med'agri
Le voile va se lever le 15 octobre prochain, à 9 heures, sur la 4e édition du salon professionnel de l'agriculture méditerranéenne, Med'Agri. Durant trois jours, les visiteurs auront accès aux dernières innovations et pourront rencontrer des professionnels sur les stands des exposants, au cours de conférences ou d'ateliers, pour relever les défis actuels, nombreux. Et aussi prendre un peu de bon temps en ces temps difficiles.
Conférence de presse à l'issue du dernier comité de pilotage du salon Med'agri
© Crédit photo : Manon Lallemand
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Spécial Med'Agri L'AGRICULTEUR PROVENÇALDes ambitions fortes. Voilà ce que portent cette année les organisateurs de la 4e édition de Med'Agri, le salon des agricultures méditerranéennes. Le programme proposé en partenariat avec le salon Tech&Bio - toujours très dense avec 50 conférences, ateliers, démonstrations -, a été pensé pour apporter des solutions concrètes et présenter les dernières innovations aux 15 500 visiteurs professionnels espérés cette année.
La construction de ces trois jours s'est articulée autour de quatre thèmes majeurs : un pôle 'Innovation', tourné vers la performance des exploitations où l'on retrouvera tous les acteurs du Grand prix de l'innovation, réservés aux exposants, partenaires et start-up, récompensant les innovations technologiques en faveur d'une agriculture compétitive et durable ; une offre spécifique pour les acteurs de la filière viticole, puisque 35 % des exposants proposent des solutions pour la vitiviniculture ; le lancement de masterclass de dégustations vin et huile d'olive, avec trois sessions quotidiennes ; et l'accueil d'acheteurs internationaux.
Dans les cinq halls et sur l'espace extérieur, une large gamme de matériels spécifiques pour les filières régionales sera présentée : équipements pour les fruits et légumes, la viticulture, l'élevage, les grandes cultures, l'oléiculture et les plantes aromatiques, l'agrofourniture, la robotique et les nouvelles technologies.
Pour accompagner les projets, les visiteurs pourront rencontrer en un seul lieu tout leur environnement professionnel, via les organisations professionnelles agricoles, les banques et assurances, les centres de formation et d'enseignement, la santé...
Et des temps forts marqueront le déroulement de ces trois journées dédiées au business avec dès mardi, une matinée dédiée aux opportunités de valorisation des coproduits et une conférence sur l'agrivoltaïsme, une après-midi sur la méthanisation (mercredi), sans oublier jeudi la présentation du plan résilience de la filière céréales.
Toutes les thématiques transversales seront abordées, notamment la diversification, l'eau, la réduction de la pénibilité, sans oublier bien évidemment des interventions agronomiques sur l'irrigation, les couverts végétaux, la fertilité des sols, la gestion des maladies et ravageurs...
Toute la complexité de l'acte de production agricole sera embrassée durant trois jours, trois jours qui se veulent également conviviaux, car l'objectif est bien entendu de permettre à tout un chacun de sortir la tête de son difficile quotidien. Bon salon !
Edito
André Bernard, président de la Cham- bre régionale d'agriculture Paca.
© Crédit photo : CZ
"Je suis, en tant qu'agriculteur et responsable professionnel, très conscient de la situation de l'ensemble de nos filières régionales. Cette situation très complexe nécessite un soutien de la part de l'État, des collectivités et de l'ensemble des organisations professionnelles agricoles. Nous devons tous agir pour faire passer ce cap difficile à la majorité d'entre nous. Je n'évoquerai pas les différentes raisons tant climatiques que sanitaires ou réglementaires, ainsi que les marchés. Les causes sont là, et nous devons tout faire pour les atténuer.
Durant le salon, nous aurons l'occasion de faire passer des messages, et nous devons surtout travailler à mettre en place des solutions pour l'avenir.
Comme dans les autres régions et filières, ces rendez-vous de l'agriculture sont les moyens d'attirer l'attention des politiques, de l'État, et de nos partenaires sur notre volonté à relever les défis.
Nous aurons pendant quelques jours la possibilité de mettre en avant le potentiel de notre région, notre volonté de nous adapter et surtout d'innover pour relever le challenge du futur.
Ce salon que nous préparons activement au niveau de la Chambre régionale, et avec nos partenaires, sera sans aucun doute une très belle vitrine d'éléments qui vont constituer des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Les innovations techniques et les nombreuses conférences sont là pour nous permettre de réfléchir et de trouver des pistes pour notre avenir.
Le volet emploi et formation sera très important pour permettre de sensibiliser les futurs acteurs du monde agricole, et leur présenter les différentes facettes et la diversité des métiers de l'agriculture.
Si l'ensemble des filières et des thématiques présentes précédemment renforcent leur participation, j'ai le plaisir d'annoncer deux thématiques nouvelles : les coproduits, avec des conférences et des échanges B2B sur ce sujet ; et surtout la participation renforcée de la viticulture qui, avec la filière oléicole, animeront des masterclass qui nous initieront à la dégustation. Un moment de détente souhaité par les visiteurs.
Je vous donne donc rendez-vous à Avignon durant ces trois jours.
Notre agriculture a souvent vécu des crises. Elle a su relever les défis. À nous de relever celui qui est devant nous !"
Espace innovation
Une nouvelle fois, le salon sera l'occasion d'en apprendre plus sur les innovations et l'agriculture de demain, avec une journée consacrée aux coproduits et leurs débouchés. Rendez-vous à l'espace 'Innovation', hall L, mardi 15 octobre, pour des tables rondes et exemples d'entreprises qui ont réussi dans ce domaine.
Phenix en Provence, avec ses produits cosmétiques élaborés à partir de pépin et de peau de tomate d'industrie, sera l'une des entreprises présentes sur le salon, aux côtés de Mutatec ou Green spot technologies par exemple.
© Crédit photo : ML
Toujours dans l'idée de mettre en avant ce qu'il se passe autour de l'innovation et de l'agriculture, Med'Agri propose cette année une journée consacrée aux coproduits. Cette filière, encore petite, consiste à valoriser un résidu issu du processus de fabrication d'un produit, pour en créer un autre. Un système de production ainsi circulaire et vertueux.
En Vaucluse, il y a une certaine effervescence autour de ce phénomène, assez nouveau, et plus généralement, en France, avec les nouvelles habitudes de consommation. "Il y a une demande de la part des clients, de consommer plus écologique, créer moins de déchets, limiter les ressources", confirme Julie Litas, à l'initiative du projet, et manager du pôle prospection et implantation d'entreprises chez Vaucluse Provence attractivité (VPA). Du côté des start-up, des entreprises, il y a également cette volonté de valoriser leurs déchets, de limiter le gaspillage.
Pour tenter de structurer la filière, créer du contact entre les potentiels et différents acteurs, informer les personnes sur les opportunités, VPA et Innov' Alliance ont imaginé, au sein du salon, une journée rencontres et discussions autour du sujet.
Le constat a été fait : "Il y a une belle émulation autour du coproduit dans le département, et même au-delà", s'accordent à dire André Bernard, président de la Chambre régionale d'agriculture Paca et Julie Litas. Que ce soit par la présence forte de transformateurs agroalimentaires et la diversité de la filière végétale, cela ouvre le champ des possibles à la création de coproduits.
Seulement, il faut faire savoir que cela existe, et donner des clés pour tous ceux qui souhaitent débuter l'aventure. "Nous voulons d'abord montrer qu'il y a une dynamique et faire se rencontrer ceux ayant des gisements de coproduits, mais qui ne savent pas comment les traiter, avec des acteurs qui se concentrent sur la valorisation du coproduit ", explique Julie Litas.
Pour l'occasion, plusieurs entreprises qui se sont lancées dans le coproduit avec réussite seront présentes pour partager leur expérience. C'est le cas par exemple de Phenix en Provence qui, à partir de la peau et des pépins de tomates, fabrique des produits cosmétiques et de biocontrôle.
À Carpentras, Green spot technologies produit de la poudre à haute valeur nutritionnelle à partir de restes de l'industrie agroalimentaire.
Et à Cavaillon, l'entreprise Mutatec se sert de déchets alimentaires d'origine végétale pour nourrir des larves de mouches et les transformer ensuite en farine riche en protéines.
Bref, une journée pour découvrir ce qui se fait, ce qui fonctionne, donner envie de se lancer, de sauter le pas, dénicher des partenaires, se faire accompagner.
TÉMOIGNAGE Diversification (Hérault)
Pascal Conge et Rémi Dumas, vignerons respectivement installés à Saint-Christol et Saint-Geniès-des-Mourgues, ont décidé de s'associer depuis un an pour créer en commun une bergerie.
Rémi Dumas et Naïs Dumas-Trinquier, Pascal Conge et sa compagne, Alicia Desfours, se sont associés il y a un an pour gérer leur nouvel atelier d'élevage, point de rencontre entre leurs deux exploitations viticoles respectives.
© Crédit photo : Bergerie d'Entre-Vignes
Pascal Conge est avant tout vigneron au domaine de Haut Courchamp, à Saint-Christol. Une affaire de famille pour laquelle il s'investit au quotidien avec la volonté de transformer sa façon de travailler.
Il y a cinq ans, il se plonge dans les cahiers des charges des labels environnementaux et arrive à une conclusion : la monoculture est ce qu'il y a de plus impactant pour l'environnement et sa biodiversité.
"Que faire au niveau de mon exploitation pour donner à la nature plus que je ne lui prends ? Un autre végétal c'était compliqué, ici tout ce qui pousse ce sont les vignes, les oliviers... Et les maisons", plaisante-t-il.
Son affect avec les animaux l'amène rapidement à envisager les brebis pour entretenir son couvert.
"Et puis ça fait une fumure naturelle riche en azote", ajoute-t-il. Ni une, ni deux, il achète l'année suivante une vingtaine de Lacaune. Pas les plus rustiques, mais elles s'adaptent au terroir et sont de bonnes laitières. "On s'est vite rendu compte qu'au printemps on ne pouvait pas les laisser dans les vignes, parce qu'elles mangent les bourgeons. Ça nous a déjà obligés à ne pas avoir 100 % de nos terres en vignes. Une fois l'été arrivé, les nourrir a un autre coût", souligne Pascal.
Alors pour mieux rentabiliser la présence des ruminants sur l'exploitation, il lance en 2022, avec sa compagne, Alicia, un atelier de transformation laitière.
Mais l'élevage s'avère être plus chronophage qu'il ne le pensait. Le viticulteur se met donc à la recherche de "quelqu'un qui fait le même métier que [lui], un travailleur, qui aurait envie de développer des pratiques plus vertueuses" et souhaiterait s'associer au projet.
C'est Rémi Dumas et sa femme Naïs, dont le domaine est situé à Saint-Geniès-des-Mourgues, qui répondent à l'appel.
Le domaine de Haut Courchamp et l'EARL 'Lou Terraïre' se partagent ainsi les tâches depuis un an - de la gestion du troupeau à la transformation et la vente - et ont inauguré leur bergerie commune en avril. "Sur nos exploitations, on a l'habitude de partager du matériel et des conseils, mais on va rarement jusqu'à la commercialisation. La mutualisation prend tout son sens, d'autant qu'on apprend ensemble. Être éleveur, ça n'a rien à voir avec la viticulture et heureusement que l'on a été accompagné par la Chambre d'agriculture sur ce point", confie Pascal Conge.
Pour les deux couples d'agriculteurs, l'effet positif de la diversification est évident, mais ne met pas l'aspect financier au cœur du projet. "Après des années à nous envoyer vers la rentabilité en nous disant que ça viendrait en ayant le plus d'hectares possible, on se rend compte qu'on ne s'en sort pas pour autant. Peut-être que la solution est dans le retour au local et à la mutualisation qui nous aide au moins à partager les coûts et le temps de travail. Je pense que c'est l'agriculture de demain", développe le viticulteur-éleveur.
Avec 60 bêtes, l'objectif est de passer à 100 dont 35 laitières d'ici l'année prochaine. Pas moins car pour pâturer leurs terres, ces dames ne sont plus assez nombreuses, mais pas plus, car s'il faut respecter les sols - des études seront par la suite lancées pour étudier l'impact du troupeau -, il faut aussi respecter l'animal en lui laissant du repos.
Le projet prend du temps et a coûté cher, mais il offre des perspectives, notamment avec une clientèle qui prend plaisir à venir chercher vins et fromages en un même lieu.
Témoignage diversification (Vaucluse)
Vigneron coopérateur et maraîcher, Patrice Garcia donne la dernière touche à un projet pas comme les autres : créer un atelier de vente de pizzas à la ferme.
Patrice Garcia, vigneron coopérateur et maraîcher à Mazan, est prêt pour son projet de vente de pizzas à la ferme. Elles ont déjà été testées et validées par Emma et Lola, ses deux filles.
