Filière
Une nouvelle dynamique de plantation de vergers oléicoles se dessine en dehors de l'aire traditionnelle. Mais la filière s'inquiète surtout d'un développement non maîtrisé dans les territoires qui pourraient être libérés par la vigne.
La filière oléicole française - qui veut protéger l'oléiculture traditionnelle par les AOP - doit aussi anticiper le développement de la haie fruitière.
© Crédit photo : ED
Dans le monde, d'après les chiffres du Conseil oléicole international (CIO), la filière oléicole est passée, en 40 ans, de 20 pays producteurs avec 7 millions d'hectares en production, à 65 pays producteurs pour plus de 11 Mha cultivés. Les surfaces irriguées ont aussi fortement augmenté. L'oléiculture mondiale est donc en train d'évoluer, notamment en lien avec le changement climatique.
De son bassin originel méditerranéen, l'oléiculture s'est développée sur des nouveaux territoires et d'autres continents. Notamment en Amérique. Les oliveraies les plus au nord se situeraient d'ailleurs au Canada et, pour les vergers les plus au sud de la planète, en Patagonie. Qu'en est-il du verger oléicole français sachant que, depuis trois ans, l'interprofession France Olive peut maintenant évaluer la surface potentielle oléicole plantée annuellement, grâce au partenariat établi avec les pépiniéristes oléicoles français à travers sa charte de qualité ?
Depuis quelques années, on assiste à un regain de plantations motivé par divers facteurs. Sur les 50 000 ha estimés en totalité sur le pourtour méditerranéen français, le recensement de 2022 établit la surface cultivée par les professionnels à 17 622 ha d'oliviers. "98 % de ces surfaces sont conduites en verger traditionnel, et nous avons référencé environ 1 000 hectares d'oliviers conduits en haie fruitière. La superficie oléicole française ne cesse d'évoluer avec l'émergence de nouveaux territoires oléicoles", explique Hélène Lasserre, directrice du pôle 'Conservation et recherche' de France Olive. Concernant les oliveraies traditionnelles, plus de 100 000 plants ont été vendus en 2022 par les pépiniéristes partenaires, et 86 000 en 2023. Cela représente près de 400 ha annuellement plantés, dont plus de 13 % en dehors de l'aire traditionnelle.
L'olivier séduit de nouveaux territoires, notamment le Sud-Ouest et dans la zone Aquitaine. En lien avec la crise viticole et le changement climatique, une néo-oléiculture occidentale semble en plein essor. Ses surfaces ont été estimées entre 135 et 140 ha en 2023. Un département semble aussi émerger, la Gironde, qui compte aujourd'hui près de 38 ha d'oliviers. "Pour ce qui est des territoires traditionnels, en Occitanie, la dynamique de plantations est beaucoup plus prononcée dans le Gard. En région Sud, c'est dans le Var qu'elle est la plus importante", souligne Hélène Lasserre.
Côté variété, l'aglandau est aussi la plus plantée et représente désormais un quart des 100 000 plants vendus en 2022. La picholine arrive en deuxième position. Dans les nouveaux territoires oléicoles, les variétés vigoureuses se développent davantage, comme cailletier ou la clermontaise. "Nous sommes d'ailleurs de plus en plus sollicités sur des conseils en matière de variétés à choisir et à implanter dans ces nouveaux territoires. Jusqu'alors, ce travail était effectué par les pépiniéristes", rapporte la directrice du pôle. En haie fruitière, les plantations sont essentiellement réalisées avec des variétés étrangères, mais quelques pépiniéristes français en commercialisent.
Prospective
Face aux difficultés de la viticulture, la filière oléicole attire, mais "il n'y aura pas des milliers d'hectares de haies fruitières d'oliviers plantées dans les années à venir, pour plusieurs raisons : tous les terroirs ne s'y prêtent pas, ce mode de conduite reste extrêmement technique et le marché, avec un prix suffisamment rémunérateur, n'est pas extensible à l'infini", indique le président de France Olive, Laurent Bélorgey.
