eau et changement climatique
Député de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, Jean-Marc Zulesi siège à l'Assemblée nationale depuis cinq ans. Il y préside notamment la commission 'Développement durable et de l'aménagement du territoire', dont un rapport sur l'eau est attendu pour la rentrée.
Natif de Cornillon-Confoux, au sud-est de la Crau, dans les Bouches-du-Rhône, Jean-Marc Zulesi est particulièrement conscient et au fait des enjeux inhérents à la gestion de l'eau dans les territoires.
© Crédit photo : ED
L'eau est une question cruciale pour nos sociétés. Comment éviter les conflits, alors que le lien entre agriculture et société se distend parfois ?
Jean-Marc Zulesi : "La première nécessité est de ne pas opposer les différents usagers et usages, ne pas stigmatiser ceux qui ont besoin de l'eau au quotidien, notamment les agriculteurs. Nous sommes tous dans le même bateau et devons tous faire face à la même exigence : celle de lutter contre le réchauffement climatique et de préserver la ressource. Il y a donc tout un travail de communication à mener sur l'utilisation de l'eau par nos agriculteurs. Prenons l'exemple du foin de Crau irrigué par gravitation. Les prairies consomment peut-être plus d'eau que d'autres cultures, mais il ne faut pas oublier que la ressource utilisée alimente une nappe phréatique et, in fine, approvisionne tout un bassin de population qui profite aussi à l'industrie comme aux collectivités. Il faut donc expliquer ce que réalisent nos agriculteurs."
Avez-vous le sentiment que les urbains n'ont pas conscience des enjeux de l'eau pour le monde agricole, confronté au changement climatique ?
J.-M.Z. : "Encore une fois, n'opposons pas les usagers. Les urbains sont autant concernés que les agriculteurs et les ruraux face au changement climatique. Ils ont, eux aussi, leur part de responsabilité : celle qui consiste à baisser leur consommation d'eau, à faire preuve de sobriété, etc. Tous sont partie prenante de la gestion de l'eau au niveau national. Et il nous faut tous prendre la mesure de cette lutte et de la nécessité d'avancer ensemble."
Vous connaissez bien les agriculteurs. Considérez-vous qu'ils utilisent trop d'eau dans leurs cultures et qu'ils doivent impérativement revoir leurs pratiques ou encore basculer sur d'autres productions ?
J.-M.Z. : "Nos agriculteurs ont déjà fait beaucoup d'efforts pour limiter leur consommation en eau. Il faut pouvoir l'expliquer et le répéter. Je le vois sur mon territoire : ils font des économies, modernisent leurs équipements depuis de nombreuses années déjà. Des efforts colossaux ont été aussi déployés pour rénover les canaux d'irrigation. Il faut continuer. Cela appelle forcément - de la part de l'État et des collectivités territoriales - la nécessité d'accompagner financièrement la rénovation de ces ouvrages. Ils sont, dans notre région, exceptionnels. Je pense en particulier aux aménagements hydrauliques du département construits il y a plusieurs siècles, et qui permettent d'irriguer en gravitaire une bonne partie de la Provence. Nous devons être à la hauteur du travail initié par Adam de Craponne à l'époque.
Pour continuer d'anticiper l'augmentation des besoins en eau, les Agences de l'eau ont également la nécessité d'accompagner encore davantage nos agriculteurs. Concernant la transformation de nos modes de cultures, les exploitants travaillent déjà à optimiser les systèmes d'irrigation, à faire évoluer leurs pratiques et se tournent vers des cultures plus rustiques, moins consommatrices d'eau. On doit pouvoir les y aider, les encourager, à la condition cependant de les accompagner aussi vers des marchés qualitatifs, respectueux de l'environnement et viables économiquement. Le sujet n'est pas tant de trouver des cultures moins consommatrices que de proposer à ceux qui les font des démarches globales. Consommer moins, certes, mais il faut aussi repenser les modèles économiques. Plusieurs filières 'nouvelles' se déploient sur nos territoires - je pense à l'amande ou encore à la pistache - et il nous faut pouvoir les soutenir. Mais nous avons également des spécificités et des filières territoriales à défendre, comme le foin de Crau, auxquelles nous sommes attachés et qui font notre fierté à l'international."