© Crédit photo : EARL 'Les jardins d'Emma et Lola'
Il ne lui reste plus qu'à trouver de la mozzarella française ! Pour le reste, les légumes viendront de l'exploitation, les fromages, les viandes, l'huile et la farine de producteurs locaux, voire ultra-locaux. Le laboratoire de préparation des pizzas est en cours d'accréditation HACCP et les dernières démarches réglementaires devraient s'achever d'ici novembre. "Ça fait trois ans que je cogite sur ce projet. La pizza, c'est ma passion et je suis heureux d'enfin réaliser mon rêve !" Patrice Garcia est vigneron coopérateur à Mazan sur 15 hectares de raisin de cuve qu'il apporte à la cave de Saint-Marc Canteperdrix. Il produit également des asperges sur 5 ha. Installé depuis plus de 20 ans sur l'exploitation familiale, il touche enfin du doigt un espoir qui l'habite "depuis tout petit : je voulais être cuisinier. Mais j'ai arrêté l'école pour faire comme mes grands-parents, en m'installant agriculteur. Ça me plaît, mais il manquait quelque chose". Ce petit truc en plus qui donne la pêche, chez Patrice c'est la pizza. Il en fait depuis longtemps, pour les amis et la famille et plusieurs fois ces derniers l'ont poussé à voir plus loin et servent désormais de cobayes consentants pour tester ses recettes.
"Le laboratoire est quasi prêt et sera installé dans le hangard de l'exploitation. Il permettra de confectionner les produits et de stocker les matières fraîches. J'ai déjà les légumes - tomates, courgettes, aubergines, asperges... -, la farine, pareil : on est en train de finaliser les essais de pâte avec un collègue. Et pour tout ce que je n'ai pas - fromages de chèvre, de brebis, charcuterie... - je m'adresse en priorité à des agriculteurs, locaux au mieux." Ce projet, c'est son bébé, en plus de ses deux filles Emma et Lola, qui ont d'ailleurs donné leurs prénoms à l'EARL. "Ça va me permettre de relâcher un peu la pression et de me remonter le moral, car en ce moment, la vigne, c'est compliqué." Ce sont d'ailleurs ces difficultés qui l'ont poussé à passer à l'acte. "Il fallait que je reprenne goût à quelque chose, au plaisir de faire."
Pour le concrétiser, il a contacté la Chambre d'agriculture, avec qui il travaillait déjà dans le cadre du réseau des marchés de producteurs. Après s'être inscrit à la formation HACCP, il a validé le projet avec son comptable pour acter la possibilité de travailler avec d'autres producteurs et de faire de l'achat-revente. Le matériel - four, pétrin, meuble à pizza, frigo, petit matériel... - et les démarches administratives représentent finalement un coût d'environ 20 000 €. "Le fait d'avoir le hangar vient réduire aussi les choses", concède le vigneron qui voit déjà plus loin. "On va être ouvert du vendredi au dimanche soir et le mardi. On ne fera que de la vente à emporter, et on proposera également de la prestation à domicile, pour faire les pizzas devant les convives. Surtout l'été."
Témoignage diversification (Aude)
Le secteur de Fitou voit ses vignes tomber les unes après les autres. Que faire ? Pour Benoît Valéry, la caroube aurait sa place, tout en gardant en tête que les miracles n'existent pas.
Benoît Valéry, qui prévoit d'arracher 40 ha de vignes, mise sur la caroube et ambitionne de planter prochainement plus de 8 000 arbres.
© Crédit photo : Benoît Valery
C'est un déficit hydrique de deux ans qui terrasse la vigne du secteur de Fitou. Benoît Valéry, vigneron et propriétaire du Château Valfaurès à Treilles, exploite encore 45 hectares de vignes en agriculture biologique sur quatre communes - Leucate, Fitou, Caves et Treilles - mais plus pour longtemps : "Les vignes en bio souffrent encore plus que les autres", constate le vigneron. En effet, avec des volumes moyens de production de l'ordre de 1 200 hectolitres quand tout va bien, en 2023, c'était une chute de 50 % et cette année, les récoltes s'élèvent à... 100 hl. "Les vignes sont en train de crever, c'est une catastrophe".
Subissant une décapitalisation de ses terres et voyant que le dérèglement climatique n'est pas prêt d'amorcer une tendance plus réjouissante ces prochaines années, le constat est tranchant. "Tout un pan de la viticulture va disparaître sur la zone littorale et beaucoup ne se sauveront pas". Quoi faire alors ? Le vigneron va profiter du plan d'arrachage définitif pour arracher, et pas de main morte, plus de 40 ha sur les 45 au total, gardant les 5 ha pour du vin haut de gamme que ce dernier veut défendre car "notre appellation est reconnue et nous savons faire du vin, le problème c'est que l'on n'arrive plus à le vendre".
Benoît Valéry mise sur la caroube et ambitionne de planter prochainement plus de 8 000 arbres. En parallèle, il fédère d'autres propriétaires dans une situation similaire, à réfléchir à cette porte de sortie, pour arriver collectivement à plus de 100 ha. Ce dernier désire même mettre sur pied l'interprofession de la caroube. "Il faut qu'il y ait la production, mais également une structuration et un débouché industriel."
Mais loin de vouloir vendre une solution miracle, le vigneron juge qu'il est primordial de rester prudent. "Certes, au niveau mondial, la demande est phénoménale. Mais il faut savoir que le Maroc implante massivement cette culture, et emboîte déjà le pas pour répondre à la demande."
Gomme arabique utilisée par l'industrie agroalimentaire comme stabilisant pour de nombreux produits - et pouvant également servir de substitut au cacao - cet arbre n'en reste pas moins capricieux quand il est question de froid. "L'arbre craint le gel : dès - 1°C, la culture est foutue. Donc sa mise en place ne sera pas pertinente sur tout le département", tient-il à souligner. De plus, impossible de savoir comment l'arbre va se comporter dans le secteur, tant en termes sanitaire que physiologique. Mais cela ne l'empêchera pas d'aller de l'avant.
Les prochaines plantations sont prévues en février, et la première production est programmée d'ici trois à cinq ans. En termes techniques, ce dernier souhaite planter les arbres en y associant des cultures intermédiaires, comme l'orge et le sainfoin d'une part, pour améliorer la structure du sol et limiter son érosion ; et, d'autre part, pour valoriser ces cultures dans la filière de l'élevage.
"Ici tout est nouveau : nous devons importer les plants du Maroc, nous n'avons pas de pépinière qui permette de certifier des plants français... tout est vraiment à faire." L'aventure n'est qu'à ses prémices et un long chemin reste à parcourir avant de pouvoir se dire que l'agriculture du littoral a trouvé son salut. "Nous sommes les Christophe Colomb de la caroube : on part, mais on ne sait pas où on va. Par chance pour lui, ça a bien fini. Alors on verra ce que le sort nous réserve".
TÉMOIGNAGE diversification (Bouches-du-Rhône)
Producteur de poires sur Sénas et Orgon depuis 17 ans, Cyril Devoux a choisi de se diversifier il y a six ans en plantant de la grenade. L'arboriculteur ne regrette pas l'intégration de cette espèce émergente dans ses vergers.
Avec la grenade, l'éclatement est le problème majeur. L'espèce émergente dévoile son lot d'inconnues techniques aux producteurs qui la découvrent, comme Cyril Devoux.
© Crédit photo : CD
Sur Sénas, Cyril Devoux produit en moyenne 900 tonnes de poires et 250 t de pommes. La diversification de sa production avec une autre espèce fruitière est venue d'une réflexion récente sur son exploitation.
À la recherche d'un fruit adapté au contexte climatique et à la demande du marché, l'arboriculteur a opté pour le grenadier en 2018.
Il en plante d'abord 2,5 ha, puis 1 ha supplémentaire en 2021.
Le grenadier est rustique et n'a pas besoin de beaucoup d'eau. La conduite de l'espèce n'est pas très compliquée et les cortèges de bioagresseurs sont encore peu présents dans nos conditions.
L'éclatement est le problème majeur et sa gestion exige un pilotage précis de l'irrigation. Mais l'espèce émergente dévoile aussi son lot d'inconnues techniques aux producteurs qui la découvrent.
L'année dernière était sa première récolte importante. Tout s'est bien passé. Le seul bémol a concerné les rendements obtenus avec la dernière variété qu'il a plantée en 2021, la variété Acco.
"Elle craint une maladie qui est liée à l'humidité et contre laquelle je n'avais pas effectué de traitement. Une fois sorties du frigo, les grenades avaient développé un chancre ce qui a engendré pas mal de déchets. Cette année j'ai rectifié ma stratégie, en traitant avec du cuivre pour ne pas être impacté", rapporte l'arboriculteur, conscient des marges de progrès sur cette nouvelle espèce. En matière de rendement, l'arboriculteur essaye de se rapprocher des 10 tonnes à l'hectare.
"C'est l'objectif, mais nous n'y sommes pas encore arrivés. Certes les jeunes vergers plantés en 2021 ont fait baisser la moyenne mais l'an passé nous étions plus proches des cinq tonnes par hectare", commente le producteur de Sénas.
Dans sa diversification, Cyril Devoux s'est aussi rapproché d'autres agriculteurs qui, comme lui, se sont orientés sur la grenade pour valoriser ce fruit oublié. Les débouchés potentiels sont importants autour de cette production, d'autant plus si elle est estampillée d'origine française.
Pour la commercialisation de ses fruits, Cyril Devoux mise avant tout sur "le fruit de bouche, plus rémunérateur que les jus dont les coûts de fabrication sont aussi importants", rapporte l'arboriculteur.
Après un GIEE piloté par Bio de Provence, c'est un syndicat de producteurs - qui rassemble depuis l'an dernier les producteurs - qui mobilise les connaissances techniques autour de la production et de la commercialisation. Cyril réfléchit d'ailleurs avec ses confrères à la possibilité de développer de nouveaux débouchés autour des co-produits de la grenade. "Cette année, les rendements devraient s'améliorer par rapport à l'an passé. Mais à date égale, le calibre de ses grenades est un peu inférieur", observe-t-il. La récolte pourrait aussi être moins précoce.
Si les résultats sur la grenade sont satisfaisants, l'arboriculteur - qui exploite aussi un verger de 22 ha de poiriers et de 4 ha de pommiers -, pourrait encore planter de la grenade dans le futur et étendre ses parcelles.
C'est aussi le développement de ses débouchés qui conditionnera ses décisions.
TÉMOIGNAGE Diversification (Var)
À Puget-Ville, Barbara Meisinger et Patrick Monet ont repris, en 1998, six hectares de vignes en coopérative, avec l'envie de faire leur propre vin. Depuis, le couple a été rejoint par leur fille, Célia, et le domaine Lolicé a développé d'autres ateliers.
Barbara Meisinger et sa fille, Célia Monet. Mère et fille apprécient les multiples intérêts de la diversification. À commencer par la complémentarité entre le végétal et l'animal.
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Barbara Meisinger et Célia Monet sont aujourd'hui à la tête d'un vignoble de 17 hectares en AOC Côtes de Provence, dont les raisins sont vinifiés au domaine, depuis la création de leur cave en 2006. La démarche de diversification a tout simplement débuté avec l'huile d'olive - produite à partir des oliviers déjà présents sur la propriété -, avant de prendre une autre dimension, avec l'élevage de poules pondeuses et la plantation d'un verger fruitier.
"Aujourd'hui, beaucoup se diversifient, car c'est compliqué pour le vin. Chez nous, au démarrage, il y a d'abord eu le plaisir de faire autre chose. Et puis la monoculture n'est pas dans la philosophie de la biodynamie à laquelle je m'intéresse depuis toujours. J'avais envie d'intégrer des animaux. J'ai pris un poulailler mobile de 56 poules en 2019, puis un autre. Il y a cinq ans, on a aussi planté un verger d'une centaine d'arbres : des abricotiers, des pêchers, des cerisiers, des amandiers, des pruniers, des kakis", présente Barbara Meisinger. "On a planté un peu de tout, pour tester ce qui pouvait convenir - car on est sur un terrain caillouteux et très drainant - et pour étaler les productions sur la saison", précise Célia Monet, arrivée sur l'entreprise familiale à peu près en même temps que le verger. Dans le même esprit, au printemps 2023, la jeune femme, a enrichi le domaine de quelques agrumes. "Ça, c'est mon plaisir à moi. On avait une restanque libre, j'y ai mis un oranger, un clémentinier et différents citronniers. On transforme les fruits du verger fruitier en confiture, et on utilise pas mal de citron. Alors on voulait qu'un maximum d'ingrédients soient produits sur la ferme", poursuit l'agricultrice.
"On a quand même fait attention à ne pas être débordés avec des productions qui s'étalent bien au calendrier. Les olives commencent quand on finit en cave, et puis tout s'enchaîne assez bien", souligne-t-elle.