La plantation d'une oliveraie en haie fruitière permet d'implanter plus de 1 500 arbres à l'hectare et de produire trois ans après la plantation.
© Crédit photo : Yannick Masmondet
La haie fruitière, qui représente aujourd'hui environ 5 à 10 % de l'oliveraie française, est une composante appelée à se développer fortement, notamment dans les nouveaux territoires oléicoles. La filière s'interroge aujourd'hui sur les manières de l'intégrer économiquement. D'autant que les difficultés de la viticulture française peuvent précipiter des évolutions et libérer certains territoires. "Notre filière fait rêver, mais nous savons tous que c'est beaucoup plus difficile dans la réalité. France Olive travaille avec les Chambres d'agriculture et les syndicats pour accompagner les projets réalistes, portés par de vrais agriculteurs. Il n'y aura pas des milliers d'hectares de haies fruitières d'oliviers plantées dans les années à venir pour plusieurs raisons : tous les terroirs ne s'y prêtent pas ; ce mode de conduite reste extrêmement technique ; et le marché, avec un prix suffisamment rémunérateur, n'est pas extensible à l'infini", commente Laurent Bélorgey, président de France Olive.
Expliquer dans les départements que l'oléiculture française ne sauvera pas la viticulture est donc l'une des missions de l'interprofession France Olive actuellement. "Environ 200 000 hectares de vignes vont s'arracher dans les 7 ans qui viennent, soit environ un tiers du vignoble français. Tous ces viticulteurs en phase d'arrachage peuvent être tentés par l'oléiculture. Il nous faut maîtriser cette expansion par la communication", assure Olivier Nasles, membre du conseil d'administration de France Olive.
La filière oléicole française - qui veut protéger l'oléiculture traditionnelle par les AOP d'un côté - doit aussi anticiper le développement de la haie fruitière, en structurant et organisant son marché, pour éviter toute déstabilisation à terme. Pourquoi pas autour d'une IGP ? "C'est une piste sérieuse sur laquelle la production et les metteurs en marché réfléchissent. Sur le produit, il faudra, de toute manière, expliquer aux consommateurs qu'il s'agit d'une huile - élaborée autour des variétés espagnoles ou grecques - différente de celles des huiles d'appellations françaises produites avec des variétés françaises", ajoute Olivier Nasles.
Ces volumes supplémentaires d'huile d'olive produits à partir des vergers conduits en haie fruitière pourraient venir combler le segment de marché entre les huiles d'olive d'importation et les huiles d'olive en appellation. Tout un marché intermédiaire, que les prix de revient de la haie fruitière permettent d'envisager, est donc à construire.
ENJEUX
"À nous d'ajouter aux nouvelles technologies notre intelligence, bien réelle, pour bâtir les outils capables de répondre aux enjeux d'une agriculture durable : précision dans la nutrition de nos arbres, optimisation de la protection de nos récoltes, et efficience de nos apports en eau", estime le président de France Olive, Laurent Bélorgey, qui ambitionne un verger français productif tous les ans.
Le président de France Olive, Laurent Bélorgey, souhaite développer un nouveau laboratoire oléicole analytique et sensoriel, sachant qu'il n'en existe que trois en France, dont seulement deux ouverts à tous, le troisième étant celui de la DGCCRF.
© Crédit photo : EA
Quel bilan tirez-vous de la dernière campagne ?
Laurent Bélorgey : "La dernière récolte s'inscrit dans les 3 meilleures des 20 dernières années, en flirtant avec les 6 000 tonnes, après l'une des pires récoltes : 3 500 tonnes en 2022-2023. Les concours oléicoles ont enregistré des records de participation. La filière est dynamique avec l'apparition de nouveaux acteurs : oléiculteurs, confiseurs, mouliniers... Nous ne sommes pas épargnés par les difficultés - que je ne mésestime pas -, mais dans le contexte que nous connaissons tous, nous pouvons être fiers d'être une filière sans aide directe au producteur ou au moulin. Nous avons des atouts indéniables : une culture résiliente, un produit bon pour la santé, et une valorisation de notre production acquise par un travail sur les goûts et la notoriété depuis plus de 20 ans. Notre faiblesse principale est connue : la faible productivité de notre verger."
