AUBAGNE
Les Chiapello écrivent depuis près d'un siècle une saga paysanne haute en couleurs. Cette famille d'Aubagne cultive des légumes cueillis le matin pour être vendus l'après-midi. Sur place. Une histoire de sueur, de transmission et de fidélité à leur terre provençale.
Chiapello, Aubagne, maraichage, vente directe
© Crédit photo : ED
À deux pas de Marseille, au pied du Garlaban rendu immortel par Marcel Pagnol, une famille écrit depuis près d'un siècle une saga paysanne unique : les Chiapello, maraîchers d'Aubagne, incarnent 4 générations de passionnés de la terre qui, malgré les embûches, n'ont jamais cessé de cultiver fruits et légumes pour les vendre directement aux Marseillais. Une histoire faite de sueur, de transmission, mais aussi d'innovation et de fidélité à une clientèle désormais multigénérationnelle.
Tout commence à la fin des années 1920, quand Joseph Chiapello, l'aïeul, quitte son Italie natale pour s'installer à Aubagne. Ici, pas de riches plaines irriguées à sa portée. Il doit se contenter de terres ingrates, de collines en restanques, difficiles à travailler et sans eau. Qu'importe. Avec obstination, il y plante des vignes, des abricotiers, des amandiers, des cerisiers. Il réussit à vivre de ses cultures.
"Cultiver sans eau, ce serait impossible aujourd'hui. Mais il a su tirer parti de ce qu'il avait", raconte son petit-fils, Lionel. Les coteaux arides n'avaient pourtant pas que des défauts : ils offraient de la chaleur l'hiver et une précocité précieuse pour les récoltes. Déjà, les Marseillais venaient jusqu'à Aubagne avec leurs cubis acheter le vin du grand-père.
Dans les années 1970, Jean-Claude et Nicole, les parents de Lionel, prennent le relais. Eux choisissent de miser sur le maraîchage. Jean-Claude vend les légumes sur le marché du cours Julien, à Marseille. Mais les périodes fastes alternent avec les temps difficiles. Nicole, pragmatique, invente alors la solution qui deviendra l'ADN de la famille : la vente directe sur l'exploitation. Un simple parasol, quelques tréteaux et des cagettes au bord de la route nationale 96. Trois premières années compliquées, mais peu à peu les clients affluent. Le succès est tel qu'une vendeuse est embauchée. Près d'un demi-siècle plus tard, le petit stand est devenu un point de vente bien identifié, tenu par Stéphanie, l'épouse de Lionel.
"Ici, tout est ramassé le matin et vendu l'après-midi", résume fièrement le maraîcher. Le magasin, ouvert 5 jours sur 7, vit au rythme des saisons. De mi-mars à novembre, il bat son plein : asperges, salades, artichauts, haricots, fraises, puis tomates, aubergines, raisins... En hiver, la cadence ralentit, mais la porte reste ouverte 2 fois par semaine.
Natif d'Aubagne, Lionel s'installe officiellement en 1992. Très vite, il choisit de moderniser l'exploitation familiale. Sa première décision est de monter des serres pour gagner en précocité. "C'était indispensable pour être compétitif", explique-t-il. Pendant un temps, lui et son frère, Sylvain, vendent aussi au Min des Arnavaux, le grand marché de gros marseillais. Mais depuis 5 ans, la famille a fait le choix de la vente directe à 100%. Et les résultats sont là. Un point de vente toujours animé, une clientèle fidèle et une exploitation qui n'a plus besoin d'intermédiaires.
Aujourd'hui, les Chiapello cultivent une dizaine d'hectares entre Aubagne et Roquevaire, dont 5 000 m² de serres. Mais tout n'est pas exploité. Les parcelles sont morcelées, souvent escarpées, parfois non irriguées. "On doit produire une soixantaine de variétés à l'année. Chaque jour, on propose une vingtaine d'articles différents", précise Lionel, membre du Ceta d'Aubagne, un collectif d'agriculteurs innovants.
La saga ne s'arrête pas là. Bastien et Anthony travaillent déjà à temps plein avec leur père. Officiellement chefs d'exploitation eux aussi, ils se partagent les tâches entre champ et magasin. "On s'engueule tous les jours, mais on s'entend bien", sourit Bastien. Leur génération incarne une continuité rare dans le monde agricole, où les reprises familiales sont de plus en plus difficiles.
Les 2 jeunes apportent aussi leur regard neuf. Bastien regrette par exemple que la clientèle vienne surtout de Marseille et peu des voisins immédiats. "Les gens d'ici nous connaissent, mais ce sont surtout les Marseillais qui font la route pour nos légumes cueillis du jour." Pour lui comme pour son frère, une fraise cueillie le matin et vendue dans la foulée est un argument imparable face aux circuits longs.
Malgré le succès, tout n'est pas simple. La pression foncière est énorme dans le secteur d'Aubagne, où l'urbanisation a grignoté les terres agricoles. "Trouver de nouvelles parcelles, c'est mission impossible", soupire Lionel. Circulation, voisinage, contraintes multiples... la proximité des lotissements complique aussi le quotidien.
L'eau est l'autre talon d'Achille. L'exploitation ne dispose pas d'un accès direct à l'irrigation, seulement d'un compteur agricole branché sur l'eau de ville, utilisé avec parcimonie. Lionel et ses fils appartiennent à l'Asamia, l'association qui gère les canaux d'irrigation de la Durance et du Verdon via le Canal de Marseille. Mais le réseau est vieillissant et les coûts explosent. "L'eau devient trop chère", s'inquiète Bastien.
Malgré ces obstacles, l'avenir s'écrit toujours à plusieurs mains. La famille planche sur un projet de modernisation du point de vente, avec une structure fermée et un parking digne de ce nom. "Les démarches administratives sont longues et compliquées, mais on ne lâche pas", affirme Lionel. Ce magasin, plus accueillant et adapté, symboliserait l'évolution d'une exploitation qui a toujours su se réinventer sans trahir ses racines. Depuis près de 100 ans, les Chiapello ont fait de la ceinture verte de Marseille bien plus qu'un terroir nourricier. Et quand on demande à Lionel s'il se voyait ailleurs qu'ici, sa réponse fuse : "J'étais parti pour travailler avec des grossistes, la vente ce n'était pas mon truc. Mais j'ai vite compris que ce que faisaient mes parents, c'était la solution. Et surtout, c'est ce que les gens attendent de nous".
Quatre générations après l'arrivée du grand-père Joseph, l'histoire continue donc. Avec Bastien et Anthony déjà aux commandes, la saga Chiapello semble prête à durer encore longtemps... sous le regard immuable du Garlaban !
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