Expérience
Comment conserver précieusement chaque goutte d'eau tombée dans les vignes ? Au Château Duvivier, dans le Var, on travaille la question depuis 2018. Et plusieurs aménagements ont été réalisés, avec des résultats prometteurs.
"En premier lieu, notre objectif était d'éviter cette érosion des sols liée aux épisodes méditerranéens intenses", explique Érick Bergmann, responsable d'exploitation du Château Duvivier, dans le Var.
© Crédit photo : DR
La gestion de l'eau est une thématique hélas d'actualité cette année. Si l'on craignait le pire à l'orée de l'été, avec des températures toujours plus élevées et des plantes présentant des niveaux d'Évapotranspiration (ETP) en nette croissance (+23 % par rapport à l'ETP décennal par exemple dans le Vaucluse, d'après l'Institut coopératif du vin (ICV)), il est urgent aujourd'hui de se poser la question de comment agir sur le parcellaire pour préserver ce qui peut l'être. Même si les vendanges ont été finalement meilleures que prévu.
Pour débuter, le premier réflexe est de se tourner vers les leviers agronomiques : travail sur la résistance du sol pour augmenter la capacité de stockage de ce dernier, en jouant notamment sur l'amélioration du taux de matière organique, sur la limitation de la compaction, l'augmentation de la porosité... Au niveau du végétal ensuite, le premier levier pour limiter la transpiration est de jouer sur la quantité de feuillage, via ébourgeonnage, afin de réduire la surface foliaire sans trop la pénaliser toutefois. Difficile équilibre. En parallèle vient le choix du cépage, de l'orientation du rang, de la mise en place d'écrans d'ombrage ou de panneaux agrivoltaïques. Enfin, il convient de mettre en œuvre tout ce qui peut concourir à l'amélioration de l'infiltration de l'eau et son efficience, pour mieux gérer la ressource en eau à l'échelle du plant, de la parcelle, du domaine. Sur ce dernier point, l'exemple de ce qu'a pu mettre en place de Château Duvivier, dans le Haut Var à Pontévès, est intéressant et source de réflexion.
Érik Bergmann, responsable d'exploitation du domaine viticole bio situé à Pontévès dans le Var, est venu présenter, le 16 juin dernier, les travaux mis en œuvre sur le domaine, à l'occasion de la matinée technique annuelle de l'ICV Vallée du Rhône, organisée à Sérignan-du-Comtat (84). "Nous travaillons sur la gestion de l'eau de pluie depuis 2018, en nous focalisant spécifiquement sur la partie vignoble. L'objectif est que chaque goutte d'eau qui tombe sur le domaine reste chez nous", pose-t-il en préambule.
Au départ, la problématique était surtout liée au changement climatique et aux canicules à répétition, "plus longues, plus précoces, plus fréquentes et plus fortes", avec des périodes sèches plus étalées. "Le cumul de pluie annuel est toujours globalement le même, mais ce sont surtout les épisodes méditerranéens qui viennent chambouler la donne et qui vont a priori se poursuivre, avec une fréquence là aussi plus régulière", pointe le vigneron. L'idée alors est justement de canaliser cette eau qui tombe en abondance, pendant quelques heures, voire davantage, entraînant par la même occasion une forte érosion qui n'est pas sans pénaliser la nature du sol - à commencer par la matière organique qui disparaît - voire les vignes elles-mêmes. "Notre objectif était alors d'éviter cette érosion, afin de maintenir un stock et une diffusion de l'eau régulière sur le vignoble."
Souci : lors des épisodes méditerranéens, le surplus d'eau est éliminé soit par drainage, soit par des voies naturellement prises par le courant. Cela dit, elle ne va donc pas toujours à l'endroit souhaité par le vigneron, contrairement aux apports artificiels en irrigation. "Nous avons donc cherché à visualiser ces voies d'eau sur le domaine, l'idée étant ensuite d'en laisser un maximum sur place." Pour cela, le domaine disposait de trois options : ralentir le flux d'eau, mieux le répartir et/ou augmenter le taux d'infiltration.
Dans un objectif de ralentissement des flux, les équipes ont commencé par regarder des cartes topographiques du vignoble, en identifiant les courbes de niveau "pour visualiser la circulation naturelle des eaux de pluie" et voir comment, sur chaque zone de travail, "nous pouvions la ralentir, en évitant de créer des couloirs de circulation, mais en cherchant au contraire à casser la vitesse d'avancement du flux d'eau," explique Érik Bergmann. Ainsi il installe des haies en bas de pentes raides, qui viennent casser le flux d'eau, le répartir, le surplus poursuivant sa course - tout en pouvant être orienté artificiellement vers un autre secteur de la parcelle -, mais avec une vitesse d'écoulement moindre.
Autre action : la réalisation de trous dans les vignes, là aussi plus ou moins environ tous les 5 m en fonction de la pente, remplis de gravats assez gros. "C'est le même principe qui s'applique : l'eau est drainée, se freine, et le surplus part avec une vitesse cassée".
Une fois l'eau ralentie, se pose alors la question de mieux la répartir, "en évitant que l'eau ne stagne, en évitant de créer des couloirs de circulation". Là aussi, le même principe de la haie ou du bosquet peut être mis en place. "Et lorsque l'on implante le bosquet, on peut aussi appliquer le système keyline, c'est-à-dire planter avec un sous-solage profond qui va suivre les courbes de niveau. Les vignes sont alors installées perpendiculairement à la pente : quand l'eau descend, elle se diffuse à la fois latéralement et perpendiculairement à la pente." Enfin, pour jouer sur le 3e levier qu'est l'infiltration d'eau, plusieurs actions peuvent être mises en place : optimiser la création de matière organique via l'enherbement, la plantation d'arbre et de haies, le décomptage du sol.
"En complément de tout cela, nous allons travailler sur la mise en place de plein de petits stockages disséminés dans le vignoble. L'idée est de créer des mares et des étangs plus ou moins étanches, mais sans bâche, pour que l'eau se diffuse dans le sol."
Démarrés en 2018 en même temps que l'enherbement du domaine, ces aménagements ont permis "d'augmenter la biodiversité dans le vignoble", mais aussi de "réduire le stress hydrique durant la période estivale". Mais surtout, "nous avons parfois jusqu'à 200 millimètres d'eau qui tombe en 24 heures, et malgré cela, nous n'avons pas vu d'érosion dans les vignes."
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