Var 08/02/2024
Partage

Syndicalisme agricole

Maintenir la pression

Les réponses du gouvernement à la crise agricole ont peut-être fait lever les blocages mais n'apaisent pas la grogne. Et ne satisfont pas les syndicats agricoles dans le Var. Entre déception et contestation, les agriculteurs du département restent mobilisés et attendent du concret.

FDSEA, Jeunes agriculteurs et Confédération paysanne préparent de nouvelles actions pour les jours à venir.

© Crédit photo : GL

"La mobilisation est historique", applaudit Rémi Gautier, président des Jeunes agriculteurs du Var. Dans le département, les différentes actions menées par la FDSEA et les JA - de la manifestation devant la préfecture de Toulon le 25 janvier, au blocage du péage du Capitou sur l'A8 entre le 13 janvier et le 2 février, en passant par plusieurs opérations coups de poing dans diverses enseignes de distribution et un défilé de tracteurs dans Fréjus - ont rassemblé pas moins de 500 agriculteurs et agricultrices selon les deux syndicats.

FDSEA : "Rien ne s'arrête"

Au-delà du nombre, "ce qui est notable, c'est que toutes les filières se sont réunies autour de problèmes de fond", remarque André Lanza, président de la FDSEA 83. "On a eu aussi de bons retours de la population. On sent qu'elle veut en savoir plus sur ce qu'elle consomme et sur notre métier. La fédération des boulangers du département est venue nous soutenir sur le blocage de l'autoroute, les camionneurs étaient aussi de notre côté. Alors, c'est fatigant, c'est certain, mais c'est aussi très positif, ne serait-ce que de voir tous ces gens qui nous encouragent", retient-il. Avant d'émettre un bémol : "La sénatrice Françoise Dumont est venue nous rencontrer et nous témoigner son soutien, sans faire de récupération politique, mais elle a été la seule élue à le faire. C'est dommage. Il ne faut pourtant pas oublier que les agriculteurs façonnent les paysages du Var, font pare-feu face aux incendies et zone d'expansion de crue quand il y a des inondations", s'agace le viticulteur de Grimaud.

Ceci dit, l'important pour André Lanza est avant tout de voir comment vont se traduire les différentes annonces du gouvernement dans les semaines à venir. "Certaines choses semblent aller dans le bon sens, mais il y a encore beaucoup de travail à faire pour avancer nationalement et territorialement. C'est ce qu'on est train de faire dans le cadre des quatre groupes de travail, mis en place par la préfecture et co-pilotés par les services de l'État et la profession agricole sur la simplification, les contrôles, l'eau et le foncier", indique-t-il. Un premier rendez-vous est pris le 13 février sur la question de la simplification administrative.

Pour autant "les actions vont se poursuivre pour sensibiliser les consommateurs qui doivent savoir à quelle sauce on est mangé, et pour rappeler au gouvernement qu'il a pris des engagements et qu'on reste mobilisé", explique le président de la FDSEA du Var. C'est aussi le message qu'il fait passer aux agriculteurs, déçus pour certains de quitter le terrain de la contestation. "Rien ne s'arrête et les agriculteurs sont prêts à aller plus loin s'il le faut. Mais il faut aussi se donner le temps de travailler. On a des propositions à faire, et si elles ne sont pas entendues, on retournera dans la rue", assure André Lanza.

JA : "Syndicalement, on est au travail"

"Nous n'étions pas dans la logique d'un blocage indéfini : on a tous du travail sur nos exploitations et le but n'est pas de se mettre la population à dos, en générant trop de nuisances. Et puis une phase de travail est ouverte au niveau national et au niveau local, donc, syndicalement, on est au travail", ajoute Rémi Gautier pour JA 83, qui attend "un décryptage" des mesures annoncées par le gouvernement. Notamment concernant la mise sur pause du plan Ecophyto. "Ce qui détruit les milieux, c'est la densité de population, pas le monde agricole qui est un réservoir de biodiversité. Alors on ne veut ni nouvelles normes environnementales, ni surtranspositions françaises des règles européennes. J'espère que cette pause durera le plus longtemps possible. On travaille déjà à l'amélioration de nos pratiques, mais on entre dans une phase où économiquement, ça devient intenable. C'est la réalité des marchés aujourd'hui. Si on veut faire mieux en termes d'environnement, il faut d'abord qu'on puisse gagner notre, sinon on n'y arrivera pas", plaide le jeune agriculteur. "D'autant que le changement climatique ne s'arrête pas à nos frontières. Vu que la France représente 2 % des gaz à effet de serre au niveau mondial, je ne vois pas pourquoi il faudrait que l'on en fasse plus que les autres", poursuit-il.