Mère et fille apprécient les multiples intérêts de la diversification. À commencer par la complémentarité entre le végétal et l'animal. "Les poules vont dans les vignes après les vendanges. Elles mangent les herbes et leurs fientes, très azotées, permettent de fertiliser le sol là où elles passent. Sous les oliviers, elles vont aussi se nourrir des larves d'insectes, et sont bénéfiques contre la mouche de l'olive surtout. Quand les arbres seront assez haut pour les protéger des rapaces, et qu'elles ne pourront plus s'attaquer aux feuilles et aux fruits, elles feront la même chose dans le verger", indique Barbara Meisinger. "Après le gel, la grêle, la sécheresse, ça apporte un revenu complémentaire. Et on offre aussi un plus à nos clients avec une gamme élargie", ajoute Célia Monet.
La diversité culturale va en effet de pair avec la diversification commerciale. Un aspect sur lequel sont mobilisées les deux autres filles de la famille, Lola et Lissy, qui s'attachent notamment à développer la partie évènementielle sur le domaine. Toutes les productions, certifiées en agriculture biologique, y sont vendues. "Avec les surfaces en vigne qu'on a, il faut pouvoir vendre notre vin en direct pour bien le valoriser. Alors il est important d'attirer du monde au caveau de vente. On fait déjà un apéro tous les premiers jeudis du mois, et ça marche plutôt bien. On travaille avec des producteurs et des artisans du coin, pour proposer des planches locales", explique Barbara Meisinger.
Et déjà, de nouveaux projets sont en réflexion. "On est en train de voir pour installer un troisième poulailler et un centre d'emballage des œufs. Et puis on a une parcelle où l'on pourrait faire un autre verger avec quelques productions maraîchères, à utiliser pour les évènements que l'on organise sur place et qui restent à déterminer. On voudrait aussi planter un peu de houblon pour faire une petite série de bière", détaille Barbara Meisinger.
TÉMOIGNAGE diversification (Gard)
Depuis quatre générations, la famille Crivellaro travaille la vigne. Mais depuis six ans, une nouvelle culture s'épanouit non loin du Pont du Gard : la baie de goji.
"Nous avons fait le pari de planter 2,5 hectares de baies de goji alors que personne ne pouvait vraiment nous guider", explique Nancy Crivellaro, arboricultrice à Castillon-du-Gard.
© Crédit photo : L'Or rouge du Pont du Gard
Depuis quatre générations, la famille Crivellaro travaille la vigne. D'abord sur Castillon-du-Gard, l'exploitation s'est étendue au fil des années. Vers-Pont-du-Gard, Saint-Hilaire-d'Ozilhan, Roquemaure...
Aujourd'hui les vignes occupent 70 hectares et sont en bio depuis 6 ans. Bien sûr, il y a eu quelques abricotiers, des asperges, des cerisiers, mais jamais de quoi envisager une réelle culture de diversification.
C'est avec Nancy et son petit frère, Thomas, que la question se pose réellement, il y a six ans. "On a regardé un peu toutes les pistes qui se présentaient. Sur le site de la Chambre d'agriculture qui évoquait les cultures phares, il y avait le safran, mais c'était compliqué chez nous et la grenade, mais tout le monde s'y mettait", se souvient Nancy Crivellaro.
Quand la baie de goji se présente à la fratrie, l'idée est plaisante, "mais il a été difficile de trouver des plants, car chez les pépiniéristes qui n'avaient que des plants chinois", explique l'agricultrice.
Les Crivellaro découvrent alors un pépiniériste audois basé à Carcassonne qui leur propose une variété 'made in France' : "Nous faisons le choix d'une variété sucrée car l'objectif initial était de faire découvrir la baie de goji fraîche. C'est un fruit fragile qui tient cinq à six jours au réfrigérateur. Alors forcément, faire venir une baie depuis la Chine, c'est mission impossible".
Le projet prend forme avec des ventes dans des magasins bio spécialisés tels que Biocoop et Satoriz, mais entre les fruits abîmés et la méconnaissance du produit qui demande beaucoup d'explications, vendre en frais est fastidieux.
"Finalement, on nous a demandé si on ne voulait pas proposer des baies séchées. Là aussi on n'en trouve qu'en provenance de Chine. Alors pour ces magasins-là, c'était aussi une façon de relocaliser", raconte Nancy. La famille investit donc dans un séchoir afin de déshydrater le fruit, mais tout en contrôlant le processus : "Nous gardons une texture moelleuse qui ressemble un peu à des raisins secs, et puis, pour les magasins comme pour nous, la traçabilité est garantie". Ils sont donc principalement passés à la goji séchée. Si la météo l'avait permis, les Crivellaro auraient pu cette année fournir les quatre plateformes de Biocoop.
La baie de goji n'est pas un fruit si facile. "Nous avons fait le pari de planter 2,5 hectares, alors que personne ne pouvait vraiment nous guider du point de vue agronomique, pas même la technicienne qui nous accompagne sur la vigne", reconnaît Nancy Crivellaro. Même Inrae Avignon s'est intéressé à la plantation gardoise, afin de pouvoir collecter des informations. Il a cependant fallu avancer à tâtons.
"Nous avons compris comment la plante fonctionnait, mais il a fallu expérimenter sur l'engrais, l'apport d'eau, la taille, le palissage..." La baie de goji se plaît relativement bien en nos contrées. La famille a de l'eau, grâce à un forage, et le soleil est souvent présent. "Cette année nous aurions pu faire environ une tonne à l'hectare, mais cette année nous avons eu trop d'eau et du vent", déplore la trentenaire. Pas de regret cependant, le fruit rouge est une production intéressante.
Nancy note toutefois une difficulté au niveau de la récolte : "Comme tout se fait à la main, il faut de la main-d'œuvre. Ce qui nous sauve, c'est que la famille est présente pour nous aider. Nous avons essayé avec une machine pour ramasser les framboises cette année, mais ça ramasse tout, les fruits abîmés, les feuilles". S'il faut encore peaufiner,'L'Or rouge du Pont du Gard' semble avoir de beaux jours devant lui !
serre
Faire mieux avec moins. C'est ce que tentent de faire les agriculteurs pour réduire leurs charges. Les serristes eux misent sur les coûts énergétiques. Mais les plants suivent-ils au niveau agronomique, quand l'énergie est réduite ? Réponse avec les essais menés à Carquefou (Loire-Atlantique).
Un essai mené à Carquefou (44), et présenté lors de la dernière édition du Sival, a montré les premiers résultats, en comparant une conduite climatique classique à une conduite faible consommation dans une serre de tomates.
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Alors que les exploitations agricoles sont dans le dur depuis plusieurs mois, toutes cherchent à limiter les factures après l'explosion des charges et des prix énergétiques, tandis que les ménages scrutent le ticket de caisse. Résultat : des trésoreries au plus bas et des maraîchers, notamment, qui ne savent plus par quel bout prendre le problème.
Dans les serres, les travaux menés au CTIFL de Carquefou (44), et présentés lors de la dernière édition du Sival, ouvrent une voie et une éclaircie. L'objectif : mettre en place une conduite climatique économe en énergie. Des essais ont débuté en 2023 et se poursuivent cette année. Dans les faits, Serge Le Quillec, ingénieur d'expérimentation responsable du programme technique sous serres de l'unité serre de Carquefou, a présenté les essais menés au centre ligérien sur des conduites énergétiques à plus faible consommation (200-220 kWh/m²), réalisés sur une culture de tomates sous serre, sur trois variétés : Xaverius, Provine et Trovanzo. Le principe : comparer une conduite climatique témoin classique (avec limitation des températures minimales du réseau Forcas et un confinement de jour) à une conduite économe. Cette dernière implique une limitation des températures minimales du réseau Forcas, avec un confinement de jour plus important (+ 1°C) et des baisses de consignes de températures de jour (- 1,5°C) et de nuit (- 1,5°C). Par ailleurs, face aux risques de condensation, les expérimentateurs ont décidé de maintenir la phase de relance sur toute la campagne, avec des consignes de températures d'aération de 23°C le jour, et de 24°C + 1°C sur le rayonnement instantané (RI) sur la conduite témoin et 24°C + 2°C sur le RI sur la conduite économe.
La campagne expérimentale 2023 a montré que cette conduite économe était réalisable sans pénaliser le rendement, à condition de privilégier l'utilisation du réseau en végétation et d'abandonner les stratégies de température minimale des réseaux de chauffage, tout en valorisant l'apport solaire par un confinement de jour plus important.
Cependant, pour atteindre cet objectif d'économie, tout en maintenant des rendements commerciaux acceptables, certains équipements sont indispensables : tout d'abord, il faut une serre haute pour tamponner la température et l'humidité ; ensuite, un brassage de l'air est nécessaire pour homogénéiser température et humidité ; de plus, un double écran thermique/ombrage est fortement conseillé pour maximiser l'économie ; enfin, un capteur infrarouge pour la température de plante et un simulateur de température de fruit pour suivre la condensation et adapter les consignes de température et d'aération sont nécessaires.
Mieux, les expérimentateurs ont poussé les consignes en allant jusqu'à de très faibles consommations (150 kWh/m²), et cela s'est avéré porteur d'informations, même si actuellement cette conduite pose plus de soucis qu'elle n'offre de solution économique viable. En effet, une baisse des consignes de nuit et un confinement plus important de jour pénalisent le rendement précoce, à un moment où le marché valorise justement ce produit avec des cours intéressants, d'autant que le prix du gaz naturel actuel ne permet pas de compenser la perte de chiffre d'affaires enregistrée (- 0,40 €/m²). De plus, cette conduite très économe nécessite une attention accrue dans les serres, car elle vient accentuer encore davantage les phénomènes de condensation (entre 60 et 70 % du temps de nuit en condensation sur feuille en conduite économe), obligeant le serriste à suivre encore plus scrupuleusement la conduite thermique de la serre et sanitaire des fruits.
Le projet s'est poursuivi cette année. Résultats à venir.
Dans le détail, 81 à 86 % de la consommation sont réalisés fin mai (voir tableau), la conduite économe permettant de réaliser 34 % d'économie comparativement au témoin. À noter toutefois que la consommation de la conduite témoin (172 kWh/m²) est très largement inférieure à une conduite professionnelle.
Sur la plante, les observations montrent une perte progressive d'un bouquet au niveau du stade floraison avec la conduite économe, et un retard d'un bouquet récolté en début de récolte et de 1,5 bouquet en fin. Au final, la croissance est réduite de 65 cm sur les plants 'économes' et aucune différence significative n'est relevée au niveau du diamètre de tige. Côté rendement, la perte moyenne atteint 1,3 kg/m² sur le rendement agronomique fin mars et 1,9 kg/m² sur le rendement fin août, avec des écarts stables pour deux variétés (Xaverius et Provine), mais en augmentation pour trovanzo. Quant au poids moyen, fin août, une augmentation du poids moyen des fruits pour xaverius et provine a permis de stabiliser les écarts de rendement, tandis que le poids moyen est identique pour trovanzo. In fine, la perte moyenne est de 29,5 fruits commercialisables/m² fin août.
Au niveau sanitaire, l'essai pointe des attaques de mildiou et de cladosporiose plus marquées en conduite économe.
Enfin, au niveau économique, trovanzo accuse la perte la plus importante (5,50 €/m²), contre une moyenne de 2,95 €/m² pour xaverius et provine au niveau des chiffres d'affaires bruts (voir graphique).
PPAM
Après des années à alerter et un travail sans relâche sur le terrain, maintenir les exploitations lavandicoles devient mission impossible. Au plus dur de cette crise sans précédent, Alain Aubanel, président du Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises, estime cependant le rebond comme une perspective envisageable.
Sans signaux positifs des acheteurs envers la lavande française, Alain Aubanel, président du Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (Cihef), craint la disparition des exploitations.
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Les semaines, voire les mois de météo pluvieuse auront eu un impact non négligeable sur la campagne 2024 de la filière lavande et lavandin. "Par endroit il y a eu trop d'eau, mais surtout pas assez de chaleur, ce qui a provoqué des concen- trations d'huiles essentielles plus faibles qu'à l'habitude dans certaines zones", confirme Alain Aubanel, président du Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (Cihef).
Avec un peu moins de ravageurs qu'attendus, ou du moins une meilleure anticipation, la récolte reste cependant moyenne. "C'est plus compliqué en zone de montagne qu'en plaine, mais de manière générale, sur lavande on observe environ 30 % de baisse de récolte par rapport à d'habitude, principalement liée à un affaiblissement général des plantations", développe le président. Sur lavandin, la perte est un peu moins importante, mais les stocks viendront dans tous les cas fausser les résultats.
"Il y aura de quoi vendre, mais la question c'est plutôt à quel prix", interroge le lavandiculteur. Si les prix devraient être "honnêtes" pour la lavande, en lien avec les aléas qui ont touché la Bulgarie, concurrent numéro 1 des producteurs français, ils ont toutefois été divisés par deux en quelques années, alors que les amortissements coûtent deux fois plus cher. "Le climat, les ravageurs, les problématiques de mévente... Cela n'est pas propre à la lavande, en revanche, c'est souvent la culture des gens qui n'ont pas de plan B. Dans ces zones, la diversification c'est plus de travail, mais pas plus de revenu, sauf pour les marchés de niche, et on se retrouve finalement avec des entreprises dont la pérennité à quatre ou cinq ans est sérieusement remise en cause", confirme le président du Cihef.