Quels sont les enjeux dans le contexte climatique actuel ?
L.B. : "Comme les agriculteurs, l'olivier est résilient. Il s'adapte, il est capable de réduire ses besoins pour survivre. Les pluies peuvent lui suffire, à condition qu'elles tombent au bon moment, ce qui est de moins en moins le cas. Oui, l'olivier a besoin d'eau pour produire, sinon il fait de l'ornement. La culture de l'olivier souffre de cette image dans l'inconscient collectif, mais l'agriculture sans eau n'existe pas. Alors, il faut trouver des solutions : amélioration de la capacité de rétention de nos sols, réutilisation des eaux usées, stockage de l'eau... Nos parents, nos grands-parents, nos aïeux ont été capables de réaliser des ouvrages fantastiques (canaux, barrages...). Nous devons à nos enfants d'investir pour ne pas gaspiller cette eau en la rejetant trop vite à la mer, et leur laisser une agriculture viable. Faute de quoi, tôt ou tard, nous aurons du mal à nous nourrir. L'évapotranspiration de nos arbres, et plus généralement de nos cultures, cette fameuse eau verte, représente plus de 70 % dans le cycle de l'eau. L'agriculture n'est donc pas un handicap face au changement ou au réchauffement climatique. Au contraire, elle est la solution !"
Quelles sont les voies de progression de la filière oléicole française ?
L.B. : "Le programme de suivi des vergers 'Expert' nous montre que des vergers productifs tous les ans, c'est possible. L'acquisition de ces connaissances doit nous permettre de progresser collectivement en les restituant à tous les oléiculteurs. L'intelligence artificielle n'est rien d'autre que de la collecte massive de données et la compilation de combinaisons, appuyée par des statistiques et dont les résultats bluffants obtenus aujourd'hui sont rendus possibles par l'augmentation de la puissance de calcul des machines. À nous d'y ajouter notre intelligence, bien réelle, pour bâtir les outils capables de répondre aux enjeux d'une agriculture durable : précision dans la nutrition de nos arbres, optimisation de la protection de nos récoltes et efficience de nos apports en eau. La concentration des moyens au niveau de l'interprofession doit nous permettre de développer nos propres outils. Si nous ne le faisons pas, des firmes les monétiseront au détriment de nos marges, et nous aurons encore une fois répondu à la demande sociétale sans en retirer les bénéfices."
Comment se passe le déploiement de l'application 'Oléiculteur' présentée l'an passé ?
L.B. :"En un an, l'application a rassemblé 1 800 inscrits et 2 000 hectares suivis. La route est encore longue, mais les bases sont posées. La priorité est l'amélioration des modèles : nutrition, irrigation, œil de paon, mouche de l'olive... véritables outils d'aide à la décision, que viendront compléter les modèles'Identification des maladies et ravageurs','Identification des variétés' et'Maturité des olives' pour la prochaine récolte. Ensuite, viendra le temps des images thermiques ou multispectrales- de satellites ou de drones- pour déceler les besoins et les carences ; de la photogrammétrie, pour les calculs de volume foliaire, pour évaluer la taille ; ou le volume des bouillies, pour protéger les récoltes et les arbres. Les pièges connectés et des batteries de capteur dans les sols et les arbres viendront compléter le dispositif. Science-fiction ? Pas sûr, je vous donne rendez-vous dans un futur proche... et je compte sur vous, moulins et coopératives, pour participer à l'adoption de cet outil par les oléiculteurs dont la production est destinée à vos ateliers !"
Mouche de l'olivier
Si la pression de la mouche de l'olivier est généralement gérable en Vaucluse, s'avérant même quasi-inexistante l'an passé, l'application de barrières minérales au cours de la saison reste une nécessité, d'autant que tous les départements ne peuvent se targuer d'être aussi chanceux. Piqûre de rappel par le Groupement des oléiculteurs.
