Bouches-du-Rhône 05/05/2023
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Aubagne

Le modèle de production atypique de la Ferme des Roselières

Installé en maraîchage à Aubagne sur quatre hectares, Franck Sillam défend depuis 2017 un modèle de maraîchage alternatif, entre agroécologie et démarche scientifique.

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© Crédit photo : JD

Contrairement à ce que les mains de Franck Sillam pourraient laisser penser, le propriétaire de la Ferme des Roselières n'a pas toujours été agriculteur. Il a exercé pendant plusieurs années le métier d'épidémiologiste, une discipline scientifique dont l'objet est "l'étude des problèmes de santé dans les populations humaines, leur fréquence, leur distribution dans le temps et dans l'espace, ainsi que les facteurs exerçant une influence sur la santé et les maladies de populations". Son dernier poste, dans le domaine de la santé au travail, lui offrait "un salaire très confortable", bien loin des modestes revenus qu'il tire désormais de son activité de maraîcher. Mais "c'est un choix que je ne regrette pas une seconde", note le quadragénaire.

Tout débute par une idée originale : celle de créer une ferme thérapeutique pour des patients atteints de troubles autistiques. "Nous avions beaucoup travaillé sur ce dossier avec ma compagne, avant de le présenter à la Chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône." Cette dernière les rappelle toutefois brutalement à la réalité : "Vous connaissez les bases techniques du métier ? Vous serez en mesure d'équilibrer financièrement votre projet ?", leur demande-t-on. "Je me suis rendu compte que soignants et maraîchers, c'était deux métiers très différents", note avec le recul Franck Sillam, qui débute, en 2017, une formation au lycée agricole de Gardanne, pour obtenir son BPREA. "Je me suis régalé : c'était comme parcourir un livre sans fin... où j'apprenais de nouvelles connaissances chaque jour sur ce métier qui me passionnait".

Un planning de cultures au cordeau

La recherche de foncier, en vue de son installation, s'avère en revanche beaucoup plus compliquée : faute de pouvoir acquérir des terres, il débute son activité sur deux hectares, grâce au soutien de Terre de liens et de la Métropole Aix-Marseille-Provence, qui lui louent deux parcelles. Il obtient de pouvoir en cultiver une troisième, parcelle appartenant à une enseigne de la grande distribution qui n'a pas eu l'autorisation de s'y étendre. Il prépare les différentes parcelles, dont une partie était en friche, envahie par des frênes et "dont personne ne voulait", qu'il dessouche. Il met également en place un système d'irrigation... "C'était un pari risqué sur le plan financier, parce que je ne disposais que d'une convention de mise à disposition. Mais c'était la seule solution pour démarrer."

Depuis, il s'est agrandi, en acquérant deux hectares supplémentaires, en pleine propriété cette fois, qui s'ajoutent aux autres loués.

Dès le départ, Franck Sillam choisit de s'orienter vers une production labellisée agriculture biologique et agroécologique, en associant des arbres fruitiers à des légumes sur ses quatre hectares. "J'ai planté 160 arbres de différentes espèces - abricotiers, pêchers, figuiers, amandiers, cerisiers, pommiers... - en lisière des jardins, avec plusieurs objectifs", détaille Frank Sillam. "Leur développement racinaire restructure le sol, ils créent des zones d'ombrage et un abri contre le mistral. D'autre part, cela me permettra, à terme, de diversifier ma production de légumes avec des fruits." La démarche écologique et environnementale - cultures intercalaires d'engrais verts, arrosage en goutte-à-goutte pour favoriser le développement racinaire, épandage de fiente de volaille et de fumier de cheval... - s'appuie cependant sur une approche et une méthodologie scientifique : "C'est possible de réaliser une production très diversifiée sur de petites surfaces. Mais cela nécessite une organisation hyper rigoureuse", prévient le maraîcher, dont le planning cultural est réglé comme du papier à musique.

Pas de traitements phytos

Chaque planche (semi-permanente) de cultures, sous serre ou en plein champ, est tracée au cordeau, avec des dimensions et une densité de plantation très précises, afin d'obtenir un maximum de rotations entre les cultures et une production annuelle. "Cette méthode me permet aussi de diluer le risque, dans le cas où une culture est ravagée par une maladie ou un prédateur." Tout traitement phyto est en effet proscrit à la Ferme des Roselières, même ceux autorisés par le cahier des charges du bio : "Je ne veux pas de la solution construite par l'homme alors qu'une solution endémique, fournie par notre environnement, existe pour la majorité des problèmes". Un choix qui le contraint à être présent au quotidien dans ses cultures, pour repérer les foyers potentiels d'infestation. "On peut éliminer ou limiter, dans la plupart des cas, les attaques si on s'y prend à temps, en amont de leur multiplication" estime Franck Sillam, qui réalise en parallèle un désherbage manuel permanent et s'appuie sur la lutte biologique, via l'association de cultures complémentaires ou de plantes dans lesquelles nichent des auxiliaires.

Cette stratégie nécessite toutefois un investissement humain - il emploie entre deux et cinq salariés, en fonction des saisons - et en temps importants, qu'il assume parfaitement : "Mon exploitation est économiquement viable" assure le maraîcher, qui a également choisi de travailler uniquement à partir de semences. "Je limite les achats de plants aux tomates et à la patate douce." Tout le reste est produit dans sa pépinière, une serre bioclimatique (voir encadré). Au total, une quarantaine de variétés de légumes est produite annuellement et commercialisée essentiellement via le réseau des Amap - "Je nourris 200 familles chaque semaine" lance-t-il, fièrement-, en vente directe à la ferme et, depuis quelques mois, sur le marché de producteurs de la Plaine, à Marseille. 

Julien Dukmedjian •

Les CHIFFRES clés

Installation en 2017

4 hectares de culture, dont 1 600 m² sous abri

40 variétés de légumes produites annuellement

160 arbres fruitiers

Céline Zambujo •

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