Il déplore par ailleurs vivement le manque de perspectives sur le sujet de la transmission. "À ce chapitre, malheureusement, ça reste à construire. Et il faut être vigilant : on a vite fait, dans notre département, d'avoir des prix des terres qui s'envolent, et on ne voudrait surtout pas d'un système avec des plafonds qui nous pénaliserait", insiste-t-il. "Main dans la main" avec la FDSEA, les JA du Var sont donc d'ores et déjà prêts à se faire entendre de nouveau.

CR : "Défendre l'exception agriculturelle"

Du côté de la Coordination rurale du Var, Max Bauer estime que "pour l'agriculture varoise, le travail engagé avec le préfet paraît plus constructif que les annonces gouvernementales. Gabriel Attal est hors-sol : on dirait qu'il découvre le mal-être agricole", juge-t-il. Le président de la CR 83 attend "du concret et du rapide".

Il souhaite, entre autres, "que les agents de l'Office français de la biodiversité soient effectivement mis sous tutelle des préfets et désarmés, et que les agriculteurs puissent être assistés lors des contrôles", et dénonce "la pression inadmissible de ces cow-boy de l'environnement, qui menacent les agriculteurs d'amendes et de peines de prison, sans même que des infractions soient avérées. Il y en marre de tous ces écolos bobos qui tapent sur l'agriculture !".

Il espère aussi - sans trop y croire - que les promesses sur l'application de la loi Egalim seront tenues. "Pour l'heure, le seul point positif, c'est que ça a dévoilé au grand jour les pratiques de triche de la grande distribution. J'attends de voir tomber les sanctions", commente-t-il. Il reste par ailleurs dubitatif sur la suspension du Plan Ecophyto. "Ça a le mérite de mettre en lumière des absurdités que je dénonce depuis 20 ans. Mais il y a urgence : on n'a pas le temps de faire encore des réunions, si c'est pour ne pas aboutir à des solutions pour notre agriculture", tempête-t-il. Idem pour ce qui concerne l'interruption des négociations entre l'Europe et le Mercosur. "Nous, on se bat pour l'exception agriculturelle, parce que l'agriculture ne doit pas être une monnaie d'échange pour pouvoir vendre des missiles, des voitures ou autre. L'agriculture, c'est ce qui nourrit les gens", défend-il.

Avant de pointer à l'échelle locale : "Maintenant dans le Var, on va avoir un gros problème sur le rosé avec des vins qui se vendent moins. Alors, il va falloir lever des tabous et se poser les bonnes questions : est-ce qu'il ne faut pas penser à arracher pour faire de la polyculture ?".

Conf' : "Des points de dissidence"

"Il y a des choses qui peuvent aller dans le bon sens, notamment sur les tas de procédures qui alourdissent notre travail" mais, "sur le fond, le discours ne change pas", regrette Sylvain Apostolo, porte-parole de la Confédération paysanne du Var. "On reste sur notre faim sur la question du revenu agricole, qui est pour nous au cœur des problèmes. On laisse les apiculteurs "dans leur merde", on fait du saupoudrage sur la bio, rien de nouveau sous le soleil", déplore-t-il. "Ce n'est pas avec des aides d'urgence qu'on résoudra les problèmes. D'autant que, quand des enveloppes sont promises, il reste encore à voir comment elles seront ventilées et à qui. Si c'est pour se retrouver avec 1 000 euros par tête de pipe, ça ne mène à rien", continue l'éleveur.

"Malheureusement, le libre-échange reste fondamental dans la politique agricole de la France et de l'Europe, même si ça fait crever les paysans. Il ne suffit pas de suspendre les négociations avec le Mercosur : il faudrait revenir sur tous les accords de libre-échange qui ont été signés. C'est un des points de dissidence pour nous", soutient Sylvain Apostolo. Le représentant de la Confédération paysanne plaide en faveur "d'un plan structurel d'ensemble, pour garantir un revenu aux paysans et aux paysannes et développer la consommation locale".