Mardi 2 juillet, le groupement des oléiculteurs de Vaucluse organisait une formation sur la lutte contre la mouche de l'olivier, insistant notamment sur l'application de barrières minérales, à raison de trois fois par saison.
© Crédit photo : ML
Principal fléau de l'olivier, Bactrocera oleae, la mouche de l'olive continue de se déployer dans les oliveraies de la région. Pourtant, nombre d'oléiculteurs, principalement amateurs, peinent à faire la différence avec d'autres drosophiles ou mouche domestique. Spécifique aux oliviers, cette mouche de quatre à cinq millimètres de long une fois adulte est reconnaissable grâce à ses deux points noirs sur les ailes, ainsi que ses stries sur l'abdomen. La femelle peut quant à elle être distinguée par la présence d'un dard destiné à la ponte.
En fin de récolte, entre novembre et décembre, les derniers individus à émerger voleront un peu, mais la majorité de ceux en mesure de passer l'hiver se trouve au sol, au stade de pupes, attendant patiemment le printemps pour pointer le bout de leurs ailes. "À ce stade, les pupes sont quasiment indestructibles, à moins d'avoir des poules qui passent par là. Les lâchers massifs fonctionnent relativement bien, mais cela implique de savoir gérer un poulailler", rappelle Edgar Raguenet, technicien-animateur du Groupement des oléiculteurs de Vaucluse, lors d'une formation le 2 juillet, à Gordes (84). Alors, nécessairement, il incite à protéger, car dès le printemps arrivera l'émergence, puis l'accouplement, les premiers vols et enfin la ponte, dès l'été, quand la taille de l'olive dépasse les huit à dix millimètres. "Généralement, la mouche ne pond qu'un œuf par olive. Mais on estime qu'une femelle peut pondre plus d'une centaine de fois en milieu naturel, 400 à 500 fois en condition contrôlée en laboratoire. Si, dans les 3 jours qui suivent, la température extérieure est assez élevée (au-dessus de 35°C, ndlr), la viabilité des œufs est compromise. Sinon, une petite chenille commencera son développement", retrace le technicien.
La larve se développe effectivement pendant 10-15 jours, puis la pupe une dizaine de jours avant l'éclosion. Mieux vaut donc rester vigilant, d'autant qu'une piqûre avec des œufs non viables engendre tout de même une blessure qui peut, à terme, provoquer le développement de la dalmaticose, maladie causée par le champignon Botryosphaeria dothidea.
Il assure par ailleurs aux quelques adhérents s'étant rendus disponibles pour la formation que les olives, même trouées, peuvent être apportées aux moulins, tant qu'elles sont fraîches. "Mais si vous stockez, alors l'indice de peroxyde et le taux d'acidité vont augmenter, en plus du développement d'un goût rance qui les rendra impropres à la consommation", ajoute Edgar Raguenet.
En Vaucluse, les oléiculteurs bénéficient d'un mistral salvateur qui permet bien souvent d'atténuer la pression sur les vergers. De manière générale, 2023 a été une année plutôt exceptionnelle, "avec presque pas de mouches, sauf dans les zones où la pression est forte, notamment dans les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône", se souvient l'animateur du groupement. Dans les territoires les plus touchés, trois à cinq générations peuvent ainsi se côtoyer sur la campagne, contre deux à trois en Vaucluse.
Alors que le calibre des olives augmente sensiblement - supérieur à huit millimètres de longueur -, et les rend attractives pour les mouches, France Olive met en garde : "Dans la grande majorité des secteurs, les olives sont attractives à la ponte, les calibres des olives étant assez gros pour un début de saison. [...] Les mouches sont très actives, les populations sont importantes et ont fortement augmenté en quelques jours, notamment dans les secteurs les plus précoces."
