Des 22 années d'études compilées à travers l'Observatoire viticole Cerfrance, "nous constatons que les difficultés des exploitations à réaliser des bénéfices sont structurelles", analyse Benjamin Devaux, directeur 'Conseil économique et études' chez Cerfrance Midi Méditerranée, qui constate une véritable destruction de la valeur, se matérialisant au niveau des exploitations par : 

une incapacité des exploitants à se rémunérer et une nécessité de diversifier les ressources du foyer ;

des volumes d'investissement trop faibles, qui ne permettent pas de renouveler le vignoble, le parc matériel, les outils de vinification... ;

des installations qui ne permet- tent pas de compenser les arrêts d'activité.

Sur la durée, les postes de charges progressent fortement en valeur, "ils étaient de l'ordre de 4 000 €/ha en moyenne au début des années 2000 pour atteindre plus de 5 400 €/ha actuellement".  À l'échelle des territoires, "les mutations sont plus profondes. On assiste notamment au développement des friches agricoles, à la concentration du nombre de coopératives".

Ce n'est pas la taille qui compte

Toujours liée à la prédominance du modèle coopératif, qui représente 85 % des exploitations viticoles en 2020, la performance économique de la filière reste, à l'échelle macro-économique, très dépendante du rendement des exploitations.

L'analyse des typologies "coopérateurs" de l'Observatoire viticole régional Occitanie 2024 met en évidence le lien entre rendement et performance économique. "Là où les exploitations les moins performantes (213 € d'Excédent brut d'exploitation par hectare) produisent 43 hl/ha, les plus performantes (2 770 € d'EBE/ha) sont à 76 hl/ha."

En plus de 20 ans d'analyse, aucune économie d'échelle n'a pu être mise en évidence par les études : la taille des exploitations ne permet pas de générer plus de performance économique. Les exploitations performantes n'ont pas des surfaces plus importantes (en coopérative comme en cave particulière).

Et si, au début des années 2000, "la mise en place d'une stratégie orientée 'AOC' permettait de générer plus d'EBE, la tendance s'est stoppée dès la crise de 2005". En effet, la réduction du delta de valorisation entre les différents segments de vin (SIG / IGP / AOP) n'a pas permis à la typologie AOC de compenser les différences de rendement prévues aux cahiers des charges. Aujourd'hui, "des stratégies de valorisation permettent d'offrir une alternative à la stratégie"rendement"lorsqu'on est à la recherche de performance économique," poursuit Benjamin Devaux. Si, dans une approche collective, quelques AOC constituent de véritables îlots de valeur (Pic Saint Loup, Picpoul de Pinet, Limoux...), la performance économique est généralement liée à la cohérence dans la stratégie d'entreprise.

Bien que ces stratégies de valorisation ne se limitent pas qu'au segment des caves particulières, "l'analyse de l'échantillon 'cave particulière' permet d'identifier que de belles performances économiques sont possibles (2 668 € d'EBE/ha), lorsque des stratégies de valorisation sont menées de façon cohérente". Toutefois, là où la coopération permet d'amortir les risques économiques, la typologie cave particulière est exposée à une plus grande variabilité. "C'est là où l'on a les réussites les plus marquantes, mais aussi les plus grands échecs !"

Les enjeux de demain se dessinent

Dans la mesure où le rendement est le premier levier de performance économique, "on constate un développement de l'irrigation, afin de maîtriser les rendements et une refonte des systèmes assurantiels pour parer aux aléas climatiques". Selon les chiffres du recensement général agricole, la surface viticole irriguée en ex-Languedoc-Roussillon est passée de 8 à 20 % entre 2010 et 2020.

Si l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des aléas climatiques a fortement impacté les dernières récoltes à l'échelle ex-Languedoc-Roussillon, au niveau des exploitations, l'amplification des phénomènes localisés (gel, grêle, sécheresse, incendie et même désertification sur la frange littorale) met à mal les équilibres économiques et bouscule les scénarios d'avenir de la filière.

"Afin de relever ces enjeux à venir, il reste essentiel que la filière se rassemble et construise de manière collaborative les stratégies de demain." 

Météo-France et l'association Solagro ont développé un outil en ligne, accessible gratuitement moyennant la création d'un compte utilisateur. Il permet de mesurer les impacts du changement climatique aux horizons 2030, 2050 et 2100, agrégeant plus de 230 indicateurs spécifiques des filières végétales et animales, sur une maille de 8 km par 8 km. L'objectif est de mesurer les effets potentiels, positifs ou négatifs, des évolutions climatiques sur les activités agricoles et d'identifier les leviers d'action pour s'adapter. En viticulture par exemple, il est possible de quantifier et visualiser l'évolution du risque de gel tardif pour la vigne, l'évolution du déficit hydrique sur le cycle cultural, ou bien encore l'évolution de la disponibilité thermique en lien avec chaque cépage.