Dans certains secteurs, les entreprises n'ont plus de plantations, car elles ont été fragilisées par de nombreux aléas, mais la trésorerie manque. Le parcellaire se clairsème : "C'était surtout le cas en zone de montagne, mais maintenant c'est ce qu'il est en train d'arriver en plaine." Et si les quelques agriculteurs des zones rurales plient boutique, qu'en sera-t-il des services publics ? Du tourisme ? Pour l'agriculteur, ces zones sont vouées à devenir sinistrées.
Sans signaux positifs des acheteurs envers la lavande française, Alain Aubanel craint la disparition des exploitations. "On commence à vendre nos productions à des acheteurs qui n'ont pas de prix, mais qui peut se permettre de vendre à perte plusieurs années de suite ?", interroge-t-il. Le président du Cihef est formel, les nouvelles zones de production ne fonctionnent jamais durablement. Il est donc "dans l'intérêt des agriculteurs et des entreprises de réinvestir les zones historiques, car il y a un véritable besoin de qualité. Mais pour discuter, il faut être au moins deux autour de la table."
La détresse mène parfois à des situations délicates, dont jouent certains acheteurs. "Quand on a la tête sous l'eau et les huissiers derrière, si on vous donne quatre sous vous prenez, mais c'est le serpent qui se mord la queue. Il y a cinq ans, le lavandin grosso on nous le payait 35 à 40 €, et les acheteurs se battaient pour en avoir. Aujourd'hui, c'est tout juste si on nous propose 10 à 12 €. Les plus honnêtes sont encore à 20 €, mais de leur côté ils ne savent plus quoi faire face à leurs clients non plus", développe l'agriculteur drômois. Si la reprise des sujets en cours par le nouveau gouvernement est évidemment très attendue par la profession, "nous avons besoin que les acheteurs aient conscience qu'on ne peut pas tuer les producteurs". Il dénonce des professionnels totalement "déconnectés de la réalité" qui, pour assurer la durabilité de la filière, feraient mieux de pérenniser les partenariats entamés de longue date avec les producteurs. "Si vous allez voir sur les sites des grosses boîtes qui achètent des huiles essentielles, ils ont tous des démarches RSE, mais ils exploitent les producteurs comme cela se faisait il y a deux siècles. Il y a plein de profiteurs de guerre, mais eux ils vivent bien", tempête-t-il.
Si les dirigeants disent comprendre la détresse et faire ce qu'ils peuvent, la question de la concurrence se mêle finalement aux problématiques d'achat. La consommation reste correcte, les lavandiculteurs se trouvent ainsi démunis face à une situation : "On ne peut rien faire ! On nous empêche de parler ensemble de prix, légalement on n'a aucune possibilité de s'accorder. Forcément on ne fait pas le poids."
Il est ainsi plus que temps de discuter de la gravité de la situation. "C'est du jamais vu pour la filière, bien sûr que nous sommes démunis. Ce n'est pas qu'on n'a pas d'interlocuteurs, mais au niveau des services de l'État, nous n'avons pas l'impression qu'ils prennent la mesure de ce qui est en train de se passer. À ce stade, on n'a pas besoin d'un ministre, mais d'un magicien", explique Alain Aubanel. Car les solutions en place ne sauveront ni les exploitations, ni les vies. Il reprend le cas des aides sociales de la MSA, avec des plafonds à 3 000 € : "C'est très bien et mieux que rien, mais quand on en a perdu 600 000 €, c'est quoi ? Cela a payé quelques factures, mais on ne fait que repousser l'échéance."
Si jusqu'ici les faillites n'étaient que des perspectives que personne ne voulait voir, la situation est en train d'arriver. "Dernièrement, nous avons commencé à entendre parler de retraites anticipées. Certains ont mis en vente les exploitations, pourtant un peu diversifiées, alors que les enfants étaient prêts à reprendre. On a même eu un cas en plaine d'un agriculteur qui a repris un poste à l'usine trois jours par semaine, parce qu'il n'y a plus un rond sur l'exploitation", liste le président du Cihef. Du point de vue psychologique, la situation n'est pas meilleure avec des personnes clairement identifiées, envoyées parfois vers les assistantes sociales et avec une Chambre d'agriculture qui a pour consigne de rester vigilante. "Dans les réunions il y a plein de gens qui crient, mais eux ils ont encore de l'énergie. C'est de ceux qui ne disent rien dont il faut s'inquiéter", alerte-t-il.
Il refuse cependant d'estimer la filière sans issue. "Tant qu'il y aura encore des gens, on peut rebondir, mais si cela s'arrête, on ne pourra plus repartir", conclut-il.
3 QUESTIONS à un expert
directeur du Crieppam
Globalement, dire qu'il y a eu des pertes à cause de l'eau n'est pas généralisable. La sécheresse a été bien plus impactante dans certaines zones, mais il faut reconnaître que la situation n'est pas aussi catastrophique qu'elle a pu l'être. Ce qui a eu le plus de conséquences, c'est qu'avec le marché compliqué, le renouvellement des plantations ne se fait plus comme avant, ce qui accentue le vieillissement et la sensibilité des plants.
Le deuxième point noir est la cécidomyie, pour laquelle les producteurs n'ont plus de solution phytosanitaire. Non seulement nous avons une explosion des dégâts depuis cinq ans, mais en plus il y a un effet cumulatif d'une année sur l'autre.
Il y a eu des chenilles, avec des foyers autour de Ferrassières, Saint-Trinit, le plateau de Valensole ou dans le Diois, mais pas avec la même ampleur que l'année passée. On pense qu'en 2023, le vol était arrivé suite aux vents de Sirocco en juin. La présence de cette année serait plutôt liée aux insectes qui ont fait leur cycle sur place car les températures l'ont permis. De plus, nous avions une surveillance accrue qui a mieux fonctionné et a permis d'organiser des rondes de piégeage, mais aussi une identification rapide pour anticiper les récoltes lorsque c'était nécessaire.
Il y a déjà celui de la sélection variétale. On ne va pas faire de miracle, même si on trouve des plantes qui réclament moins d'eau, un végétal en aura toujours besoin pour se développer. Nous avons réussi à créer des nouveaux lavandins à partir de lavandes fine et aspic que l'on peut interféconder. De même, avec la lavande en utilisant des parents connus pour être plus tolérants à la sécheresse. Pour la lavande, les essais se font chez les producteurs avec des parcelles à l'essai. Nous avons aussi distribué des semences à plusieurs producteurs cette année pour qu'ils puissent expérimenter chez eux. Sur un deuxième axe, il y a la mise en œuvre de nouvelles pratiques pour mieux stocker l'eau dans le sol. Par exemple, un projet sur le développement des couverts hivernaux pour créer une biomasse qui va à la fois l'aérer et le structurer. L'objectif est d'améliorer son autofertilité et les premiers résultats sont encourageants. Nous sommes également investis dans de nombreux projets du plan'Parsada', mais nous avons plus de travail que de moyens.
Agriculture biologique
Alors que les marchés ne permettent pas de donner des perspectives aux agriculteurs bio de la région, les attentes sont de plus en plus grandes. Pour Sandrine Faucou, présidente de la commission 'Bio' de la Chambre régionale d'agriculture Paca, il ne faut pas rester les bras croisés.
Cette année l'Agence Bio organise le Bio Tour afin d'aller à la rencontre des consommateurs qui se posent des questions sur la Bio. Le bus s'est notamment arrêté deux fois en Occitanie, comme ici, place du Nombre d'Or à Montpellier.
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Med'agri, oui, mais pas sans l'agriculture biologique ! Sandrine Faucou, présidente de la commission 'Bio' de la Chambre régionale d'agriculture Paca veille au grain. "Depuis le début, Tech&Bio est imbriqué dans Med'agri, offrant au salon une attractivité et un rayonnement, certes, mais aussi des réponses aux questions que les agriculteurs se posent même en conventionnel", reprend-elle. Dans une région où le changement climatique s'avère être "frontal", la recherche d'outils, solutions et possibilités est permanente.
Sur ce point, l'agriculture méditerranéenne est donc déjà plus que résiliante, explique-t-elle. D'autant que la bio continue à gagner du terrain. En 2023 en Paca, c'était 34,7 % des surfaces, plus de 217 000 hectares, quelques 5361 fermes soit 29,8 % des structures de la région engagées en bio.
"Nous avons entrepris tout un travail d'externalisation des connaissances de l'agriculture biologique. A ce jour, il est essentiel d'expliquer les conséquences des choix de ce mode de production, mais surtout de montrer factuellement l'impact de l'agriculture biologique", insiste-t-elle.
Alors que les agriculteurs s'enfoncent dans un certain marasme, particulièrement depuis les fortes inflations qui ont suivi le début de la guerre en Ukraine, l'agriculture biologique est à la peine. "Continuer de se convertir ? Agronomiquement parlant c'est possible. Le problème vient plutôt du marché qui fait qu'on manque de perspectives. Depuis mai jusqu'à maintenant, il y a eu de la grêle, des problèmes sanitaires comme la FCO en élevage, de la sécheresse...", énumère Sandrine Faucou. Selon la présidente de la commission 'Bio', l'ensemble de ces éléments bloquent les projections vers la prochaine campagne. "Je n'avais jamais eu ce regard de ma vie. Les précédentes années n'étaient déjà pas bonnes, mais alors là, personne ne sait ce qui va nous tomber sur le coin de la figure. Les trésoreries sont déjà siphonnées par l'effet ciseau, et pour le coup, c'est valable que l'on soit bio ou non", souffle l'agricultrice.
Jusqu'ici, la bio de la région surnage et essaie de se donner du corps, notamment en faisant se rencontrer les différents acteurs.
"Au niveau national, il y a eu un travail sur plan pour la bio en trois axes : la communication d'une part, la conversion, l'économie et la chaîne de valeur d'autre part, et enfin la recherche et l'innovation. Ce projet porté par feu gouvernement a donné un cadre national pour que chaque région puisse décliner son propre plan", souligne-t-elle.
Alors tant pis si le gouvernement a tardé, en Paca, cet été, le travail s'est fait "en freelance", plaisante-t-elle. Puis de reprendre : "En ce moment nous sommes un peu à marche forcée. Ce que je voulais c'était qu'on puisse se rencontrer pour partager le constat qu'il ne faut perdre ni en capacité de production, ni du point de vue économique pour la région". Alors amont et aval se sont rencontré en juillet1. Première pierre à l'édifice pour cette déclinaison régionale du Plan Ambition Bio 2027, ce qui est ressorti de cette journée sera présenté lors du salon Med'Agri.
Quant au Plan Agriculture Méditerranéenne, s'il est pour le moment difficile de le voir comme une réponse pour les exploitations bio, aucun doute qu'elles auront toute leur place dans sa construction. "Quand on sait que près de 30 % des exploitations de notre région sont en bio, évidemment qu'il y a quelque chose à faire. La bio est le système le plus abouti puisque de la terre à l'assiette, il met en œuvre les solutions les plus respectueuses avec moins d'intrants. Nous avons expérimenté des choses qui peuvent servir à l'ensemble des agriculteurs. À l'heure actuelle, tout prouve que la bio n'est pas une lubie, mais bien une nécessité qui fait loi", développe Sandrine Faucou.
Si les acteurs régionaux de la bio se sont rencontrés, pas question de mettre la charrue avant les bœufs, il faut d'abord valider les orientations avant de mettre en place de nouvelles idées. En revanche, l'Agence Bio, dont l'agricultrice est administratrice, n'a pas attendu pour décupler son travail de communication. C'est par exemple le cas au niveau de la restauration collective. Pour "mettre du bio partout où il n'y en avait pas", il a été question de faire rentrer les produits dans les formations de cuisinier, ou encore d'initier les chefs à de nouvelles méthodes de travail de l'alimentation. "L'idée est de favoriser les interactions et de s'appuyer sur des chefs ambassadeurs pour montrer que travailler des produits bio, c'est possible, facile, et pas plus cher", explique Sandrine Faucou. Sur ce point, il faut encore accentuer le référencement pour rendre la bio plus accessible. "Il faut informer et faire évoluer les mentalités autant que les pratiques."
Le travail s'effectue également auprès du consommateurs. Grâce à des financements Ecophyto, l'Agence Bio a pu organiser cette année le Bio tour. Sur le modèle du bus de l'Aventure du vivant, un bus s'est déplacé lors d'un tournée à la rencontre des citoyens qui pouvaient s'interroger sur l'agriculture biologique. "Ce sont les producteurs et les acteurs du bio qui doivent aller à la rencontre du consommateur. Il faut recréer du lien", martèle l'agricultrice. Bien accueillie par le grand public, l'initiative a également permis aux élus des territoires visités de prendre connaissance de la présence d'exploitations et structures bio sur leur terrain. Mission rapprochement réussie donc.
viticulture
Quel est le réel niveau de toxicité au cuivre dans les sols viticoles ? La question taraude un certain nombre de professionnels, au point que la commission viticole bio nationale IFV-Itab a organisé un travail sur le sujet. Les premiers résultats présentés n'ont pas manqué de soulever de nouvelles questions.