Le bulletin de santé végétal oléiculture note deux situations : "Dans une majorité des secteurs, les fruits sont attractifs pour la mouche. Dans ces cas-là, le risque est modéré à fort. Si des vols sont en cours, il peut être nécessaire de protéger les olives par des applications de barrières minérales. Dans les secteurs où les olives ne sont pas encore attractives et/ou les captures stagnent, le risque est faible." C'est donc actuellement qu'il est primordial de mettre en place correctement son itinéraire technique, et notamment le piégeage, de manière à surveiller l'évolution de la population dans les oliveraies.
"La première étape de la lutte contre la mouche, c'est déjà de surveiller les vols grâce au piégeage par phéromones ou alimentaire", explique Edgar Raguenet. Pour le premier, il s'agit d'un piège chromatique, une bande collante jaune, sur laquelle l'oléiculteur vient fixer une capsule de phéromones. "Ce sont principalement les mâles qui vont venir se coller dessus, ce qui va nous permettre de mesurer le taux de vol. En ce moment, dans notre département, nous sommes à environ deux mouches par semaine. Quand on commence à dépasser les 30 à 40, là, en revanche, cela devient inquiétant", poursuit-il. Le piège, un par hectare suffit, devra ensuite être renouvelé toutes les trois à quatre semaines. Les pièges alimentaires, moins sélectifs, sont quant à eux remplis d'une solution de phosphate diammonique (environ 40 grammes par litre d'eau) et placés à d'autres extrémités du verger. Il faudra ensuite comparer les résultats des deux types de pièges, afin d'échelonner l'application de barrières minérales. Le suivi des pièges peut ensuite être saisi dans l'outil d'aide à la décision de France Olive, qui permet aux oléiculteurs de consulter les résultats de chacun et d'évaluer sa situation.
Dans les vergers, les premiers traitements ne devraient pas tarder à intervenir. Pour l'animateur du groupement vauclusien, sauter un traitement n'est jamais une bonne idée : "Appliquer une barrière minérale ne coûte pas très cher, à peine un euro par arbre et par an. Le cycle de développement de la mouche de l'olive est très rapide, et l'on voit souvent des oléiculteurs qui se retrouvent coincés parce que cela se passe quand ils ont décidé de prendre quelques jours de vacances. Donc, on ne se fait pas avoir : on applique les recommandations".
Les premiers traitements devraient intervenir autour du 14 juillet, puis un deuxième fin août et un troisième en septembre. "Il y a trois choses que l'argile n'aime pas : la pluie, le vent et les augmentations de calibre. D'où la nécessité de répéter l'application à plusieurs reprises", précise Edgar Raguenet. De manière générale, il faut compter au minimum 100 g/arbre de kaolin. Si l'utilisation d'un pulvérisateur à dos à pompe pneumatique est possible, le groupement préconise une application par atomiseur, dont la pompe centrifuge permet la fragmentation du liquide, et consomme ainsi deux fois mois d'eau (la dilution du kaolin est ainsi de 10 % au lieu de 5 %). Il est aussi plus aisé à utiliser dès lors que le nombre d'arbres dépasse la cinquantaine. Différents produits sont disponibles avec ou sans homologation, leur utilisation étant détaillée sur le site de France Olive. À noter que l'application d'une barrière minérale n'est pas négligeable, même si des piégeages massifs ont été réalisés en début d'année.
Première étape : ne pas paniquer, tout n'est pas perdu, comme l'explique Edgar Raguenet : "Si vous avez loupé un de vos traitements, vous pouvez observer les piqûres sur 10 à 12 oli- ves. Vous les coupez au couteau pour vérifier leur état, et voir si elles datent d'avant ou après le dernier traitement."
Si le taux de piqûres augmente significativement en fin de saison, "cet exercice vous permet de voir combien de temps il vous reste avant le pic de dégâts, et éventuellement de vous permettre d'avancer la récolte", développe l'animateur. Si France Olive indique des rendements moindres en huile par olive et par hectare, ainsi qu'une impossibilité d'obtenir des fruités mûrs ou des olives de table noires, la récolte précoce permet toutefois de limiter les pertes.