Le syndicat voit comme "un très mauvais signal" la décision du gouvernement de suspendre le Plan Ecophyto. "On dénonce l'inefficacité de ce plan depuis longtemps, mais sa suspension n'est pas une bonne nouvelle pour autant. Reculer sur la réduction des pesticides va complètement à contresens de ce qu'il faut faire pour l'agriculture, pour la planète, pour lutter contre le changement climatique. Ce que l'on veut, c'est un programme d'ampleur qui soit efficient sur le terrain, avec des mesures qui préservent la biodiversité, sans faire 50 règles qui se contredisent. Il faut de la cohérence et des moyens", développe Sylvain Apostolo.

"Au final, les solutions proposées sont de revoir la législation française à la baisse au lieu de tirer tout le monde vers le haut", déplore-t-il enfin, avec la ferme intention de porter les revendications de son syndicat localement, dans le cadre de la concertation engagée avec la préfecture. La Confédération paysanne du Var entend aussi rester mobilisée. Après la manifestation du 25 janvier à Draguignan et le blocage du Leclerc de Brignoles le samedi 3 février, d'autres actions sont annoncées dans la semaine qui vient, pour se faire entendre et "pour mettre la pression sur la filière agroalimentaire. Parce que les industriels et la grande distribution ont leur part de responsabilité dans la situation des paysans et des paysannes". 

 Gabrielle Lantes •

ICI
Votre encart
publicitaire !

Sur le même thème

Gard 03/10/2024

Gard

L'agriculture livrée à elle...

Gestion hasardeuse de la Fièvre catarrhale ovine (FCO), disparition de la solidarité nationale en cas d'aléas climatiques, annonce d'un tsunami viticole..., les d...
Var 04/02/2020

FDSEA du Var : Mobiliser et...

Réunie à Pignans le 15 janvier, l’équipe de la FDSEA du Var a profité de son assemblée générale annuelle pour faire le point sur les sujets d’actualité qui occupe...
Var 17/05/2023

Grêle

Des orages violents, mais l...

Ces 12, 13 et 14 mai, de violents orages de grêle se sont abattus sur le Var, causant localement des dégâts impressionnants au vignoble.

Annonces légales

Publiez facilement vos annonces légales dans toute la France.

Grâce à notre réseau de journaux partenaires.

Attestation immédiate, service 24h/24, 7 jours/7

Derniers tweets

10/05/2023
@EPVarois fait le point sur les tendances et enjeux du marché foncier agricole varois avec le nouveau directeur départemental de la #SAFER Paca et le président du comité technique. https://t.co/qAljvKlzlO
https://t.co/qAljvKlzlO
28/04/2023
[A LA #UNE 📰]@AgriProv👇La Coopération Agricole Sud acte sa fusion avec les caves coopératives du 13 et du 83 ! 🍷, #eau 💧Appel à la sobriété, Groupama Méditerranée maintien le cap, un dossier #travaildusol et en📸 cap sur la grenade avec le projet de Frédéric Chabert sur Arles https://t.co/Vf3e5Z07t0
https://t.co/Vf3e5Z07t0
06/06/2023
🗞️Tradition, consommation et vigilance @VigneronsCoop 🍷-💧Extension du réseau hydraulique 'Colline des Costières' @BRLGroupe @Occitanie - 🐴Le festival Prom'Aude - Fusion @_Ctifl et La Tapy #expé - 🌡️Aléas #climat : solutions et prospectives - 📸Guillaume Chirat, maître #pâtes https://t.co/9XDBtwaWsl
https://t.co/9XDBtwaWsl

Abonnez-vous à nos hebdos

Chaque semaine, retrouvez toute l'actualité de votre département, des infos techniques et pratiques pour vous accompagner au quotidien...

Découvrez toutes nos formules

Dernières actualités

Newsletters

Inscrivez-vous GRATUITEMENT à nos newsletters pour ne rien rater de notre actualité !

S'abonner

Gardons le contact

Twitter : suivez toute l'actualité agricole utile du moment, réagissez
Facebook : partagez encore plus de posts sur l'actualité agricole de votre territoire
Instagram : suivez nos bons plans et partagez nos galeries de photos
Linkedin : élargissez votre réseau professionnel
Youtube : vidéos, interviews, DIY...