Utilisé depuis des décennies, le cuivre est un métal difficile à extraire des sols. Pour autant, la recherche travaille pour identifier des solutions permettant de retirer des sols le métal accumulé.
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"Globalement, en France, on a entre 10 et 500 mg de cuivre par kilo de sol sec, avec une moyenne autour de 90 mg", informe Jean-Yves Cornu, chargé de recherches Inrae sur la biogéochimie des métaux traces en contexte agricole. Second point : l'accumulation de cuivre dans les sols varie en fonction du nombre d'années d'usage du fongicide, avec un gradient observé sur les parcelles historique, comprenez qui accueillaient déjà de la vigne avant l'utilisation des fongicides de synthèse "car, à l'époque, le cuivre était apporté à des doses qui n'ont rien à voir avec ce qui est autorisé aujourd'hui".
Mais entre la dose présente, avec des contaminations avérées de manière parfois très ciblées dans les horizons superficiels des sols, et l'effective phytotoxicité, il y a un pas : "La question centrale est de savoir si cette contamination est effectivement toxique pour le végétal, le vigneron et l'environnement. Et quand on fouille un peu, les discours scientifiques ne sont pas les mêmes, et les sons de cloche diffèrent", poursuit le chercheur. En effet, les démonstrations de toxicité cuprique à la parcelle sont "relativement rares".
Toutefois, la science a montré qu'à fortes doses, le cuivre perturbait le fonctionnement enzymatique des organismes et générait un stress oxydant fort, entraînant alors un problème racinaire et l'apparition de chlorose. Hormis cela, la démonstration du lien entre cuivre et phytotoxicité est compliquée à faire, et ce, pour plusieurs raisons.
La première est que les données manquent et sont peu précises, avec des travaux en laboratoire effectués à des doses élevées, que l'on ne retrouve pas forcément à ces niveaux dans la nature. Par ailleurs, le sol lui-même est une limite, car non homogène : dans les expérimentations, on a des sols trop fraîchement 'spikés', "comprenez que la plupart des résultats sont faits avec des ajouts de cuivre en une seule fois. Or, ce qui nous intéresse, c'est l'accumulation au fil des ans, sur plusieurs décennies, car les organismes ne réagissent pas dans le même laps de temps". Conséquence ? Ce flou sur l'écotoxicologie du cuivre génère donc "un besoin urgent d'acquérir des données sur les conséquences des apports à faibles doses, avec un historique d'apports sur plusieurs décennies, pour véritablement éclairer le débat", lance le chercheur.
Deuxième raison, l'écotoxicité du cuivre n'est pas directement liée au taux de cuivre total, mais à sa biodisponibilité immédiate, variable selon les caractéristiques physico-chimiques du sol. "Il faut donc s'intéresser à la disponibilité de ce métal dans le sol." Or, celle-ci varie en fonction du pH et de la nature des constituants de phase solide du sol. Ainsi, les sols neutres ou alcalins sont-ils plus favorables pour fixer le cuivre. En effet, ce métal doit être non complexé pour être bio-toxique. "Donc un chaulage - qui permet de maintenir le pH entre 6 et 7,5 - va favoriser la sorption du cuivre par la phase solide du sol, ainsi que la complexation du cuivre par la matière organique dissoute. L'apport de matière organique est donc aussi un moyen de réduire cette toxicité."
Cas particulier : les sols calcaires à pH élevé. A priori, on ne devrait pas observer d'écotoxicologie. Pour autant, "cette dernière s'exprime de manière très forte". L'excès de cuivre vient en effet induire une carence par déficience en fer sur certaines cultures en sol calcaire, en perturbant les processus d'acquisition de fer (notamment sur graminées) et en déséquilibrant les interactions cuivre-fer dans les plantes. Ainsi, via le volet matière organique, les engrais verts permettent donc d'agir sur la phytotoxicité du cuivre, de même - et à une autre échelle - que les variétés résistantes/tolérantes, au mildiou notamment.
Pour préciser la toxicité du cuivre effective, il faut donc déjà connaître son sol. Les analyses permettent de quantifier les doses de cuivre, notamment via la teneur totale, les données Cu EDTA, CaCl2 ou bien encore le ratio Cu EDTA/MO, "ce dernier étant sans doute le plus fin, mais il n'est pas forcément utilisé par les laboratoires".
Développer d'autres indicateurs pourrait donc être intéressant, "des indicateurs basés sur l'assimilation potentielle du cuivre et plus intégratifs, comme le DGT, utilisé en recherche mais pas sur le terrain", précise Jean-Yves Cornu.
Enfin, une dernière piste évoquée est celle des phyto-technologies permettant d'abaisser la charge en cuivre sur les premiers horizons du sol, via des plantes de service.
Pour travailler le sujet, plusieurs projets de recherche ont été lancés ces dernières années (voir encadrés) : 'Vitalicuivre' (lire ci-contre) pour réduire la teneur en cuivre des sols viticoles et développer une filière de valorisation du cuivre ; 'Extracuivre' (lire encadré), un projet visant à tester et optimiser le potentiel de phyto-extraction du cuivre en contexte viticole ; et enfin 'Revivifi', qui vise à réduire l'utilisation et les effets du cuivre dans la filière vitivinicole.
"Sur ce dernier projet, qui débute tout juste, nous cherchons à mobiliser le cuivre via des matériaux possédant des propriétés de sorption en vue de créer un biochar, avec de la biomasse viticole comme les sarments, les marcs..., pour une utilisation en amendement agricole ou comme huile comme antifongique." Pour rappel, un biochar est un produit proche du charbon, carboné, de différentes origines et obtenu par pyrolyse en absence d'oxygène. Il est composé en majorité de carbone et présente des caractéristiques agronomiques intéressantes : augmentation de la croissance des plantes, restructuration du sol, amélioration de la rétention en eau, du pH des sols acides, aide au développement de la microflore et de l'activité biologique, réduction du lessivage des nutriments...
"L'objectif est d'immobiliser le cuivre dans le sol. Cet essai est mené en partenariat avec la Société Florentaise en charge de la pyrolyse. Premières étapes : identifier les sols potentiellement intéressants, puis caractériser les sols en termes biochimiques et de biomasse, pour ensuite caractériser les biochars."
recherche
Le projet 'Vitalicuivre' cherche à évaluer s'il est possible d'extraire le cuivre présent dans les sols viticoles, via des plantes capables de réduire la charge en cuivre, puis de les recycler à des fins d'alimentation animale.
Dans l'état des connaissances actuelles, il n'y a pas d'alternative efficace au cuivre pour lutter contre le mildiou de la vigne en agriculture biologique.
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Un cercle vertueux... Et s'il était possible d'extraire le cuivre apporté en protection fongique sur la vigne, au travers de plantes de service, et de le valoriser ensuite dans l'alimentation animale ? Utopique ? Pas tant que cela, puisque des scientifiques ligériens se penchent actuellement sur la question.
"Nous avons commencé par identifier des sols viticoles propices à la phyto-extraction", explique Thierry Lebeau, professeur à la Faculté des sciences et des techniques de Nantes Université. Pour cela, les chercheurs se sont appuyés sur la relation simple existant entre le cuivre total et le cuivre phyto-acces- sible (via l'analyse DTPA). Trois secteurs viticoles distincts ont été observés : un sol de schiste, un sol de micaschiste et un sol calcaire. "Nous avons observé une très forte variabilité d'un secteur à l'autre, avec des teneurs variant de 182 à 417 mg/kg, ainsi qu'une forte hétérogénéité au sein même des parcelles", détaille-t-il. Entre 54 et 78 % des parcelles dépassent toutefois 70 mg/kg.
Cette relation entre cuivre total/cuivre mesure DTPA confirmée, les chercheurs ont ensuite établi une carte présentant les concentrations des sols viticoles en cuivre DTPA à partir de mesures de fluorescence de terrain. La seconde phase du projet a consisté à présélectionner les plantes permettant la phyto-extraction : cinq plantes cultivables dans l'inter-rang et deux autres pour les friches (chanvre et tournesol) ont ainsi été sélectionnées.
"La chicorée présente un intérêt, car elle peut être récoltée intégralement (racine et feuille), en plus de présenter, avec le sarrasin, des taux d'extraction de cuivre élevé, ces taux étant plus faibles avec la moutarde et l'avoine."
Les premiers résultats sont prometteurs, puisqu'ils ont abouti à une carte avec des mesures réalisables facilement sur le terrain. "Nous voulons consolider le modèle avec d'autres terroirs."
Toutefois actuellement, la quantité de cuivre extraite par hectare avec la chicorée reste faible (100 g/ha sur la campagne 2023, ndlr), une dose à mettre au regard des doses maximales autorisées aujourd'hui (4 kg/ha/an, lissé sur 7 ans). "Nous avons réussi à exporter l'équivalent de 1,2 % par an."
Désormais, les chercheurs se penchent sur les moyens d'améliorer l'itinéraire technique de la chicorée via la fertilisation, afin d'augmenter les rendements de biomasse et viser un objectif de 10 tonnes MS/ha, soit l'équivalent de 200 mg Cu/kg de MS (matière sèche). Cela permettrait en effet de compenser l'apport réel observé en cuivre, portant ainsi le rendement de l'extraction de cuivre à 2 kg/ha/an. Dans l'essai, les données obtenues avec la chicorée étaient comprises entre 0,5 et 2,2 t MS plante entière/ha, alors qu'en grandes cultures, la biomasse peut atteindre 15 t MS/ha.
La deuxième piste d'amélioration est de trouver d'autres plantes, plus accumulatrices. "Nous regardons aussi comment incorporer de la chicorée enrichie en cuivre dans l'alimentation animale, à destination des truies et porcs charcutier. Pour les bovins, il nous faudra encore faire des simulations."
Enfin, les chercheurs veulent réaliser l'étude de l'analyse du cycle de vie complète, pour confirmer si oui ou non, il est pertinent de développer une filière dédiée de phytoextraction par la chicorée, au bénéfice des vignerons, des éleveurs et de l'environnement.
blÉ dur
Avec des rendements "exceptionnels" observés cette année dans le Sud-Est, comparativement aux autres bassins de production français, la région a des atouts à faire valoir cette campagne 2024-2025, sur un échiquier mondial où la Turquie challenge le Canada depuis deux ans.
Le point majeur à relever concernant le commerce mondial du blé dur est la montée en puissance de la Turquie, pour la seconde année consécutive.
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On le pressent depuis plusieurs années, avec la baisse des assolements en blé dur dans le Sud-Est, mais la question est aujourd'hui brûlante : la filière est-elle à son point de bascule ? Sur l'échiquier mondial, les forces en présence bougent leur pied sur pression du changement climatique qui, forcément, impacte l'agronomie et la qualité des moissons, et des choix stratégiques économiques faits par les céréaliers selon les cours du blé observés. Mais en juillet, Arvalis-Institut du végétal notait "un marché blé dur mieux équilibré, grâce à un redressement de la production mondiale".
Pour la première fois depuis six ans, la production mondiale, évaluée à 36 millions de tonnes (Mt) dépasse la consommation. Un effet croisé dû à une augmentation à la fois des surfaces et des rendements - notamment au Canada et en Turquie -, mais aussi aux rendements constatés aux USA et en Algérie. À l'inverse, d'autre pays marquent le pas, comme le Maroc, où la prévision de récolte 2024-2025 est très faible, à 0,7 Mt (contre 1,5 Mt sur la moyenne à dix ans). "Le souci, c'est que c'est la 3e fois en six ans", notait en juillet Clémentine Bourgeois, ingénieure technique régionale de l'institut.
Au niveau européen, la moisson a atteint 7,1 Mt (contre 8 Mt sur la moyenne à 10 ans), confirmant ainsi le trend baissier observé ces dernières années. En cause ? La mauvaise récolte italienne couplée à une baisse des surfaces, une situation comparable au niveau français, même si le Sud a lui signé sa meilleure récolte l'été dernier de la décennie. À l'inverse, l'Espagne est en net redressement par rapport à l'an dernier.
Le point majeur à noter des scenarii de ces dernières années est la montée en puissance de la Turquie, pour la seconde année consécutive. Avec le Canada, les deux pays producteurs pourraient représenter 70 % des exports mondiaux sur 2024-2025, le Canada revenant en force, après une "petite" année 2023-2024.