Conduite
Le paysage oléicole évolue avec l'introduction de techniques intensives, voire super intensives, et de nouvelles variétés d'oliviers. L'initiative de Franck Nicolas et de son fils, face à la crise de la viticulture, symbolise cette transition vers une oléiculture plus productive et résiliente.
Franck Nicolas et son fils durant une visite de la pépinière 'Les champs modernes', à Agadir.
© Crédit photo : Oléaplant
L'olive semble avoir une position de choix dans un contexte de diversification. C'est en tout cas ce que pense Franck Nicolas, viticulteur dans une exploitation familiale à Cabrières, dans le Gard, qui, crise viticole oblige, va prochainement arracher plus de cinq hectares de vignes pour se réorienter vers la culture d'olives à haute densité. Disposant d'une partie garrigue réservée pour les variétés d'olives traditionnelles, comme la picholine, la partie plaine, quant à elle, qui dispose de l'irrigation via le Bas-Rhône, est destinée à la plantation d'olives à haute densité. "On y croit, c'est une production intéressante, et il y a une demande avec un vrai marché porteur", explique Franck Nicolas. En effet, le moulin oléicole de Cabrières se montre intéressé par la démarche et compte racheter l'ensemble de la production.
Avec un tel alignement des planètes, la famille va donc implanter cinq hectares d'oliviers intensifs pour se diversifier, mais également répondre à une réelle demande du marché. Cependant, avant de se lancer corps et âme dans cette nouvelle culture, le choix et la provenance des plants restent déterminants.
Faute de disponibilités auprès des pépinières en Espagne, notamment à Barcelone, la famille Nicolas se tourne vers le groupe Oléaplant. Avec plus de 20 ans d'expérience, l'entreprise, créée par un investisseur et agriculteur italien, a aujourd'hui une expertise dans la culture intensive, et propose des plants pour des vergers d'oliviers conduits en intensif. Leur pépinière, 'Les champs modernes', produit entre 18 et 20 millions de plants par an à destination du Maroc, de la Turquie, de la Tunisie, de la Libye, de la Roumanie, de l'Albanie, de l'Italie, ou encore de l'Espagne, ainsi que de plusieurs pays du Moyen-Orient. "Notre dernière visite nous a convaincus de la qualité des plants." D'autres viticulteurs se posent d'ores et déjà la question de la diversification en prévision de l'arrachage. L'oléiculture intensive est une possibilité, mais avec des besoins de 500 mm d'eau par an, Franck Nicolas temporise et prévient les plus idéalistes : "Je ne conseille pas de se lancer si l'eau n'est pas disponible."
Oléaplant propose de planter des oliviers à haut rendement intensif, en recommandant trois variétés spécifiques : l'arbéquine, l'arbosane et la koronéïki. Ces variétés se distinguent par leur excellente adaptation à une densité de plantation allant de 1,20 x 3,75 m à 4,35 m. Leur teneur en huile est élevée, entre 18 et 22 %, et elles produisent des huiles légères et parfumées, avec une acidité inférieure à 0,4 %.
L'arbéquine se caractérise par sa fluidité et son parfum singulier. Cette huile très fruitée, avec des notes d'herbes vertes et d'amande verte, est douce et fluide en bouche, et elle arrive à maturation en début de campagne. La densité de plantation recommandée est de 4 x 1,35 m et 3,75 x 1,20 m. Quant à l'arbosane, c'est un arbre à vigueur moyenne, apprécié pour la conserve en verre grâce à son noyau fin allongé. Comme l'arbéquine, sa teneur en huile se situe entre 18 et 22 %, et elle est adaptée aux mêmes densités de plantation. Enfin, la koronéïki, principale variété d'huile d'olive en Grèce, se distingue par sa floraison précoce et sa maturation rapide. Elle est reconnue pour sa productivité élevée et constante, et son huile est appréciée pour sa teneur élevée en acide oléique et sa stabilité.
