C’est peu dire que les relations entre viticulteurs et chasseurs varois sont longtemps restées fraîches, voire glaciales. Les premiers reprochaient aux seconds de ne pas réguler suffisamment les populations de sangliers, qui causaient des dégâts importants dans les vignes. Les seconds dénonçaient (pour leur part) le manque d’efforts des premiers pour se prémunir des incursions dans les rangs de vignes et un montant des indemnisations, dont ils ont la charge, en croissance exponentielle. Autant dire qu’un rapprochement entre ces deux mondes paraissait hautement improbable “quatre ou cinq ans en arrière”, comme le reconnaissent Marc Meissel et Laurent Rougon, respectivement présidents départementaux de la Fédération départementale des chasseurs pour l’un et de celle des caves coopératives pour l’autre.

Faire tomber les tabous

Le rapprochement impensable s’est pourtant produit, avec l’objectif de faire cause commune contre le sanglier, un “problème qui nous concerne tous”, expliquent à l’unisson les deux présidents, dont le siège des fédérations situé à Brignoles, n’est distant que de quelques centaines de mètres… Après cette phase d’approche, les discussions se sont vite traduites par des actions concrètes : “Nous avons “invité” les coopérateurs à passer l’examen du permis de chasse”, détaille Marc Meissel. Une session spéciale a été organisée à cet effet, “dans des conditions identiques à celle de n’importe quel candidat”, précise ce dernier. Une cinquantaine de coopérateurs ont ainsi décroché le précieux sésame, dont Laurent Rougon, président de la Fédération des caves coopératives du Var. “L’initiative a permis de faire tomber les tabous qui existaient”, rappelle ce dernier, qui a débuté en septembre sa première saison de chasse. S’il était courant naguère de chasser en famille dans les territoires ruraux, la tradition s’est peu à peu perdue. L’âge moyen des détenteurs du permis, au sein des différentes sociétés cynégétiques varoises ne cesse dès lors d’augmenter, tandis que leur nombre suit une tendance inverse. L’évolution, loin d’être propre au département, inquiète d’ailleurs l’ensemble des fédérations départementales de chasse au niveau national.

De moins en moins de chasseurs

Pour Marc Meissel, plusieurs raisons expliquent ce désamour des jeunes générations : “le montant du timbre annuel (il sera toutefois revu à la baisse dès 2019), l’évolution sociologique des zones rurales et péri-urbaines avec l’arrivée de citadins, et la diminution du nombre d’agriculteurs”. Conjointement, on assiste à un changement de mode de vie : ”De nombreux jeunes privilégient la vie de famille, et ne sont plus prêts à consacrer un samedi ou un dimanche à la chasse. Cette diminution du nombre d’adhérents (et donc de recettes), couplée au montant des indemnisations aux agriculteurs nous plaçait dans une position intenable. Nous n’aurions pas pu continuer deux ou trois ans de plus”, confessait le président de la Fédération départementale des chasseurs du Var, lors de la présentation du Prix de l’innovation du trophée des “Honneurs de la chasse Laurent-Perrier / Groupama”, dans les locaux de la FDCV. Groupama, représenté par André Daziano, son président départemental pour le Var, s’est pour sa part félicité de l’initiative. “Elle va dans le sens d’une indispensable cohésion du territoire et de ses acteurs”. Le groupe mutualiste, qui opère la jonction entre deux mondes via sa branche assurances, avait, il est vrai, joint le geste à la parole, en incitant les différents acteurs de cette réconciliation à concourir, dès le stade des présélections… Avec le succès que l’on connaît désormais.

Julien Dukmedjian