France 15/11/2023
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Commercialisation

Le saké, un concurrent potentiel du vin ?

Avec ses plus de 600 arômes et sa faible teneur en alcool (14 à 16°), le saké est de plus en plus prisé par les Français. Longtemps assimilé à ce fort digestif servi en fin de repas dans les restaurants asiatiques, le saké n'est pas un alcool de riz, mais bien un vin de riz. Son succès pourrait bien faire de l'ombre à notre vin de raisin.

Cuvées Chai d'Azerou Saké

© Crédit photo : JB

Considéré comme "la boisson des dieux" par les Japonais, le saké est pourtant longtemps resté méconnu en France et confondu à l'eau-de-vie de sorgho servie dans un verre, dont le fond dévoile l'image érotique d'un homme ou d'une femme. Mais que nenni ! Le saké jouit aujourd'hui d'un grand succès. Ce n'est pas un alcool distillé, mais bien une boisson fermentée ! Pour Siméon Molard, spécialiste du saké japonais et auteur du livre Les secrets du saké, cet engouement s'explique, entre autres, "par la génération manga, aujourd'hui en âge de consommer et qui a du pouvoir d'achat". Son entreprise, Osake, importe une quarantaine de sakés différents, forme des sommeliers, cavistes ou passionnés, puis organise chaque année un stage pour découvrir les brasseries japonaises. "Lorsque nous avons commencé en 2017, tous les acteurs du marché nous disaient que la France était la porte d'entrée stratégique vers l'Europe. À ce moment-là, on suppliait les brasseurs pour pouvoir acheter leur saké et les revendre en France, mais ils étaient très méfiants. C'est un monde extrêmement traditionnel, basé sur la confiance. L'avantage, c'est qu'une fois qu'ils vous font confiance, c'est pour la vie. Maintenant, nous sommes sollicités tous les jours !" Selon ce spécialiste, il existe deux grands styles de sakés "aux goûts très différents, à tel point qu'on a l'impression d'avoir deux boissons différentes" : les aromatiques et les traditionnels. "L'aromatique se boit dans un verre de vin, très frais et a des arômes fruités, de pomme et de banane. Puis, il y a le saké traditionnel, plutôt de corps, qui accompagne un plat." Ce dernier se déguste plutôt dans une petite coupe et chaud. "On peut par exemple le faire bouillir au bain-marie à 50°C. Mais il existe plus de 600 saveurs dans le saké, donc il n'y a pas de règles !" 

Quelle est la recette du saké ?

Les ingrédients principaux nécessaires à sa fabrication sont : le riz à saké, dont il existe une centaine de variétés au Japon, et l'eau. À cela s'ajoutent de nombreux micro-organismes, dont les deux principaux sont les levures et le kôji, un champignon unicellulaire indispensable, car il permet la transformation de l'amidon en sucre fermentable. "On peut faire du saké avec n'importe quel riz, mais certains sont plus adaptés pour faire des sakés plus complexes et raffinés", ajoute Siméon Molard. Le grain va ensuite être poli, cela consiste à raboter l'écorce du grain de riz, et plus il le sera, plus il tendra vers un saké aromatique. "Pour les sakés aromatiques, les brasseurs recherchent un concentré d'amidon, qui se trouve à l'intérieur du grain de riz. En augmentant le taux d'amidon, on permet aux levures sélectionnées de davantage s'exprimer. Pour les sakés traditionnels, ils vont moins polir le riz, afin d'apporter plus de corps au saké." Il va ensuite être lavé, cuit à la vapeur, puis refroidi. Le kôji-kin est saupoudré sur une partie du riz cuit, qui devient le dénommé kôji-mai. Ce dernier est mélangé au riz cuit et à l'eau, pour favoriser le développement des levures. C'est ce qu'on appelle le shubo, ensuite ajouté à du nouveau riz cuit, du kôji-mai et de l'eau. La fermentation dure alors environ un mois. Enfin, le saké est présuré, filtré, puis souvent pasteurisé et mis en bouteille. Certains peuvent également être vieillis. "Le kôji est un champignon naturel qui permet d'amorcer une première fermentation. Le saké est vraiment un alcool qui n'est pas trafiqué. Il a des sulfites naturellement présents, mais dix fois moins que le vin, et c'est un alcool relativement stable. Je pense que c'est tout cela qui attire aussi les Français, le côté naturel", constate Bertil Lauth, directeur et fondateur du Toulouse Saké Club. "C'est une boisson alcoolisée, dans les mêmes taux d'alcool que le vin, un exhausteur de goût naturel qui ne prendra jamais le dessus sur un plat. Au contraire, il va le sublimer et donner lieu à des accords intéressants, et on va même pouvoir redécouvrir le goût."