Reste que la question de la disponibilité se pose. "Le manque de plants est bien réel, notamment en ce qui concerne l'arbosane qui ne sera pas disponible avant mai 2025."
Variété adaptée, densité élevée, le verger oléicole intensif se caractérise par des haies fruitières qui facilitent la récolte mécanique, et permettent un pré-taillage mécanique, réduisant considérablement les coûts liés à la taille manuelle.
Mais leur réussite est surtout conditionnée par une réflexion en amont du projet : sur le choix des parcelles, la bonne orientation des rangs pour optimiser éclairage et photosynthèse, l'accès à l'eau... Sachant que la fertilisation ne sera pas non plus à négliger. Plus qu'un autre système, l'équilibre technico-économique doit être soigneusement évalué, pour optimiser quantité et qualité de la récolte, tout en maîtrisant bien évidemment ses coûts.
tÉmoignage
Le Gaec du Piechal, à Châteauneuf-Grasse dans les Alpes-Maritimes, a mené une réflexion dédiée à l'irrigation sur des parcelles oléicoles, suite à différentes phases d'agrandissement et de dé-densification.
Dès le printemps 2023, des irrigations précoces ont été mises en place et suivies à l'aide de sondes tensiométriques.
© Crédit photo : CZ
Annette et Erwann Le Negrate, qui se sont installés en 2010, ont fait "le pari fou de vivre de l'olivier". Après un important travail de remise en état de quelques vieilles parcelles d'oliviers à l'abandon, le couple a planté environ 1 200 oliviers sur des parcelles "qui en hébergeaient il y a plus de 50 ans". Aujourd'hui, l'entreprise exploite "environ 15 hectares d'oliviers, majoritairement avec la variété Cailletier", afin de bénéficier de l'Appellation d'origine protégée 'Huile d'olive de Nice' et 'Olives et pâte d'olive de Nice'.
Converti en agriculture biologique en 2019, le couple s'était doté - dès 2016 - d'un atelier de transformation. Aujourd'hui, l'exploitation dispose notamment d'une parcelle de 5,20 hectares d'oliviers, soit 1 030 ar- bres de variétés aglandau et cailletier (densité de 200 arbres/ha) qui a servi de support à un essai irrigation, mené en partenariat avec le Criiam Sud, et présenté en avril dernier.
Sur cette parcelle plantée en sol argilo-calcaire profond non mécanisable (40 % d'argile et 3,5 % de matière organique), la problématique de l'érosion est importante, notamment en cas de pluies importantes du fait d'une parcelle en forte pente, et ce, "même si l'olivier est reconnu pour s'appuyer à la fois sur des racines superficielles et en profondeur", explique Maude Diamiens, conseillère oléicole à la Chambre d'agricul- ture 06.
Dans la réflexion menée sur l'irrigation, le couple a également souhaité intégrer la problématique des maladies du feuillage, avec une importante pression mouche de l'olivier, qui a lieu environ la moitié de l'année, "très fortement liée aux conditions d'humidité de la parcelle". Comme l'explique leur conseillère, "ils ont cherché un compromis entre des objectifs divergents, entre une récolte mécanique qui se tient entre fin octobre et mars, la recherche d'une maturité optimale en réponse au cahier des charges de l'AOC Huile de Nice, une conduite sous filet pour lutter contre la mouche, sans oublier la présence notable des sangliers dans la zone".
Pour y répondre, ils ont mis en place une gestion différenciée de l'irrigation sur l'année, en fonction des saisons et des contraintes précitées. Ainsi, en période de stress hydrique, l'objectif est de limiter l'évapotranspiration et la concurrence hydrique avec l'olivier de l'enherbement, en place une bonne partie de l'année. "En 2022, le climat très sec a eu un impact sur l'oliveraie et nous avons donc décidé de modifier les pratiques, avec la mise en place d'un arrosage journalier en petite quantité, afin de relancer la vigueur des arbres. Par ailleurs, l'olivier produisant sur bois de deux ans, il fallait laisser pousser les branches", résume Maude Diamiens.
