Après plusieurs vies professionnelles, Patrick Maugueret s’est décidé à prendre sa retraite. © J. Dukmedjian
“Mon fils m’a dit : Papa, maintenant il faut vendre et penser à la retraite.“ Près de 20 ans après la reprise de l’exploitation maraîchère hyéroise où il s’est installé, en 2004, Patrick Maugueret s’est résigné à ranger les couteaux et les bottes, une bonne fois pour toutes. Pas question pour autant de passer ses journées à remplir des grilles de mots fléchés ou de sudoku : il ambitionne de se consacrer à la rénovation d’une maison en Bourgogne, sans oublier les balades en vélo avec son épouse... “Rien n’est encore signé“, prévient-il, mais le futur retraité pense avoir trouvé un acquéreur pour les 7 hectares de son exploitation, dont 4,6 ha de serres solaires photovoltaïques dédiées, depuis leur construction en 2015, à la culture de l‘asperge blanche, verte et pourpre. Une précédente déconvenue avec une enseigne de la grande distribution spécialisée dans le bio – qui l’avait approché avant de faire machine arrière – l’a, il est vrai, rendu prudent. “L’acheteur semble sérieux cette fois, et financièrement fiable. Il s’agit d’un investissement pour installer ses enfants“, souligne le maraîcher, désormais échaudé.
Arrivé sur le tard dans l’agriculture, Patrick Maugueret a eu plusieurs vies professionnelles avant de choisir cette dernière. Originaire de la région parisienne, c’est d’abord dans le secteur du BTP qu’il fait ses armes, à la sortie du lycée professionnel où il s’est spécialisé dans les fluides techniques (plomberie, ventilation, climatisation). Après quelques années comme salarié, il crée un bureau d’études et remporte des gros contrats en Arabie saoudite, pour les ministères de la Défense et de la Santé en France... “À moins de 30 ans, j’étais à la tête d’une entreprise d’une trentaine de collaborateurs, avec de gros chantiers.“ La crise de l’immobilier et du BTP, dans les années 90, conséquence indirecte de la Guerre du Golfe, l’atteint de plein fouet, après des années d’euphorie : “J’ai dû liquider mon entreprise et recommencer à zéro, en tant qu’indépendant“, résume-t-il sans amertume.
Du cresson aux renoncules
Une idée germe alors : celle de quitter Paris et de “retourner à la terre. Enfant, je rêvais de devenir vétérinaire“, sourit-il. “À 13 ou 14 ans, je suis entré dans une école d’agriculture“, avant de bifurquer vers le BTP. Plusieurs dizaines d’années plus tard, l’envie a refait surface : “Je voulais avoir les pieds dans les bottes, et les bottes dans l’eau“, précise Patrick Maugueret. “La culture du cresson était l’idéal.“ En 2004, il rachète, à un agriculteur qui prenait sa retraite, l’exploitation où il est actuellement implanté, et aménage des bassins. “À 51 ans, j’ai dû tout réapprendre“, glisse-t-il, amusé. Il faut dire que “les connaissances apprises en école d’agriculture étaient loin...“. Le challenge n’effraie pas l’homme, qui se considère comme un entrepreneur et voit les choses en grand : “Je n’ai jamais envisagé ne pas vivre correctement de l’agriculture !“.
Les faits lui donnent raison : “L’exploitation fonctionnait bien. Je suis devenu, en quelques années, le 2e producteur français de cresson“, résume Patrick Maugueret, qui se concentre rapidement sur deux marchés distincts : celui de l’agroalimentaire d’une part, avec des jeunes pousses destinées à la 4e gamme, les mélanges de salades en sachet ; et celui de la grande distribution, sous forme de bottes, d’autre part. Mais il est victime, comme ses concurrents, du désintérêt des jeunes consommateurs pour ce légume : “Nous nous adressions à une clientèle plutôt vieillissante. Et la demande a progressivement diminué...“.
En parallèle, il développe une activité horticole dans ses serres. “En 2009, j’étais le 3e plus gros producteur d’anémones et de renoncules du Var“, affirme le presque retraité. “Un des principaux vendeurs de griffes et de bulbes avait même intégré des photos de mes fleurs dans ses catalogues. Cela vous donne une idée de la qualité de ma production, destinée aux grossistes, dont ceux de Rungis, et à des revendeurs, sur les marchés.“ Il développe également la vente pour les grainetiers en gros et les professionnels. “Des concurrents ont repris mes méthodes de travail et mes idées, en Espagne. Nous ne pouvions plus lutter à armes égales... J’ai préféré arrêter : ce n’était plus rentable.“
Des asperges précoces et premium
Son dernier projet mettra plusieurs années à mûrir, avant de voir le jour en 2016 : à l’issue de beaucoup de déboires, il décide d’implanter des serres photovoltaïques en lieu et place de ses serres chapelles traditionnelles. Il se tourne vers la société Fonroche, un opérateur spécialisé dans ce type d’installation, qui en finance la construction et se rémunère sur la revente de l’électricité. Le chantier est cependant loin d’être un long fleuve tranquille, entre les recours après le dépôt du permis de construire, les tracasseries avec différentes administrations... “J’ai enfin pu planter mes griffes d’asperges en 2016, avec l’idée de me démarquer grâce à des variétés précoces : le terrain est idéal pour ce type de cultures. C’est une terre limoneuse et très légère“, s’enthousiasme Patrick Maugueret qui mise, dès le départ, sur un positionnement premium, en investissant dans un arrosage souterrain, pour éviter que le pied ne devienne fibreux, en plus du système de goutte-à-goutte. “Résultat, elles sont tellement tendres qu’on peut les manger crues de la tête jusqu’au pied“, explique-t-il, en joignant le geste à la parole.
Un argument qui a séduit de grandes tables étoilées du département comme le Château de Berne, à Lorgues, et au-delà des frontières hexagonales. Mais un pari qui l’aura également pénalisé, en 2020 surtout – au plus fort de l’épidémie de Covid et des confinements successifs qui en ont découlé – mais aussi en 2021. “J’ai dû me tourner très rapidement vers les grossistes et la vente directe pour limiter la casse. Les restaurateurs étaient aidés... Mais pas les producteurs !“, s’agace le maraîcher qui produit annuellement de 40 à 50 tonnes d’asperges. Tout ceci est désormais (presque) derrière lui, veut penser Patrick Maugueret. Le prochainement retraité se réjouit de passer la main à de jeunes repreneurs, même si ceux-ci devraient a priori se réorienter vers d’autres types de cultures.
Julien Dukmedjian
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