Mobilisation
Restée en retrait des manifestations des derniers mois, la Coordination rurale du Var sort de sa réserve pour porter ses revendications en faveur d'une agriculture rémunératrice, de l'harmonisation des normes européennes et contre les accords de libre-échange.
Le 20 novembre, devant les portes du centre hospitalier de Hyères, la Coordination rurale du Var dénonçait l'urgence à apporter des solutions aux agriculteurs.
© Crédit photo : GL
"L'agriculture est gravement malade, son pronostic vital est engagé", lance Christian Rastello, secrétaire général de la Coordination rurale du Var, lors de la mobilisation qui a rassemblé un peu moins d'une trentaine d'agriculteurs, le 20 novembre, devant le centre hospitalier de Hyères. "Depuis des années, les diagnostics alarmistes se succèdent, de plus en plus graves au fil du temps, mais jamais pris au sérieux par les médecins politiques. Quelques remèdes sont apportés çà et là, au coup par coup, des pansements sur des plaies béantes. Ce sont des exonérations diverses souvent temporaires, des subventions, des primes", poursuit-il en filant la métaphore médicale aux portes de l'établissement de santé.
Toujours en lien avec la symbolique du lieu, le président du syndicat agricole, Max Bauer, alerte : "Chaque jour, 38 exploitations disparaissent, on en a perdu 100 000 entre 2010 et 2020. À ce rythme-là, on perd de plus en plus de productions en France et on en importe de plus en plus, qui ne respectent pas les mêmes normes que nous. Il y a davantage de malbouffe et, demain, on va développer de plus en plus de maladies. Au vu des tensions qui pèsent sur notre système de santé, on se demande bien comment on va être soigné", s'indigne-t-il.
Dans le viseur du syndicaliste : les accords de libre-échange. "Après le Tafta, puis le Ceta, aujourd'hui, voilà le Mercosur. Il est inadmissible de faire de la déforestation à l'autre bout de la planète pour produire des maïs OGM qui vont nourrir du bétail qui va finir par arriver en France. On va faire crever nos producteurs en grandes cultures et nos éleveurs qui produisent sans OGM", tempête Max Bauer. Avant de pointer en exemple les problématiques de l'horticulture. "Sur le bassin hyérois, il y a eu 55 pro- ducteurs de roses, aujourd'hui il en reste 4, parce qu'on fait venir des roses du Kenya ou d'ailleurs à moindre coût. Évitons de faire subir la même chose à d'autres productions", défend-il.
"Sur les phyto, on n'a plus droit à rien, alors que les produits sont autorisés dans les autres pays, y compris proches. Pareil sur les charges sociales, on n'est pas à armes égales. Pour une vraie Europe, il faut commencer à nous mettre tous au même niveau", soutient Jérôme Bertoli, horticulteur qui cultive anémones, pivoines, agapanthes et tournesols à Carqueiranne.
Ancien producteur de roses aujourd'hui en retraite, Patrick Artufel s'est reconverti en production de spiruline en 2007. Une production reprise par sa fille aînée, Céline, sa cadette, Audrey, ayant plus récemment opté pour les agrumes et la grenade. "On est sur petite surface et on essaie de tirer le meilleur parti avec des marchés de niche, en vente directe. On est en agriculture biologique, mais le bio a perdu de son attrait, avec la grande distribution qui s'en est emparé en le rendant très cher et en le faisant venir de loin. Et puis en spiruline par exemple, le bio chinois est très loin du nôtre", déplore leur père.
"Sortez l'agriculture des accords de libre-échange, appliquez l'exception agriculturelle, appliquez réellement les clauses miroirs dans les transactions internationales, faites preuve de volonté et de soutien à son égard ; et l'agriculture égale à elle-même, comme elle a su le faire maintes fois dans son histoire, se relèvera et sera au rendez-vous de la souveraineté alimentaire, de la transition écologique, en étant résiliente et sans que le traitement ne coûte cher à la collectivité", engage Christian Rastello.
Pour les représentants de la CR 83, la première des solutions est celle d'une juste rémunération de l'agriculture. "C'est la seule profession qui ne décide pas de ses prix et Egalim, qui devait relever le revenu des agriculteurs, n'a rien changé", fustige Max Bauer. "Sur une baguette que le consommateur paye environ 1,10 € à 1,20 €, il reste au maximum 5 centimes pour l'agriculteur. Tous frais fixes, il suffirait d'un ou deux centimes de plus par baguette pour remonter le prix du blé. Avec des prix rémunérateurs, on n'aurait plus besoin des primes dont on ne veut pas, et il n'y aurait plus d'agriculteurs dans la rue. Nous, on veut vivre de notre travail", développe le viticulteur et céréalier du haut Var, Christian Rastello. "Comment voulez-vous inciter les jeunes à s'installer quand le revenu n'est pas au niveau et qu'on étouffe sous les contraintes ?", questionne le secrétaire général de la Coordination rurale du Var.
Épouse de viticulteur et ancienne avocate, Mireille D'Espagnet, du Château Pourcieux, à Pourcieux, s'inquiète aussi pour l'avenir des enfants de paysans, "avec les suicides dans la profession qui font des orphelins, qui vivent de profondes inégalités sociales et qui doivent être bien courageux quand ils souhaitent reprendre l'exploitation familiale".
Le mal-être agricole est un sujet central pour le président de la CR 83, également président fon- dateur du numéro 'Allo Agri', dédié aux agriculteurs en dé- tresse. "Je participe au conseil interministériel sur le mal-être agricole et il y a une prise de conscience ces dernières années. Malheureusement, le mal-être est profond", observe Max Bauer, en indiquant qu'une étude sur l'addiction à l'alcool et aux médicaments doit être menée prochainement.
"Le contexte fait assez peur", note Cédric Rastello, lycéen en bac pro 'Vigne et vin' qui prévoit de poursuivre ses études en BTS grandes cultures en vue de, peut-être, prendre la suite de son père. "C'est à voir. Faut pouvoir manger. Économiquement et moralement, on sait que c'est dur. La passion est là, mais il faut que le reste suive", déclare le jeune homme. À 17 ans, dans les pas de son paternel, il reste néanmoins prêt à se mobiliser pour défendre la profession. "La relève est là. Il faut soutenir les anciens et se battre pour nos intérêts, parce que l'avenir, c'est nous", as- sure-t-il.
Mireille D'Espagnet, du Château Poucieux, à Pourcieux.
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