Du 15 janvier au 10 mars, l'évapotranspiration moyenne a été de 0,75 mm/j. Mais à partir de février, les humidités ont baissé sur tous les horizons jusqu'à 55 cm, et l'horizon 65 cm est sollicité par les racines à partir de début mars 2023. "Dans notre réflexion, l'important était d'assurer un confort hydrique au végétal sur la période critique de mars à juin, afin de ne pas pénaliser l'état de vigueur et la photosynthèse des oliviers, et de garantir d'une production optimale, en particulier dans le contexte parcellaire de perte de feuilles importantes en raison des maladies du feuillage."
Ainsi, dès le printemps 2023 - après un désherbage mécanique sur le rang à l'aide d'un outil déporté à disques animés, puis un broyage du couvert et des bois de taille sur l'inter-rang, avec tonte de l'herbe à ras mais sans destruction totale, et enfin un travail superficiel du sol, réalisé à l'aide d'un griffon à une profondeur inférieure à 10 cm pour limiter l'évapotranspiration et rendre les éventuelles futures pluies efficaces - des irrigations précoces ont été mises en place et suivies à l'aide de sondes tensiométriques. Ces dernières sont placées à 90 cm de profondeur, la station météo ayant quant à elle été installée en mai 2022. Les mesures de l'humidité du sol sont relevées tous les 10 cm sur une profondeur allant de 30 à 120 cm, ainsi que celle de températures par horizon et la sa- linité.
Les irrigations précoces - suspendues sur les charpentes des oli- viers - elles ont été faites via un goutte-à-goutte autorégulant (3-4 goutteurs de 2 litres par heure et par arbre) et enclenchées dès la fin mars (1 h/j), puis 2 h/j sur la première semaine de mai, "afin de ne pas assécher les horizons supérieurs à 45 cm", explique Simon Cordier, du Criiam Sud, qui a fait le suivi hydrique de la parcelle.
Cette augmentation de l'irrigation avait pour objectif de compenser l'augmentation de l'évapotranspiration moyenne constatée à partir de la mi-mai, et qui a atteint un point haut avec des apports à 4 mm/j du 22 mai au 6 juin, période d'enclenchement de la phase de multiplication cellulaire et de formation du noyau. "Sur cette période, la ressource en eau reste importante car elle détermine la tenue du fruit, avec en parallèle une pression de la mouche de l'olive qui va crescendo et sera présente a minima six mois. Or, les oliveraies irriguées sont plus attractives pour le ravageur que les oliveraies en sec, en raison des conditions atmosphériques et du calibre-turgescence des fruits." À l'été 2023, le couvert a vu développement limité puis sécher. Au cours de l'été, un épandage de compost de fumier de cheval et un griffage pour incorporation ont été réalisés, avec destruction totale de l'enherbement.
"Sur des parcelles en pente, il n'est pas toujours aisé de savoir vraiment où tombe l'eau", reconnaît Simon Cordier. "Nous avons donc installé les sondes pour avoir une vision plus fine de ce qui se passait dans le sol, pas trop loin du point de chute de l'irrigation, sachant que l'on place en général les goutteurs au dehors du bulbe d'irrigation. Cette première année de suivi de maturité montre qu'il faut créer un état hydrique idéalement de confort au printemps, car nous voyons que la stratégie d'apport espacé sur un sol argileux comme celui-ci ne fonctionne pas : il faut démarrer tôt les irrigations, avec de petites quantités", conclut-il.
ICI
Votre encart
publicitaire !
Agricultrices
PÊCHES NECTARINES & PAVIES
GARD
Publiez facilement vos annonces légales dans toute la France.
Grâce à notre réseau de journaux partenaires.
Attestation immédiate, service 24h/24, 7 jours/7
Chaque semaine, retrouvez toute l'actualité de votre département, des infos techniques et pratiques pour vous accompagner au quotidien...
Découvrez toutes nos formulesInscrivez-vous GRATUITEMENT à nos newsletters pour ne rien rater de notre actualité !
S'abonner