Ces échanges mondiaux devraient rester sur des niveaux élevés, autour de 9 Mt, équivalents à 2023. "Il va falloir surveiller la politique 'export' de la Turquie, en particulier l'efficacité des prix planchers, d'autant que la Turquie arrive plus précocement sur les marchés que le Canada. Par ailleurs, il faut bien avoir conscience que la Turquie se positionne désormais comme premier concurrent du Canada, qu'elle a l'opportunité d'arriver avant lui sur les marchés, et qu'elle joue un rôle politique majeur, en tant que plaque tournante du blé russe. Sans présumer de la suite, il n'y a pas de raison que ce que nous observons depuis deux ans change en termes de stratégie à l'export du pays, sauf accident climatique", pointait Clémentine Bourgeois.
Autre interrogation majeure liée cette fois au contexte géopolitique : les conséquences des droits de douane européens sur le blé dur russe et la production ukrainienne.
Seule certitude : compte tenu des rendements constatés en Italie, Maroc et Algérie, les trois pays devraient avoir recours, de façon notable, aux importations, attendues en hausse. Dans ce contexte, le Sud a un atout à jouer, avec des volumes et une qualité remarquables cette année.
Dans ce contexte singulier, il est donc primordial de connaître et d'anticiper son prix d'intérêt - c'est-à-dire son coût de production moins les aides - pour mieux se positionner sur un marché que tous les opérateurs attendent volatil.
Pour rappel également, la prévision du prix moyen 2024 est sujette à variation, en fonction du volume et de la qualité de la récolte française, du volume et de la qualité de la récolte turque et de la stratégie exportatrice mise en place, du volume et de la qualité de la récolte canadienne, de l'évolution des cours du blé tendre, sans oublier l'évolution de la parité euro-dollar.
Compte tenu de tous ces éléments, l'Observatoire national des prix Arvalis et de Prévisions Stratégie grains tablait, en juillet dernier, sur une prévision de prix moyen 2024 située entre 270 et 280 €/t. En janvier 2024, ce prix était de 320 €/t, et de 340 €/t en 2023, tandis que la moyenne 2009-2019 était, elle, à 223 €/t.
viticulture
Maintenir le niveau qualitatif des vins rhodaniens dans les conditions de production actuelles, bousculées par le changement climatique, n'est pas simple. Depuis 25 ans, des dérives sur les profils des vins rhodaniens sont observées : augmentation du degré alcoolique dans les raisins, pertes d'acidité, gestion de la verdeur, de l'astringence ou de qualité des tanins. Heureusement, au vignoble, des leviers d'atténuation permettent de limiter ces effets.
Les vignerons s'inquiètent aujourd'hui de savoir comment produire un rouge facile à boire ? Comment repenser un haut de gamme au-delà du critère de concentration ? Comment tirer parti d'un aléa de production (canicule, sécheresse, pluies importantes...) pour réaliser un profil de vin différent et plus avantageux que l'objectif initialement prévu, et répondre ainsi aux attentes des consommateurs en quête de rouges plus légers.
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Depuis plusieurs années maintenant, vignerons, œnologues et amateurs avertis observent une évolution sur le taux d'alcool et l'acidité des vins. Le fait du changement climatique et des pratiques agricoles, "mais cela est aussi à mettre sur le compte des évolutions technologiques de nos raisins," note Tristan Perchoc, consultant des services viticoles au sein du Groupe ICV.
"Autrefois, la trame tanique était typique et connue pour notre région, avec un côtes-du-rhône type 'bistrot' qui présentait une forme de buvabilité et une matière reconnaissable en bouche, que l'on a aujourd'hui du mal à avoir en termes de trame et de tenue." Ces différences sont aussi observées dans les analyses œnologiques et globalement subies par la filière.
Pour identifier plus finement les origines de cette transformation, l'Institut coopératif du vin (ICV) a mis le doigt sur des points d'explication. Le premier est lié à l'augmentation des cumuls de températures plus importants, "qui jouent sur deux phases de la vigne, d'une part, quand elle forme son raisin, avec une croissance plus rapide qui provoque une réduction de la taille des baies" ; d'autre part, lors de la phase de maturation : les baies, plus petites donc, ont aussi moins de jus et se déshydratent donc plus rapidement. "Résultat : des baies moins riches, qui chargent moins bien et sont plus sensibles aux aléas." Sur ces évolutions de degré alcoolique, l'ICV a mis en place une plateforme d'essais sur des vignes en production disposant d'un historique des données agronomiques, pour voir comment réduire ces impacts négatifs en agissant sur la conduite de la vigne. "L'idée est ici d'identifier les leviers d'action au vignoble pour limiter la déshydratation, jouer sur la surface foliaire, sur le volume intrinsèque des baies et, in fine, sur la quantité de raisin récoltée."
La première action vise à jouer sur le ratio quantité de raisin/quantité de feuilles pour charger lesdits raisins. "Là, on pense forcément au palissage, à l'architecture de la vigne." En effet, en diminuant la hauteur foliaire de moitié à la véraison, on peut gagner de 0,5 à 1°C. L'abaissement de la hauteur permet de réduire la photosynthèse, donc d'abaisser le taux de sucre et le degré final alcool. Toute la finesse sera de ne pas trop enlever de feuilles, afin de ne pas pénaliser la mise en réserve l'année suivante. "Donc si on réduit la surface foliaire, il faut venir compenser en fertilisant, avec un complément sur la fin de saison, ce qui, en soi, est totalement nouveau pour la région." Tabler sur une fertilisation de 5 à 8 unités d'azote, appliquée après la vendange, en octobre-novembre, sur un feuillage encore actif, avec un engrais foliaire à fertilisation rapide. "Ce n'est pas tellement une modification de fond de l'itinéraire technique, mais c'est un coût supplémentaire et un changement d'habitude à prendre", reconnaît Tristan Perchoc.
Le deuxième levier est de travailler sur les étapes de la déshydratation de la baie pendant la phase de maturation. Pour cela, deux approches sont possibles.
Tout d'abord, retarder le niveau de maturité des raisins pour viser un optimum atteint après la 2e quinzaine d'août. Donc tailler plus tard, entretenir la croissance de la vigne par des rognages répétés avant l'arrêt de croissance pour gagner du temps par la suite, agir sur les contraintes hydriques, piloter le bilan hydrique au plus près des besoins de la vigne, "en particulier sur tout ce qui a trait aux causes de déshydratation, comme l'ombrage par exemple". Mais sur une parcelle déjà en stress, ce pilotage devra être de la dentelle : "Sur ces parcelles, il faudra se poser la question des objectifs de production, avec des suivis de maturité pour détecter rapidement le moment où la baie commence à se déshydrater. Avant, on regardait l'évolution du degré alcoolique. Or, en sec, on observe une augmentation forte de la concentration en sucre, liée à la déshydratation. Dans ce cas précis, l'idée est d'abord d'identifier les parcelles qui décrochent très tôt, pour changer la destination des raisins : plutôt vers des rosés ou blancs que des rouges concentrés et épicés, pour tendre vers des profils rouges où l'on cherche le fruit et la buvabilité". On réalise une macération très courte pour atteindre une intensité fruitée "sans forcer l'extraction tanique. Cela permet de ramener à 12-13°, avec une fermentation à froid, puis passer les jus quelques jours en cuve pour aller chercher le fruité et la couleur, mais sans l'astringence ou le végétal".
Seconde approche : mettre en place les opérations en cave permettant de travailler la fraîcheur du vin et l'évolution de l'acidité. "Actuellement, on a des pertes assez fortes à l'origine de vins lourds, amples, très gras. Dans la majorité des cas, c'est dû à la dégradation d'acides produits par la vigne et sensibles à la chaleur." Pour les sauvegarder, il faut préserver dans les vignes un climat plus frais : haie, couverture du sol, hauteur d'établissement des pieds, changement des pratiques d'ébourgeonnage... "Mine de rien, faire cela permet de maintenir jusqu'à 30 % de l'acidité totale."
Autre moyen d'agir sur cette acidité : "La vigne a besoin de potasse pour fonctionner." La difficulté est que cette potasse se combine en vinification avec l'acide de la vigne, entraînant sa perte sous forme de sels au fond des cuves. Il faut donc utiliser moins de potasse pour préserver l'acidité, et le premier levier est donc de réduire les apports d'environ deux tiers de ce qui était apporté avant à la vigne. "Ce qui tombe quelque part bien, car les sols sont souvent déjà chargés et l'évolution du régime des pluies rend son assimilation souvent compliquée."
Attention à apporter par ailleurs cette potasse plutôt en fertilisation foliaire plutôt qu'en application au sol, y compris en période sèche, pour ne pas avoir de blocage physiologique de la vigne.
Pour viser la bonne période d'apport, des outils existent, tels que l'analyse pétiolaire, qui permet de voir d'une année sur l'autre les besoins à l'instant 'T'. Cet apport peut se faire à la floraison ou à la véraison, quand les raisins commencent à se charger en sucre. "Ce qui est important, c'est surtout d'établir un référentiel sur une parcelle, toujours la même, pour voir l'évolution des tendances, et la réaction du végétal au millésime."
L'ICV a également réalisé des essais de pulvérisation foliaire à l'aide de barrière minérale (argile blanche) sur feuillage, pour réguler une partie des rayonnements solaires. "On peut le faire durant le dernier tour de protection cuivre par exemple", précise le spécialiste de l'institut coopératif. Intéressant, car cette pratique permet de gagner entre 6°C et 7°C sur la température du végétal. "La pratique est déjà vulgarisée en Grèce ou en Espagne. L'argile calcinée est sans doute à intégrer dans nos itinéraires techniques, en faisant toutefois attention à ne pas prendre de produit à effet basique, pour ne pas perdre une partie de l'acidité de nos raisins."
Au vignoble toujours, un dernier levier peut être activé : prédire le potentiel de maturité et surtout son type. "Il faut comprendre si le raisin va faire des rouges puissants, haut de gamme ou pas." Pour cela, on peut s'appuyer sur deux indices en particulier. Tout d'abord, l'indice de Glories, "qui permet de voir la maturité phénolique du raisin et à quelle vitesse il va charger en anthocyanes". Ensuite, la mesure de réactivité des tanins présente aussi deux intérêts : elle indique d'une part quand récolter et quel type d'extraction on peut faire.
"Si les tanins sont réactifs, il faudra alors être très précautionneux dans la vinification et aller chercher des extractions très douces, comme en Bourgogne, avec des durées de macération courtes, pour sortir moins de tanins réactifs. D'autre part, cette mesure de réactivité permet d'identifier les raisins capables d'avoir une macération plus poussée pour segmenter les vins haut de gamme", conclut Tristan Perchoc.
Oléiculture
Le Gaec du Piechal, à Châteauneuf-Grasse dans les Alpes-Maritimes, a mené une réflexion dédiée à l'irrigation sur des parcelles oléicoles, suite à différentes phases d'agrandissement et de dé-densification.
Dès le printemps 2023, des irrigations précoces ont été mises en place et suivies à l'aide de sondes tensiométriques.
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Annette et Erwann Le Negrate, qui se sont installés en 2010, ont fait "le pari fou de vivre de l'olivier". Après un important travail de remise en état de quelques vieilles parcelles d'oliviers à l'abandon, le couple a planté environ 1 200 oliviers sur des parcelles "qui en hébergeaient il y a plus de 50 ans". La production oléicole peut bénéficier des Appellations d'origine protégée 'Huile d'olive de Nice' et 'Olives et pâte d'olive de Nice'. Converti en agriculture biologique en 2019, le couple s'était doté - dès 2016 - d'un atelier de transformation. Aujourd'hui, l'entreprise exploite "environ 15 hectares d'oliviers", dont une parcelle de 5,20 ha qui a servi de support à un essai irrigation, mené en partenariat avec le Criiam Sud, et présenté en avril dernier.
Sur cette parcelle plantée en sol argilo-calcaire profond non mécanisable (40 % d'argile et 3,5 % de matière organique), la problématique de l'érosion est importante, notamment en cas de pluies importantes du fait d'une parcelle en forte pente, et ce, "même si l'olivier est reconnu pour s'appuyer à la fois sur des racines superficielles et en profondeur", explique Maude Diamiens, conseillère oléicole à la Chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes.
Dans la réflexion menée sur l'irrigation, le couple a également souhaité intégrer la problématique des maladies du feuillage, en raison d'une pression mouche importante durant environ la moitié de l'année, "très fortement liée aux conditions d'humidité de la parcelle". Comme l'explique leur conseillère, "ils ont cherché un compromis entre des objectifs divergents, entre une récolte mécanique qui se tient entre fin octobre et mars, la recherche d'une maturité optimale en réponse au cahier des charges de l'AOC Huile de Nice, une conduite sous filet pour lutter contre la mouche, sans oublier la présence notable des sangliers dans la zone". Pour y répondre, ils ont mis en place une gestion différenciée de l'irrigation sur l'année, en fonction des saisons et des contraintes précitées. Ainsi, en période de stress hydrique, l'objectif est de limiter l'évapotranspiration et la concurrence hydrique avec de l'enherbement, en place une bonne partie de l'année. "En 2022, le climat, très sec, a eu un impact sur l'oliveraie. Nous avons donc décidé de modifier les pratiques, avec la mise en place d'un arrosage journalier en petite quantité, afin de relancer la vigueur des arbres. Par ailleurs, l'olivier produisant sur bois de deux ans, il fallait laisser pousser les branches", résume Maude Diamiens.