Votre engagement autour du développement durable vous a-t-il déjà emmené à travailler sur la question de l'eau, que ce soit dans le cadre de missions en commission ou en hémicycle ?
J.-M.Z. : "Oui. La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale prend toute sa part sur ce sujet. Plusieurs travaux ont été initiés récemment, le premier étant la mission que nous avons lancée sur l'eau face au défi du changement climatique. La commission rendra ses conclusions à la rentrée. Nous avons mené un certain nombre d'auditions récemment, en particulier sur le sujet des bassines, afin que la représentation nationale puisse être éclairée, notamment au regard de ce qu'il s'est passé à Sainte-Soline. Notre commission est pleinement engagée dans une démarche qui se veut la plus pragmatique possible, avec la volonté d'avancer collectivement."
La question des bassines d'irrigation agricole fait donc l'objet d'un travail spécifique. À quoi doit-il mener ?
J.-M.Z. : "Il s'agit avant tout d'informer les parlementaires. Il y a tout un travail d'éclairage à conduire pour maîtriser un jargon lorsque l'on parle de retenues de substitution et de retenues collinaires. Ce travail est nécessaire, afin que les députés puissent s'exprimer avec sérieux. Ensuite, le travail de la commission va permettre de travailler sur des modèles. Mais il faut également être bien conscient que les retenues de substitutions et les retenues collinaires ne seront jamais l'alpha et l'oméga de notre politique en matière de raréfaction de la ressource en eau. Il nous faut repenser notre modèle de consommation et de gestion de l'eau, en y intégrant un certain nombre de contreparties, notamment sur des sujets agroécologiques et en matière de lutte contre les produits phytosanitaires. Ces nouveaux modèles pourront aussi accompagner l'émergence de nouvelles filières."
Dans la région, on parle surtout de 'retenues collinaires' appelées à être développées pour les agriculteurs. S'agit-il pour vous de la même chose ?
J.-M.Z. :"Pour bien poser le cadre, non. Il y a d'un côté les retenues de substitution, qui consistent à récupérer des eaux souterraines ou de cours d'eau. Je n'y suis pas favorable de prime abord. À part dans certains cas qui peuvent être discutés. En revanche, je suis favorable au modèle des retenues collinaires, qui reposent sur le principe de collecte de l'eau qui tombe du ciel durant l'hiver ou le printemps, pour être ensuite substituée en partie l'été aux agriculteurs. Je précise bien en partie, car l'eau doit aussi profiter à nos cours d'eau et être partagée. C'est la raison pour laquelle de tels projets doivent être travaillés avec l'ensemble des acteurs d'un territoire. C'est un peu ce que l'on essaye de mettre en place au niveau national avec le Plan'Eau' et les Projets de territoires pour la gestion en eau (PTGE). Se pose aussi la question, demain, de l'utilisation de l'eau non conventionnelle. Nous avons lancé un travail sur la valorisation des eaux dites d'épuration, notamment pour répondre aux besoins agricoles. Et parce que nous sommes sur des incohérences. En France, l'utilisation d'eau non conventionnelle pour les besoins agricoles est interdite, mais pas l'importation de produits espagnols qui proviennent de bassins où il est possible d'utiliser ce type de ressource. Nous ne devons cependant pas faire croire aux concitoyens, ou au monde agricole, que la question de la ressource en eau sera réglée par la valorisation des eaux non conventionnelle."
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"Il y a d'un côté les retenues de substitution, qui consistent à récupérer des eaux souterraines ou de cours d'eau. Je n'y suis pas favorable de prime abord, à part dans certains cas qui peuvent être discutés. En revanche, je suis favorable au modèle des retenues collinaires, qui reposent sur le principe de collecte de l'eau qui tombe du ciel durant l'hiver ou le printemps, pour être ensuite substituée en partie l'été aux agriculteurs."
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