés, ce qui impliquera un travail de taille très conséquent pour la prochaine récolte.
Au Domaine Augé, dans la même commune, ce sont 25 ha qui ont subi de gros dégâts, sur des terres argilocalcaires particulièrement fertiles.
"C’est ici que l’on sort les meilleures bouteilles du domaine", regrette déjà Sébastien Augé. Ce ne sera pas le cas cette année. "Nous estimons des pertes à hauteur de 80 % sur ces parcelles, et de 70 % sur l’ensemble du domaine, qui fait 70 ha", ajoute-t-il. Avant d’estimer la perte, en monnaies trébuchantes, entre 300 000 et 350 000 €. Heureusement, 2019 a été une excellente année en termes de récolte. Mais le véritable atout du domaine est d’avoir toujours une récolte d’avance en stock, "même si cela ne remplacera jamais la récolte perdue", dit-il.
Si, au total, ce sont plus de 150 ha qui ont été impactés par les orages de grêle, soit très peu par rapport aux 80 000 ha de vignes plantés dans l’Hérault, c’est plus qu’il n’en faut pour les viticulteurs touchés, mettant en extrême fragilité ceux dont les trésoreries sont déjà en déséquilibre. Et contrairement à ce qu’espérait le maire du village, Gérard Abella, au moment de l’épisode de grêle, la commune n’a pas obtenu son classement en état de catastrophe naturelle. Aider les viticulteurs reste cependant le souhait de l’édile, comme de la Chambre d’agriculture de l’Hérault, dont le président, Jérôme Despey, était sur place, le 31 juillet, pour une visite de terrain et d’échanges avec les viticulteurs impactés. Cette visite était organisée par la FDSEA et les JA de l’Hérault.
Des aides seront d’autant plus les bienvenues que depuis cet aléa climatique, le botytris s’est invité dans la "partie". Avec les fortes chaleurs de la fin de semaine dernière, ce champignon s’est développé, compromettant encore plus la récolte à venir. Le mildiou est aussi apparu quelques jours après l’épisode de grêle. Si cela ne suffisait pas, les raisins viables qui ont survécu à l’orage de grêle seront de mauvaise qualité. Soutenir la viticulture héraultaise s’impose donc.
Quelles aides demain ?
La commune vient de déposer une demande de reconnaissance de calamité agricole auprès de la préfecture. Elle compte aussi s’appuyer sur la Communauté d’agglomération Béziers Méditerranée afin de décrocher un soutien pour ses viticulteurs. "Avec le vice-président en charge de l’agriculture, et maire de Lieuran-lès-Béziers, Robert Gély, on a proposé, ce mardi 4 août, lors du bureau de l’Agglo, que cette dernière apporte son soutien, comme l’a fait celle du Pic Saint-Loup en 2016 (voir encadré) aux viticulteurs impactés. Parmi les solutions que nous avons évoquées, l’une d’entre elles pourrait être le dégrèvement de la taxe foncière sur le non-bâti (TFNB). Le bureau s’est montré favorable", confie le maire de la commune de Boujan-sur-Libron.
La Chambre d’agriculture de l’Hérault, déposera, de son côté, une demande de prise en charge des cotisations sociales auprès de la MSA. "On va essayer d’avoir des mécanismes complémentaires. À cette fin, on a conseillé au maire de la commune de porter le dossier auprès de l’Agglo, en s’inspirant de ce qui a été fait dans le Pic Saint-Loup, notamment au travers d’aides sur les frais de vinification ou encore le surcoût de la taille des vignes pour l’an prochain. Nous, on va aussi se rapprocher du Département. Mais il sera difficile de faire plus, car la grêle est un risque assurable", rappelle le président de la Chambre d’agriculture de l’Hérault, Jérôme Despey.
L’assurance multirisque : un incontournable, demain ?
Et de rappeler l’intérêt de l’assurance multirisque, qui couvre toutes les calamités naturelles. Reste que peu nombreux sont les viticulteurs à la prendre, car ils la considèrent trop coûteuse. Si Jérôme Despey entend les doléances, il insiste toutefois sur le fait que grâce à ce type d’assurance, "en cas de pépin, je sauve au moins mon entreprise, car cela va couvrir les frais fixes". Mais il est d’avis que le système doit être amélioré. Ainsi, au sujet de la moyenne olympique, "il serait préférable de partir plutôt sur la base du potentiel de production sur l’aire d’appellation, car elle n’est pas adaptée du tout. Par ailleurs, pour diminuer le coût de l’assurance, une réassurance publique serait nécessaire", détaille-t-il. Seule assurance : avec le dérèglement climatique, les aléas seront récurrents, comme en témoignent ces dernières années.
Du côté des viticulteurs sinistrés, la préoccupation est de savoir comment sauver le raisin sur le peu qui reste avec leurs structures de vinification. Comme la qualité ne sera pas au rendez-vous, une bonne partie risque de finir en vin de table, au grand dam des viticulteurs.
Florence Guilhem
ZOOM SUR : dispositif de soutien mis en place au Pic Saint-Loup en 2016
Après l’épisode d’orages de grêle, qui avait fait de lourds dégâts sur plus de 1 000 ha en Pic Saint-Loup, État, collectivités territoriales et organisations professionnelles avaient mis la main à la poche pour soutenir les viticulteurs sinistrés. Au total, c’est plus d’un million d’euros qui a été mobilisé à leur bénéfice (plus de 500 000 € venant de la Région, quasiment 500 000 € du Département, 100 000 € de Montpellier Méditerranée Métropole, 40 000 € de la Communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup, 100 000 € de l’État avec la TFNB, et plus de 160 000 € de la MSA avec la prise en charge des cotisations sociales pour 2017).
Dans le détail, Montpellier Méditerranée Métropole s’est associée avec le Conseil départemental pour prendre en charge le surcoût de vinification au regard de la baisse de la récolte. Cette Métropole, ainsi que la Communauté de communes Grand Pic Saint-Loup, ont financé ensemble l’appui technique exceptionnel de la Chambre d’agriculture de l’Hérault. Quant à la Communauté de communes et le Département, ils ont apporté leur soutien financier au syndicat d’appellation Pic Saint-Loup et à l’AOC Languedoc, pour l’engagement d’opérations collectives au bénéfice des viticulteurs sinistrés.
F.G.
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