Du 15 janvier au 10 mars, l'évapotranspiration moyenne a été de 0,75 mm/j. Mais à partir de février, les humidités ont baissé sur tous les horizons jusqu'à 55 cm, l'horizon 65 cm étant sollicité par les racines à partir de début mars 2023. "Dans notre réflexion, l'important était d'assurer un confort hydrique au végétal sur la période critique de mars à juin, afin de ne pas pénaliser l'état de vigueur et la photosynthèse des oliviers ; et de garantir d'une production optimale, en particulier dans le contexte parcellaire de perte de feuilles importantes en raison des maladies du feuillage." Des irrigations précoces ont donc pu être mises en place dès 2023 (lire encadré).
Cette augmentation de l'irrigation au printemps avait pour objectif de compenser l'augmentation de l'évapotranspiration moyenne constatée à partir de la mi-mai, avec un point haut et des apports à 4 mm/j du 22 mai au 6 juin, période d'enclenchement de la phase de multiplication cellulaire et de formation du noyau. "Sur cette période, la ressource en eau reste importante car elle détermine la tenue du fruit, avec en parallèle une pression de la mouche de l'olive qui va crescendo et sera présente a minima six mois. Or, les oliveraies irriguées sont plus attractives pour le ravageur que les oliveraies en sec, en raison de la turgescence des fruits." "Sur des parcelles en pente, il n'est pas toujours aisé de savoir vraiment où tombe l'eau", reconnaît Simon Cordier. "Nous avons donc installé les sondes pas trop loin du point de chute de l'irrigation. Cette première année de suivi de maturité montre qu'il faut créer un état hydrique idéalement de confort au printemps, car nous voyons que la stratégie d'apport espacé sur un sol argileux comme celui-ci ne fonctionne pas : il faut démarrer tôt les irrigations, avec de petites quantités", conclut-il.
Emploi
Ouvrier, technicien ou cadre, le recrutement est de plus en plus tendu à tous les niveaux dans le secteur agricole. Que faire pour séduire et fidéliser les salariés ? Éléments de réponse avec l'Apecita et Sprint RH.
Dès le recrutement, il est recommandé d'offrir des perspectives d'évolution qui vont contribuer à fidéliser les salariés. D'autant plus qu'avec la raréfaction des profils, candidats ou salariés déjà en poste n'hésitent pas à aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs.
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Toutes les filières agricoles rencontrent d'importantes difficultés de recrutement, sur les besoins saisonniers, mais aussi les postes de permanents. "Quand un exploitant vient nous trouver pour l'aider à recruter sur un CDI, cela fait bien souvent plus d'un an qu'il est en recherche", indique Sandra Torres, directrice de Sprint RH, cabinet de recrutement et de stratégie en ressources humaines, basé dans le Var. Il est à l'origine du groupement d'employeurs spécialisé AgriSud Emploi. "Et sur la partie saisonnière, ces trois dernières années, on a vu de plus en plus de viticulteurs ne recevant aucune candidature, ni pour les vendanges, ni pour l'ébourgeonnage", poursuit-elle. Alors que faire pour attirer les candidats ? Quelles sont leurs attentes ?
La rémunération reste un critère décisif dans le choix d'un poste. "Les employeurs en sont conscients. Même pour une saison de vendanges, les salaires sont généralement au-dessus du Smic. Et sur des postes techniques, les rémunérations peuvent être très confortables", observe Sandra Torres. "Il y a besoin d'une adéquation entre la rémunération et l'investissement en temps, en énergie et en responsabilité du salarié. C'est un signe de reconnaissance de ses qualités et de son engagement ", complète Élisa Ratinet, conseillère en ressources humaines de l'Apecita, association pour l'emploi des cadres, des ingénieurs et techniciens de l'agriculture. La paye n'est toutefois pas le seul facteur à considérer, loin de là. La qualité de vie au travail et la qualité de vie personnelle sont aussi à prendre en compte.
À ce titre, la question de la mobilité s'avère cruciale. "Malheureusement, en milieu rural, les possibilités de transport en commun sont limitées, et on va essayer de placer les candidats au plus près de chez eux. Quand on travaille à côté de chez soi, on perd moins de temps en déplacements, on est dans de meilleures dispositions le matin, et encore en forme pour rentrer à la maison après sa journée de travail. La mobilité implique aussi des frais financiers qu'il ne faut pas négliger. Si l'on vous propose un salaire légèrement au-dessus du Smic, mais que vous en avez pour 200 euros de trajets chaque mois, cela grève votre pouvoir d'achat", éclaire la responsable de Sprint RH.
La 'marque employeur' englobant l'identité et les pratiques de l'entreprise est aussi à réfléchir. "L'adéquation entre les valeurs de l'employeur et celles du salarié est importante", introduit Élisa Ratinet. "Les métiers agricoles sont souvent décriés, jugés pénibles. Pourtant, les filières agricoles portent des valeurs fortes. Elles ont des histoires d'hommes et de femmes à raconter, parfois sur plusieurs générations. On y travaille avec le vivant, l'écologie et l'innovation occupent une place particulière. On a vu, avec le Covid, une recrudescence de personnes aller vers l'agriculture, dans un premier temps parce qu'elles refusaient d'être vaccinées ou pour être au grand air, et qui se sont prises d'un véritable intérêt pour le milieu agricole, y trouvant du sens à ce qu'elles font ", développe Sandra Torres.
Côté pratique, les horaires décalés peuvent se révéler être un atout. "Certains aiment commencer tôt et finir tôt, pour consacrer du temps à leur vie de famille, aux loisirs ou à un complément d'activité. Alors, avoir la possibilité d'adapter les horaires, pour laisser le salarié aller chercher ses enfants à l'école, est une bonne chose", explique Sandra Torres. Dans le même esprit, la définition des missions lui semble essentielle. "Il ne faut pas hésiter à bien détailler les postes proposés, pour qu'il y ait une bonne entente sur ce qui est attendu et sécuriser le salarié, qui peut se sentir en difficulté sur telle ou telle tâche, et que l'on peut alors accompagner. Plus on échange, plus on crée un climat de confiance", souligne-t-elle.
Dès le recrutement, il est par ailleurs recommandé d'offrir des perspectives d'évolution qui vont contribuer à fidéliser les salariés.
D'autant plus qu'avec la raréfaction des profils, candidats ou salariés déjà en poste n'hésitent pas à aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs. "Le turn-over est beaucoup plus important que par le passé. Un jeune qui entre actuellement en emploi va changer sept fois d'emploi en moyenne. Et on estime que ce sera 14 fois pour ceux qui naissent aujourd'hui. Il faut objectivement faire le deuil du salarié qui fait toute sa carrière au même endroit. Mais on peut faire en sorte de lui donner envie de rester, en étant à l'écoute de ses besoins, en lui permettant de les exprimer - notamment lors des entretiens individuels réglementaires -, en lui proposant de développer une expertise, de gagner en autonomie, d'évoluer dans ses fonctions et, dès que possible, en faisant évoluer sa rémunération, par une augmentation de salaire, une prime ou un jour de congé supplémentaire", conseille Élisa Ratinet. Avant de relever : "Cela vaut pour les grosses comme pour les petites structures, qui ont aussi des choses intéressantes à proposer : sur de la polyvalence, qui implique une montée en compétences, ou la prise de décision, qui est une forme de reconnaissance."
En clair, "il faut savoir se vendre en tant qu'employeur, communiquer sur ce que l'on fait et comment on le fait, en veillant à ce que le discours soit cohérent avec ce que l'on met en pratique. Il n'y a rien de pire que de vendre du rêve", résume Sandra Torres. "Travailler sa marque employeur permet aussi de mettre en avant des éléments différenciants, de se distinguer", ajoute Élisa Ratinet.
Pour faciliter les recrutements, l'anticipation apparaît comme un élément clé. "Bien sûr, il y a toujours des urgences suite à un abandon de poste ou à un arrêt de travail par exemple. Mais il y a des besoins qui se prévoient sur des projets à venir, des développements ou des activités saisonnières. Il est primordial pour l'employeur de prendre le temps d'identifier les compétences dont il va avoir besoin, de définir le profil vers lequel il souhaite s'orienter, de voir si il peut le trouver en interne ou pas", détaille Élisa Ratinet.
Anticiper, c'est aussi avoir du temps pour trouver la perle rare. Ou pour changer son fusil d'épaule. "On a accompagné récemment un employeur en arboriculture et grandes cultures qui cherchait un gérant, plutôt expérimenté, dans le cadre d'un départ progressif à la retraite. Mais on a surtout reçu des profils juniors. Dans ce cadre précis, l'anticipation a permis de nous adapter et de mettre en place un plan de montée en compétences, en interne, et de formations, en externe ", illustre Élisa Ratinet.
Cette expérience met aussi en évidence la nécessité d'élargir les recherches, aux jeunes les moins expérimentés comme aux salariés d'autres secteurs d'activité, aux compétences transférables à l'agriculture. "Il est judicieux de sortir du schéma qui consiste à chercher seulement des compétences techniques et de ne pas négliger le savoir-être, la personnalité, les expériences diverses et variées. Pour bien faire, il faut aussi élargir les endroits où l'on cherche, penser à travailler sa visibilité sur les forums et les salons, sur les réseaux sociaux, nouer des liens avec des écoles, recevoir des apprentis", précise la conseillère de l'Apecita.
Car la multiplication des canaux de diffusion des offres d'emploi est une chance de multiplier les candidatures. Et quand ces dernières arrivent, mieux vaut être réactif. "Aujourd'hui, avoir ne serait-ce qu'un profil qui coche toutes les cases, c'est rare, quand il y en a deux, c'est du luxe !", lance Élisa Ratinet. "Alors quand cela colle sur le papier, même si on attend d'en voir d'autres, il ne faut pas retarder la prise de contact. Montrer de l'intérêt au candidat lui donne confiance et crée déjà un lien avec l'entreprise. Il est alors plus à même d'entendre que l'employeur a besoin d'un temps de réflexion avant de se décider. De la même façon, on va lui préciser le délai de réponse, qui doit être raisonnable. Il faut d'ailleurs être très clair dès le départ sur le process de recrutement, pour que le candidat soit rassuré et puisse se projeter. C'est important de ne pas le laisser dans l'insécurité pour l'éventuelle relation à venir et pour laisser une bonne image, quoi qu'il advienne. L'humain est essentiel, dans le cadre d'un recrutement comme au quotidien dans le travail", recommande-t-elle.
On le voit bien, recruter réclame des compétences et beaucoup de disponibilités. "Cela demande de concevoir une offre attrayante et adaptée au marché, de la déposer sur les différents 'job boards' [plateforme d'emplois, ndlr], de la faire circuler, de traiter les candidatures, de recevoir et d'évaluer les candidats, de saisir les opportunités type job dating en amont des besoins... C'est du boulot et cela implique des moyens", confirme la dirigeante de Sprint RH.
Il y a tout ce qu'il conviendrait de faire dans l'idéal. Dans les faits, on constate une réelle fracture entre les employeurs qui mettent en place différentes actions en termes de marque employeur, de recrutement et de politique RH d'un côté et, de l'autre, ceux qui n'ont ni le temps, ni les ressources pour en faire autant", note Élisa Ratinet.
Se faire accompagner peut donc aider. "Les employeurs ont le choix de se faire accompagner de façon globale sur la stratégie et la ges- tion RH ou sur les points sur les- quels ils ne sentent pas à l'aise, ou auxquels ils n'ont pas de temps à consacrer. Cela peut aller de la définition des process à l'intégration du salarié, en passant par le sourcing des candidats ou l'entretien", précise Élisa Ratinet.
Avant de conclure : "Le mieux est d'avancer pas à pas, chacun avec ses spécificités, comme sur n'importe quel autre projet. On peut se tromper tant qu'on apprend de ses erreurs. On évolue sans cesse et on s'adapte. Nos métiers en RH évoluent aussi. On ne recrute pas aujourd'hui comme on le faisait il y a cinq ans ou comme on le fera dans cinq ans ."
cerisier
Lancer une variété prend du temps. A minima une dizaine d'années. Lancer un porte-greffe est encore plus long. Alors même si la filière cerise est en grandes difficultés ces dernières années, en raison de la pression de Drosophila suzukii et d'un climat toujours plus contraignant, la mise en place de nouveaux essais sur des porte-greffes pour le cerisier, a de quoi redonner un peu le sourire aux producteurs.
Les résultats démontrent des performances variées en termes de vigueur, d'ancrage, et de qualité de la récolte, suggérant que certains porte-greffes comme Gisela 13 et Gisela 6 surpassent la référence Maxma 14 en rendement. Les 'jeunes' résultats demandent bien évidemment à être confirmés.
