Un pilier de la viticulture provençale s'en est allé. Jean-Claude Pellegrin – qui nous a quittés vendredi dernier à 65 ans – va laisser un vide immense dans le monde agricole des Bouches-du-Rhône. Le vigneron de Lambesc aura joué un rôle considérable au service de la filière viticole de son département. Son inhumation a lieu mardi matin (le 30 juillet),  9 h 30, à l'église de Lambesc.

Son action aura véritablement permis aux vins IGP de prendre une nouvelle dimension et à la profession de s'ouvrir et de s'adapter aux évolutions nécessaires. Homme de conviction, il a grandement œuvré pour placer la qualité des vins rosés au cœur des préoccupations des vignerons. Il s'est, tout au long de sa vie et de ses mandats, engagé avec détermination et simplicité, à défendre les valeurs de la coopération viticole. Comme beaucoup de jeunes, c'est au Centre départemental des jeunes agriculteurs que Jean-Claude Pellegrin a débuté son parcours professionnel.

Le souci du collectif

Une organisation syndicale qui a beaucoup compté pour le vigneron. Il y apprend l'art de plaider la cause, d'exprimer les remontées du terrain. En parallèle, naît aussi son engagement pour le collectif. Les caves coopératives et la sienne d'abord. Celle des Vignerons du Roy René à Lambesc. C'est elle qui lui a permis de présider la Fédération des caves coopératives des Bouches-du-Rhône dès 1995. Et là comme ailleurs, c'est le souci du collectif, du partage équitable conjugué au sens de l'efficacité économique qui l'ont toujours guidé.

Le vigneron coopérateur – qui a passé sa vie au service des autres – est aussi lié à l'histoire des vins IGP et à leur défense syndicale. Jean-Claude a été un défenseur efficace à la fois au niveau de la fédération et de l'interprofession des Vins IGP du Sud-Est qu'il présidait jusqu'à aujourd'hui. Car l'homme a mené bien des combats.

Construire et défendre un segment

En particulier pour construire un segment et donner aux IGP une vraie position sur le marché. Il a notamment soutenu la création de l'IGP Méditerranée il y a plus de 20 ans, et contribué à sa réussite commerciale. Amoureux de la Camargue, mais aussi de Marseille, il était heureux de s'appuyer sur la capitale phocéenne pour développer l'image des vins IGP du Sud-Est. À l'heure où les consommateurs rejettent massivement les codes classiques du vin, il était persuadé que les IGP – particulièrement les rosés, vins accessibles, faciles à boire, décomplexés, mais aussi créatifs – étaient et sont particulièrement bien positionnés pour relever les challenges actuels.

Ses compagnons de route et amis saluent l'héritage de celui qui a œuvré avec passion pour faire avancer la structuration et la reconnaissance du segment des IGP, en région et dans le département.

"Un combattant magnifique"

Au sein de la filière rhodano-provençale, il a côtoyé et commencé à travailler aux côtés de Jean-Louis Piton au sein du Comité économique des vins du Sud-Est, il y a plus de 30 ans. "C'est un combattant magnifique, Jean-Claude. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur sa vie et son œuvre. Une carrière dévouée à la viticulture et à son département, qu'il adorait. Il était aussi très impliqué dans la filière nationale. On retient son caractère, ses éclats de voix, son emphase et sa capacité à être très virulent quand il avait envie d'attaquer. Mais c'était en même temps un homme avec un cœur grand comme le monde. Un homme qui aime profondément les autres, engagé au service du collectif et qui a donné sa vie pour cela. Il a fait beaucoup de bien à notre région. Nous sommes toujours restés en contact", témoigne, ému, Jean-Louis Piton.

Ami de toujours, Thierry Icard, vigneron coopérateur à La Fare-les-Oliviers et actuel président de l'IGP Méditerranée, témoigne de la qualité de son engagement passionné. "On s'est très vite rejoint dans les mêmes missions, dans les mêmes combats. Dans la défense des IGP, de la coopération. Il était un pilier de la viticulture départementale et nationale. C'est une grande perte pour nous tous. J'ai commencé à le côtoyer au CDJA : lui venait de finir son mandat de président. On s'est croisé à ce moment-là. Je devenais président de la commission vin des jeunes, et lui passais la main pour prendre la présidence de la Fédération des caves coopératives des Bouches-du-Rhône. On ne s'est plus jamais lâché", raconte-t-il avec grande tristesse.

Affecté par cette perte, Patrick Lévêque, président de la Chambre d'agriculture, souligne lui aussi "l'immense travail qu'il a réalisé pour la viticulture départementale, et à la Chambre notamment où il a été le responsable de la commission viticole sur plusieurs mandats", mais veut surtout retenir "l'homme, une grande voix et un grand cœur".

Ultime distinction

Sa faconde, son esprit mordant, son humour mais surtout sa franchise, toujours exprimée avec le souci de construire, l'ont accompagné tout au long de sa vie. Jusque dans ses dernières interventions l'homme a forcé l'admiration de tous. Il était sensible et profondément humain. Sa gentillesse et ses conseils manqueront à celles et ceux qui en profitaient au quotidien, et en particulier son épouse, Sylvie, et ses enfants, Sara et Nicolas. Ses proches, ses confrères et ceux qui l'ont côtoyé garderont le souvenir d'un homme au grand cœur et toujours disponible.

"Dans une vie, ce n'est pas la durée qui compte, c'est le contenu"

En novembre dernier, il recevait à Aix-en-Provence la médaille du mérite agricole au grade de commandeur, des mains de Denis Verdier, chevalier de la légion d'honneur et président de l'Institut coopératif du vin. Une énième distinction que le vigneron coopérateur recevait, très touché, devant ses amis et un parterre de personnalités du monde agricole et vitivinicole. Combatif déjà depuis des mois contre la maladie qui l'a emporté, il déclarait avec émotion : "Je ne sais pas si vous mesurez l'importance de ce que me procure au quotidien votre accompagnement dans cette période si compliquée. Merci du fond du cœur, sans vous je ne serais rien", avant de conclure. "Dans une vie, ce n'est pas la durée qui compte, c'est le contenu. On ne vient avec rien et on se bat pour tout... Et puis un jour, on laisse tout."

Des mots qui en disaient long sur le caractère obstiné et généreux d'un homme engagé sans modération. L'Agriculteur provençal et le monde agricole, aujourd'hui tristes de savoir que dans un peu plus d'un mois les vendanges se feront sans lui, saluent sa mémoire et adressent à sa famille et à ses proches leurs condoléances les plus sincères.

Retour sur la carrière d'un homme entièrement dévoué à la cause de la viticulture et à la construction de l'intelligence collective de la coopération viticole régionale. Jean-Claude Pellegrin s'est installé à Lambesc au tout début des années 80 et y a exploité 60 hectares de vignes en AOC Coteaux d'Aix-en-Provence, IGP Bouches-du-Rhône et IGP Méditerranée. Administrateur et vice-président dévoué de la cave du Vignoble du Roy René depuis 1992, il a consacré sa vie à promouvoir et défendre les IGP avec passion. Il aura notamment présidé l'ODG des Vins IGP des Bouches-du-Rhône, mais aussi l'Interprofession des Vins du Sud-Est (InterVins Sud-Est) à plusieurs reprises, ainsi que la Fédération des caves coopératives du département. Il a aussi présidé l'Association régionale d'expérimentation et de développement viti-vinicoles (Aredvi) et, au plan national, il était trésorier de la Confédération française des vins IGP (Vin IGP), administrateur depuis 2012 du Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine et à indication géographique (Cniv, dont il était vice-président), mais aussi membre du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer.