irrigants
Le 9 avril dernier, l'Association des irrigants des régions méditerranéennes françaises tenait son assemblée générale à Arles. Problèmes d'accès aux financements, sécheresse, développement des réseaux, prospectives... Des débats sans tabous ont eu lieu.
André Bernard, président, et Michel Pontier, vice-président, ont animé les débats de l'assemblée générale de l'Association des irrigants des régions méditerranéennes françaises, le 9 avril dernier, à Arles.
© Crédit photo : CZ
Le Plan 5Rhône 2022-2027 de la Compagnie nationale du Rhône doté de 165 millions d'euros sur 5 ans ; le Plan hydraulique de l'État et ses 20 M€ cette année, 30 M€ l'an prochain ; les nouveaux appels à projets (AAP) et leurs volets hydrauliques 2023-2027 des Régions Occitanie (5,87 M€, ouverture du 1er AAP mi-avril) et Sud (13,10 M€, 1er AAP en mai), sans oublier le 12e programme de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, en cours de finalisation pour un vote prévu en décembre 2024 et une mise en application au 1er janvier 2025 pour 6 ans (lire encadré).
Sur la table, pas de doute : les sources de financement de modernisation et d'extension des réseaux hydrauliques existent. Mais leur accès pratico-pratique l'est beaucoup moins, comme ont pu le faire remonter les responsables d'Associations syndicales autorisées (ASA) et libres (ASL) et les gestionnaires de réseaux, mardi 9 avril dernier, à l'occasion de l'assemblée générale de l'Association des irrigants des régions méditerranéennes françaises (AIRMF). La rencontre se tenait au Centre français du riz, à Arles, et fut l'occasion de reconnaître que oui, certaines choses ont avancé ces derniers mois, mais que beaucoup restent à faire, comme le rappelaient son président, André Bernard, et son vice-président, Michel Pontier.
Rappeler encore et encore que "les projets de modernisation et de stockage de l'eau sont indispensables pour relever le défi de la souveraineté alimentaire", c'est ce que fait au quotidien l'AIRMF. Et cela nécessite des évolutions "en termes de réglementation, de technicité plus forte et d'accompagnement", le tout pour "économiser, partager l'eau et la sécuriser, car nous avons besoin d'un maillage de répartition sur le territoire le plus efficient possible : il ne doit pas y avoir de territoire sans eau, sauf à un coût insupportable pour l'agriculteur", tançait le président de la structure, en accueillant les professionnels.
Pour être capable de stocker l'eau et la rendre disponible, il faut "une évolution des mentalités et des réflexions", et que tous comprennent que "l'eau que les agriculteurs prélèvent, ils l'empruntent et la restituent sous forme solide dans l'assiette". Mieux, ils prélèvent une eau sur une ressource renouvelable, pas de l'eau ponctionnée dans des nappes comme peuvent le faire les pays dont les exportations vers la France explosent. Reprenant son image des prélèvements agricoles qui représentent un dé à coudre dans une bouteille d'un litre, André Bernard appelle à viser plus haut : "Demain, on doit être capable de stocker deux à trois dés à coudre pour répondre au défi alimentaire que l'on nous oppose, dans le cadre d'un changement climatique, car sans eau : on n'y arrivera pas." Mais une éclaircie est apparue : la notion d'intérêt général de l'agriculture, désormais actée par le gouvernement, va permettre de mettre l'agriculture au même niveau de protection que l'environnement (pour qui l'inscription date de 1986). "Ça n'a l'air de rien, mais c'est un grand pas pour l'agriculture", reprend Patrick Lévêque, président de la Chambre d'agriculture (CA) des Bouches-du-Rhône et membre du conseil d'administration : "Cela veut dire que l'État est obligé de protéger l'agriculture, et l'agriculture sous toutes ses formes." D'autant que le représentant au comité de bassin s'inquiète "d'une petite musique qui se fait jour au comité. On entend : si on produit moins, on pollue moins. Et donc ça pollue ailleurs. Mais pas chez nous. C'est difficile à accepter dans un pays où l'on est capable de tout produire, mais qui a une balance déficitaire négative et qui ne produit plus rien !"
Quant à Philippe Cavalier, élu de la CA 30 en charge de l'eau, il revient sur "la façon dont on présente le débat, essentielle : 8 % de la SAU est irriguée, c'est très peu. Avec un taux de prélèvement moyen de 2 700 m3 par hectare. Encore un ratio bas. Et avec nous, le cycle de l'eau est vertueux : on la restitue dans le sol ou dans la plante. C'est là qu'est notre bataille. Là que nous devons trouver les arguments pour faire évoluer la jurisprudence, avec des faits que l'on doit tous partager pour faire percoler le message. Et il faut réagir maintenant, car l'agriculteur devient une espèce rare, et nous devons donner des gages de sécurité et d'avenir pour les nouvelles générations, si nous voulons qu'elles s'installent". Pour lui, pas de doute : c'est bien "le changement climatique et son acuité sur les territoires qui vont déterminer les assolements futurs".
