Hérault
Président du syndicat de l'AOP Picpoul de Pinet depuis deux ans, Laurent Thieule s'attache à promouvoir un vin spécifique qui se porte plutôt bien. Entre TGV et sécheresse, l'AOP la joue proactif.
Pour le président de l'AOP Picpoul de Pinet, Laurent Thieule : "La ligne de TGV est une atteinte catastrophique au terroir le mieux valorisé de la famille des AOP du Languedoc."
© Crédit photo : VH
En ce début de vendanges, rencontre avec Laurent Thieule, président du syndicat de l'AOP Picpoul de Pinet. À 67 ans, il exploite 20 hectares de vignoble de Picpoul depuis 2017, après une carrière dans la communication et les institutions publiques. Il est président de l'AOP depuis juillet 2021.
Le Picpoul de Pinet est considéré comme l'appellation qui tire son épingle du jeu en Languedoc. Comment se porte le marché ?
Laurent Thieule : "La particularité de l'AOP, c'est que nous maîtrisons le marché en contrôlant toute la chaîne : de la production à la commercialisation. 90 % des volumes sont vendus en bouteilles. Cela nous offre une bonne rentabilité économique pour l'appellation. Les deux-tiers de la production sont exportés. La Grande-Bretagne capte un tiers de la production totale. C'est notre premier client depuis cinq ou six ans et la demande est croissante. On trouve plus facilement notre vin sur une table de restaurant à Londres qu'en France. Ensuite viennent la France, les USA, l'Allemagne et la Belgique.
Mais nous manquons de stock. Nous avons seulement un mois d'avance. En 2021, la production a baissé à 71 000 hectolitres, au lieu des 85 000 hl habituels. Nous avons dû signer des accords de confiance avec nos clients fidèles pour ne pas les perdre. Heureusement, avec les 92 000 hl de 2022, nous avons pu rattraper la fourniture. L'AOP commercialise son vin en bouteille Neptune avec la croix du Languedoc et l'appellation Picpoul de Pinet moulée dans le verre. Pour l'instant, la question de la réutilisation des bouteilles n'est pas envisageable, puisque 80 % des volumes partent à l'export.
Nous avons également lancé depuis 2018, un nouveau concept baptisé 'Patience'. Les Picpoul Patience sont obtenus après six mois de maturation souvent en amphore, pour créer un produit haut-de-gamme. Les 11 cuvées ont été labellisées suite à trois dégustations sélectives. Cela représente entre 50 et 100 000 bouteilles."
Le projet de ligne à grande vitesse va passer au milieu du territoire de l'AOP. Comment envisagez-vous la perte de ces presque 100 hectares, maintenant que vous savez que les travaux doivent être lancés ?
L.T. : "C'est une atteinte catastrophique au terroir le mieux valorisé de la famille des AOP du Languedoc. Mais nous avons pris le parti d'être proactifs et responsables, afin de tenter d'atténuer cet impact. Le projet de ligne grande vitesse date de 50 ans, mais depuis septembre 2021, le gouvernement a avancé des dates de travaux : un démarrage en 2029 pour une mise en circulation en 2035 sur l'axe Montpellier-Béziers, plus de 2 milliards d'euros. Le calendrier et le budget ont été actés par la Commission européenne et toutes les collectivités territoriales.
Cela a provoqué un émoi, car au moins 73 ha de Picpoul vont passer sous les rails du TGV. On redoute que cela soit plus. Du fait des effets induits, jusque 100 ha pourraient être impactés. Selon le calendrier, 2027 devrait être la dernière vendange possible sur le territoire actuel non rogné. Pour répondre à cette attaque, nous avons choisi d'avancer. Avec la Safer, nous avons mis en place une réserve foncière de 28 ha. Des terres aujourd'hui en fermage qui seront mises à la vente en 2027, avec une priorité donnée aux vignerons lésés. Ensuite, nous avons demandé début 2023 une révision de l'aire géographique de l'AOP : l'étude va porter sur 800 nouveaux hectares à convertir ou à planter. L'Inao à Montpellier a déjà commencé à travailler sur l'éligibilité de ces parcelles. Et, en parallèle, nous avons demandé une modification du cahier des charges : faire porter le rendement de base à 66 hl/ha au lieu des 55 actuels. Entre la révision potentielle de l'aire géographique et du rendement, et la réserve foncière, nous espérons pouvoir assurer la livraison des volumes. Ce qui n'empêchera pas le terroir d'être découpé, créant une enclave de 300 ha entre l'autoroute et la future ligne de TGV. Un territoire que l'on étudiera de près avec une demande d'indemnisation pour les vignerons impactés."
Dans ce contexte de pression foncière, est-ce que certains se découragent ?
L.T. : "Au contraire, nous n'avons pas de soucis de reprise. Les vignerons du Picpoul sont de plus en plus jeunes. Et beaucoup de nouveaux s'installent."
Les terres du Picpoul, près de l'étang, bénéficient des entrées maritimes mais, plus au nord, l'irrigation est-elle envisagée ?
L.T. : "Cette année plus que jamais, nous avons manqué d'eau. Il est tombé seulement 100 mm depuis janvier, au lieu des 300 à 400 mm habituellement. Cela va peut-être devenir la règle pour les années à venir. Dans le projet de l'Aqua Domitia, un tuyau devrait passer au nord de l'autoroute et irriguer dès la saison prochaine 800 ha de vignes, dont 400 ha de Picpoul sur quatre des six communes de l'AOP : Pinet, Pomérols, Florensac et Castelnau-de-Guers. Cela permettra aux zones des garrigues et des piochs de moins souffrir de la sécheresse. L'arrosage hivernal est strictement encadré, avec des volumes contrôlés entre octobre et avril. L'acte d'arrosage n'est pas un geste vigneron. C'est une pratique nouvelle. D'ailleurs, des formations vont commencer à l'automne."
Comment se présente la cuvée 2023 ?
L.T. :"Les premières vendanges ont commencé juste après le 15 août et vont se poursuivre encore plusieurs jours. Sur les volumes, on ne peut pas se prononcer pour l'instant. Concernant la qualité, la vendange présente des signes optimistes, avec une arrête acide prononcée, qui laisse envisager une cuvée très aromatique."
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