Du saké français, et même d'Occitanie !

"En 2021, la France était 14e au niveau mondial en termes de volume importé. En valeur, nous sommes 9e, parce que les Français achètent du saké de qualité par rapport à d'autres marchés internationaux. En termes de rebond post-Covid, la France est le premier importateur devant le Royaume-Uni et le Brésil. Mais restons humble : nous avons quand même un petit marché, mais qui grossit chaque année", témoigne Siméon Molard. En 2021, les importations de saké japonais ont atteint un volume de 438 363 litres, soit + 65 % par rapport à l'année 2019, dernière année de référence avant la pandémie. Cette nouvelle passion hexagonale a fait fleurir plusieurs brasseries françaises, grâce à d'audacieux maîtres de chais spécialisés. Kura de Bourgogne, Les larmes du Levant, Wakaze ou encore Azerou Saké, sont les brasseries made in France émergentes. Cette dernière, fondée par Johan Ramsayer et Maëva Delaruelle est une brasserie située à Cabestany (66), mitonnée au riz de Camargue et à l'eau de source des Pyrénées. Maëva est ingénieure en biotechnologie spécialisée dans la conception de biocapteurs ; Johan est docteur en évolution et écologie microbienne. Ensemble, ils ont eu un coup de foudre pour le saké en 2014, avec la dégustation d'un Tatenokawa. Intrigué par la finesse du produit, Johan réalise son tout premier brassin de saké chez lui la même année. "Nous avons par hasard eu l'occasion de faire goûter notre saké à des producteurs japonais et à des importateurs qui nous ont complimentés sur sa qualité." Ce retour positif fait germer l'idée de faire 'un peu plus' que du brassage amateur et, en 2017, le projet Azerou Saké voit le jour. Après cinq années de brassages expérimentaux, les premiers sakés à partir du riz rond (variété Brio issue du Silo de Tourtoulen) sont créés. "Nous produisons quatre sakés différents. Deux en méthode de brassage contemporain, avec l'ajout d'acide lactique (méthode Sokujo) ; et deux en méthode traditionnelle, avec une production d'acide par des bactéries lactiques, avec un pilonnage pour écraser le riz (méthode Kimoto). Nous déclinons chaque brassage en version pasteurisée et non pasteurisée. Nous devrions en produire un cinquième qui sera un Genshu pour être consommé chaud, si toutefois nous n'avons pas de problèmes avec les douanes, car il sera à 18,6°", expliquent-ils. Les sakés Azerou sont de la classe Junmai, c'est-à-dire avec du pur riz, sans ajout d'alcool. Avec déjà leurs bouteilles commercialisées chez des cavistes de Montpellier et de Perpignan, Maëva et Johan visent maintenant les restaurants gastronomiques. Et pour ceux qui pensent encore que le saké est un tord-boyau, Siméon Molard a le fin mot : "Les gens qui pensent ne pas aimer le saké, c'est qu'ils n'ont pas encore trouvé leur saké." 

Justine Bonnery •

Les CHIFFRES clés-

Brasserie Azerou Saké

2 mois de brassage et 4 mois de fermentation

4 variétés de saké, bientôt 5

1 900 kg de riz pour 4 300 bouteilles de 75 cl 

Objectif : 7 000 bouteilles

Coût de l'installation : 90 000 €, prêt de 36 000

Coût d'une bouteille de saké : 28

Prix médian français entre 36 et 38

Yanick Simao •

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