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"Nous le savons : une des méthodes de lutte la plus efficace contre suzukii, c'est le filet. Mais cela nécessite de procéder à une reconception des vergers avec des formes en axe plutôt qu'en volume, plus faciles pour positionner les filets. Et là, il faut réussir à dompter la vigueur des porte-greffes, d'où l'apparition au cours de la dernière décennie de porte-greffes moins vigoureux et plus adaptés à ces conduites", expliquait en juillet dernier Aliénor Royer, en présentant les essais porte-greffes cerisier mis en place, à l'occasion de la présentation technique cerise, organisée à Carpentras, le 9 juillet dernier.
Ces essais ne viennent pour autant pas de nulle part, puisqu'en son temps, Gérard Charlot, sur le centre CTIFL de Balandran (30), présentait déjà des résultats sur les Piku et autres PHL-A notamment. "L'objectif est bien de compléter les informations techniques déjà compilées pour accompagner le changement de conduite des vergers. Si l'on a des références dans le Gard sur plusieurs années, l'idée avec ces nouveaux essais est d'engranger de nouvelles connaissances sur le comportement de ces supports de production dans d'autres conditions pédoclimatiques plus variées qu'en station expérimentale, où nous sommes aussi contraints par la surface."
D'autant qu'en station, les porte-greffes ont été mis dans des vergers conduits en gobelet. "L'idée est aussi d'enrichir les connaissances avec les autres formes de conduites."
Dans le Vaucluse, quatre essais sont donc suivis depuis quelque temps : à La Tapy, sur un verger planté en 2019 avec, comme références, Maxma 14, Maxma 60 sur une conduite gobelet ; à Venasque, sur un verger planté en 2020, avec comme référence Maxma 14 et une conduite en gobelet ; et deux vergers à Malaucène et Mormoiron, plantés en 2023, sur Maxma 14, avec des formes palissées, respectivement en palmette et en tri-axe.
"À Malaucène, nous avons notamment une très grande hétérogénéité de sol, et l'on s'attend à observer un gradient de développement des arbres, d'autant que nous avons également des remontées de salinités." À Venasque, les sols sont rustiques, en coteaux et avec une texture argilo-sableuse. À chaque fois, la même variété, à savoir Babelle, "une variété assez tardive donc sensible à suzukii, mais autofertile".
Dans ces sites, tous irrigués, les porte-greffes suivis sont nombreux : Furtos ; Gisela 5, 6, 12, 13 et 17 ; Krysmk 6, Monrepos, PHL-A, Piku 1.
Sur les deux essais les plus anciens à La Tapy, on observe déjà un gradient en termes de vigueur, allant (du plus élevé au plus faible) des deux références Maxma, suivies de Gisela 12 et 13, puis 6 et 17, tandis que Furtos et Krysmk 6 pointent en queue de peloton, avec des "arbres présentant de plus faible développement végétatif. Mais nous avons eu, notamment sur Furtos, une mortalité très importante en première année, qui a obligé à une replantation de l'essai", note Aliénor Royer.
À Venasque, Furlos se comporte mieux, le moins vigoureux étant Gisela 5, tandis que Gisela 6 et Gisela 12 ont des profils intermédiaires.
À Mormoiron, Furtos et PHL-A sont les moins développés, Gisela 6 et Gisela 13 ressortent avec un développement supérieur à la référence Maxma 14, tandis que Gisela 5, 12 et 17, mais aussi Piku 1 et Monrepos ont un développement similaire à la référence.
Enfin, à Malaucène, Krysmk 6, Furtos et PHL-A présentent des vigueurs inférieures à la référence ; Gisela 5, 6, 12 et 17, mais aussi Piku 1, Monrepos ont un développement similaire à la référence. Mais Gisela 13 a une circonférence de tronc supérieure à celle de la référence Maxma 14.
Dans le cadre des observations faites, les équipes expérimentales portent une attention toute particulière à l'ancrage des arbres, "important à bien vérifier dans nos régions venteuses".
Sur ces premières années, aucune corrélation entre rendement et croissance n'a été notée, ni différence de rendement significative pour les porte-greffes, hormis Gisela 6 et Gisela 13, qui ont un rendement supérieur à la référence. En termes de calibre, pas de différences significatives, mais des tendances : Gisela 6 a une classe de calibres entre 26 et 28 mm ; Maxma 14 et Maxma 60, mais aussi Krysmk 6 et Gisela 12 et 13, ont un calibre dominant 28-30 mm, quand Gisela 17 est plutôt entre 30 et 32 mm. Dans la mesure où ce sont les premières années d'observation, les résultats sont pour l'instant intermédiaires et restent bien évidemment à valider sur un pas de temps plus long, "d'autant que Furtos et PHL-A ont été impactés par des épisodes de chaleur en 2021 et 2022, qui vont se faire ressentir sur le long terme", précise Aliénor Royer.
Mieux, des échanges sont également mis en place avec le réseau expérimental de la Vallée du Rhône ou d'autres essais sont également suivis, afin de renforcer tous les résultats obtenus, multiplier les conditions pédoclimatiques, et affiner les conseils qui en découleront.
alliacées
Les producteurs d'alliacées, comme beaucoup d'autres filières légumières, font face à un manque croissant d'outils dans leur palette de solutions disponibles. Plusieurs plans de soutien ont vu le jour ces derniers mois. Et des alternatives sortent du bois.
L'arrivée des plans de soutien, dont le Plan de souveraineté alimentaire fruits et légumes, a d'ores et déjà fait bouger quelques lignes phytosanitaires pour les alliacées.
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Les filières agricoles, à commencer par celle des cultures légumières, travaillent sur la question phytosanitaire, prégnante pour les producteurs. Il faut en effet anticiper le retrait des substances actives au niveau européen et aider au développement de méthodes alternatives efficaces et économiquement viables sur le territoire français. Pour ne pas laisser le producteur sans solution.
Dans ce contexte, différents plans sont en cours - le Plan de souveraineté alimentaire fruits et légumes (PSA F&L), Parsada1, Plan alternatives d'urgence phytosanitaire fruits et légumes (PAUPFL) - et vont faire bouger les lignes sur la situation des substances actuellement autorisées en culture d'alliacée, à savoir poireau, oignon, ail, échalote, oignon de printemps.
La question phyto est d'autant plus importante même si la filière a bénéficié d'une rallonge temporelle : en effet, la révision des autorisations de mise sur le marché a été mise en suspend fin 2023, compte tenu du goulot d'étranglement constaté au niveau de la commission européenne.
Cette dernière a alors décidé de repousser de un à quatre ans le délai de révision des dates d'expiration des substances actives. "Mais des retraits sont quand même attendus", prévenait Carole Halgand, du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, à l'occasion de la rencontre nationale en janvier dernier.
En particulier sur des matières actives que l'on sait d'ores et déjà non conformes par rapport au risque environnemental ou pour les consommateurs, ou bien parce que non soutenues par les firmes phytosanitaires en charge de monter les dossiers d'homologation.
"Il faudra également anticiper l'interdiction des microplastiques en Europe, liée à la loi 2020/105, qui interviendra d'ici 2030", poursuit la spécialiste, faisant référence aux préparations de formulation en suspension de capsule, comme le Centium 36 CS ou le Karaté. "Mais l'on sait que les sociétés travaillent actuellement à des formulations alternatives."
L'arrivée des plans de soutien PSA et Parasada a d'ores et déjà fait bouger quelques lignes, avec notamment l'ouverture de demande d'Autorisation de mise sur le marché (AMM) par extension d'usage mineur d'intérêt général pour l'oignon et le poireau : sur la bactériose (pour les deux cultures), la destruction de germes, la pourriture grise et sclérotiniose et le thrips (oignon) et les mouches (poireau).
"Actuellement, dix substances actives sont autorisées sur alliacées pour un usage désherbage, dont sept sont en processus de renouvellement d'ici 2027. Et parmi ces sept, cinq sont menacées de retrait", pose Carole Halgand.
Dans l'état actuel des informations, la cycloxydime - date d'expiration de la date d'approbation au 31 août 2026 (poireau, oignon, échalote, ail) - est soutenue, mais devrait changer de Limite maximale de résidus (LMR) ; la bentazone (31 août 2025 ; oignon, échalote, ail) est passée en R2 en 2023, et "une demande de fractionnement dans le temps est en discussion" ; le prosulfocarbe (31 janvier 2027 ; oignon, échalote) est "une substance surveillée et il est encore trop tôt pour dire qu'elle sera son statut à l'avenir" ; l'aclonifen (31 octobre 2026 ; oignon, échalote, ail) est classé en C2, avec une suspicion cancérogène. En réponse à cette palette de solutions qui se réduit, la filière a bien évidemment lancé des travaux pour proposer aux producteurs des solutions alternatives.
Ainsi, sur le désherbage chimique, de nouvelles AMM sont attendues (Isard, Fox...). Du côté du désherbage mécanique, le binage est largement déployé aujourd'hui en cultures légumières, mais "des contraintes importantes de désherbage mécanique persistent en alliacées. Des tests de stratégies de désherbage mécaniques sont menés en 2024 sur oignon".
Sur l'optimisation de l'itinéraire cultural, des essais de plantation en motte (poireau) sont mis en place dans le cadre de projets Ecophyto : le projet 'Costraa', qui a débuté cette année, porté par Inrae pour concevoir des outils et de stratégies de gestion systémique des adventices ; le projet 'Merlin', porté par l'Unilet, pour réduire l'utilisation d'herbicides en légumes d'industrie ; le projet 'Optimatae', porté par la FN Cuma, pour optimiser le matériel au service de l'agroécologie, en particulier le désherbage mécanique. Enfin, côté nouvelles technologies, le déploiement de matériel d'application localisée (Ara, Ecorobotix), "largement testé et vendu pour une utilisation sur oignon en 2023 poursuit son déploiement dans les différents bassins de production".
Sur le volet 'fongicides', on sait déjà que la benthiavalicarbe (mildiou), qui a une date d'expiration au 15 novembre 2024, ne sera pas renouvelée. Concernant la pyraclostrobin, on s'achemine a priori vers une restriction d'emploi, quand le diméthomorphe (expiration au 15 février 2025) devrait être classé en R1B. "Pour le cyprodinil [expiration au 15 mars 2025, ndlr], c'est mal engagé, avec une suspicion de perturbation endocrinienne."
Quant au pyrimethanil (15 ma-rs 2025) et au cuivre (31 décembre 2025), les changements portent respectivement sur une augmentation de la LMR ail de 0,01 à 0,03 ppm, tandis que le cuivre est toujours candidat à la substitution - comprenez que la substance active a été identifiée comme présentant certaines propriétés à risque -, avec un renouvellement en 2025.
Après 2025, le difénoconazole (expiration au 15 mars 2026), des changements de conditions d'emploi sont attendus. Pour le tébuconazole (15 août 2026), "soyons francs, c'est mal parti".
Et le fluopicolide (31 août 2026) devrait avoir un classement risque R2, et serait candidat à la substitution.
Pour proposer des solutions aux producteurs sur les fongicides, des alternatives sont en cours. En conventionnel, quatre produits sont en évaluation sur mildiou de l'oignon, ainsi qu'un produit de biocontrôle (sur pourritures grises, sclérotinioses et bactérioses).
Les stations expérimentales travaillent également sur le vinaigre (substance de base) dans différents projets dans le but d'obtenir des dérogations pour une utilisation en production d'échalote et d'oignons bulbilles : 120 + 90 jours : le projet 'Vinaigrette' sur le trempage au vinaigre pour la fusariose de l'échalote ; le projet 'PAUPFL' sur le trempage au vinaigre sur la pourriture blanche de l'ail (Cefel) et le projet 'Fuda', sur le trempage vinaigre et eau chaude contre la fusariose et autres produits alternatifs contre la rouille de l'ail (CTIFL). Sans compter d'autres essais de produits alternatifs seuls ou combinés, et notamment la désinfection vapeur et par anaérobie.
Enfin, sur le volet sensible des insecticides, le spirotétramat (fin d'utilisation au 30 avril 2025) est d'ores et déjà passé à la trappe. "On s'attend à une restriction d'emploi pour la cyperméthrine" (expiration au 31 janvier 2029) quand la deltaméthrine (expiration au 15 août 2026) est en cours de renouvellement. Pour le spinosad (expiration au 15 mars 2025), la filière s'attend à un possible classement en tant que perturbateur endocrinien.
Du côté des alternatives travaillées, des produits sous AMM sont en cours en conventionnel (mouche de l'oignon) et en produit de biocontrôle (thrips).
Et des projets sont lancés : un projet biocontrôle évaluant l'intérêt de lâchers et l'étude dans l'environnement parcellaire ; un second sur l'étude de la cinétique du feuillage réalisé dans plusieurs bassins de production ; et le projet'Biolutt', sur l'étude de la lutte biologique par inondation et conservation con tre le thrips du poireau.
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