Sauf que si l'urgence est visiblement comprise au plus haut niveau de l'État, le laboratoire géant que sont les Pyrénées-Orientales montre que le changement de paradigme concret n'est pas encore là, comme l'explique Fabienne Bonet, présidente de la CA 66. Dans le département, comme sur le littoral audois et dans le Biterrois, la situation est dramatique. "On sent une prise en compte de l'urgence, mais pour l'instant les réponses ne sont pas au niveau." Saluant le fait que, depuis l'été 2022, "il semble que nos décisionnaires et administratifs aient enfin compris l'intérêt des réseaux de canaux pour alimenter les nappes", elle déplore le cadre de financement qui reste le même, basé sur "le principe d'un financement substitution/économies d'eau. Sauf que nous, on a dépassé ce stade et l'on reste dans un cadre figé, inadapté à la situation, sans plan, sans projet. L'État essaie d'accélérer pour assouplir, mais quand on a un projet vertueux, FNE attaque et on doit tout arrêter. On vient bien de lancer une étude pour se raccorder à l'eau du Rhône [une mission CGAER vient d'être lancée pour les départements 11, 34 et 66, annonce Christophe Lafon, animateur de l'AIRMF]. Mais c'est un projet à 15 ans ! Si la règle ne change pas et ne s'adapte pas à la réalité de ce qui se passe dans les PO et une partie de l'Aude et de l'Hérault, on ne sera jamais sécurisé. À côté, l'Espagne ouvre un chantier à 800 000 € en 8 mois !" Bref, une fois de plus, la France ne joue pas dans la même cour. Quant à la réutilisation des eaux usées. "C'est très bien, mais qui finance ?", s'interroge la présidente.
Pour dépeindre pleinement le tableau, il faut aussi parler des petits soldats sur le terrain, tout ce maillage d'ASA et d'ASL, souvent composées de bénévoles1 qui se battent pour monter des dossiers, notamment Feader avec la Région, "qui font parfois jusqu'à 4 kg de papiers", expliquait Jean-Pierre Dulout, ASA Ouvèze-Ventoux (lire ci-contre). Souvent pour rien.
Pour accélérer le déblocage des fonds gérés par les Régions, dans les nouveaux APP 'Mesures hydrauliques', les Régions envisageraient de verser une avance (30 %) au moment de la formalisation du démarrage du projet, alors que le mécanisme est déjà intégré à l'Agence de l'eau (avance de 50 %). Cela sera sans doute trop court pour le 1er APP de la Région Sud ouvert fin avril sur la modernisation des infrastructures hydrauliques. "Mais ce serait à l'étude pour les suivants", note Mireille Brun, en charge du dossier 'Eau' à la Chambre régionale d'agriculture Paca. Notamment le 2e APP sur la création et l'extension de nouveaux réseaux d'irrigation agricole (lancement fin mai 2024), quand le 3e APP portera sur les substitutions et retenues collinaires (attendu à l'automne 2024).
IL a dit-
"Pour monter les dossiers Feader, c'est compliqué : On n'a pas les compétences en interne, on mandate un bureau d'études, on paie une facture pour déposer un dossier et derrière, rien : pas de retour, pas de 'il nous manque une information'. Rien. Ces dossiers Feader ? Des usines à gaz très complexes ! Et la Région met 3 à 5 ans pour régler, ce qui met en danger nos trésoreries. Pourtant, la loi dit que l'on doit être payé à 90 jours, sauf en cas de manquement de pièces. Donc oui, entre le dépôt du dossier et le paiement, quand paiement il y a, ça percole difficilement. Pour notre ASA, on a déposé un dossier le 4 août 2022 et l'on n'a toujours rien. Cela fait 600 jours. Si on appliquait la loi, avec les 10 % de pénalités et les intérêts de retard, cela représenterait 35 000 €. C'est ce que nous coûte le prêt à court terme que nous avons pris, et cela représente 17 % de notre coût de l'eau. C'est insupportable pour notre trésorerie ! Aujourd'hui, même si on a des aides, les présidents d'ASA se posent deux fois la question avant de monter un dossier."
Philippe Pierron, chef de service 'Planification' de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, a présenté quelques grandes lignes de la prochaine programmation mise en application le 1er janvier 2025. Ce plan n'est pas encore voté (il le sera en décembre prochain), "mais on commence à en avoir une bonne vision", explique le responsable. Une phase de discussion plus technique sur les taux et règles d'exception se tiendra au 2e semestre. En l'état, le fil conducteur de ce plan reste les économies d'eau, "avec la recherche du meilleur compromis entre développement de l'agriculture et économie de prélèvement dans les milieux naturels", avec un partage de la ressource, une gouvernance claire et des financements via les Projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE, ex-PGRE). Mais il annonce des nouveautés : "On va pouvoir financer des études de structuration, permettant le regroupement d'ASA et la réflexion globale autour de la structuration, car on voit bien qu'il y a une vraie problématique de montage des dossiers." Autre nouveauté : le financement se fera désormais "sur l'ensemble du bassin RMC et plus seulement sur les territoires dits déficitaires, ce qui ouvre notamment des territoires en montagne et le long du Rhône pour Paca". Mais le chef de service prévient : "On doit d'ores et déjà réfléchir ensemble au coup d'après, pas à 10 ans, mais à 30 ans, afin d'emmener nos agriculteurs vers autre chose, la structuration, le sol, l'agroforesterie pour ne citer que ces pistes. L'objectif : retenir le plus possible l'eau sur nos territoires".
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